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Trop d’Humains sur Terre ?

Première partie : pour la planète, faire moins d’enfants

Par Bruno BOURGEON

jeudi 8 septembre 2022, par JMT

Trop d’Humains sur Terre ?

Première partie : pour la planète, faire moins d’enfants

Explosion démographique (© Juan Mendez/Reporterre)

Douze ans. C’est le temps qu’il a fallu à l’humanité pour ajouter 1 milliard d’individus sur la planète. Alors qu’elle passait la barre des 7 milliards en 2011, l’espèce humaine comptera bientôt 8 milliards de congénères [1]. Le 15 novembre exactement.

La progression est conséquente, alors que la fécondité baisse : elle flirtait avec les 2,3 enfants par femme en 2021, d’après les dernières prospectives de l’ONU, parues le 11 juillet 2022 . Le taux était de 5 en 1950, et de 3,2 en 1990. D’après l’ONU, il va continuer à baisser pour atteindre le fameux 2,1 enfants par femme, taux auquel le remplacement des générations est assuré, dès 2050.

En 2021, 134 millions de bébés sont nés. Avec une progression de 1,12 % par an, l’Humanité enregistre 86 à 90 millions d’individus chaque année. L’ONU prévoit une progression jusqu’en 2080, date à laquelle elle atteindrait un pic autour des 10,4 milliards. Elle aura alors achevé sa « transition démographique »[2]. Avant cela, 2 milliards de vies humaines supplémentaires d’ici 2050. Croître moins vite, c’est croître.

Partout, les femmes enfantent moins. Le phénomène s’universalise. Dans toutes les cultures, sur tous les continents, le modèle de la famille à deux enfants gagne du terrain. Mais cette progression ne se fait pas de manière uniforme. Gardons en tête que les évaluations onusiennes sont révisées tous les deux ans et qu’elles sont sujettes à caution[3] : le moindre paramètre peut tout changer.

Entre la fourchette haute et la basse de 2022, il n’y a qu’un « demi-enfant ». Un demi-enfant de moins, ce sont 8,9 milliards d’humains en plus en 2100, un demi-enfant de plus, 12,4. Ce n’est pas la même chose. Mais les projections demeurent incertaines.[4].
Par ailleurs, parler de population humaine comme d’un « cheptel » global, c’est mettre tous les reliefs au même niveau. Idiot, car ce qui est vrai en Europe ne l’est pas aux antipodes. La natalité des pays les moins développés progresse six fois plus vite que celle des pays développés.

Depuis dix ans, les populations de vingt-sept pays ou territoires ont baissé d’au moins 1%, et celles de 61 pays doivent également se réduire d’ici à 2050 selon l’ONU[5] tandis que la fécondité dépasse les 2,1 naissances par femme en Afrique subsaharienne (4,6), en Océanie (3,4), en Afrique du Nord et Asie de l’Ouest (2,9) et en Asie centrale et du Sud (2,4).

Ailleurs la Russie voit sa population diminuer ; la Chine vieillit et perdrait 31,4 millions de personnes, soit 2,2% de sa population d’ici 2050 ; le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique, atteindrait 410 millions d’habitants en 2050 (le double d’aujourd’hui) ; au rythme actuel, il n’y aura plus aucun Japonais sur Terre en l’an 3000 ... Même si personne ne sait quelle sera la natalité d’ici quelques siècles et encore moins à quoi ressemblera le monde.

La moitié des 2 milliards d’enfants à naître d’ici 2050 proviendra de neuf pays : Inde, Nigeria, Pakistan, République démocratique du Congo, Éthiopie, Tanzanie, Indonésie, Égypte et États-Unis. Dans 5 ans, l’Inde sera le pays le plus peuplé du monde : chaque pays, chaque zone géographique est spécifique.

8, 9, 10, 11 milliards... Dans quelques mois, nous serons 8 milliards dans un système fini. 8 milliards de vies à nourrir, loger, habiller, déplacer, chauffer, éduquer, soigner ou faire rêver ; quels que soient l’âge, le niveau de vie, la situation conjugale, géographique, cultuelle, etc. Voilà le dilemme : constante ou non, notre population doit réduire son impact ; qu’il s’agisse des émissions de CO2, des blessures infligées à la biodiversité, des prélèvements des ressources (minières, halieutiques, etc.) et des usages de l’eau.

Sans compter qu’Homo-pas-si-Sapiens se pense seul, alors que 10 millions d’autres espèces ont aussi droit à des habitats et à des ressources pour survivre, vivre et se reproduire. Le Terre n’est pas une table à rallonge. En 2021, les émissions mondiales annuelles de CO2 ont atteint 34,9 milliards de tonnes .

