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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2024-023

La catastrophe annoncée des usines d’élevage

Par Zane McNeill, traduction par Jocelyne Le Boulicaut

samedi 2 mars 2024, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

La catastrophe annoncée des usines d’élevage

Le 14 février 2024 par Zane McNeill, TRUTHOUT

Zane McNeill est rédactrice pour Truthout. Elle est titulaire d’une maîtrise en sciences politiques de l’Université d’Europe centrale et est actuellement inscrite à la faculté de droit de l’Université de Denver (Sturm College of Law). On peut la suivre sur Twitter : @zane_crittheory.

Des vaches dans un corral au Jordan Dairy Farms Heifer Facility à Spencer, Massachussetts, le 5 juin 2020 (Adam Glanzman / Washington Post via Getty Images)

La population animale des fermes industrielles américaines a doublé en 20 ans.« Ce système alimentaire non pérenne [...] doit être réformé avant qu’il ne soit trop tard », a déclaré un avocat.

De nouvelles données issues du recensement agricole 2022 du ministère américain de l’agriculture (USDA) montrent que 1,7 milliard d’animaux sont actuellement élevés chaque année dans des fermes industrielles aux États-Unis, soit une augmentation de 6% par rapport à 2016 et de près de 50% par rapport à il y a 20 ans.

« Les fermes industrielles les plus importantes, celles qui sont néfastes pour les agriculteurs, l’environnement et la santé publique, sont de plus en plus nombreuses », a déclaré Anne Schechinger, directrice du Midwest pour l’Environmental Working Group (EWG), dans un communiqué.

« Les nouvelles données de l’USDA montrent que si on ne change pas de politique, les fermes industrielles continueront à s’agrandir, causant des ravages pour la santé publique, l’environnement et le climat ».

Les États-Unis comptent actuellement 24 000 fermes industrielles , ou usines d’élevage intensif, qui confinent un grand nombre d’animaux dans des espaces restreints.

Il est difficile de se représenter les quantités ahurissantes d’animaux soumis à ces conditions cruelles. Les données récentes de l’USDA révèlent que les fermes industrielles comptant 500 000 poulets de chair ou plus ont produit près de 1,4 milliard de poulets de plus en 2022 par rapport à 2012.

« L’Amérique d’aujourd’hui est véritablement devenue une nation d’élevage industriel. Le statu quo législatif à Washington favorise cette frénésie de consommation dans l’Amérique rurale », a déclaré Amanda Starbuck, directrice de recherche de Food and Water Watch (FWW).

Entreprise avicole ayant pour objet l’élevage de viande ou d’œufs destinés à l’alimentation (Photo chayakorn)

« Alors que les élevages industriels chassent les éleveurs traditionnels de leurs terres, nous nous retrouvons avec un nombre croissant d’animaux dans des élevages industriel qui produisent d’énormes quantités de déchets ».

Chaque année, ceux-ci produisent 420 millions de tonnes de lisier, soit plus du double du volume d’eaux usées généré par l’ensemble de la population des États-Unis.

« Au cours des cinq dernières années, cela représente 23 millions de tonnes de plus qu’en 2017, ce qui équivaut à la création d’une nouvelle ville de 39 millions de personnes (ou près de deux zones métropolitaines de New York) », a déclaré le FWW dans un communiqué.

Le stress lié à l’enfermement dans les élevages industriels, associé au grand nombre d’animaux confinés dans la promiscuité, provoque l’effondrement du système immunitaire des animaux.

Pour tenter de compenser le nombre d’animaux qui meurent avant d’être tués en vue de la consommation par les consommateurs, les élevages industriels utilisent les trois quarts des antibiotiques utilisés dans le monde , ce qui provoque l’apparition de bactéries résistantes aux antibiotiques et diminue l’efficacité des antibiotiques chez l’homme.

Les antibiotiques relâchés dans l’environnement par les déchets animaux polluent les eaux de surface et les eaux souterraines et mettent en danger la santé publique .

En fait, selon un rapport de World Animal Protection, la surutilisation des antibiotiques dans l’agriculture industrialisée entraîne la mort prématurée de près d’un million de personnes par an et cause chaque année dans le monde, des pertes économiques à hauteur de 400 milliards de dollars.

