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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2019-95

Mythes, Silence et Propagande : tout ce qui favorise l’existence des armes nucléaires

Par David Swanson, traduit par Jocelyne le Boulicaut

samedi 14 septembre 2019, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Mythes, Silence et Propagande : tout ce qui favorise l’existence des armes nucléaires

[Allocution prononcée à Poulsbo, Washington, le 4 août 2019- > http://davidswanson.org/the-myths-the-silence-and-the-propaganda-that-keep-nuclear-weapons-in-existence/]

Il y a exactement 74 ans cette semaine, les villes d’Hiroshima et de Nagasaki étaient toutes deux frappées par des bombes atomiques ayant une puissance comprises entre le tiers et la moitié de ce que la NPR appelle arme à faible rendement ou arme "utilisable". Par NPR je veux parler tant de la Nuclear Posture Review [Doctrine en matière nucléaire, NdT] que de la Radio Publique Nationale, qui est considérée, et c’est dangereux, comme étant la presse libre, tant par le gouvernement Américain que par nombre de citoyens.

Ces ogives nucléaires soi-disant utilisables sont conçues pour être lancées depuis des sous-marins basés à proximité. Elles sont deux à trois fois plus puissantes que celles qui ont détruit Hiroshima et Nagasaki, et les projets de l’armée américaine impliquent le lancement simultané de plusieurs de ces bombes. Mais en fait elles sont vraiment minuscules par rapport aux autres armes nucléaires que les États-Unis ainsi que d’autres nations tiennent prêtes, au cas où un scénario désespéré nous amènerait à considérer que la plus sage des décisions est d’anéantir totalement tant notre espèce que les autres espèces. Certaines des armes nucléaires américaines sont 1 000 fois plus puissantes que celles qui ont servi à atomiser les populations japonaises. Chaque sous-marin peut lancer 5 000 fois ce qui a été largué sur Hiroshima.

On a prétendu que les sous-marins étaient destinés à une supposée dissuasion. Le fait de les équiper de bombes nucléaires qualifiées de petites et de les considérer comme "utilisables", nous fait renoncer au prétexte de la dissuasion au profit d’une folie délibérée qui consisterait à initier un échange de bombes susceptibles soit de nous tuer tous directement soit en provoquant un hiver nucléaire.

Vous pourriez croire que je plaisante ou que je me gausse quand je prétend qu’il se pourrait que le gouvernement américain décide que l’apocalypse est la ligne de conduite la plus sage, mais dans la partie des États-Unis où je vis, il y a, sous des collines, d’énormes bunkers conçus par d’anciens nazis, et là peuvent se réfugier différentes agences du gouvernement afin de vivre, dans la marginalité, sensiblement plus longtemps que nous autres, et pour atteindre ces abris cela pourrait prendre des heures même en dehors de tout trafic de pointe. Cela veut dire qu’une décision de nous tuer tous devrait être prise et planifiée, mais pas encore mise en œuvre avant que ne soit entamé le long trajet vers les bunkers. Tout cela fait partie de la politique de frappe préalable.

Et, bien sûr, le président des États-Unis a tweeté des menaces nucléaires contre d’autres pays, ce que les anciens présidents américains n’avaient jamais fait. Leurs menaces nucléaires avaient été proférées sans utiliser Twitter.

Lorsque les États-Unis ont lâché ces bombes nucléaires sur le Japon, des multitudes de gens ont en fait été vaporisés comme de l’eau sur une poêle à frire chaude. Ils ont laissé sur le sol ce qu’on appelle des ombres qui, dans certains cas, sont encore là aujourd’hui. Mais certains ne sont pas morts sur le coup. Ils ont continué de marcher ou de ramper.

Certains ont pu atteindre les hôpitaux alors que d’autres pouvaient entendre leurs os mis à nu qui claquaient sur le sol comme des talons hauts. Dans les hôpitaux, les asticots rampaient dans leurs plaies, leurs nez et leurs oreilles. Les asticots mangeaient de l’intérieur les patients encore vivants . Quand les morts étaient jetés dans les poubelles et les camions on entendait un bruit métallique, tandis que, tout près, leurs jeunes enfants pleuraient et gémissaient pour les voir.

Pendant des jours et des jours une pluie noire est tombée, averse de mort et d’horreur. Ceux qui ont bu de l’eau sont morts sur le champs. Ceux qui avaient soif n’osaient plus boire. Ceux qui n’ont pas été atteints par la maladie ont parfois développé des taches rouges et sont morts si rapidement qu’on pouvait voir la mort s’infiltrer en eux. Les survivants vivaient dans la terreur. Les morts s’empilaient, s’ajoutant à des montagnes d’ossements aujourd’hui considérées comme de belles collines herbeuses d’où l’odeur s’est finalement dissipée.

Certains de ceux qui étaient encore capables de marcher ne pouvaient se retenir de gémir et de tendre les bras devant eux, la peau et la chair pendantes. Pour notre société excessivement divertie et insuffisamment éduquée, c’est une image tirée d’un film de zombies. Mais la vérité pourrait être exactement le contraire. Certains critiques de médias croient que les films sur les zombies et autres humains non humains sont un excellent alibi pour fuir la culpabilité ou même la prise de conscience des meurtres de masse dans la vie réelle.

