AID Association Initiatives Dionysiennes

Ouv zot zié !

Accueil > Politique > Le coup de gueule de Ralph Nader

Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2023-079

Le coup de gueule de Ralph Nader

Par Ralph Nader, traduction par Jocelyne Le Boulicaut

jeudi 20 juillet 2023, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Le coup de gueule de Ralph Nader

Le 5 juin 2023 par Ralph Nader / Nader.org

Ralph Nader est un militant politique, auteur, conférencier et avocat américain connu pour son engagement dans la protection des consommateurs, l’environnement et la réforme du gouvernement. Fils d’immigrants libanais aux États-Unis, Nader a étudié à l’université de Princeton et à la faculté de droit de Harvard.

Ralph Nader : Avant qu’il ne soit trop tard, il faut faire reculer cet État guerrier au profit de l’ État providence. Dites à vos élus de mettre fin à la course aux armements et de conclure des traités de contrôle des armements avant que des armes décentralisées de destruction massive et des erreurs de calcul ne conduisent à la Troisième Guerre mondiale - ce qui serait la guerre mondiale terminale.

Le budget militaire, qui engloutit plus de la moitié des dépenses de fonctionnement du gouvernement fédéral, a été exonéré par Biden et les Républicains du Congrès de toute réduction dans l’accord sur la limitation de la dette qui vient d’être conclu. Sont également exclus de ces mesures de réduction les centaines de milliards de dollars de subventions diverses accordées chaque année aux grandes entreprises qui profitent de l’aubaine.

La plupart des réductions porteront sur les programmes nationaux qui protègent la santé, la sécurité et le bien-être économique du peuple américain. Des coupes seront également opérées dans le budget de l’I.R.S. [agence du gouvernement fédéral des États-Unis qui collecte l’impôt sur le revenu et des taxes diverses, NdT] qui est en manque d’argent, ce qui affaiblira encore sa capacité à poursuivre les super-riches qui fraudent le fisc et les grandes entreprises qui échappent à l’impôt.

Le GOP (les Républicains) a maintenu son soutien à l’évasion fiscale à grande échelle, ce qui alimente des déficits plus importants. Biden a également accepté de ne pas revenir sur les réductions d’impôts accordées par Trump à ces mêmes ploutocrates et corporatistes qui se refusent à payer en faveur de ces guerres non déclarées de l’Empire dont ils profitent largement.

Bienvenue en Amérique, terre de liberté, patrie des braves, en plein somnambulisme au pays des cons. Et ce n’est pas tout. Non seulement le Pentagone, et indirectement les géants de l’armement comme Lockheed Martin, Raytheon et General Dynamics, ont été épargnés, mais tant le Parti démocrate que le Parti républicain leur ont dit de se préparer, dans les années à venir, à recevoir des dizaines de milliards de dollars supplémentaires que les généraux et Biden n’ont même pas demandés.

Biden veut augmenter de 48 milliards de dollars le budget du Pentagone de l’année dernière, et les législateurs de Capitole Hiil, adeptes du chèque en blanc, sont enclins à lui emboîter le pas. À l’exception de quelques dizaines de progressistes, le soutien à ce Niagara de dollars est bipartite, alors même que le budget du Pentagone n’est et n’a jamais été soumis à aucun audit.

Des hélicoptères UH-60 Black Hawk et AH-64 Apache décollent de la base militaire G510 en République de Corée, le 26 mars 2007, lors de l’exercice Reception, Staging, Onward movement, and Integration / Foal Eagle 2007. Cet exercice annuel conjoint de commandement et d’entraînement sur le terrain démontre la détermination des États-Unis à soutenir la Corée du Sud contre les agressions extérieures tout en améliorant la capacité de combat et l’interopérabilité interarmées/combinée. (Photo de l’U.S. Navy par le spécialiste en communication de masse de 1ère classe Keith DeVinney) (Diffusé)

Et pourtant, depuis 1992, le département des « offensives » viole la loi fédérale qui exige que le ministère de la défense présente chaque année au Congrès un budget susceptible de faire l’objet d’un audit. Tous les ministres de la défense reconnaissent ce manquement et promettent d’y remédier. Pourtant, année après année, la violation de la loi se perpétue.

Personne n’est en mesure de se faire une idée précise de la gabegie, de la redondance et des dépassements de coûts gigantesques auxquels se livrent les grandes entreprises militaires, choyées par le gouvernement, dans le cadre d’accords garantis par ce dernier.

En l’absence d’audits d’investigation menés par le Congrès, en l’absence d’instructions données au GAO (Government Accountability Office), le chien de garde du Congrès, pour qu’il effectue ses audits spécifiques qui sont négligés et sous-financés, et sans donner la parole à des experts budgétaires tels que William Hartung ou de professionnels militaires compétents tels que le colonel à la retraite Lawrence Wilkerson et le professeur émérite du MIT Ted Postol, on ne peut rien faire pour contrôler le Pentagone.

