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D’après notre-planete.info du 11 Janvier 2024

Le chauffage au bois contribue au réchauffement climatique

Par Bruno BOURGEON

lundi 5 février 2024, par JMT

Le chauffage au bois contribue au réchauffement climatique

Poêle à bois © Christophe Magdelaine

L’exploitation de la biomasse pour se chauffer est toujours présentée comme un moyen neutre, moderne, écologique de répondre à l’urgence environnementale et climatique. Et pourtant, couper des arbres pour les brûler n’est pas une solution acceptable face à l’urgence climatique actuelle.

Une publication de l’European Academies Science Advisory Council (EASAC ), une structure européenne collaborative et bénévole d’aide à la décision en matière de science, mettait en garde, dès 2019, contre les prétendus bienfaits environnementaux du chauffage au bois.

Ces dernières années, la production mondiale de granulés de bois utilisant la biomasse forestière comme matière première a fortement augmenté, atteignant 60 millions de tonnes en 2023 (contre 24 millions de tonnes en 2019).

L’Europe est le principal producteur mondial de granulés de bois, avec une production de 30 millions de tonnes en 2023, la moitié de la production mondiale. L’Amérique du Nord arrive en deuxième position, avec une production de 18 millions de tonnes en 2023 (FAO)

La majeure partie de la production industrielle de granulés est destinée à la production d’électricité. En 2023, la puissance installée mondiale des centrales électriques à granulés de bois était estimée à 120 GW, principalement en Europe et en Asie avec respectivement 40 GW et 45 GW de puissance installée.

La production mondiale de granulés de bois devrait continuer d’augmenter dans les prochaines années vu les tensions sur les énergies fossiles et la hausse du coût de l’électricité.

Ainsi, selon les prévisions de l’Agence internationale des énergies renouvelables (IRENA), la production mondiale devrait atteindre 80 millions de tonnes en 2030.

Ce dynamisme s’explique par les règles internationales qui considèrent la biomasse forestière comme renouvelable, un bon moyen pour les pays d’atteindre leurs objectifs en matière d’EnR.

Par exemple, l’Union Européenne s’est donnée comme objectif de porter la part des EnR à au moins 42,5 % en 2030, dans le cadre du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » qui vise également à réduire les émissions de GES de l’Union européenne de 55 % d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 1990.

Environ la moitié des EnR de l’UE provient de la biomasse solide (Berndes et al., 2016 ; Eurostat, 2019). Si la combustion de biomasse forestière pour l’électricité et la chaleur est présentée comme un moyen écologique, local et efficace, selon l’étude de l’EASAC, les granules de bois libèrent au final plus de carbone que le charbon par unité d’électricité produite.

« Les granulés de bois ne sont pas une solution miracle pour fournir de l’électricité et de la chaleur sans contribuer au changement climatique. Même si l’UE et de nombreuses politiques nationales encouragent leur utilisation à grande échelle », explique le professeur Lars Walloe, président du programme environnement de l’EASAC.

Il ajoute : « pour le climat, il n’y a pas d’alternative à l’arrêt immédiat du charbon et d’autres sources d’énergie fossile. Mais nous avons également souligné à plusieurs reprises que, dans de nombreux cas, la substitution à grande échelle du charbon par la biomasse forestière accélérera le réchauffement climatique et augmentera les risques de dépassement des objectifs de Paris.

La raison est simple : lorsque la forêt est récoltée et utilisée pour la bioénergie, tout le carbone de la biomasse pénètre très rapidement dans l’atmosphère, mais il ne sera pas réabsorbé par de nouveaux arbres avant des décennies.

Cela n’est pas compatible avec la nécessité de s’attaquer d’urgence à la crise climatique », a déclaré le professeur Michael Norton de l’EASAC, directeur du programme environnement de l’EASAC.

Dans le cadre de l’urgence climatique, on ne peut plus considérer que l’exploitation des arbres pour les brûler reste neutre en carbone. Or, ce sont les règles de comptabilisation décrétées par les Nations Unies et qui sont ensuite transposées par les Etats.

En effet, conformément aux règles de l’ONU, la directive de l’UE sur les énergies renouvelables révisée fin 2023 et le système d’échange de quotas d’émission (ETS) de l’UE évaluent à zéro les émissions de carbone de toute utilisation de la biomasse.

Autrement dit, la biomasse est une source d’énergie considérée comme neutre en carbone, car elle libèrerait la même quantité de carbone qu’elle a absorbée pendant sa croissance.