En ce qui concerne les meurtres de masse déjà commis en temps de guerre, l’utilisation d’armes nucléaires est la plus mineure et elle est probablement dépassée par les décès causés par la production et les essais d’armes nucléaires, les déchets et l’utilisation d’armes à uranium appauvri. Hiroshima et Nagasaki ont été choisies pour démontrer la puissance des bombes nucléaires parce qu’aucun haut fonctionnaire de Washington n’y était jamais allé et n’avait pas trouvé l’endroit charmant, c’est ce qui a fait la différence et épargné Kyoto, et de plus, ces deux villes n’avaient pas encore été dévastées par les bombardements comme Tokyo et plusieurs autres endroits. Les bombardements de Tokyo ne sont pas moins atroces que les explosions atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki. Les bombardements ultérieurs de Corée, du Vietnam et de l’Irak, entre autres, ont été bien pires.

Mais lorsqu’il s’agit de massacres de masse du futur, la seule concurrence en ce qui concerne les armes nucléaires c’est l’effondrement climatique et environnemental auquel le militarisme contribue de façon décisive. Au rythme où les Américains se familiarisent avec le génocide des nations autochtones et les horreurs de l’esclavage, on peut estimer qu’une honnête reconnaissance des destructions de Hiroshima et Nagasaki se fera vers 2090.

Ce que j’appelle honnête reconnaissance, ce n’est pas que le président Obama arrêterait d’en faire l’apologie. Je veux dire que dans nos écoles et dans notre vie citoyenne, nous devrons nous attacher à assumer la responsabilité d’avoir inventé les clés de l’apocalypse et adopter les mesures concrètes pour faire amende honorable. Mais en 2090 il sera trop tard.

Les gens ne semblent pas prendre l’effondrement climatique avec suffisamment de sérieux pour contraindre leurs gouvernements corrompus à agir avant que cela ne les affecte dans présent, ce qui est peut-être déjà trop tard. Si les gens ne réagissent pas au sujet des armes nucléaires avant d’en avoir fait l’expérience, il sera définitivement trop tard.

Une arme nucléaire n’est pas comme l’art ou la pornographie dont on ne peut en avoir connaissance qu’en les voyant. Et avant que vous ne la voyiez, vous pourriez cesser de ressentir quoi que ce soit. Mais même le fait de la voir peut ne pas être suffisant pour certaines personnes. La Suède a récemment refusé d’interdire les armes nucléaires au prétexte que le traité ne définit pas ce qu’elles sont. Sérieusement, la Suède, pouvez-vous imaginer que si une arme nucléaire était lancée sur Stockholm, il y aurait un débat sur la question de savoir si c’était une arme nucléaire ou non ?

Des observateurs intelligents - peut-être un peu trop intelligents pour leur propre bien - mettent en doute la sincérité de la prétendue justification de la Suède. Selon eux, la Suède n’a pas d’armes nucléaires et est donc obligée d’obéir aux ordres de ceux qui en ont - même si des dizaines d’autres pays ont refusé de se soumettre à cette option et ont signé un traité visant à interdire les armes nucléaires. Mais il s’agit bien là de faire comme si la folie était logique. Et il est facile de dévoiler la faille en arrêtant de reconnaître la représentativité de nos gouvernements.

Si vous organisiez un référendum public en Suède, je pense que le camp de l’interdiction des armes nucléaires compterait une autre nation dans ses rangs. Il est vrai que nous nous heurtons au soutien populaire en faveur des armes nucléaires, soutien certainement plus important dans certains pays que dans d’autres. Mais, que ce soit dans les pays nucléaires ou dans les non nucléaires, la grande majorité de la population, y compris aux États-Unis, ont dit aux sondeurs qu’ils étaient en faveur d’un accord négocié pour éliminer toutes les armes nucléaires. Cependant, nous nous heurtons aussi à un gouvernement corrompu. Et ces deux problèmes se rejoignent dans la corruption de nos systèmes de communication.

Je pense que nous sommes confrontés à des mythes qu’il nous faut déconstruire, à un silence qu’il nous faut briser et à une propagande à laquelle il nous faut résister et que nous devons remplacer. Commençons par les mythes.

LES MYTHES

On nous dit que la guerre est quelque chose de naturel, de normal, en quelle sorte inhérent à notre nature. On nous le dit et du coup nous le croyons, même en sachant très bien que la plupart d’entre nous n’ont jamais rien à voir directement avec la guerre. L’armée américaine a du mal à recruter des militaires et s’inquiète du fait que seul un faible pourcentage d’enfants ont des membres de leur famille qui ont été dans l’armée.

Et si vous faites partie de ce petit pourcentage de ceux qui ont été dans l’armée, vous êtes statistiquement plus susceptibles de souffrir de culpabilité morale ou de stress post-traumatique, de vous suicider ou de prendre une arme pour tirer dans un lieu public. Comment quelque chose que la plupart des gens évitent, et qui est source de souffrance pour la plupart de ceux qui ne l’évitent pas, peut-il être qualifié de naturel et d’inévitable ? Eh bien, par des rabâchages à n’en plus finir- de la part du gouvernement, des médias, et de l’industrie des loisirs. Avez-vous déjà navigué sur Netflix pour essayer de trouver un film sans violence ? C’est faisable, mais si le monde réel ressemblait à nos divertissements, nous aurions tous été tués des milliers de fois.