La biosphère en absorbe environ 25% via ses puits de carbone naturels : le sol, les forêts en formation et les océans. Pour atteindre une neutralité carbone et une limitation de l’augmentation des températures à +2°C, chaque Terrien devrait émettre 2 tonnes de CO2 annuelles, pas plus. C’est déjà 16 Gt de CO2 rejetées dans l’atmosphère. Les ressources en énergies fossiles, en eau, sont « finies », et déjà en 2021, 4 milliards d’hommes et de femmes avaient des difficultés d’accès à l’eau.

Pour remplir nos assiettes, des chercheurs se sont demandé dans la revue Lancet si l’on pouvait nourrir une population de 10 milliards d’individus avec un régime sain le tout dans les limites de la planète . La réponse est oui, mais pas avec nos régimes actuels. Déjà, ces chercheurs préconisaient que l’on évite à tout prix les 11 milliards d’individus.

Jeudi 5 mai 2022. Le jour du dépassement écologique de la France. Le jour où la population française a épuisé les ressources produites en un an par le mince manteau qui l’enveloppe. À partir de ce jour, nous sommes allés au-delà de ce qu’offre la biocapacité de notre pays.

Et celui-ci arrive de plus en plus tôt dans l’année : au niveau mondial, le premier est tombé le 31 décembre 1969 . En 1996, il se situait début novembre. En 2007, le 6 octobre. En 2008, le 15 septembre... Dans dix ans ?

Au fait, combien pèse chaque nouveau petit Homo Sapiens ? En 2017, une étude de l’université de Lund en Suède a provoqué le buzz : éviter un enfant supplémentaire serait le geste le plus écolo qui soit. Il permettrait d’éviter 58,6 tonnes de CO2 par an. Mieux que de supprimer la voiture (2,4 tonnes évitées seulement) ou d’arrêter la viande (0,8 tonne).

L’université de l’Oregon a calculé le bilan carbone d’un bébé américain : 1644 tonnes de CO2 émis en moyenne au cours de sa vie, soit 5 fois plus qu’un bébé chinois et 91 fois plus qu’un bébé bengali. Faire un enfant en Occident a une conséquence écologique quasi infinie. Des parents écolos auront beau trier leurs déchets, manger local, bio et végétarien, supprimer les vols, se chauffer au bois ou pédaler pour aller travailler, leur descendance dégraderait leur bilan carbone ad vitam aeternam.

Un adulte peut être comptable de la moitié des émissions de CO2 de son enfant, et d’un quart du bilan carbone de son futur petit-enfant. Alors qu’il ne faudrait pas dépasser 2 tonnes annuelles, intégrer en sus le bilan carbone de personnes non encore nées, c’est la quadrature du cercle.

Rien n’est cependant figé : on attribue à une personne une trajectoire de CO2, de production de déchets, de comportements de vie, comme si tout était égal par ailleurs. La façon de vivre en 2042 sera bien différente de celle d’aujourd’hui. Le plus important est l’inertie démographique : même si nous faisions tout ce qui était possible de manière non coercitive pour réduire la population, la croissance continuerait. Donc l’emprise sur les ressources aussi.

Parmi les 80 mesures à prendre pour réduire nos émissions de CO2 de 80%, l’éducation des filles et le planning familial figurent en 6e et 7e positions[6]. Éduquer toutes les petites filles pour éviter la naissance de 2 milliards d’humains d’ici à 2050, c’est 85,42 Gt de CO2 en moins entre 2020 et 2050. Les avantages économiques du planning familial sur les énergies renouvelables ? 7 euros investis dans le planning familial peuvent éviter l’émission de 1 tonne de CO2. Bien moins cher que l’investissement dans l’éolien (24 euros environ) ou le solaire (51 euros).

« Distinguer la population de la consommation, c’est comme prétendre que la surface d’un rectangle dépend davantage de sa longueur que de sa largeur ». Dixit Paul Ehrlich, l’auteur en 1968 de La Bombe P , un best-seller[7] qui prédisait une croissance démographique exponentielle propre à terrifier le monde. Sa bombe n’a pas explosé, mais il a toujours défendu que le nombre n’était qu’un des facteurs qui perturbaient l’équilibre du système Terre.

Dans la foulée d’Ehrlich, le scientifique Barry Commoner a élaboré une équation (I = P x A x T) stipulant que les conséquences environnementales (I) sont le produit de la population (P) par le revenu par tête (l’abondance A) et les technologies utilisées (T). Elle signifie que ne pas évoquer le nombre comme nous le faisons régulièrement, c’est se priver d’un des paramètres de l’équation. Mais ne pas se pencher sur les modes de vie l’est tout autant.

