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D’après Alternatives Economiques du 15 Février 2023

HVE, le label pseudo-écolo qui induit le consommateur en erreur

Par Bruno BOURGEON

vendredi 21 avril 2023, par JMT

HVE, le label pseudo-écolo qui induit le consommateur en erreur

Label « Haute Valeur Environnementale »

Porté par le gouvernement et le lobby agricole, le label « Haute Valeur Environnementale », affiché sur les produits alimentaires, induit le consommateur en erreur. Plusieurs associations viennent de porter plainte.

La Haute valeur environnementale (HVE) garantit que les pratiques agricoles utilisées sur l’ensemble d’une exploitation préservent l’écosystème naturel et réduisent au minimum la pression sur l’environnement (sol, eau, biodiversité...). Il s’agit d’une mention valorisante, prévue par le Code rural et de la pêche maritime, au même titre que « produit de montagne » ou encore « produit à la ferme ».

De loin, le logo ressemble à celui du mouvement anti-pesticides Nous voulons des coquelicots. Vilains copieurs. Son dessin est lui aussi en forme de fleur et de couleur ocre. A l’intérieur, on y voit un corps de ferme et un champ entouré d’arbres que survole un papillon.

En arrière-fond, le soleil se lève. Tout autour, on peut lire la mention « Issu d’une exploitation haute valeur environnementale ». De quoi rassurer, dans les rayons des supermarchés, le client éco-exigeant.

Le 20 janvier 2023, Générations Futures, ainsi que d’autres organisations environnementales et de défense des consommateurs (UFC-Que Choisir, Fédération nationale d’agriculture biologique, Réseau environnement santé) ont décidé de déposer un recours auprès du Conseil d’Etat pour « faire reconnaître la tromperie du consommateur » du label HVE et « mettre un terme au greenwashing entretenu par cette mention ».

Issue du Grenelle de l’environnement en 2007, cette certification est née d’une volonté de créer une troisième voie entre agriculture conventionnelle et agriculture biologique (AB). Le but est alors de valoriser les efforts d’exploitants qui décident de s’engager dans des pratiques plus durables.

A l’époque, même les organisations écologistes comme France Nature environnement (FNE) sont convaincues par le projet. Le label est officiellement lancé en 2012 et, à partir de 2016, les agriculteurs peuvent afficher le logo sur leurs produits dès lors qu’ils respectent le cahier des charges élaboré par la Commission nationale de la certification environnementale (CNCE).

Face à un démarrage lent du dispositif, les pouvoirs publics décident alors de soutenir activement le label. En 2018, la loi pour une alimentation saine et durable (Egalim) impose à la restauration collective de proposer 50% de produits de qualité à partir de 2022 et rend les produits HVE éligibles.

Dans le cadre du plan de relance de la France, rebelote : la loi de finances 2021 prévoit un crédit d’impôt pour les cultures certifiées HVE. Au même plan que l’AB.

En mai 2021, le gouvernement veut aller plus loin et annonce que les exploitations HVE pourront avoir accès aux « éco-régimes » institués par la nouvelle politique agricole commune (PAC) pour la période budgétaire 2023-2027.

Ces aides financières conditionnelles, censées récompenser et encourager les agriculteurs aux pratiques environnementales plus vertueuses, doivent remplacer les anciens « paiements verts » européens.

Cependant, chaque Etat membre a le choix dans la manière de mettre en œuvre les orientations de la future PAC et doit définir à cette fin un plan stratégique national (PSN) qui doit être approuvé par la Commission européenne.

En France, le gouvernement souhaite que les conditions d’accès aux nouveaux éco-régimes soient les moins contraignantes possibles de sorte que la plupart des exploitations puissent continuer à percevoir les mêmes montants d’aides.

Les exploitations labellisées HVE pourront donc y avoir accès, au même titre que celles en agriculture biologique. A l’époque, on parle d’une enveloppe budgétaire comprise entre 1,3 et 2 milliards d’euros par an.

Résultat, le nombre d’exploitations labellisées explose en quelques années et passe de 786 en 2017 à près de 25000 début 2022. Le petit logo rouge, populaire chez les viticulteurs, intéresse désormais toutes les filières. Mais avant même l’annonce du gouvernement, plusieurs études estiment que le cahier des charges du label HVE n’est pas suffisamment exigeant.

Une première note confidentielle de l’Office Français de la Biodiversité (OFB), remise aux ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique fin 2020 et révélée par Le Monde en mai 2021, soutient que les critères retenus pour le label HVE « ne permettent pas de traduire une plus-value environnementale des exploitations concernées ». Et pour cause, puisque les agriculteurs en question ont peu d’efforts à fournir.