Nagasaki après l’attaque nucléaire de 1945

Si on ne nous dit pas que la guerre est inévitable, on nous dit qu’elle est nécessaire, que les États-Unis ont besoin de la guerre à cause d’autres gens vraiment sous-développés Le président Obama a déclaré que les armes nucléaires ne pouvaient pas être éliminées de son vivant, à cause de la malignité des étrangers.

Mais aucune entité au monde ne fait plus pour promouvoir la guerre que le gouvernement américain, qui pourrait renverser la course aux armements nucléaires s’il le voulait. Générer de l’hostilité et des menaces par le biais de guerres offensives et d’occupations sans fin ne peut que justifier la prolifération des armes si l’on prétend que cela ne se produira pas ou ne pourra être arrêté. Si le gouvernement des États-Unis le décidait, il pourrait soutenir (au lieu de les violer et d’y mettre fin) les traités et tribunaux internationaux relatifs aux droits humains, les accords de désarmement et les procédures d’inspection . Il pourrait fournir au monde alimentation, médicaments et énergie pour une infime partie du budget qu’il dépense pour se faire haïr. La guerre est un choix.

Tad Daley a écrit : "Oui, les inspections internationales porteraient atteinte à notre souveraineté. Mais des déflagrations de bombes atomiques sur notre territoire porteraient également atteinte à notre souveraineté. La seule question à se poser est de savoir laquelle de ces deux intrusions nous semble la moins atroce."

On nous dit que la guerre est nécessaire, mais on nous dit aussi qu’elle est salutaire. Et pourtant, nous n’avons pas encore vu une guerre humaniste qui aurait profité à l’humanité. On nous agite devant le nez le mythe d’une éventuelle guerre humaniste. Bien évidement, chaque nouvelle guerre va être la première à massacrer un grand nombre de personnes d’une main bénéfique qu’elles apprécieront et dont elles vous remercieront. Et à chaque fois cela échoue. Et à chaque fois nous reconnaissons que l’échec est patent, du moins tant que le président du moment appartient au parti politique auquel nous nous opposons.

On nous dit aussi que la guerre est glorieuse et admirable, et que même ces nombreuses guerres que nous regrettons avoir jamais lancées sont de grands bienfaits dont nous devrions remercier les participants - ou des crimes catastrophiques dont nous devrions néanmoins remercier les participants.

Le plus grand mythe, cependant, est le conte merveilleux et imaginaire qui porte le nom de Seconde Guerre mondiale. À cause de ce mythe, nous sommes censés traverser 75 ans de guerres criminelles désastreuses et dans le même temps y consacrer 1250 milliards de dollars dans l’espoir que l’année prochaine, nous connaîtrons de nouveau une occurrence de cette Bonne Guerre que fût la Deuxième Guerre mondiale [ ’Bonne Guerre’ fait référence à l’ouvrage"La Bonne Guerre" - Histoires orales de la Seconde Guerre mondiale Studs Terkel NdT]. Voici quelques éléments qui sont quand même gênants.

Les sociétés américaines ont fait du commerce avec l’Allemagne nazie et en ont tiré profit tout au long de la Seconde Guerre mondiale, et le gouvernement américain y a peu prêté attention. Pendant des années, dans leur folie, les nazis ont voulu expulser les Juifs, il ne s’agissait alors pas de les tuer — une autre aberration démente qui est survenue plus tard. Le gouvernement américain a organisé de grandes conférences réunissant les nations du monde entier qui, pour des raisons honteusement et explicitement antisémites, ont publiquement convenu de ne pas accueillir les juifs.

Pendant toute la durée de la guerre les militants pour la paix ont supplié les gouvernements américain et britannique afin que soit négocié le transfert des Juifs et autres cibles depuis l’Allemagne pour les protéger et on leur a dit que ce n’était tout simplement pas une priorité. Quelques heures après la fin de la guerre en Europe, Winston Churchill et quelques généraux américains ont proposé une guerre contre la Russie utilisant les troupes allemandes, et c’est avec des scientifiques Nazis que la guerre froide a débuté.

Le gouvernement américain n’a pas été la cible d’une attaque soudaine, un mythe qui justifie encore aujourd’hui le secret et la surveillance. Depuis les années 1930, les militants pour la paix manifestaient contre les préparatifs d’une guerre avec le Japon. Le président Franklin Roosevelt avait promis à Churchill de provoquer le Japon et avait tout fait pour ce faire.

Il savait que l’attaque était imminente et le soir même des attaques contre Pearl Harbor et les Philippines il avait rédigé une déclaration de guerre contre l’Allemagne et le Japon - mais bien avant cela, FDR avait établi des bases aux États-Unis et dans de nombreux océans, avait fait commerce d’armes avec les Britanniques en échange de bases, mis son projet en chantier, établi une liste de tous les Américains d’origine japonaise dans le pays, fourni à la Chine des avions, des instructeurs et des pilotes, imposé des sanctions sévères au Japon, et informé les militaires américains qu’on entrait dans une guerre avec le Japon.