Elevage porcin industriel (Photo : Andrew Skowron)

« Nous enfermons plus d’animaux pour produire de la nourriture - dont une grande partie est exportée - que jamais auparavant dans l’histoire », a déclaré à Truthout, Delcianna J. Winders, professeure associée de droit à la Vermont Law and Graduate School.

« Ce qui n’est pas exporté, c’est la quantité monumentale de déchets produits par ces animaux, plus de deux fois la quantité générée par chaque personne dans le pays ». En 2021, les États-Unis ont exporté 225 000 tonnes de bœuf , principalement vers la Corée du Sud, le Japon et le Mexique.

Deux des plus grands producteurs de porc aux États-Unis, JBS, une multinationale brésilienne, et Smithfield Foods, Inc. une filiale du conglomérat chinois WH Group, ont pénétré le marché américain dans le but d’exporter de la viande américaine à l’étranger.

Ces entreprises étrangères ont reçu des milliards de dollars de subventions du gouvernement fédéral. « Ce système alimentaire non durable, qui est en grande partie le résultat des subventions accordées par les contribuables à l’élevage industriel, doit être réformé avant qu’il ne soit trop tard », a déclaré Winders.

Les élevages industriels sont également responsables de l’aggravation du changement climatique. World Animal Protection estime que l’élevage industriel est responsable à lui seul de 12 % des émissions mondiales, soit 6,2 milliards de tonnes de CO2 par an. Ces émissions dépassent celles de l’ensemble de l’industrie des transports.

Bien qu’il soit reconnu que les pays riches doivent de plus en plus s’attaquer aux émissions de gaz à effet de serre provenant de l’agriculture intensive pour atteindre leurs objectifs en matière de climat, les États-Unis continuent de laisser l’agriculture largement en dehors de toute réglementation. Malheureusement, il s’agit d’une tendance mondiale.

Les animaux d’élevage sont abattus alors qu’ils n’ont atteint qu’une infime partie de leur durée de vie naturelle.. (Source Meat the truth for your kids)

Alors qu’un récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) reconnaît la nécessité d’une transition rapide vers un système alimentaire basé sur les plantes pour éviter un effondrement catastrophique de la planète, les défenseurs de l’environnement et des animaux affirment que le récent sommet sur le climat COP28 à Dubaï n’a pas suffisamment pris en compte les dommages environnementaux de l’élevage industriel.

Toutefois, les groupes de défense de l’agriculture raisonnée continuent de plaider en faveur d’un système alimentaire qui donne la priorité à la durabilité. « La bonne nouvelle, c’est que le Congrès peut nous faire évoluer vers un système alimentaire plus respectueux du climat, de l’environnement, des animaux et des êtres humains dès maintenant grâce à la loi sur l’agriculture », a déclaré Winders.

Néanmoins, les défenseurs de l’environnement et des animaux, tels que la National Sustainable Agriculture Coalition, exigent que la prochaine loi agricole réforme ses programmes sur les productions vivrières et la protection de l’environnement afin de remédier à cette situation et d’augmenter le financement de ses programmes d’incitation à la protection et à la qualité de l’environnement.

La Farm Bill est la principale loi fédérale qui exerce une influence tant sur la production que sur la consommation de denrées alimentaires aux États-Unis. Elle alloue des fonds aux programmes de nutrition, aux productions vivrières, aux assurances sur les récoltes et aux mesures de protection de l’environnement.

Ses programmes de subventions tendent à favoriser les exploitations agricoles les plus importantes et les plus riches du pays , principalement celles qui se spécialisent dans la production de soja, de blé et de maïs, dont une grande partie est utilisée pour l’alimentation animale .

Trayeuse (Crédit : Andrew Skowron/We Animals Media)

Parallèlement à la Farm Bill, les défenseurs des intérêts de l’agriculture exhortent le Congrès à adopter le Farm System Reform Act, un projet de loi présenté lors de plusieurs sessions législatives par le sénateur Cory Booker (Démocrate-New Jersey), qui imposerait un moratoire sur la construction de nouvelles fermes-usines.

« Les bénéfices vont dans les coffres privés, tandis que notre population et notre environnement sont laissés pour compte. Assez, c’est assez, le Congrès doit adopter la loi sur la réforme du système agricole afin d’interdire l’élevage industriel dès maintenant », a déclaré Starbuck.

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