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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2024-016

Serait-ce le début de la fin du gaz de fracturation ?

Par Mike Ludwig, traduction par Jocelyne Le Boulicaut

mardi 13 février 2024, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Serait-ce le début de la fin du gaz de fracturation ?

Le 27 janvier 2024 par Mike Ludwig, Truthout

Mike Ludwig est un journaliste de Truthout. Il vit à la Nouvelle-Orléans. Il est également l’auteur et l’animateur de "Climate Front Lines", un podcast consacré aux gens, aux lieux et aux écosystèmes se trouvant en première ligne pour lutter contre la crise climatique. Suivez-le sur Twitter : @ludwig_mike.

Un navire de transport de gaz naturel liquéfié est amarré à la rivière Calcasieu le 7 juin 2023, près de Cameron, en Louisiane (on Shapley / Houston Chronicle via Getty Images)

Sous la pression des défenseurs du climat, Joe Biden appuie sur le bouton "Pause" concernant les nouvelles exportations de gaz. Cette décision est une victoire pour le climat et les communautés de la Côte du Golfe du Mexique, mais les militants préviennent toutefois qu’on peut facilement revenir sur une "pause"

Après avoir subi la pression croissante des défenseurs du climat et des communautés locales de la côte du Golfe du Mexique, l’administration Biden a annoncé vendredi une pause dans les nouvelles autorisations de projets de terminaux d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL), que les environnementalistes qualifient de « bombes climatiques » susceptibles de perpétuer la pollution mondiale due aux combustibles fossiles pour plusieurs dizaines d’années..

« L’annonce de Biden montre deux choses. D’une part, les marches, les pétitions et l’organisation militante des communautés locales, des jeunes et de leurs alliés fonctionnent », a déclaré Collin Rees, directeur du programme américain d’Oil Change International, dans un communiqué. « Et deuxièmement, Biden craint que son hypocrisie climatique ne lui coûte son élection s’il ne fait pas de réels progrès en ce qui concerne les combustibles fossiles ».

En raison du boom de la fracturation et de la construction frénétique de terminaux d’exportation le long des côtes américaines, les États-Unis sont le premier exportateur mondial de gaz fossile liquéfié, un procédé de production et de distribution mondiale qui laisse échapper dans l’atmosphère des quantités considérables de méthane, responsable du réchauffement climatique, et ce, à pratiquement chaque étape.

Dans un communiqué, la Maison Blanche a déclaré que les États-Unis pouvaient « mettre en pause » les autorisations d’exportation de manière à permettre de moderniser tout le cycle en tenant compte des nouvelles considérations environnementales et économiques, tout en continuant de répondre aux attentes énergétiques des pays alliés en Europe et au-delà.

Au moins 17 projets de terminaux d’exportation attendent l’approbation du ministère de l’énergie de Biden, et cette pause pourrait compliquer les plans de construction du CP2, un énorme terminal d’exportation prévu à Cameron Parish, dans le sud de la Louisiane.

Une cheminée de la centrale de cogénération de Linden (New Jersey), 22 avril 2022. Kena Betancur / Vieuwpress

Le CP2 permettrait de développer les opérations de traitement et d’exportation à proximité des terminaux existants qui émettent déjà des polluants atmosphériques et perturbent les pêcheries locales en raison du recours à d’immenses méthaniers transportant du gaz.

La semaine dernière, des pêcheurs de Cameron Parish ont grâce à leurs bateaux, perturbé une conférence sur l’énergie à la Nouvelle-Orléans afin de protester contre le CP2 et le développement généralisé du GNL, qui, selon eux, transforme les riches bayous et la région côtière de la Louisiane en une friche industrielle.

Travis Dardar, pêcheur autochtone de Cameron Parish et fondateur de l’association Fishermen Involved in Sustaining our Heritage, a qualifié l’annonce de « victoire » et sa communauté est satisfaite de constater que l’administration Biden « nous écoute enfin ». Toutefois, les militants de terrain veulent mettre un terme définitif à l’expansion des exportations de GNL.

« Une pause peut être remise en question à tout moment » a déclaré Dardar dans un communiqué vendredi. « Nous savons par expérience à quel point ces entreprises d’exportation de gaz peuvent être impitoyables. Elles nous ont fait gober ces terminaux d’exportation de gaz, détruisant nos zones de pêche, engorgeant avec leurs énormes méthaniers le chenal que nous utilisons et relâchant constamment des fumées toxiques dans l’air ».

La suspension des nouveaux permis d’exportation de GNL par le ministère de l’énergie donnera aux régulateurs le temps d’actualiser le processus pour la première fois en cinq ans, ce qui devrait permettre de mieux prendre en compte les impacts climatiques et économiques lorsqu’un terminal GNL est proposé, notamment les coûts répercutés sur les consommateurs nationaux lorsque du gaz bon marché est expédié à l’étranger.

L’administration Biden comprend de mieux en mieux le marché mondial du GNL et les « impacts nocifs du méthane pour notre planète », a déclaré la Maison Blanche. Cette décision pourrait aider Biden à séduire les jeunes électeurs progressistes qui se révoltent contre l’expansion continue des combustibles fossiles et son soutien à la terrifiante guerre d’Israël contre Gaza.

