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D’après Novéthic du 03 Mars 2024

« Greenblaming », quand l’écologie devient un bouc-émissaire

Par Bruno BOURGEON

vendredi 22 mars 2024, par JMT

« Greenblaming », quand l’écologie devient un bouc-émissaire

Le greenblaming, ou faire de l’écologie un bouc émissaire, au risque de l’inaction (Photo de Sander Weeteling sur Unsplash)

Le « greenblaming » est un nouveau phénomène qui entoure la transition écologique. Accusée de tous les maux, l’écologie devient peu à peu un bouc-émissaire dans les discours réactionnaires d’acteurs politiques ou économiques. Avec le greenblaming, l’inaction écologique se répand.

Après le greenwashing, le greenblaming est-il le nouveau phénomène qui menace la transition écologique et sociale ? Récemment mis en avant dans une note d’analyse du collectif Construire l’Ecologie, le greenblaming désigne les discours imputant des torts fallacieux à la transition écologique.

La colère manifestée par les agriculteurs en Europe en est un exemple, révélant la crispation qui entoure la question de la transition écologique et sociale. « Une partie de ceux qui portent la colère agricole ont fait croire que la crise du secteur est causée par les normes environnementales, la réduction de l’usage des pesticides… De ce fait, ils ont fait croire que l’on peut résoudre la crise agricole en supprimant ces réglementations », analyse Pierre Charbonnier, membre fondateur du collectif.

Une critique des réformes environnementales, que l’on retrouve un peu partout dans le débat public : agriculture donc, mais aussi transition énergétique, mobilités électriques, tous les secteurs semblent frappés par le greenblaming.

« On a une hausse très nette de cette tendance qui consiste à faire de l’écologie un bouc-émissaire ces dernières années, cela caractérise vraiment la période » explique le philosophe.

« Une partie de la société a peur d’être sacrifiée au nom de l’écologie, et parfois à raison, puisque les politiques menées ne sont pas pensées comme des mesures de justice sociale. Il y a des impacts sur l’emploi et les modes de vie qu’on n’anticipe pas assez… Et puis, certaines organisations politiques, économiques ou médiatiques, n’ont pas vraiment intérêt à mener cette transition. Tout cela explique que certains rejettent la transition écologique, par crainte, ou par intérêt ».

La directive européenne sur le reporting environnemental, accusée de miner la compétitivité des entreprises, le devoir de vigilance, rejeté par les Etats car jugé trop contraignant, en sont des exemples. Dans le secteur automobile, on reproche aussi aux normes environnementales de provoquer la hausse des prix des véhicules neufs.

Or, comme le montre l’analyse du collectif Construire l’écologie, ces critiques sont largement infondées : 85% de la hausse des prix des véhicules serait en réalité due à l’augmentation de la marge des constructeurs et de la taille des véhicules vendus. Certains acteurs, en croisade contre les véhicules électriques, les ont aussi accusés d’être trop polluants et trop gourmands en matières premières.

Là encore, ce sont des données démenties par les études scientifiques. Et pourtant, ces accusations parviennent à trouver des relais dans le monde politique, notamment à droite et à l’extrême droite, où l’on décrit volontiers l’écologie comme « punitive », ou pour citer Marine Le Pen en 2023, comme une menace.

Cette normalisation des discours de greenblaming est associée à de dangereuses injonctions à l’inaction. Une étude menée par Carbon Brief a ainsi montré que les discours appelant à retarder les actions de transformation environnementale avaient nettement augmenté ces cinq dernières années au Royaume-Uni.

Mais on le voit aussi partout en Europe. « Il y a une forme d’attentisme, qui consiste à ne plus mettre en œuvre de réglementation environnementale qui pourrait être coûteuse sur le plan politique, notamment à l’approche des élections européennes, tout est mis en pause », explique Pierre Charbonnier.

Insidieusement, le développement du greenblaming instille dans le débat public l’idée que la transition écologique serait néfaste, ou finalement pas si urgente, pas si essentielle. Pourtant, c’est bien l’inaction qui semble la plus dangereuse mais aussi la plus coûteuse. Encore récemment, la Commission Européenne calculait que maintenir le réchauffement climatique sous le seuil d’1,5 degrés éviterait près de 2400 milliards d’euros de pertes économiques.

Fin 2023, l’ADEME dévoilait également une étude montrant que tous les retards en matière d’inaction environnementale auraient des conséquences économiques majeures : -5 points de PIB en 2050, 1100 milliards d’actifs échoués. Des coûts économiques qui se répercutent forcément sur les plus fragiles.

Alors, comment sortir de cette impasse, et rendre la transition écologique désirable ? Pour Pierre Charbonnier, « la réponse c’est d’organiser une transition écologique plus juste, de mieux partager les efforts et les bénéfices de la transition ». En d’autres termes, accompagner la transition écologique pour permettre à chacun d’avoir accès à une vie décente, un travail épanouissant, des possibilités d’émancipation.

« Mais tout cela suppose de remettre certains intérêts économiques à leur place », rappelle le philosophe. Or, ce sont ces mêmes intérêts qui monopolisent aujourd’hui le débat autour de la transformation écologique, en l’accusant à tort de tous les maux.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

D’après Novéthic du 03 Mars 2024

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