En pratique, la certification peut être obtenue par deux voies. La « voie A » nécessite d’obtenir des points sur quatre indicateurs que sont la biodiversité, l’irrigation, l’usage des phytosanitaires et la fertilisation. Problème, bon nombre de critères, sur l’irrigation notamment, sont des obligations de moyens et non de résultats.

D’autres, en particulier sur l’utilisation des engrais chimiques, sont à peine plus exigeants que la réglementation courante. Concernant les pesticides, le label enjoint certes à une réduction de l’usage, mais les seuils retenus ne sont pas contraignants. Des intrants parmi les plus toxiques pour la santé sont autorisés.

Quant à « la voie B », il s’agit pour les agriculteurs de prouver que la part des engrais et pesticides de synthèse est inférieure à 30% de leur chiffre d’affaires. Mais des données statistiques montrent que pour les filières à forte valeur ajoutée comme la viticulture, ou à fort coût de main-d’œuvre comme le maraîchage, ce seuil est trop facilement atteint.

Les représentants de l’agriculture biologique bouillent de rage. La version initiale du gouvernement prévoit d’accorder pour les éco-régimes un niveau de rémunération égal aux exploitations certifiées Agriculture biologique(AB) et HVE.

Face aux critiques, le ministère de l’Agriculture commande une nouvelle étude à l’OFB en septembre 2021 afin de faire le bilan de cette certification contestée. L’institut public fait appel à deux consultants qui confirment, dans leur rapport remis en octobre 2022, que « l’effet propre de la certification HVE sur les changements de pratiques des exploitations certifiées – et donc sur l’amélioration de leurs performances environnementales – est globalement limité ».

En comparaison, les exploitants en agriculture biologique doivent réaliser d’importants efforts agronomiques et sont contrôlés régulièrement, parfois de manière inopinée. Une enquête menée par Interfel en 2022 sur les fruits et légumes a cependant montré que 55% des personnes interrogées croient que le label HVE est soumis à un cahier des charges strict.

Pour éviter d’induire le consommateur en erreur, les auteurs recommandent donc de changer le nom de la certification. Ils suggèrent également à l’exécutif de relever le niveau global des indicateurs existants de la voie A et de supprimer la voie B.

Mais l’étude n’est pas encore parue que le gouvernement, tout en promettant une révision du référentiel à l’avenir, soumet une première version du plan stratégique national à la Commission européenne fin décembre 2021. La réponse ne se fait pas attendre.

En mars 2022, la Commission Européenne soutient elle aussi que le gouvernement doit mettre en place un nouveau cahier des charges plus exigeant pour le label HVE avant de lui accorder l’accès à l’éco-régime. De plus, l’exécutif français est invité à prévoir des rémunérations différenciées pour l’agriculture biologique et les exploitations certifiées HVE.

Le ministère de l’Agriculture doit donc revoir sa copie avant juin 2022 pour une mise en œuvre des nouveaux paiements verts le 1erjanvier 2023. L’exécutif démarre alors une série de consultations à marche forcée. Le 30 juin 2022, alors que l’étude commandée à l’OFB n’est toujours pas publiée, le gouvernement annonce un référentiel revisité.

Plusieurs éléments controversés ont été revus. La voie B est écartée. Pour percevoir les éco-régimes, le gouvernement a aussi rehaussé les indicateurs de biodiversité. Enfin, il a été décidé que les aides octroyées aux agriculteurs AB dans le cadre des éco-régimes seraient plus élevées que celles des exploitations HVE.

En août 2022, la Commission européenne valide la nouvelle version. Mais les organisations environnementales ne sont toujours pas convaincues. Le processus de labellisation, d’abord, les laisse sceptiques. L’appellation de la certification est toujours la même. Surtout, les ONG et organisations de santé s’offusquent que l’usage d’engrais et de pesticides de synthèse dangereux soit toujours autorisé.

Certes, avec le label HVE, les agriculteurs ne peuvent pas répandre des produits classés CMR1 (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques de catégorie 1), soit les plus toxiques. « Mais de toute façon la quasi-totalité de ces substances était déjà interdite », rappelle Nadine Lauverjat.

En revanche, les CMR de catégorie 2, moins dangereux mais tout de même persistants dans les milieux aquatiques et nocifs pour les abeilles, ne sont pas éliminatoires. Face à ces critiques, le gouvernement a promis de revoir le référentiel. Les requérants, eux, n’y croient plus et demandent à la haute juridiction la suppression pure et simple du label. Suite au prochain épisode.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

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