Il s’agit également d’un rameau d’olivier en direction des activistes de terrain comme Dardar dans le sud de la Louisiane, ainsi que pour les communautés locales dans l’est du Texas, où l’industrie des combustibles fossiles domine le paysage et où les terminaux GNL existants polluent l’air.

Des pêcheurs et des militants écologistes en première ligne protestent contre la construction d’une infrastructure d’exportation de gaz naturel liquéfié en Louisiane lors d’une réunion du Sommet de l’énergie des Amériques à la Nouvelle-Orléans, le 19 janvier 2023. (Photo : Louisiana Bucket Brigade)

Dans ces communautés, la promesse de l’administration de construire de nouvelles infrastructures d’énergie propre est complètement éclipsée par l’expansion de l’industrie du GNL, qui convoite la côte du Golfe comme étant la voie la plus rapide pour envoyer du gaz de fracturation à l’étranger.

« Nous devons également nous prémunir de manière adéquate contre les risques pour la santé de nos communautés, en particulier les communautés locales aux États-Unis qui subissent de façon disproportionnée le fardeau de la pollution en provenance des nouvelles infrastructures d’exportation », a déclaré la Maison Blanche dans un communiqué qui fait écho au mouvement grandissant contre le GNL.

Tyson Slocum, directeur de l’énergie au sein du groupe de surveillance Public Citizen, a déclaré que les dirigeants des grandes compagnies pétrolières ont poursuivi une politique de « l’Amérique au dernier rang » en poussant agressivement à l’exportation et en escroquant les consommateurs.

« Le fait de reconsidérer l’impact des exportations de combustibles fossiles sur notre économie et notre climat constitue une étape essentielle dans la protection des ménages américains contre l’impact des exportations de GNL sur l’augmentation des factures énergétiques », a déclaré Slocum dans un communiqué.

Cependant, une pause n’a de sens que si elle est durable, selon Wenonah Hauter, directrice exécutive de Food & Water Watch et opposante de longue date de l’industrie pétrolière et gazière.

Compte tenu des quantités massives de GNL déjà exportées et des nombreux projets supplémentaires déjà approuvés et en cours de construction, tout nouveau critère d’autorisation permettant la construction de terminaux d’exportation de GNL à l’avenir serait « inutile ».

« Il faut espérer que cette pause marque le début de la fin des exportations de combustibles fossiles en Amérique », a déclaré Hauter dans un communiqué.

Rees a déclaré que « le vent tourne » en défaveur des exportations de GNL, mais des rapports récents d’’Oil Change International montrent que la production américaine de pétrole et de gaz continuera à progresser en dépit des politiques d’énergie propre de Biden, telles que les investissements verts financés par la loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act).

« Les exportations américaines de pétrole et de gaz étant en forte hausse, il n’y aura pas de fin en vue si Biden ne bloque pas les nouvelles infrastructures de combustibles fossiles », a déclaré Rees.

La plus grande partie des terminaux d’exportation de GNL prévus et existants se trouvent dans des communautés noires, hispaniques et à faibles revenus qui sont déjà confrontées à des risques élevés de cancer et à des risques respiratoires à cause de leur exposition aux polluants.

Les législateurs européens ont été les derniers à rejoindre le chœur des climatologues, des militants de terrain et des pêcheurs de crevettes et d’huîtres du bayou qui mettent en garde Biden contre toute autorisation de nouveaux terminaux d’exportation de GNL.

L’industrie pétrolière et gazière a toujours affirmé que de nouveaux terminaux d’exportation américains étaient nécessaires pour répondre aux besoins de l’Europe en matière d’énergie et de sécurité, mais 60 membres progressistes du Parlement européen, ainsi que des législateurs nationaux d’Irlande, de France, d’Allemagne et de Suède, affirment qu’il s’agit là d’une « mauvaise interprétation » .

L’installation d’exportation de GNL Calcasieu Pass de Venture Global dans la paroisse de Cameron, en Louisiane (Crédit photo : Nick Cunningham/Gas Outlook)

« L’Europe ne doit pas servir de prétexte à l’expansion des exportations de GNL qui menacent notre climat commun et ont des conséquences désastreuses sur les communautés américaines », ont-ils déclaré dans une lettre ouverte adressée à la Maison Blanche cette semaine.

Selon cette lettre, le gaz américain a joué un rôle important dans la résolution de la crise énergétique qui a suivi l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais la demande actuelle en gaz de l’Europe est déjà satisfaite, car les énergies renouvelables sont appelées à se développer.

Les infrastructures d’importation européennes existantes sont sous-utilisées, avec une capacité de seulement 60% en 2023, ce qui indique qu’il n’y a aucun goulot d’étranglement auquel les États-Unis devrait s’attaquer en construisant de nouveaux terminaux d’exportation de GNL sur la côte du golfe du Mexique.

« Si nous voulons que la prochaine génération puisse pêcher dans le sud-ouest de la Louisiane et nourrir l’Amérique, alors Biden et [la secrétaire d’État à l’énergie Jennifer] Granholm doivent rejeter toutes les demandes de terminaux d’exportation de gaz et laisser cette industrie en perdition sombrer au fond de la mer », a déclaré Dardar.

MIKE LUDWIG Copyright © Truthout. Ne peut être reproduit sans autorisation.

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