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D’après Bon Pote du 16 Août 2023

Les 10 mensonges les plus courants sur la voiture en France

Par Bruno BOURGEON

vendredi 15 septembre 2023, par JMT

Les 10 mensonges les plus courants sur la voiture en France

Voitures

Remettre en cause la place de la voiture individuelle en France, c’est comme critiquer une religion, s’assurer un torrent d’insultes. Et pourtant, il va bien falloir s’y pencher. Les transports représentent 32% des émissions territoriales de notre pays, et les émissions ont augmenté de 2.9% en 2022. Catastrophique.

Parmi les principales raisons, l’électrification trop lente du parc automobile, et le poids des véhicules. Les constructeurs continuent de vendre des SUV trop grands et trop lourds, à l’encontre des objectifs climatiques et des recommandations d’experts sur le sujet.

Depuis quelques années, certaines idées reçues, voire des mensonges, reviennent quasiment quotidiennement dans la presse et dans la bouche de certains politiques. Ce point de vue revient sur les 10 mensonges les plus courants de l’industrie automobile relayés par la Presse grand public.

Origine des achats urbains

1/ Piétonniser, c’est la fin des petits commerces
FAUX. La quasi-totalité des expériences de piétonnisation ont un effet positif sur le commerce. C’est ce que rappelle un retour d’expérience en Espagne sur 14 villes étudiées, et d’autant plus dans les petites et moyennes villes.

Même chose en Amérique du Nord, sur 45 cas étudiés, ces projets en faveur des piétons et cyclistes profitent presque toujours aux commerces.

Matthieu Chassignet réfute dans l’article d’Alternatives Economiques le « no parking, no business », avec une multitude d’exemples en France, comme Strasbourg, Arras, etc. L’explication ? La plupart des clients des commerces de centre-ville vivent à proximité.

Selon une étude du Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, la mobilité et l’aménagement), 84% des habitants de la ville-centre font leurs achats dans la ville-centre, 83% des habitants de la périphérie font leurs achats en périphérie.

Plus globalement, les études d’opinion révèlent systématiquement que les clients réclament des espaces apaisés et moins de voitures. Pour apaiser le trafic, le passage à 30 km/h en ville est une excellente mesure. Aux élu(e)s, commerçant(e)s et client(e)s qui liront ce papier : essayer, c’est l’adopter !

2/ Ce sont les pauvres qui utilisent le plus la voiture
FAUX, et pas aussi simple que cela. En dehors de certains cas particuliers, l’éloignement entre domicile et travail est en réalité proportionnel aux revenus du ménage.

Distance moyenne des déplacements

Les ménages les plus riches sont ceux qui se déplacent le plus en voiture. Alors que 70% des ménages les plus riches se rendent au travail en voiture, 38% des ménages les moins favorisés utilisent quotidiennement une voiture pour aller travailler. De manière générale, les ménages les plus pauvres recourent plus à la marche, au vélo et aux transports collectifs.

Les ménages les plus pauvres sont ceux qui possèdent le moins de voitures. Conséquence ou cause directe du précédent graphique, le taux de motorisation (= le nombre de véhicules possédés par un ménage) augmente avec les revenus. C’est logique, une voiture coûte environ 4200 €/an.

Les 10% les plus riches ont deux fois plus de voitures que les 10% les plus pauvres. Ils font 2.5 fois plus de km en voiture au quotidien et quatre fois plus de km en voiture pour leurs voyages.

Finalement, une politique qui consisterait à favoriser l’usage du vélo aurait un impact direct positif sur les ménages les moins favorisés. Le vélo est un outil de réduction des inégalités !

Part modale de la voiture

Taux de motorisation

3/ Le 110km/ h sur autoroute est une mesure injuste
FAUX. Limiter la vitesse à 110 km/h est une mesure évidente, efficace et juste. « C’est la seule mesure qui, du jour au lendemain, baisse les consommations de pétrole et nos émissions de GES de manière significative », selon Aurélien Bigo.

Cette infographie rappelle en 10 points les excellentes raisons de passer à 110 km/h sur l’autoroute

Les raisons de passer à 110 sur l’autoroute

4/ Une nouvelle autoroute, c’est bon pour le climat
FAUX ! Pour résumer l’effet des autoroutes sur les émissions de CO2 des transports, on peut reprendre les impacts sur les 5 leviers d’action de la transition énergétique des transports, cités dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).

Il apparaît ainsi que l’effet des autoroutes est négatif sur 3 des 5 leviers de transition :
* Demande de transport : de nouvelles infrastructures et la hausse de vitesse qu’elles entraînent, ont un effet à la hausse sur les km parcourus ;

* Report modal : l’infrastructure routière favorise l’usage de modes routiers fortement émetteurs, encourageant un report défavorable depuis des modes plus vertueux ;

* Efficacité : ces nouvelles infrastructures ne réduisent pas forcément les embouteillages, et encouragent au contraire des vitesses importantes, plus émettrices par kilomètre parcouru

Enfin, sur le levier d’intensité carbone ou de décarbonation de l’énergie, les effets sont plus indirects, mais les circulations rapides (pour les véhicules électriques) et les hausses de consommation (carburants liquides, gazeux, hydrogène) qu’entraînent ces infrastructures auront plutôt tendance à retarder ou à limiter les gains liés à une décarbonation de l’énergie déjà trop lente.

