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D’après Alternatives Economiques du 05 Février 2024

Faut-il vraiment faire des bébés pour relancer l’économie ?

Par Bruno BOURGEON

mercredi 28 février 2024, par JMT

Faut-il vraiment faire des bébés pour relancer l’économie ?

Rentrée des classes à Toulouse, en septembre 2023 (Photo ADRIEN NOWAK / HANS LUCAS VIA AFP)

A-t-on besoin d’un « réarmement démographique », comme Emmanuel Macron le préconisait dans sa conférence de presse du 16 janvier ? A l’origine de l’inquiétude du président de la République, les derniers chiffres de l’INSEE sur la natalité.

En 2023, le nombre de naissances a atteint son plus bas niveau depuis 1945 avec seulement 678000 nouveau-nés.Mais au niveau économique, la nécessité de créer une nouvelle armée de petits soldats est contestée.

Entre natalistes inquiets pour la croissance de la production, d’un côté, et néomalthusiens défenseurs d’une réduction de la population face à l’épuisement des ressources naturelles, de l’autre, des voix plus nuancées se frayent aussi un chemin.

« A court terme, moins de naissances, c’est moins de coûts associés aux enfants pour les familles, expose Hippolyte d’Albis, professeur à l’Ecole d’économie de Paris (PSE). C’est aussi moins de dépenses publiques en matière d’allocations familiales, de crèches, de système éducatif – donc plus d’argent pour investir dans le reste de l’économie ou la transition énergétique ».

Finalement, cette baisse de la natalité serait une bonne nouvelle ? Pas forcément. L’économiste concède qu’ « à long terme, elle participe au vieillissement de la population qui est un facteur de ralentissement de l’économie ».

Population active : une baisse ambivalente
Pas de doute pour Alain Villemeur, directeur scientifique de la chaire Transition démographique, transition économique (TDTE), la chute de la natalité est « un problème pour l’économie ».

« Avec un indice de fécondité d’1,68 enfant par femme, le taux le plus faible depuis 1994, la population active, donc la population qui crée des richesses, va diminuer dans vingt ans », explique-t-il.

En effet, un enfant qui ne naît pas aujourd’hui, c’est un travailleur potentiel en moins dans les prochaines décennies. Selon Alain Villemeur, cela causera alors une pénurie de main-d’œuvre et ralentira notre activité économique.

Mais la conclusion est moins évidente pour Jacques Véron, démographe et directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques (Ined).

« Tout dépend de la situation sur le marché du travail dans vingt à trente ans. S’il y a une situation de presque plein-emploi et un chômage important, de nouvelles arrivées massives sur le marché seront défavorables à la croissance économique ».

Pour sortir des hypothèses, il faut regarder ce qui se passe à l’étranger. « Le Japon est un exemple probant des conséquences économiques du déclin démographique », observe Alain Villemeur.

Le vieillissement de sa population se poursuit depuis les années 1970 et son économie stagne depuis trente ans avec une croissance du produit intérieur brut (PIB) autour de 1%.

Le phénomène est plus récent, mais inquiète aussi en Italie. L’indice de fécondité y était de 1,25 en 2021, bien en dessous du seuil de renouvellement des générations de 2,1 enfants par femme.

D’après une étude de la direction générale du Trésor français, « depuis 2014, la croissance de la population en âge de travailler ne contribue plus que faiblement à la croissance potentielle du PIB », à la suite de la diminution de 5 % en dix ans de la population en âge de travailler.

Et même si des marges de manœuvre existent compte tenu du faible taux d’emploi des femmes, des jeunes et des seniors dans le pays, le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une diminution du PIB réel italien entre 2019 et 2050, quel que soit le niveau de participation de la population au marché du travail.

Une opportunité pour augmenter la productivité ?
A cela s’ajoute la stagnation de la productivité italienne depuis le début des années 2000, en partie à cause de la réduction du nombre d’heures travaillées (toujours en lien avec la baisse de la population en emploi).

« Le manque de jeunes et la fuite des cerveaux pèsent sur l’innovation et le dynamisme entrepreneurial », pointe l’étude. Mais le Trésor estime que ces effets peuvent être contrebalancés par des « niveaux d’instruction et de qualification supérieurs ».

Avec moins d’enfants dans les classes et une réallocation des deniers publics – économisés sur les prestations familiales – vers l’éducation, la thèse d’une hausse de la productivité est partagée notamment par Vincent Touzé, coresponsable du département « Enjeux économiques du vieillissement démographique » à l’OFCE.

« La baisse des naissances peut être le moyen d’allouer plus de dépenses par enfant pour mieux les former et qu’ils soient ensuite plus productifs ». Encore faut-il que l’Etat réalise ces investissements et les cible sur les secteurs d’avenir et en tension.

Reprenant l’exemple du Japon, Alain Villemeur souligne que la productivité n’a pas connu de rebond dans le pays. « Cela ne se concrétise pas parce que les écoles ferment et qu’il faut investir en amont dans l’éducation pour préparer le déclin démographique. En France, il faudrait le faire dès maintenant », estime le directeur scientifique de la chaire TDTE.

