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D’après Alternatives Economiques du 21 Décembre 2023

La France n’arrive pas à réduire les pesticides. En voici les raisons.

Par Bruno BOURGEON

vendredi 5 janvier 2024, par JMT

La France n’arrive pas à réduire les pesticides. En voici les raisons.

Epandage de pesticides

Parallèlement à sa décision de s’abstenir au niveau européen sur le glyphosate, le gouvernement repousse à 2030 l’ambition de diminuer de moitié l’usage des pesticides.

Mettre fin à 15 années d’échec des politiques de réduction des pesticides et réduire de moitié leur utilisation, telle est l’ambition du nouveau plan « Ecophyto 2030 », en cours d’élaboration et qui devrait être officiellement publié début 2024.

Le premier plan Ecophyto (2009) visait déjà, pourtant, à diminuer de moitié les utilisations de pesticides en dix ans. L’échéance de 2018 s’annonçant comme non respectée, celle-ci avait ensuite été reportée à 2025 par un plan « EcophytoII » publié en 2016. Mais alors que cette date, désormais, approche, la trajectoire reste toujours aussi éloignée de l’objectif.

Le nombre de doses-unités hectare (Nodu), cet indicateur adopté pour mesurer l’avancée des plans Ecophyto, n’a pas diminué de moitié, au contraire. Ce chiffre, qui reflète la surface traitée par une dose réglementaire a augmenté de 5% entre 2009 et 2021.

Le nouveau plan se veut « plus global », a expliqué le ministère de l’Agriculture à la presse, réaffirmant l’objectif de réduction des pesticides dans un ensemble de politiques publiées ou en cours d’élaboration : plan stratégique national dans le cadre de la politique agricole européenne, stratégie nationale sur la biodiversité, stratégie nationale bas carbone.

Les objectifs nationaux seront également déclinés dans des feuilles de route régionales. L’ambition est revue à la baisse non seulement en termes de délais mais aussi d’objectif de réduction des épandages.

Alors que le précédent plan fixait une cible de Nodu de 41 millions d’hectares (Mha) à l’horizon 2025, Ecophyto 2030 espère atteindre 50 Mha d’ici à 2030. Le ministère de l’Agriculture souligne tout de même que les utilisations de molécules classées comme cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques avérées (CMR1) ont été divisées par 10 entre 2009 et 2020.

Des baisses qui s’expliquent en partie par l’effort européen de ne pas autoriser la vente et l’utilisation de ces molécules. Certaines décisions de retraits peuvent cependant être assouplies grâce à un système de dérogation, qui a par exemple accordé 2 années supplémentaires aux néonicotinoïdes en 2021 et 2022, ou même neuf ans de sursis au dichloropropène, un insecticide utilisé par les producteurs de carottes.

Les dérogations ont dans certains cas valeur de droit, et elles empêchent les filières d’investir dans la recherche et développement. Dans la nouvelle mouture d’Ecophyto, une liste de 75 molécules susceptibles d’être interdites au niveau européen sera donc établie pour « mieux anticiper » ces évolutions réglementaires.

Dotées annuellement de 7 millions d’euros, les actions de recherche et d’innovation représentent une petite fraction de l’enveloppe totale du plan. Elles ont néanmoins permis de financer d’importants travaux, comme les expertises collectives de l’Inrae, qui ont démontré les dégâts des pesticides sur la biodiversité ou l’eau.

« En dix ans, la compréhension des effets des pesticides a été améliorée, et le portefeuille de solutions s’est étoffé, notamment sur le biocontrôle, ou les associations de cultures », défend Xavier Reboud, directeur de recherche à Inrae et président du comité scientifique d’orientation du plan Ecophyto.

Également financé par Ecophyto et basé sur le volontariat, le réseau de fermes pilotes Dephy a mis en œuvre avec succès un certain nombre d’alternatives sur le terrain, telles que le semage de plantes compagnes des cultures, qui permettent de lutter contre certains insectes ravageurs.

« Ces fermes ont progressé plus vite que le reste de la France, en réduisant de plus de 25% en moyenne leurs utilisations de pesticides par rapport à leur niveau d’entrée », souligne Virginie Brun, responsable de la cellule nationale d’animation.

En grandes cultures, le désherbage et l’introduction de nouvelles cultures comme les protéagineux (pois, féverole) permettent de limiter les besoins en fertilisants. Et de réduire les coûts : en diminuant les achats de pesticides et en diminuant le labour, les fermes Dephy réduisent même en moyenne leurs charges de 7% par rapport à leur niveau d’entrée.

