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Trop d’Humains sur Terre ?

Deuxième partie : la vieillesse, l’autre défi démographique

Par Bruno BOURGEON

mardi 13 septembre 2022, par JMT

Trop d’Humains sur Terre ?

Deuxième partie : la vieillesse, l’autre défi démographique

La pyramide des âges (© Juan Mendez/Reporterre)

Dans la série de science-fiction des années 80, L’Âge de Cristal, les humains se sont réfugiés dans un dôme après un holocauste nucléaire. Nous sommes au XXIIIe siècle et les besoins vitaux sont fournis par des robots et des automatismes.

Nul besoin de travailler, l’humanité en sursis vit en apesanteur, mais débridée, jouisseuse et insouciante. Seule loi : éviter la pression démographique dans le dôme, aucun humain ne peut vivre au-delà de son trentième anniversaire... La logique des vases communicants est poussée jusqu’au bout. Le but n’est pas d’empêcher de naître, mais de mourir à temps.

Si la planète était un cargo, il y entrerait plus de monde qu’il n’en sort. Avec une espérance de vie grandissante, les tempes des Humains grisonnent : les plus de 65 ans constituent le groupe d’âge à la croissance la plus rapide. En 2018, ils étaient plus nombreux que les moins de 5 ans dans le monde et en 2050, ils le seront deux fois plus, d’autant qu’ils dépasseront les adolescents et les jeunes (15-24 ans). Une personne sur six aura plus de 65 ans (16%) en 2050, contre une sur onze actuellement (9%).

Le Japon, l’Italie et la Finlande composent le tiercé de tête des populations les plus âgées avec 29, 23, et 22.5% de plus de 65 ans dans leur population . La part des plus de 80 ans devrait tripler, passant de 143 millions en 2019 à 426 millions. En Chine, 35% de la population aura plus de 60 ans en 2050. Si rien ne change, dès 2045 l’État pourrait ravir au Japon son rang de pays le plus âgé de la planète.

L’enjeu est grand, puisqu’une personne âgée a un poids écologique supérieur à un jeune. Si l’on réduit l’individu à son bilan carbone, le règne du boomer est total]. Après avoir épluché les émissions basées sur la consommation de tous les groupes d’âge dans trente-deux pays, des chercheurs chinois, norvégiens, britanniques et japonais concluent que la part des seniors représentait 32,7% des émissions en moyenne en 2015, contre 25,2% en 2005.

Les moins de 30 ans, eux, représentaient 8% des émissions de ces pays en 2015, et 9% en 2005. Cette part élevée des seniors s’explique par les habitudes de consommation et de dépenses de cette génération qui a connu le plein emploi et l’essor de la consommation de masse. On compte 21 t de CO2/an/personne aux États-Unis ou en Australie, 19 t au Luxembourg et 12 t en Norvège.

Que cette génération se situe au sommet de l’échelle des émissions n’est guère étonnant : dans les pays occidentaux, elle dispose notamment d’un pouvoir d’achat lié à leur retraite assurée. Ici, le choix sociétal est déterminant. Au Japon, où les seniors sont responsables de la moitié des émissions, des communautés de logements doublés de systèmes de transport performants limitent déjà leur contribution carbone. D’une manière générale, le bilan carbone des nouveau-nés est plus étudié que celui des personnes âgées ou des malades pris en charge dans des établissements de soins.

Le défi n’est pas que numéraire. Le vieillissement implique des développements technologiques pour des populations ayant les moyens de se les offrir. Les besoins en connectivité, en réalité virtuelle, en mobilité, etc. s’accroissent, de même que les conséquences environnementales de la prise en charge.

Au-delà de son poids carbone, le vieillissement illustre une société prise en étau : la part de la population active baisse, les besoins de prise en charge s’accroissent. Le ratio de soutien potentiel (rapport population active/population retraitée) diminue inexorablement. Il atteint 1.8 au Japon et moins de 3 dans vingt-neuf autres pays, principalement situés en Europe et dans les Caraïbes. Il va continuer à chuter d’ici 2050, chamboulant le marché du travail, la performance économique et la pression fiscale. Retraite, protection sociale, financement des soins, inclusion sociale du grand âge, personnel soignant : de nombreux défis.

La démographie n’échappe pas non plus au cadre de pensée « croissantiste ». Après tout, l’équilibre économique de nos retraites ou de nos comptes publics ne trouve de solution que si l’on maintient la population. Pour lutter contre son vieillissement et alléger son bilan carbone, l’immigration pourrait jouer son rôle.

Prenons l’exemple des déplacés climatiques : rien qu’en 2018, 25 millions de personnes ont dû fuir leur pays. Si ces migrations vont s’intensifier à mesure que progresse le changement climatique, le vieillissement de la population se poursuivra aussi. Une politique d’accueil des réfugiés pourrait ainsi contribuer à maintenir la population active en Europe et compenser les pertes d’un excès de décès.