Le mythe de Pearl Harbor tient la culture américaine dans une telle emprise mortifère que Thomas Friedman a qualifié de "Pearl Harbor-scale event" [ événement de portée comparable à Pearl Harbour NdT ] l’achat par une société russe d’un minuscule nombre de publicités bizarres sur Facebook, tandis que Morgan Freeman déclarait " Nous sommes en guerre avec la Russie ! " dans une vidéo tournée par Rob Reiner — sans doute parlait-il d’une guerre pour protéger le système électoral américain irréprochable, non manipulé, non corrompu et admiré internationalement, de peur que le public américain n’apprenne comment la convention du parti Démocrate gère ses primaires.

Les armes nucléaires n’ont pas sauvé des vies. Elles ont pris probablement environ 200 000 d’entre elles. Elles n’étaient pas destinées à sauver des vies ou à mettre fin à la guerre. Et ce n’est pas ce qu’elles ont fait. Ça, cela a été le résultat de l’invasion russe [des territoires occupés par le Japon comme la Mandchourie et la Corée, NdT].

L’Étude américaine des bombardements stratégiques a conclu que, ".... le Japon aurait certainement capitulé avant le 31 décembre 1945, et selon toute vraisemblance avant le 1er novembre 1945, même si les bombes atomiques n’avaient pas été larguées, même si la Russie ne s’était pas engagée dans la guerre et même en l’absence d’une invasion".

C’est dans les mêmes termes, avant les bombardements, que le général Dwight Eisenhower a exprimé son opposition auprès du Secrétaire d’état de la Guerre. Le commandant de l’état-major interarmées, l’amiral William D. Leahy, en a convenu : "L’utilisation de cette arme barbare à Hiroshima et Nagasaki n’a concrètement aucunement aidé notre guerre contre le Japon. Les Japonais étaient déjà vaincus et prêts à se rendre."

Cette opinion était partagée par les amiraux Nimitz et Halsey, les généraux MacArthur, King, Arnold et LeMay, ainsi que par le général de brigade Carter Clarke et le sous-secrétaire à la Marine Ralph Bard qui avait insisté pour que le Japon reçoive un avertissement. Lewis Strauss, conseiller auprès du secrétaire de la Marine, avait quant à lui recommandé la destruction d’une forêt plutôt que celle d’une ville.

Mais il s’agissait bien de faire exploser des villes, tout comme il s’agit bien de faire souffrir les petits enfants près de la frontière mexicaine. Les motivations sont autres, mais le sadisme demeure. Le 23 juin 1941, Harry Truman s’est adressé au Sénat américain : "Si nous nous rendons compte que l’Allemagne est en train de gagner, dit-il, alors nous devons aider la Russie, et si la Russie gagne, alors nous devrions aider l’Allemagne, et ainsi les laisser tuer autant de gens que possible." Voilà ce que le président américain qui a détruit Hiroshima pensait de ce que valait les vies humaines européennes.

Un sondage effectué auprès de l’armée américaine en 1943 a révélé qu’environ la moitié du contingent entier des GI estimait nécessaire de tuer jusqu’au dernier des Japonais. William Halsey, qui commandait les forces navales américaines dans le Pacifique Sud pendant la Seconde Guerre mondiale, voyait sa mission comme " tuer des Japs, tuer des Japs, tuer des Japs, et encore tuer des Japs " et s’était juré qu’une fois la guerre terminée, on ne parlerait plus japonais qu’en enfer.

Le 6 août 1945, à la radio, le Président Truman mentait lorsqu’il a raconté qu’une bombe atomique avait été larguée sur une base militaire, et non sur une ville. Et il a justifié cette décision en expliquant que c’était non pas pour terminer la guerre plus rapidement , mais comme une vengeance contre les affronts des japonais. "M. Truman jubilait", a écrit Dorothy Day. Quelques semaines avant le largage de la première bombe, le 13 juillet 1945, le Japon avait envoyé un télégramme à l’Union soviétique exprimant sa volonté de se rendre et de mettre fin à la guerre. Les États-Unis, cassant le code du cryptage japonais en avaient pris connaissance. Truman fait référence dans son journal au "télégramme de l’empereur japonais demandant la paix". Déjà, trois mois avant Hiroshima, le président Truman avait été informé par les canaux suisse et portugais des démarches de paix entreprises par le Japon. La seule exigence du Japon concernait une éventuelle reddition inconditionnelle et la non abdication de son empereur, mais les États-Unis se sont montrés inflexibles jusqu’à la chute des bombes, ce n’est qu’alors qu’ils autorisèrent le Japon à conserver son Empereur.