Le contre-exemple africain
Les cas du Japon et de l’Italie tendent à confirmer la thèse d’une croissance démographique entraînant l’économie avec elle. « Mais dans le cas de l’Afrique, le discours est inverse, signale Pauline Rossi, professeure d’économie à Polytechnique.

On considère que la trop forte croissance de la population dans ces pays empêche le développement économique et limite la sortie de la pauvreté car les ressources croissent moins vite que la population ».

Cela pose également un problème d’accès aux services publics de base (eau, électricité, logement, soins). La population grandit si vite que les Etats n’arrivent pas à suivre.

« La structure de l’économie et de la démographie en Afrique n’est toutefois pas la même qu’en Europe et en France », pondère Pauline Rossi. Néanmoins, l’effet de la croissance de la population sur le niveau de vie peut mécaniquement exister partout.

« S’il y a plus de production, mais qu’il faut la partager avec un plus grand nombre de personnes, cela ne fait finalement pas plus de richesses pour chacun », soulève Didier Blanchet, économiste et président du Comité de suivi des retraites (CSR).

Il explique alors que l’accroissement de la population n’améliore le niveau de vie que si le dynamisme démographique entraîne un dynamisme général, notamment de l’innovation, qui améliorerait la productivité.

Le vieillissement, un gouffre financier ?
Mais ce qui inquiète certains économistes n’est pas tant la baisse de la natalité que son cumul avec l’augmentation de l’espérance de vie, qui engendre mécaniquement un vieillissement de la population.

Au 1er janvier 2024, 44,8% de la population française n’était pas en âge de travailler et l’on comptait 39 personnes âgées de plus de 65 ans pour 100 personnes d’âge actif. Un ratio supérieur de 13 points à celui de 1994, selon les données de l’OCDE.

Problème : notre modèle social repose sur la prise en charge par la population active des dépenses des dépendants. Donc s’il y a plus de retraités et moins d’actifs, ça coince.

En 2022, France Stratégie soulignait que si la pyramide des âges en 2019 avait été la même que celle prévue pour 2039, les dépenses de protection sociale auraient bondi de 100 milliards d’euros et les recettes réduites de 20 milliards.

Mais la note précise que « l’effet mécanique du vieillissement attendu pour les 20 prochaines années est d’une ampleur comparable à celui des 20 dernières années. Pourtant, la protection sociale n’est pas en faillite ». On a donc déjà su s’adapter. Alors, y a-t-il de quoi s’inquiéter ?

« Il y a une réforme des retraites tous les quatre ou cinq ans, et on se préoccupe d’une baisse de la natalité dont les effets se révéleront dans vingt à trente ans. C’est loin ! », s’exclame Hervé Le Bras, historien et démographe, chercheur à l’Ined.

Plus partagé sur cette question, Hippolyte d’Albis considère que la relance de la natalité, prônée par le gouvernement, n’est de toute façon pas la solution. « Un nouveau baby-boom, cela signifie plus de dépendants à financer dans soixante-dix ans, donc cela ne répond pas au problème in fine ». L’économiste préconise plutôt des mesures en faveur de l’emploi des femmes, des seniors et des jeunes.

Immigration, décroissance et… choix des femmes
Un autre levier évoqué par presque tous les économistes et démographes est l’immigration. En moyenne âgés de 30 ans, les immigrés représentent une importante manne potentielle d’actifs. Des sortes de « naissances retardées », schématise Hervé Le Bras.

La politique en faveur de l’immigration a déjà fait ses preuves en Allemagne, où elle a permis de limiter, bien plus qu’en France, la baisse de sa population d’âge actif. L’économie outre-Rhin s’en est mieux sortie qu’en France dans les années 2010, malgré un taux de fécondité plus faible.

Néanmoins, pour fonctionner, la formule nécessite une immigration constante. « Les nouveaux arrivés participeront par la suite au vieillissement de la population, donc il faudra toujours de nouveaux migrants pour combler le déficit de population active », explique Jacques Véron.

Ce puits sans fond incite le démographe à penser qu’une population stationnaire serait plus souhaitable. Avant de se demander si la croissance démographique est bonne pour la croissance économique, ne faut-il pas d’abord se questionner sur la nécessité d’une croissance économique illimitée ?

« Une croissance indéfinie, tant démographique qu’économique, pèse sur l’environnement. Et une décroissance marquée entraînerait un vieillissement rapide de la population qui n’est pas gérable pour les finances publiques », développe Jacques Véron.

Au regard de l’impact de l’homme sur l’environnement, des chercheurs opposent les politiques natalistes aux limites climatiques. Les néomalthusiens recommandent même de freiner la croissance de la population. Selon eux, les ressources naturelles seraient insuffisantes pour répondre aux besoins de tous.

Reste que le choix final de la maternité revient aux femmes. « Et tout ne doit pas se décider à l’aune du critère économique », insiste Hippolyte d’Albis, pourtant économiste.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

D’après Alternatives Economiques du 05 Février 2024

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