Encore une fois, parler de population « globale » n’a pas de sens. À population égale, comment comparer les habitants du Laos, de la Finlande, du Japon, de l’Éthiopie ? L’humain doit subvenir à des besoins vitaux : eau, nourriture, logement. Il doit se déplacer, travailler, se divertir, produire et consommer. Chacune de ces actions peut se traduit en bilan carbone.

Selon le pays d’origine, un individu va émettre 40 tonnes de CO2 par an (Qatar) ou 2 tonnes (Burkina Faso). Dans certaines parties du monde, l’heure n’est ni à la sobriété ni à la perpétuation de la pauvreté. En Chine, la classe moyenne va atteindre près de 600 millions de consommateurs en 2030. Or, la classe moyenne mange plus de viande, achète plus de voitures et voyage plus souvent.

De son côté, le continent africain ne compte que pour 4% des émissions de CO2 et près de la moitié de sa population n’a pas accès à l’électricité. A-t-il vocation à rester pauvre ?

Viser 2 tonnes de CO2 par personne et par an est une gageure dans les pays développés. D’autant que le consommateur occidental n’a pas la souveraineté de ses choix. « Même les consommateurs riches ne sont pas responsables, ils décident bien de ce qu’ils achètent parmi ce qui est mis en vente mais pas de ce qui est produit, ni de la façon dont sont fabriqués les produits ; or ce sont ces décisions qui ont le plus grand impact sur l’environnement », écrivent Ian Angus et Simon Butler dans un livre[8]qui réduit pourtant à néant l’hypothèse d’une humanité en surpoids.

L’ironie de la chose, c’est que la plupart des gens ordinaires et leurs familles ne peuvent se permettre de vivre simplement. Se passer de voiture, c’est renoncer à un emploi, à un magasin, à la nourriture, aux aires de loisirs, aux dîners chez les amis, etc. On pourrait cibler les ultrariches et leur gloutonnerie ; en fait leur effet sur l’environnement découle du fait qu’ils possèdent et contrôlent les organisations et institutions dont les activités écocides excèdent celles de n’importe quel individu ou groupe d’individus.

Plus on est riche, plus on consomme de ressources, et pour avoir tous accès au même niveau de vie, nous devrions être moins nombreux. À l’inverse, plus on est pauvre, plus la Terre peut subvenir aux besoins d’un plus grand nombre d’humains. Il faut faire les deux. Il est évident que, parmi les plus riches, nous avons besoin de changer nos habitudes de consommation. D’un autre côté, des centaines de millions de personnes ont le droit absolu de consommer plus. Mais ajouter des consommateurs supplémentaires ne fait qu’exacerber le problème, c’est un axe vital. Il ne faut pas opposer consommation et population. Dans la droite ligne de ce que Paul Ehrlich disait.

Et si au nombre, nous ajoutions le temps et l’argent... En 2010, l’espérance de vie moyenne a dépassé 70 ans et le PIB moyen d’un Terrien se situe autour des 10000 dollars par an (avec des variations allant de 700 dollars à 120000 dollars selon les pays). Si nous sommes collectivement nombreux, riches et sur Terre plus longtemps, ça va mal se passer.

[1]D’après le rapport de prospective de l’ONU de 2022.
[2]La transition démographique désigne le passage d’un régime traditionnel où la fécondité et la mortalité sont élevées et s’équilibrent à peu près, à un régime où la natalité et la mortalité sont faibles et s’équilibrent également.
[3]Parfois, l’ONU est même défiée par d’autres chercheurs. Une étude financée par la Fondation Bill et Melinda Gates et parue en 2020 assure que la population mondiale devrait atteindre son pic en 2064 avec 9,73 milliards d’humains puis... 8,78 milliards en 2100. La méthode de calcul est basée sur la descendance d’une cohorte âgée de 50 ans, c’est-à-dire des femmes n’ayant plus de chance de tomber enceintes. Ils misent même sur un taux de fertilité mondial de 1,66.
[4]Page 27 de son rapport de 2022
[5]Page 6 de son rapport de 2022.
[6]Dans les trois premières positions : mettre fin aux fluides frigorigènes, augmenter la proportion de production d’électricité par les éoliennes terrestres, réduire le gaspillage alimentaire.
[7]2 millions d’exemplaires vendus.
[8]Une planète trop peuplée ? Le mythe populationniste, l’immigration et la crise écologique, éditions Écosociété (2015) .

Bruno Bourgeon http://www.aid97400.re

D’après Reporterre du 29 Juin 2022

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