James Byrnes, conseiller auprès de la présidence avait dit à Truman que le largage des bombes permettrait aux États-Unis d’ "imposer les conditions de l’armistice". Le secrétaire de la Marine James Forrestal a écrit dans son journal que Byrnes était "vraiment pressé d’en finir avec l’affaire japonaise avant que les Russes n’interviennent". Truman a écrit dans son journal que les Soviétiques se préparaient à marcher sur le Japon et "alors, c’en sera fini des Japs." Et quel désastre cela aurait été ! Pourquoi les États-Unis ont-ils fini par intervenir en France ? Par crainte que les Russes ne soient seuls à occuper Berlin. Pourquoi les États-Unis ont-ils largué une bombe atomique sur le Japon ? Par crainte que ce ne soit les Russes qui le fassent eux-mêmes et ainsi obtiennent la reddition du Japon.

Truman a donné l’ordre de larguer la bombe sur Hiroshima le 6 août ainsi qu’un autre type de bombe, une bombe au plutonium - dont les militaires voulaient aussi faire la démonstration et l’essai - à Nagasaki le 9 août. C’est aussi le 9 août que les Soviétiques ont attaqué les Japonais. Au cours des deux semaines suivantes, les Soviétiques ont tué 84 000 Japonais, subissant la perte de 12 000 de leurs soldats, et les États-Unis ont continué de bombarder le Japon avec des armes non nucléaires. C’est alors que les Japonais se sont rendus.

Prétendre qu’utiliser des armes nucléaires était justifié est un mythe. Prétendre qu’il pourrait y avoir à nouveau des raisons d’utiliser des armes nucléaires est un mythe. Croire que nous pourrions survivre à l’utilisation d’armes nucléaires est un mythe. Quant à affirmer qu’il y a des raisons pour justifier la production et la mise en oeuvre d’ armes nucléaires pour ne pas s’en servir, c’est tellement stupide que ça ne relève même pas du mythe. Et il faut être complètement dément pour croire que nous pourrions survivre à tout jamais tout en ayant des armes nucléaires, en les multipliant, sans qu’un jour, intentionnellement ou par accident, quelqu’un ne finisse par en faire usage.

Mais il y a un autre mythe, celui d’une guerre dénucléarisée. Je pense que nous nous plaisons parfois à imaginer que les États-Unis et l’OTAN peuvent perpétuer indéfiniment leurs guerres, avec leurs bases militaires et leurs menaces de coups d’état, tout en ayant banni et éliminé toutes les armes nucléaires du monde. Or, ce n’est pas vrai. On ne peut pas détruire l’Irak et la Libye,ficher la paix à la Corée du Nord qui s’est dotée de l’arme nucléaire tout en cherchant à provoquer une guerre contre l’Iran qui n’en a pas, sans parler de la Syrie, du Yémen, de la Somalie, etc. sans véhiculer un message fort.

Si l’Iran un jour est poussé à se doter d’armes nucléaires et que l’Arabie saoudite en fait de même, il n’y a que dans un monde en paix qu’ils accepteront de les abandonner. La Russie et la Chine elle mêmes ne renonceront jamais à leur armement nucléaire tant que les États-Unis n’arrêteront pas leurs menaces de guerre, nucléaire ou autre. Israël n’abandonnera jamais son armement nucléaire à moins qu’il ne soit contraint de respecter les mêmes normes juridiques que les autres nations.

LE SILENCE

Venons-en maintenant au silence. La popularisation des mythes se fait principalement en coulisses. On les trouve dans les romans et les films, les livres d’histoire et sur CNN [Cable News Network est une chaîne de télévision d’information en continu américaine fondée en 1980 par Ted Turner NdT] .

Mais l’élément le plus écrasant est le silence. Dans les écoles, on commence à enseigner certaines notions de base sur les écosystèmes, l’effondrement du climat et la soutenabilité. Mais combien de diplômés du secondaire ou de l’ université peuvent vous dire précisément quelles seraient les conséquences des armes nucléaires, combien il y en a, qui en possède ou combien de fois elles ont failli tous nous tuer. Même si les monuments commémorant l’esclavage et le génocide deviennent des pièces de musées, un seul d’entre eux sera-t-il remplacé par une statue de Vassili Arkhipov ? J’en doute fortement et j’hésite même à essayer de trouver l’identité de la personne que Rachel Maddow blâmerait pour un si fâcheux dérapage.

Nous faisons face à deux dangers parallèles, la catastrophe nucléaire et la catastrophe climatique, mais il est plutôt étrange de constater que les gens commencent enfin à prendre au sérieux celui qui exige de profonds changements dans leur mode de vie. Personne n’aurait à changer quoi que ce soit dans sa vie si nous nous débarrassions des armes nucléaires. En fait, nous pourrions tous vivre beaucoup mieux dans tous les sens du terme si nous réduisions ou éliminions cette institution qu’est la guerre.

Il est également étrange que nous fassions la distinction entre les deux dangers, alors que le militarisme est une des principales causes de l’effondrement environnemental et qu’ il serait aussi une source inestimable de financement pour un New Deal Vert dopé aux stéroïdes. Le problème, c’est que cette séparation se fait essentiellement par le silence.

Personne ne parle de la menace nucléaire. Lorsque TheRealNews.com a récemment demandé au Gouverneur Inslee s’il réduirait le militarisme pour protéger le climat, sa réponse longue et alambiquée était bien un Non, mais son impréparation faisait cependant passer le point le plus important : on ne lui avait jamais posé cette question auparavant et on ne la lui poserait probablement plus jamais.