Le duopole bipartite a transformé le Congrès en une gigantesque pelleteuse déversant sans contrôle des fonds destinés à l’armée, afin de permettre à vos représentants et sénateurs de se vanter à tort d’être « musclés en matière de défense », plutôt que d’être les protecteurs de l’argent de vos impôts.

Et pendant ce temps, sur notre territoire, les écoles se délabrent, les transports publics existants sont dangereusement vétustes et requièrent des réparations, tout comme les ponts, les routes, les cliniques, les ports, les aéroports, les systèmes publics d’approvisionnement en eau potable et les installations de gestion des déchets.

L’impérialisme donne naissance à la guerre (Source Znet)

L’entretien des terrains et des parcs nationaux souffre cruellement des retards de maintenance. Les fonds nécessaires pour lutter contre l’érosion des terres et la pollution toxique de l’eau et de l’air sont insuffisants.

Il est plus que honteux de voir l’incapacité dans laquelle se trouve le Congrès à apporter son soutien à des programmes dont on a désespérément besoin, tels que Head Start et d’autres programmes visant à réduire la faim chez les enfants, le nombre de sans-abri et la pauvreté qui touche 80 millions de personnes, soit sans assurance maladie, soit insuffisamment assurées.

Pourquoi les États-Unis, la nation la plus riche de la planète, offrent-ils moins à leurs citoyens que les pays d’Europe occidentale et le Canada ? Réponse : à cause de la mainmise des grandes entreprises sur les budgets publics !

En outre, nous sommes dramatiquement mal préparés pour faire face aux pandémies à venir, tout comme nous l’avons été pour la COVID-19, ainsi que pour faire face à l’aggravation des catastrophes naturelles dues à la violence climatique perpétrée par les géants des combustibles fossiles (Chevron et Exxon Mobile, par exemple) qui contrôlent le Congrès.

Mais bon, notre machine de guerre peut pulvériser à distance un groupe de jeunes gens qui marchent tranquillement sur une route poussiéreuse au Yémen, grâce à un opérateur de drone qui appuie sur des boutons en Virginie et au Nevada. Plus d’un trillion et demi de dollars (1500 milliards) seront dépensés pour moderniser nos bombes nucléaires et le même montant sera gaspillé pour des avions de combat F-35 stratégiquement inutiles.

Et rappelez-vous, citoyens, que lorsque le gouvernement parle de guerre, organise la guerre, possède des bases militaires dans une centaine de pays et provoque la belligérance, des guerres sont susceptibles de se produire.

Pas même le montant correspondant à l’achat d’un F-35 n’est consacré à la consolidation de la paix, à l’ouverture de négociations de cessez-le-feu et au renforcement des efforts en vue de la conclusion de traités internationaux de contrôle des armements, comme cela a été le cas sous les présidents Jimmy Carter, Ronald Reagan et Bill Clinton.

Il n’y a pas de Département de la Paix, et le Département d’Etat est plus belliciste que le Pentagone dans sa guerre des mots. Nous sommes toujours dans l’attente du projet de loi du député Jim McGovern (Démocrate-Massachussets) visant à créer un tel département - une priorité qu’il s’était fixée bien avant son élection au Congrès.

On peut espérer que les hauts gradés du Pentagone - les généraux et les amiraux, dont certains prévoient de prendre leur retraite pour devenir des consultants ou des cadres de l’industrie de l’armement - donneront aux abrutis déchaînés du Congrès une leçon de retenue patriotique.

Le Congrès doit apprendre à dire « non merci » lorsqu’il reçoit plus d’argent que demandé et à utiliser ces fonds pour aider à sauver des centaines de milliers de vies en Amérique, perdues chaque année à cause de la pollution toxique, des négligences qui auraient pu être évitées dans les hôpitaux, de l’épidémie d’opioïdes, du tabac, de l’alcool, des risques professionnels et bien plus encore.

En l’absence d’une telle perspective, les dizaines de petits groupes citoyens de défense de la paix et les organisations telles que Veterans for Peace devraient créer une journée nationale intitulée « Journée nationale pour réduire et auditer le budget militaire, pour sauver des vies américaines », afin de faire naître une mobilisation populaire nationale ciblée sur les bureaux des membres du Congrès au Capitole et dans les États fédérés. Il n’y a pas de temps à perdre !

Afin que les choses changent, remplissez les salons de réception des membres du Congrès de citoyens en faveur de la paix et de la justice. Que nos élus commencent enfin à entendre le grondement d’un peuple en ébullition porteur d’arguments imparables étayés par des preuves irréfutables.

Dites-leur de mettre fin à la course aux armements et de conclure des traités de contrôle des armements avant que des armes de destruction massive décentralisées et des erreurs de calcul ne conduisent à la troisième guerre mondiale - la guerre mondiale terminale.

Ralph Nader

Version imprimable :