Les 5 leviers de décarbonation des transports de la SNBC

S’aligner sur l’objectif de neutralité carbone pour le secteur des TP devra aussi s’accompagner d’une baisse aussi rapide que possible des travaux de nouvelles routes soutenant l’étalement et l’émiettement urbain (et les hausses de distance qui en résultent), et aussi …l’abandon de projets de création et d’élargissement d’autoroutes. Le Pays de Galles et l’Autriche l’ont fait !

5/ Le passage à 30km/h en ville augmente la pollution
FAUX, le passage à 30 km/h en ville n’augmente pas la pollution Et c’est comme souvent, compliqué. De nombreux médias (Le Point, Turbo, Auto-Plus, France-Bleu…) ont prophétisé que cela entraînerait une hausse de la pollution émise par les véhicules en circulation. A l’appui, une étude du Cerema mettant à jour des courbes d’émissions de polluants par kilomètre en fonction de la vitesse moyenne des véhicules routiers.

Émissions de CO2e (à gauche) et de particules fines (à droite) d’une voiture selon la vitesse moyenne (source : Cerema)

Mais le changement de la limitation de vitesse en ville modifie les conditions, en fluidifiant le trafic et en évitant des accélérations inutiles. Ainsi la littérature nous dit qu’il n’y a pas de réponse simple sur le sujet du passage de 50 à 30 km/h, comme le montre une méta-analyse de l’ADEME sur les Impacts des limitations de vitesse sur la qualité de l’air, le climat, l’énergie et le bruit. Certaines études concluent à une hausse des émissions des véhicules, d’autres à une baisse.

Aussi le passage à 30 km/h en ville a d’autres bénéfices. L’impact des baisses de vitesse sur le report modal peut être au moins de deux natures. En rendant la voiture moins attractive avec une vitesse maximale plus faible, cela encourage à utiliser les autres moyens de déplacement.

Mais surtout, dans le cas du 30 km/h, c’est le rôle de sécurisation des mobilités actives (marche, vélo, etc.) qui permet de favoriser le report modal, et ainsi diminuer les volumes de trafic automobile et les émissions associées.

6/ La voiture électrique est pire pour le climat que la voiture thermique
FAUX, et de loin le sujet qui concentre le plus de désinformation en France ! En France, les émissions sont de l’ordre de 2 à 5 fois plus faibles pour la voiture électrique que pour la voiture thermique (essence ou diesel). La voiture électrique est plus émettrice de GES sur la phase de production du véhicule.

Ce surplus d’émissions est de 50 % (mais varie d’environ +20% à +100% selon les études) et est essentiellement dû à la fabrication de la batterie. Toutefois, à l’usage, les émissions d’un véhicule électrique sont 15 fois plus faibles que celles d’un véhicule thermique en France.

Voiture Electrique

En France, pour l’électrique, le gros des émissions provient donc de la production du véhicule. Et c’est là une différence majeure avec les véhicules thermiques en ce qui concerne les émissions sur leur cycle de vie.

Pour les véhicules au pétrole, c’est plus des 3/4 des émissions de GES qui sont liés à l’usage des voitures, c’est-à-dire à la production et la combustion des carburants.

Pour l’électrique, au contraire, c’est de l’ordre des 3/4 de l’impact climatique qui se concentre sur la production du véhicule, tandis que l’usage émet peu de CO2. Cette infographie résume les principales informations à retenir.

Kilomètres parcourus par jour

Trajets inférieurs à 2km

7/ La voiture est indispensable, on ne peut pas faire autrement
Parfois VRAI, mais ce n’est ni une généralité, ni une fatalité ! La marche ou le vélo étaient majoritaires avant le milieu du siècle dernier et sont aujourd’hui très largement minoritaires.

Historiquement, le report d’une mobilité majoritairement à pied vers une mobilité dominée par la voiture s’est faite en remplaçant des trajets de l’ordre de 1 km à pied en moyenne par des trajets d’environ 10 km en voiture. Cela a entraîné une explosion du nombre de kilomètres parcourus par personne.

La voiture est utilisée pour 72% des trajets domicile-travail. Mais même pour les Français dont le lieu de travail se trouve à moins de 2 km de leur domicile, 53% y vont en voiture. Il est probablement possible de réduire facilement ce chiffre.

Aujourd’hui, c’est avant tout le manque d’infrastructures qui démotive les Français. C’est vrai pour le vélo, mais aussi pour les autres types de transport. Un enjeu de taille relevé par le Haut Conseil pour le Climat dans son rapport annuel 2023, qui appelle également à investir significativement dans les transports publics.