Les directeurs du Bulletin of the Atomic Scientists de l’université de Chicago ont placé l’aiguille de l’horloge de la fin du monde ou horloge de l’Apocalypse plus près de minuit qu’elle ne l’a jamais été. Les responsables politiques à la retraite disent que nous devons agir de toute urgence. La majorité des nations non nucléarisées du monde proposent une interdiction immédiate des armes nucléaires.

Mais dans l’ensemble nous sommes face à un mur de silence. C’est un silence entretenu par la répugnance à l’égard de ce qui est déplaisant, par le patriotisme machiste et militariste, par les impératifs du profit et par l’absence de leadership, soit d’un grand parti politique soit même d’une de ses factions.

En juin, les chefs d’état-major interarmées ont mis en ligne - puis rapidement retiré - un document qui stipulait que " l’utilisation des armes nucléaires pourrait créer les conditions qui permettraient des résultats décisifs et le rétablissement de la stabilité stratégique. . . . Plus précisément, l’utilisation d’une arme nucléaire bouleversera radicalement le cours d’une bataille et créera des conditions qui affecteront les conditions d’une victoire dans un conflit." En d’autres termes, les lobotomies sont gérées par les cinglés, mais le silence des médias reste assourdissant.

A ce silence vient s’ajouter le manque de prestige, l’idée que les armes nucléaires seraient le pire plan de carrière militaire, un domaine pour ceux qui manquent d’ambition ou même de sang-froid. Voilà qui devrait terrifier le monde bien plus que toute autre forme de terrorisme. La seule fois, où tout récemment, le Congrès a tenu des auditions quand au danger d’un désastre planétaire nucléaire, c’est juste après que Trump ait menacé la Corée du Nord des flammes du feu et de la fureur.

Les membres du Congrès ont convenu dans un consensus bipartite qu’ils étaient impuissants à empêcher un président de lancer une guerre nucléaire. Je ne me souviens pas si le mot destitution [impeachment en anglais NdT] a même été prononcé. Et puis le Congrès a repris son train-train habituel, tout comme les chaînes d’information en continu.

Il est possible que si un président avait, de but en blanc, inventé des armes nucléaires et avait proposé de les utiliser, nous aurions finalement découvert quelque chose que même Nancy Pelosi aurait jugé comme une raison acceptable pour une destitution. Il est certain que si Trump menaçait un journaliste de télévision avec une arme à feu, beaucoup de gens réagiraient d’une manière ou d’une autre. Mais menacer des millions de gens et potentiellement toute l’humanité, eh bien, heu hum. Nous devons garder le silence, vous voyez.

Heureusement, il y a des gens qui brisent le silence. Le Ground Zero Center [centre pour l’action non violente NdT] brise le silence et proteste contre la glorification du port d’armes à la Seafair de Seattle [Seafair est un festival d’été à Seattle, dans l’État de Washington, qui regroupe une grande variété de petits événements de quartier menant à plusieurs célébrations majeures dans toute la ville NdT], et le fera demain matin à la base sous-marine du Trident - vous pouvez suivre votre formation à la non-violence cet après-midi !

En Géorgie, sept activistes de ploughshares qui ont manifesté à la base sous-marine de Kings Bay le 4 avril ont comparu devant les tribunaux [le mouvement Ploughshares est un mouvement pacifiste chrétien et anti-nucléaire qui prône la résistance active à la guerre. Le groupe pratique souvent une forme de protestation symbolique consistant à endommager des armes et des biens militaires NdT] . Le mois dernier, des militants pacifistes du monde entier ont délivré une ordonnance de cessation et d’abstention à la base aérienne de Buchel, en Allemagne, afin que les armes nucléaires illégalement entreposées par les États-Unis soient démantelées comme le prescrit la loi. [ anglais : Cease and desist order est un terme juridique américain de mise en demeure. Il est employé pour demander à une personne ou une organisation de cesser de manière permanente de faire quelque chose (cesser de et renoncer) NdT]

Manifestation du Trident à Bangor, à l’occasion du 74e anniversaire d’Hiroshima et du bombardement atomique de Nagasaki

Le mois dernier également, la Chambre des Représentants des États-Unis a adopté plusieurs amendements anti-guerre concernant le National Defense Authorization Act, y compris deux d’entre eux limitant la fabrication d’armes nucléaires, le premier interdisant les violations du Traité FNI [Le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire est un traité visant le démantèlement par les États-Unis et l’URSS d’une catégorie de missiles emportant des charges nucléaires ou conventionnelles NdT] et le second qui devrait mettre un terme à la vente d’armes lors de la Foire maritime de Seattle, conséquence de l’interdiction pour Trump de tout nouveau défilé militaire le 4 juillet.

En outre, des amendements ont été adoptés pour mettre fin à diverses guerres et les éviter. Pour tous ceux qui pensaient avoir crié dans le désert, voici que la Chambre des Représentants énumère une longue liste de nos revendications. Mais ces demandes doivent maintenant passer devant le Sénat, le Président et les bailleurs de fonds de la campagne électorale. Il vous est facile d’interpeller par courriel votre représentant et votre sénateur à ce sujet à RootsAction.org.