Malgré tout, les marges baissent de 10% en moyenne, car la diversification introduit des cultures moins rentables que le blé ou le maïs dans les rotations. Toutefois, « ces calculs ne prennent pas en compte le fait que ces fermes peuvent aussi bénéficier de plus d’aides de la Pac, ou entrer dans des circuits de commercialisation en circuit court », note Virginie Brun.

Ces techniques alternatives peinent cependant à se diffuser au-delà du réseau. Le problème est économique : les produits phytosanitaires offrent une excellente protection par rapport à leur coût.

Le gouvernement avait envisagé d’augmenter la redevance pour pollutions diffuses payée par les agriculteurs de 20% en moyenne, avant de revenir en arrière le 5 décembre dernier.

Mais cet effort aurait été de toute façon insuffisant pour être dissuasif. « Pour avoir un réel effet de levier autour des alternatives, il faudrait multiplier le prix des solutions curatives par trois ou quatre », estime Xavier Reboud.

Instauré de manière expérimentale en 2016 avec le plan EcophytoII, puis pérennisé en 2019, le dispositif de certificat d’économie de produits phytosanitaires (CEPP) vise à corriger en partie ces biais économiques.

Sur le modèle des certificats d’économie d’énergie, chaque vendeur de pesticides doit désormais couvrir au moins 15% des volumes de pesticides vendus par des actions standardisées, parmi lesquelles notamment la vente de soufre pour remplacer les insecticides (26% des certificats), ou encore le semis de nouvelles variétés plus résistantes aux insectes (26% également en rassemblant blé, orge et colza).

Si les 15% ne sont pas atteints, les vendeurs peuvent alors se voir suspendre leur agrément de distribution de produits pour une durée allant jusqu’à six mois. Mais selon une note ministérielle de 2021, ce retrait d’agrément est appliqué non pas si une entreprise manque à ses obligations, mais si elle n’affiche pas dans son « plan stratégique » un objectif correspondant aux obligations.

Au total, en 2021, les entreprises ont donc rempli seulement 1/3 de leurs obligations. L’amende de 1500 euros prévue représente de toute façon une goutte d’eau pour des géants comme Bayer.

« Tout le monde considère que la réduction des pesticides est un enjeu d’agriculteurs, mais le secteur répond avant tout à des injonctions du marché », souligne Xavier Reboud.

Les nouvelles cultures introduites dans le cadre de la diversification, quant à elles, peinent à trouver acheteur : on entend beaucoup d’annonces sur les lentilles, les pois, ou le sarrasin, mais il n’y a pas encore vraiment de marché.

Les difficultés actuelles des agriculteurs bio à écouler leurs productions sont un défi supplémentaire. Car l’agriculture biologique (AB), qui interdit la majorité des pesticides de synthèse, reste au cœur du dispositif Ecophyto.

Entre 2009 et 2021, la surface certifiée en bio a bien progressé, passant de 5 à 10% de la surface agricole totale. Mais alors que des producteurs de lait, d’œufs, ou de céréales retournent au conventionnel faute de débouchés, le ministère reste flou sur les réponses que pourrait apporter Ecophyto dans ce nouveau contexte économique.

« Ecophyto n’a pas vocation à répondre à tous les enjeux », a réagi l’entourage ministériel. « Nous avons apporté beaucoup de solutions en matière de réduction de pesticides.

Au nom de la cohérence, il faut se donner les moyens d’atteindre l’objectif qui avait fixé en 2018 : atteindre 18% de surfaces certifiées en 2027 », défend Philippe Camburet, céréalier et président de la Fnab, syndicat de l’agriculture biologique.

D’autant que cet objectif de surface devrait être révisé en 2024 par un nouveau plan Ambition bio qui pourrait fixer une nouvelle cible de 20% de surface AB d’ici 2030, en accord avec la feuille de route de la planification écologique.

Une commission d’enquête parlementaire sur les raisons de l’échec de la France en matière de politique dédiées aux pesticides a confirmé la plupart de ces constats dans la synthèse de ses travaux publiée mi-décembre.

Parmi les solutions, augmenter la redevance pour pollutions diffuses, améliorer les évaluations de risques menées par les agences, réviser la déclinaison française de la politique agricole commune, ou encore instaurer une nouvelle taxe sur les entreprises agroalimentaires.

Autant de leviers dont l’harmonisation européenne sera complexe, alors que le Parlement de Strasbourg a rejeté le 21 novembre un projet de règlement qui visait à réduire de moitié les pesticides à l’échelle communautaire.

Bruno Bourgeon président d’AID http://www.aid97400.re

D’après Alternatives Economiques du 21 Décembre 2023

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