8/ Avoir un SUV est indispensable !
FAUX, et heureusement pour nous !
L’explosion des SUV a moins de vingt ans. Ils représentaient moins de 10% des ventes en 2010 et 5% en 2008. De plus, dans une étude de l’ADEME, nous pouvons voir que la possession d’un SUV est bien plus fortement corrélée aux revenus qu’au lieu de vie :

SUV

Finalement, être propriétaire d’un SUV est davantage un marqueur social qu’un besoin indispensable. Quand on regarde le graphique ci-dessus, on se demande bien l’utilité d’un SUV à Paris. Sauf erreur, les routes de montagne n’y sont pas très nombreuses…

9/ La voiture, ce n’est pas si mauvais pour la santé
Nous sous-estimons les effets négatifs de la voiture sur la santé.
La pollution de l’air provenant des véhicules thermiques n’est pas le seul effet négatif de la voiture sur la santé :

* Les nuisances sonores : l’Agence de la transition écologique (Ademe) a même récemment estimé que les coûts sociaux attribuables aux nuisances sonores (dont 55% provient du trafic routier) seraient supérieurs à ceux attribuables à la pollution atmosphérique.

* Le manque d’activité physique : les infrastructures de transports sont majoritairement prévues pour la voiture et délaissent les autres modes de déplacement permettant une activité physique.

* L’aménagement du territoire favorisant la voiture consomme énormément d’espace, avec pour conséquences l’artificialisation des sols, la perte de biodiversité, etc.

10/ La voiture, c’est la liberté !
C’est un peu plus compliqué que cela. D’après Aurélien Bigo, la voiture s’est imposée dans nos mobilités, notre vie, nos territoires. Elle a indéniablement permis d’accéder à de nouvelles opportunités, de vivre à la campagne tout en travaillant en ville, de partir en vacances, d’élargir nos horizons.

Malheureusement, la promesse initiale de liberté s’est souvent transformée en dépendance, voire en addiction, quand le réflexe de la voiture empêche d’envisager les modes alternatifs, même quand ce serait possible. Tout cela pour se retrouver coincé(e) dans les embouteillages…

De plus, l’usage excessif de la voiture prive de liberté de nombreuses autres personnes (que les enfants jouent dans la rue, la liberté de faire du vélo à la campagne en sécurité, etc.)Plus simplement : combien de millions de Françaises et Français sont dépendant(e)s de leur voiture et aimeraient avoir une alternative ?

On rajoutera les remarques suivantes :

* La trop grande demande de mobilité du fait de la qualité du logement principal souvent insuffisante, de l’implantation réciproque du logement et des activités

* L’influence de la pub et de la pression sociale visant à faire croire qu’il FAUT bouger, partir en week-end, en vacances lointaines, inventer des trucs toujours plus compliqués, etc.

* L’inadéquation des modes de transport (faire 100 km en voiture, même électrique n’a rien d’écologique, les trains français sont catastrophiques car inadaptés, sous-financés et mal gérés)

* L’inadéquation des comportements individuels et collectifs tels que les achats compulsifs en ligne. Les livraisons soi-disant gratuites et express génèrent des tas de déplacements inutiles sans même parler des retours sans frais qui conduisent à des déplacements et des gaspillages

* L’appétence pour le bling-bling : on gaspille des dizaines de milliards à vouloir des trains autonomes (ce qui est juste une hérésie et un gouffre énergétique, par exemple 75% de pertes avec l’hydrogène), mais on fait rouler des camions sur autoroutes. On refuse les trolleybus, les trams sous caténaires, les trains sous caténaires sous prétexte de cherté alors que le problème est qu’il n’y a pas assez de trafic ferroviaire le long de routes encombrées.

Pour les trains ce n’est d’ailleurs que secondaire sachant qu’on ne fait rien pour s’adapter au climat qui perturbe les circulations en toute saison (vent, pluie, neige, verglas, gel, canicules, feuilles mortes, chutes d’arbres, inondation, glissements de talus), qu’on ne fait rien pour lutter contre le bruit quand on prétend doubler ou quadrupler le trafic tout en fermant des lignes, quand on vole régulièrement les câbles et équipements, quand les accidents avec des tiers humains ou animaux se multiplient, etc.

La solution existe, des voies ferrées en VRAI site propre, revêtues de panneaux solaires capables de produire 60 TWh soit 4 fois la consommation annuelle électrique du secteur ferroviaire français, au lieu d’aller stériliser des champs ou déboiser des forêts !

En réalité, il suffirait pour mettre la société française dans la bonne voie afin qu’elle comprenne la gravité de la situation et participe individuellement et collectivement au travail nécessaire de transformation d’introduire un « quota carbone » individuel et familial (après déduction des quotas carbones collectifs) décroissant de 5% par an (en moyenne (mais plus important pour ceux qui consomment plus que la moyenne) jusqu’à ce que l’empreinte collective des français revienne à « 1 planète » pour que chacun puisse se responsabiliser en étant obligé d’arbitrer entre ses envies (le dernier smartphone inutile ou le dernier SUV ou les fringues m’as-tu-vues) et ses besoins basiques (manger et se chauffer).

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

D’après Bon Pote du 16 Août 2023

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