LA PROPAGANDE

Tous les bruits ne sont pas des bruits positifs. Considérons une minute le troisième et dernier problème dont je vous ai fait part, à savoir la propagande. Voilà des années que l’Iran travaille à la fabrication d’une arme nucléaire. La Russie s’est emparée de la Crimée et a sélectionné le Président des États-Unis. La Corée du Nord représente une menace irrationnelle et imprévisible pour les États-Unis. Les gens respectueux des lois doivent renverser la dictature vénézuélienne et asseoir le président légitime issu du coup d’État. Nous avons la responsabilité de poursuivre nos efforts pour faire de l’Afghanistan un enfer parce que les choses pourraient mal tourner si les troupes américaines partaient. Ce sont vos troupes. C’est votre responsabilité. C’est une occupation étrangère lointaine et défensive, comme on peut en déduire par le nom même de l’industrie concernée : l’industrie de la défense.

Les États-Unis ne peuvent pas se livrer à l’espionnage ou au terrorisme, mais exclusivement au contre-espionnage et au contre-terrorisme - qui sont contre ce qu’ils sont, comme vous pouvez le voir par leurs noms. Mais les lanceurs d’alerte américains se livrent à l’espionnage et doivent être jetés en prison pour protéger la liberté de la presse. Personne ne verrait d’inconvénient à ce que des systèmes balistiques de défense soient alignés tout le long des frontières canadiennes et mexicaines - après tout, ils s’agirait de défense.

Mais alors, quel est le problème de la Russie ? Si la Russie continue d’enfreindre les traités d’une manière indéterminée et non vérifiable, les États-Unis n’auront d’autre alternative que de continuer à détricoter ces traités dans leur propre intérêt. Si les États-Unis devaient démanteler leurs armes nucléaires, les Nord-Coréens se cloneraient chacun cinq fois, s’implanteraient ici, nous occuperaient et commenceraient à nous priver de ce qui resterait encore de nos libertés.La propagande est l’art de déguiser la paranoïa pour lui faire jouer le rôle d’une conscience vigilante.

Selon un sondage récent, un tiers des États-Unis serait favorable à l’atomisation de la Corée du Nord et à la mort d’un million d’innocents - ainsi que probablement de celle d’un nombre incalculable de gens non-innocents. Voilà qui indique le degré extrême d’ignorance quand aux conséquences qu’une telle initiative aurait pour les États-Unis. Elle reflète également la folie sociale générée par une propagande habile. Pourtant, c’est probablement une avancée par rapport au pourcentage de citoyens américains qui étaient prêts à tuer un million de Japonais pendant la Seconde Guerre mondiale.

Et le public américain, dans les sondages, se retourne lentement contre les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, ce qui laisse entrevoir la possibilité qu’il pourrait un jour s’opposer à ce que cela se reproduise.
Un éditorial du New York Times du 1er juillet était intitulé "L’Iran précipite la fabrication d’une arme nucléaire - et Trump ne peut y faire obstacle". Peu importe que Trump ait fait tout ce que n’importe qui aurait fait pour que l’Iran construise une arme nucléaire, dans l’article lui même, le plus proche de l’affirmation de ce titre de l’auteur, est que cette spéculation " signifie presque certainement qu’il [ l’Iran] va s’employer à constituer son propre arsenal nucléaire ".

Si je devais écrire un éditorial dans lequel je supposais qu’à l’avenir Seattle remplirait presque certainement ses rues de cafés et que les gens se déplaceraient en gondole, je vous garantis que le New York Times n’y mettrait pas un titre comme "Seattle se précipite pour construire des cafés Vénitiens et Trump ne peut y faire obstacle !" Je m’attends à ce que le titre soit "Hey mec, ça c’est une prévision totalement infondée."

Les mensonges qu’on nous raconte au sujet des guerres sont souvent des généralités et concernent souvent des guerres du passé ou des conflits qui n’en finissent pas. Mais il y a aussi des mensonges utilisés pour déclencher chaque guerre. Ce sont, par nécessité, des mensonges quant à l’urgence. Si une guerre n’est pas déclenchée assez rapidement, il y a un danger à ce que la paix n’éclate et ne s’installe. Une chose importante à retenir au sujet de ces mensonges est qu’ils répondent toujours à la mauvaise question. L’Irak a-t-il des armes ? Aucune réponse à cette question ne justifie une guerre, légalement, moralement ou autrement. Une douzaine d’années après cette mascarade, tout le monde à Washington D.C., à l’exception des agences d’espionnage, a convenu à tort que l’Iran avait un programme d’armes nucléaires, et le débat s’est déplacé vers une guerre ou un accord du genre traité. L’Iran a-t-il abattu un drone ou attaqué un navire dans le golfe Persique ? Ce sont là des questions intéressantes, mais sans rapport avec la justification des guerres.

En voilà une autre : Cette guerre a-t-elle été approuvée par le Congrès ? Bien entendu, nous tenons à ce que le Congrès bloque les guerres "présidentielles" chaque fois qu’il le veut. Mais s’il vous plaît, s’il vous plaît, s’il vous plaît, je vous en supplie, arrêtez de dire que vous vous opposez aux guerres non autorisées [par le congrès NdT] comme si une guerre autorisée était plus juste, plus légitime ou plus éthique. Imaginez que le Canada écrase Seattle sous un tapis de bombes. Qui se porterait alors volontaire pour esquiver les bombes afin de localiser quelqu’un qui se soucierait de savoir qui du premier ministre ou du Parlement en était responsable ?