Mais dans leur immense majorité, les populations du Sud veulent continuer à vivre où elles sont nées, https://www.un.org/development/desa/pd/sites/www.un.org.development.desa.pd/files/files/documents/2020/Jan/un_2002_world_population_to_2300.pdf) confirment les études. Même en crise — guerre civile, sécheresse ou inondations —, les habitants émigrent à proximité ou dans un pays voisin, puis reviennent chez eux dès qu’ils le peuvent. Ils souhaitent vivre mieux, en paix, chez eux, comme le reste de l’humanité.

Un rapport de 2004 émis par le département des affaires économiques et sociales de l’Organisation des Nations unies indique que les immigrés venus des pays pauvres contribuent pour 4% à la croissance démographique des pays développés d’ici 2050 — aujourd’hui 3% —, ce qui rajeunira une Europe vieillissante, mais de manière limitée.

En Allemagne, le système fonctionne : les immigrés viennent pallier une partie des enfants que les « Ginks » et les « Dinks » (pour Double Income, No Kids ; soit Double revenu, pas d’enfants) ne veulent pas mettre au monde. Avec seulement huit naissances pour 1000 habitants, le solde est négatif (986000 décès, contre 773000 naissances en 2020), selon l’Office fédéral de la Statistique .

L’immigration permet à la population de se maintenir. Entre 2015 et 2021, 1.6 million de demandeurs d’asile sont venus de Syrie, d’Afghanistan, d’Irak, d’Iran et d’Érythrée. Le sommet du pic a été atteint en 2016, avec plus de 745000 demandes.

Plus de 43% d’entre eux ont reçu une reconnaissance durable, qu’il s’agisse d’un statut de réfugié ou d’une simple tolérance sur le territoire. À long terme, l’Allemagne ne devrait compter que 65 millions d’habitants, contre 83.2 millions en 2021.

La vraie tornade se situe en Chine : 485 millions de personnes auront plus de 60 ans en 2050[1]. En cela, la Chine a largement profité du fameux dividende démographique : une forte population en âge de travailler et la baisse du ratio des personnes dépendantes, qu’elles soient jeunes ou âgées. Il s’en est suivi une croissance économique folle, dopée par un réservoir de main-d’œuvre sans équivalent.

Sauf que l’une des conséquences du contrôle des naissances a été le vieillissement de la population. Le pays a beau avoir rouvert les vannes de la natalité, il ne pourra pas vraiment soutenir le programme de retraites. Le pays va « rétrécir » à partir de 2029, date attendue de son pic démographique, calculé aux alentours de 1.44 milliard d’habitants.. La Chine cumule de sacrés défis : elle lâche le contrôle des naissances au moment où sa population vieillit trop vite, et au moment où l’essor des classes moyennes alourdit son bilan carbone.

Le Japon a trouvé une alternative. Là-bas, les choses ont été largement anticipées dans les années 1980 pour absorber la vague argentée. À l’époque, la part des grabataires chez les plus de 65 ans augmentait et les capacités d’accueil étaient insuffisantes. L’ensemble faisait déraper les dépenses publiques.

Dès 1990, la politique volontariste de l’État japonais s’est inspirée de toutes les expériences internationales existantes, empruntant à chacune son point fort : elle a retenu le modèle de financement du système allemand, les care management[2]du modèle anglo-saxon et développé les modes variés de prise en charge, notamment en matière d’aide au maintien à domicile, des pays scandinaves.

Une taxe sur la consommation de 3% puis 5% a été créée pour financer l’ensemble, puis un système d’assurance spécifique, le Kaigo hoken (Support de longue vie), , a été ajouté. Sans le renouvellement des générations, ils ont su faire du vieillissement une opportunité : en gardant les personnes âgées au sein de la société active, c’est-à-dire au travail, dans les quartiers, à côté des écoles, dans les gymnases ou dans les parcs. Cela coûte cher, mais les personnes âgées ne sont pas délaissées. Un exemple à suivre ?

[1]D’après les données du département des affaires économiques et sociales des Nations unies.

[2]Dans sa note , Marie-Anne Fourrier précise : « Les care managers peuvent être aussi bien infirmiers, travailleurs sociaux ou thérapeutes. La plupart du temps, ce sont eux qui effectuent la visite d’expertise au domicile des usagers, au moment de l’évaluation initiale. Une fois le diagnostic posé, il leur revient d’élaborer le “plan d’assistance” à la personne et de l’actualiser au fur et à mesure de l’évolution de son état ».

Bruno Bourgeon http://www.aid97400.re

D’après Reporterre du 30 Juin 2022

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