Le système d’échange de quotas d’émission (ETS) de l’UE, est un marché carbone qui fixe un prix aux émissions de GES.

Les émissions de carbone de la biomasse sont exemptées du système ETS. « Cela donne une impression trompeuse aux consommateurs d’énergie et aux décideurs politiques, et ces échappatoires doivent être rapidement supprimées », ajoutait Michael Norton.

Il ajoute : « Le concept de neutralité carbone de la biomasse forestière avait peut-être une certaine validité en 2009 lorsque l’urgence de lutter contre le réchauffement climatique était moins largement reconnue et l’idée était simplement que la croissance de la biomasse élimine autant de CO2 de l’atmosphère que celui émis par sa combustion ».

« Mais l’accent est mis aujourd’hui sur la limitation du réchauffement climatique à 1,5 ou 2°C. Cela nécessite des actions urgentes, sans attendre la croissance de nouveaux arbres tout en pompant de grandes quantités de carbone dans l’atmosphère en brûlant des arbres pour produire de l’énergie », précise Michael Norton.

Or, les importantes subventions aux EnR mises à disposition dans certains États membres de l’UE ont entraîné une énorme augmentation de l’utilisation de la biomasse forestière, y compris le remplacement du charbon dans les grandes centrales électriques par des importations de bois, par exemple des États-Unis, du Canada ou d’autres pays européens.

Le processus de récolte des forêts pour produire des granulés de bois a été industrialisé à une échelle de plusieurs millions de t/an et transporté sur des milliers de kilomètres.

L’exploitation des forêts ne semble poser aucun problème : les industriels du bois martèlent que la forêt est bien gérée et les chaudières/poêles à bois se vendent comme des petits pains dans un contexte d’augmentation généralisée du coût de l’électricité en Europe.

Mais une forêt bien gérée ne l’est généralement que dans une approche commerciale : dans ce type d’exploitation forestière, la biodiversité est souvent faible , les machines pour couper et extraire le bois détruisent des milieux qui peuvent être fragiles, les essences plantées n’ont pas forcément d’intérêt écologique, l’absence d’arbres morts appauvrit le milieu et le bilan carbone retrouve sa neutralité après plusieurs dizaines d’années, un laps de temps maintenant beaucoup trop long.

Sur ce dernier point, la bioénergie se heurte au temps de récupération du carbone, qui est le temps qu’il faut aux nouveaux arbres en croissance pour réabsorber le carbone qui est libéré lors de la combustion.

Loin d’être neutre en carbone, la combustion de la biomasse forestière ajoute en fait du CO2 à l’atmosphère pendant la période de récupération du carbone, qui, pour les arbres les plus pertinents, se situe entre 50 et 100 ans.

Un délai incompatible avec l’urgence climatique qui réclame des mesures immédiates et drastiques. C’est pourquoi, l’EASAC recommande de mettre en place une période de récupération maximale qui soit compatible avec l’accord de Paris sur le climat.

L’EASAC note que, lors de la conférence de Madrid (COP25), des gouvernements nationaux veulent montrer leur succès. Des règles de comptabilité carbone trompeuses permettent de réduire les émissions nationales sur papier simplement en passant du charbon (où les émissions doivent être déclarées) à la biomasse importée (déclarée comme zéro émission).

« La biomasse forestière pour l’énergie est saluée comme la solution miracle proverbiale qui offre un avantage mutuel aux décideurs politiques, aux forestiers et aux sociétés énergétiques, car les règles actuelles lui permettent d’être subventionnée sans discernement en tant qu’EnR.

Mais pour le climat, c’est comme sauter de la poêle dans le feu », explique le Dr William Gillett, directeur du programme énergétique de l’EASAC.

Si les bûches de bois ou les granulés de bois sont donc considérés - à tort - comme une source d’EnR neutre en carbone qu’il faut encourager, leur combustion dans de mauvaises conditions peut également constituer une part significative de la pollution aux particules fines .

Ainsi, en France, en 2021, le chauffage au bois domestique était responsable de 35% des émissions nationales de PM 2.5, ainsi que plus de la moitié des très fines émissions en PM 1.0 (CITEPA). Or, plus les particules sont fines, plus elles pénètrent profondément dans l’organisme.

Rappelons que le Centre International de la Recherche sur le Cancer a déclaré en 2013 les particules fines comme étant cancérogènes pour l’humain .

En France, les particules fines sont responsables d’environ 42000 décès par an selon Santé Publique France , dont 17000 pourraient être évités en respectant les valeurs limites recommandées par l’Organisation Mondiale de la Santé.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

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