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D’après Alternatives Economiques du 15 Janvier 2024

L’hydrogène « blanc », le nouvel Eldorado ?

Par Bruno BOURGEON

mercredi 7 février 2024, par JMT

L’hydrogène « blanc », le nouvel Eldorado ?

La découverte d’hydrogène à l’état naturel dans le sous-sol lorrain a suscité un fort engouement médiatique, mais des incertitudes demeurent sur la taille de cette ressource et son exploitabilité.

« Le plus gros gisement d’hydrogène blanc du monde découvert en Lorraine », « un trésor dans le sous-sol », « le nouvel eldorado français… » Certains titres de presse fleurent bon l’optimisme après l’annonce en mai 2023, de la « découverte d’hydrogène naturel dans le bassin minier lorrain » par l’entreprise La Française de l’énergie (FDE).

Hydrogène naturel ? On parle aussi d’hydrogène « natif » ou « blanc ». Ce gaz se crée de manière continue dans la croûte terrestre grâce à des interactions entre l’eau et certaines roches. Récupéré et purifié, il est directement utilisable, alors que l’hydrogène actuel doit être produit industriellement.

Deux techniques sont possibles : la première fait réagir du méthane et de la vapeur à très haute température – on parle de vapocraquage –, moyennant de fortes émissions de carbone. Il s’agit d’hydrogène « gris ».

La seconde technique fait passer un courant électrique dans de l’eau, c’est l’électrolyse, plus coûteuse mais décarbonée si l’électricité l’est aussi. C’est l’hydrogène « vert ».

L’hydrogène blanc est une curiosité géologique connue de longue date, mais sa découverte en Moselle est une surprise. En effet, si FDE a foré cinq puits d’exploration dans la zone ces 20 dernières années, c’est d’abord pour y trouver du gaz de couche, c’est-à-dire du méthane piégé dans les veines de charbon. C’est le fameux grisou tant redouté des mineurs.

FDE a d’ailleurs fini par obtenir de l’Etat l’autorisation d’exploiter ce gaz fossile, émetteur de GES, après une première demande rejetée et un recours devant le tribunal administratif.

Ce gaz de couche étant dissous dans l’eau d’un aquifère – c’est-à-dire une couche de roches souterraines poreuses –, l’entreprise s’est associée au laboratoire GeoRessources (Université de Lorraine / CNRS), qui a développé une sonde permettant de mesurer la concentration de ce gaz au fond du puits.

Les résultats semblent concluants : le gaz dissous dans l’eau est très chargé en méthane. Mais surtout, il contient de plus en plus d’hydrogène à mesure que l’on creuse, expliquent Jacques Pironon et Philippe de Donato : 6% à 800 mètres de profondeur, 15% à 1100 mètres, 20% à 1250 mètres…

« De telles proportions nous permettent désormais de considérer qu’à 3000 mètres de profondeur, la teneur en hydrogène pourrait dépasser 90%, d’après nos modélisations. Ce gisement lorrain pourrait contenir jusqu’à 46 millions de tonnes d’hydrogène blanc, c’est-à-dire plus de la moitié de la production annuelle mondiale actuelle d’hydrogène gris », écrivent les chercheurs dans The Conversation.

Si cette découverte suscite autant d’enthousiasme, c’est que l’hydrogène décarboné est amené à jouer un rôle crucial dans la transition énergétique, notamment pour remplacer l’hydrogène gris utilisé par l’industrie.

Mais les scientifiques tempèrent : « On est toujours dans les phases d’exploration. Il faut rester prudent. Ici, l’hydrogène est dissous dans l’eau, sous nos pieds. Il nous faut inventer de nouveaux systèmes pour l’exploiter », serine Jacques Pironon.

Les chercheurs comptent forer un nouveau puits de 3000 mètres pour mesurer in situ la vraie concentration d’hydrogène, mais ne sont pas sûrs que leur sonde fonctionne à une pression qui sera trois fois supérieure. Attention à ne pas brûler les étapes.

« On peut affirmer qu’on a trouvé des ressources d’hydrogène mais pas des « réserves », car ce mot désigne des quantités attestées scientifiquement, et encore moins un « gisement », ce qui supposerait qu’on puisse l’exploiter à un coût compétitif », explique Isabelle Moretti, chercheuse spécialiste de l’hydrogène et vice-présidente du pôle énergie de l’Académie des technologies.

Ces potentiels obstacles sont d’autant plus grands que l’industrie est balbutiante. Un seul site dans le monde exploite de l’hydrogène blanc, à petite échelle, pour produire de l’électricité.

Situé au Mali, ce projet pilote affiche certes un coût compétitif selon son opérateur – 0,5 dollar par kilo d’hydrogène contre 2 dollars pour l’hydrogène gris – mais le gaz est quasi pur, déjà sous pression, non dissous, et puisé à seulement 100 mètres de profondeur. Cela n’a pas empêché FDE de demander un permis exclusif de recherche en Lorraine, sur une large zone de 2254 km².

D’autres entreprises ont déposé des dossiers pour explorer le sous-sol du Jura ou des Pyrénées Atlantiques. Dans ce dernier cas, un premier permis a été accordé le 3 décembre 2023 par l’Etat à la société TBH2 Aquitaine. Les pouvoirs publics comptent accélérer ce mouvement.

Mi-décembre, pour les deux ans du plan d’investissement France 2030, Emmanuel Macron annonçait « des financements massifs pour explorer le potentiel de l’hydrogène blanc ». La France n’est pas le seul acteur à avancer ses pions dans cette nouvelle course mondiale. Australie, Etats-Unis, Brésil, Islande…

De nombreux pays sondent leur sous-sol à la recherche d’hydrogène. La ruée vers l’or blanc ne fait que commencer. Au vu des investissements nécessaires et des inconnues à lever, il est encore tôt pour affirmer que la Moselle sera le nouvel eldorado.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

D’après Alternatives Economiques du 15 Janvier 2024 https://www.alternatives-economiques.fr/moselle-leldorado-de-lhydrogene-blanc-loin/00109336

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