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D’après Reporterre du 14 Mars 2023

Crise écologique : les scientifiques passent à l’action

Par Bruno BOURGEON

vendredi 14 avril 2023, par JMT

Crise écologique : les scientifiques passent à l’action

Protestation de scientifiques à l’aéroport d’Ibiza en novembre 2022

Blouse blanche et menottes aux poignets. En novembre dernier, une douzaine de chercheurs ont été placés en détention en Allemagne. Leur délit ? S’être collé avec de la glu à des automobiles de luxe. Depuis l’appel à la rébellion lancé par plus de 1000 scientifiques, la révolte gronde dans les labos. Tribunes dans les médias, blocages, manifestations, soutiens à des activistes lors de procès…

Plus habitué aux colloques feutrés qu’à l’arène médiatique, le monde de la recherche fait-il sa révolution ? « L’engagement des scientifiques n’est pas récent », rappelle Nathalie Jas, historienne des sciences au sein de l’Inrae.

Tout au long du XXe siècle, ingénieurs, chercheurs et experts ont pris position dans le débat public. La traduction du livre de Rachel Carson, « Silent Spring », en 1962, a vivement ému les milieux académiques. En 1975, 400 physiciens ont mis publiquement en cause le programme nucléaire français.

Entre 1970 et 1975, le groupe et le journal Survivre et vivre a fait de l’écologie son cheval de bataille : « La lutte pour la survie de l’espèce humaine, et même de la vie tout court, menacée par le déséquilibre écologique croissant causé par une utilisation indiscriminée de la science et de la technologie et par des mécanismes sociaux suicidaires, et menacée également par des conflits militaires liés à la prolifération des appareils militaires et des industries d’armement », selon l’un de ses fondateurs, le mathématicien Alexandre Grothendieck. Certains de ses membres sont allés jusqu’à déserter le milieu académique.

« Il y a aussi eu de nombreux actes moins visibles, comme le fait de fournir des informations à des groupes militants, ou de refuser certains financements », souligne Nathalie Jas. Une forme d’engagement « en coulisses », qu’assume Jean Jouzel.

« J’estime que je suis engagé, car j’accepte de sortir de ma tour d’ivoire de scientifique, en m’exprimant face au public, en répondant aux sollicitations des politiques », estime le climatologue, qui a notamment participé au Grenelle de l’environnement en 2008, puis à la campagne de Benoît Hamon en 2017.

Pour cet ex-membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), « ce qui a changé, c’est le sentiment d’urgence » : « Les nouvelles générations de chercheurs se sentent sans doute encore plus concernées par le changement climatique, et ils sont prêts à aller plus loin pour interpeller ».

Un avis partagé par Agnès Ducharne, hydrologue et directrice de recherche au CNRS : « La catastrophe est de plus en plus imminente, mais rien ne change, observe-t-elle. Il nous faut donc agir, en utilisant tous les moyens à notre portée pour interpeller ».

Dès 2018, des chercheuses et chercheurs ont ainsi préparé la réplique. Atelier d’écologie politique (Atécopol ), Labo 1.5, puis Scientifiques en rébellion, lancé en 2020.

La marmite ne cesse de bouillir. « On a changé d’échelle en 2022, avec des actions coordonnées dans plusieurs pays, rapporte Kévin Jean. À l’automne dernier, on a eu un afflux de membres, c’était sans précédent ».

Pour Laure Teulières, historienne et membre de l’Atécopol, le nouveau est l’ampleur du mouvement : « On ne parle pas de personnalités fortes qui prennent la parole ou de lanceurs d’alerte isolés, il s’agit d’un changement plus profond, dit-elle. Il n’y a qu’à voir les tribunes, signées à chaque fois par des centaines de chercheurs ». Une mutation qui touche toutes les disciplines, la biologie, la sociologie, les mathématiques.

Autre originalité, le mode d’action choisit par nombre de scientifiques : la désobéissance civile. « Il s’agit d’une tactique utilisée en dernier recours, parce que tout le reste n’a pas fonctionné », appuie Kévin Jean.

Pour l’épidémiologiste, les académiques auraient même un devoir d’agir : « Nous jouissons d’un certain crédit, d’une confiance, que nous pouvons mettre au service de la cause environnementale, explique-t-il. D’une certaine manière, nous crédibilisons le mouvement climat en étant à leur côté. Nous incarnons le fait que les militants écolos sont du côté des consensus scientifiques ». Autre intérêt : les universitaires s’exposent à moins de risques que d’autres en menant des actions désobéissantes.

S’agit-il pour autant d’une lame de fond, prête à renverser les paillasses ? « Il y a encore des résistances », convient Laure Teulières, rappelant l’appel d’Heidelberg, publié en 1992 lors du Sommet de la Terre, qui affirmait que « l’humanité a toujours progressé en mettant la nature à son service ». « Cet imaginaire du progrès, économique, technique, humain, est toujours présent chez certains collègues », souligne-t-elle.

Autre obstacle à surmonter, « la posture de pseudo neutralité scientifique », selon les mots de l’historienne. En clair, l’idée selon laquelle les chercheurs n’ont pas à prendre position publiquement. « La science n’est jamais totalement neutre », défend Mme Teulières.

Même son d’éprouvette du côté de Kévin Jean : « On n’est pas sans valeur, en apesanteur, on dépend de financements décidés par des élus, on est inscrits dans des processus politiques ». La méthode scientifique, notamment la validation des résultats par des pairs, permet en revanche une rigueur, une forme d’objectivité… et des savoirs robustes.

Mieux : « plusieurs études suggèrent que les scientifiques apparaissent plus crédibles en agissant en accord avec les alertes écologiques qu’ils peuvent lancer », soutenaient le chercheur et des collègues.

« Ce mode d’action reçoit aussi une adhésion impressionnante de la part de scientifiques », ajoute-t-il, citant le soutien massif reçu par deux chercheurs étasuniens mis à l’écart suite à leur engagement climatique.

Pesticides, banques investissant dans les projets fossiles, aéroports... Les scientifiques en rébellion entendent dans tous les cas multiplier les actions en 2023.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

D’après Reporterre du 14 Mars 2023

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