Un des problèmes quand on commence une guerre est qu’elle pourrait bien se transformer en guerre nucléaire. Un autre est qu’une fois qu’une guerre est commencée, quelle qu’elle soit, il est bien plus difficile d’y mettre fin qu’il n’aurait été de l’empêcher. C’est une des conséquences de la propagande militaire. Une majorité de vétérans disent, comme la majorité des gens, que les guerres d’Irak et d’Afghanistan n’auraient jamais dû commencer. Et pourtant, certains élus du congrès sont déterminés à continuer les guerres afin d’ "apporter notre soutien à nos hommes" comme ils disent.

La voie à suivre consiste à empêcher les guerres. La guerre contre l’Iran a été évitée à plusieurs reprises, de même que l’escalade en Syrie en 2013. La voie à suivre consiste sans conteste à empêcher les guerres nucléaires — pour rester en vie. Mais si nous considérons que chacune des guerres qui sont envisagées peut potentiellement déboucher sur une guerre nucléaire, alors il nous sera peut-être plus facile de reconnaître qu’aucune des prétendues raisons avancées pour justifier cette guerre n’est assez convaincante. Bien que nous puissions en un sens nous persuader que certains crimes méritent un châtiment des plus sévères, nous ne pouvons pas être persuadés qu’ils justifient l’extinction.

En 2000, la CIA a remis à l’Iran des plans (légèrement et manifestement imparfaits) d’un élément clé d’une arme nucléaire. En 2006, James Risen a relaté cette "opération" dans son livre State of War. En 2015, les États-Unis ont poursuivi un ancien agent de la CIA, Jeffrey Sterling, pour avoir censément divulgué l’histoire à Risen. Au cours de la procédure, la CIA a rendu public un câble caviardé qui montrait qu’immédiatement après fait ce cadeau à l’Iran, la CIA avait fait exactement la même chose avec l’Irak. Nous n’avons aucun moyen de connaître la liste complète des pays auxquels le gouvernement américain a remis des plans d’armement nucléaire. Trump transmet maintenant des secrets nucléaires à l’Arabie saoudite en violation du Traité de non-prolifération, de la Loi sur l’énergie atomique, de la volonté du Congrès, du serment de son mandat et du bon sens. Ce comportement est au moins aussi vérifiable que les subventions pour les combustibles fossiles ou le bétail, mais où est le tollé pour s’indigner ? Cette indignation se porte surtout sur l’assassinat en Arabie saoudite d’un journaliste du Washington Post. Si nous pouvions au moins avoir une politique consistant à ne pas donner d’armes nucléaires aux États qui tuent des journalistes du Washington Post, ce serait déjà quelque chose.

Dans le même temps, 70 pays ont signé et 23 ont ratifié le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Nous devons continuer d’obtenir l’appui des pays du monde entier et des pays dotés d’armes nucléaires. Mais cela doit faire partie d’un plan global par lequel nous nous efforcerons de mettre fin à toute guerre et d’abolir l’institution de la guerre dans son ensemble. Non parce que nous sommes trop gourmands, mais parce que c’est la seule façon pour nous de réussir. Un monde sans armes nucléaires, mais en gardant existant le reste de la machine de guerre , n’est tout simplement pas viable. Il y a trois ans Mikhaïl Gorbatchev écrivait que le moment était venu d’éliminer les armes nucléaires, " mais peut-on considérer qu’il soit réaliste d’envisager qu’une fois les armes de destruction massive éliminées dans le monde, il reste un pays qui possède plus d’armes classiques que la quasi totalité des autres pays réunis dans le monde ?

Et s’il devait y avoir une supériorité militaire mondiale absolue ? . . . Je dirai franchement qu’une telle perspective constituerait un obstacle insurmontable pour débarrasser le monde des armes nucléaires. Si nous n’abordons pas la question de la démilitarisation générale de la politique mondiale, de la réduction des budgets d’armements, de l’arrêt de la mise au point de nouvelles armes, de l’interdiction de la militarisation de l’espace, tout discours sur un monde sans armes nucléaires n’aura aucune chance d’aboutir." En d’autres termes, nous devons mettre fin aux massacres inutiles d’êtres humains, quelles que soient les armes utilisées, qu’elles soient nucléaires, chimiques, biologiques, conventionnelles ou bien le soi-disant "soft power" des sanctions et des blocus. La vision que nous avons développée à "World BEYOND War" [World BEYOND War, Le monde au-delà de la guerre, est un mouvement mondial non-violent visant à mettre fin à la guerre et à instaurer une paix juste et durable NdT], ce n’est pas celle d’une guerre avec des armes convenables, pas plus que nous n’avons une vision d’un viol qui se dirait humanitaire ou de maltraitance des enfants qui se dirait philanthropique. Il y a des choses qui ne peuvent pas être réformées, qui doivent être abolies. La guerre en fait partie.

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