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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2022-037

Une planète nouvelle, entre sécheresse et déluge

Par Jane Braxton Little, traduit par Jocelyne le Boulicaut

lundi 28 mars 2022, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Une planète nouvelle, entre sécheresse et déluge

Le 20 Mars 2022 par Jane Braxton Little

Jane Braxton Little, une habituée de TomDispatch, est journaliste indépendante elle se focalise sur la science et les ressources naturelles pour des publications telles que Atlantic, Audubon, National Geographic et Scientific American. Elle s’est installée dans le comté de Plumas en 1969 pour un été qui n’a pas encore pris fin.

Une église incendiée dans une épaisse fumée pendant l’incendie Dixie à Greenville, en Californie, le 6 août 2021 (Photo : Josh Edelson/AFP via Getty Images)

C’est peut-être la chose la plus étrange qui soit dans notre monde déjà trop étrange : la plus grande crise que l’humanité ait jamais connue ne fait pratiquement jamais la une des journaux. Oui, les crises immédiates de notre monde, comme la plus récente, la désastreuse invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine, font les gros titres 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pendant des semaines.

Et il est vrai que tout ensemble d’événements qui envoie des millions d’entre nous en exil à l’intérieur ou à l’extérieur de notre pays, comme cela est devenu trop habituel sur notre planète, doit et c’est normal faire l’objet d’une attention particulière. Mais si nous replaçons tout cela en contexte, on estime qu’en l’espace de trois décennies, un nombre ahurissant de 1,2 milliard d’êtres humains pourraient être chassés de chez eux en raison de l’urgence climatique grandissante.

Bien sûr, comme nous le rappelle aujourd’hui Jane Braxton Little, une habituée de TomDispatch qui vit toujours à Greenville, une ville du nord de la Californie dévastée par les incendies, le changement climatique a déjà bel et bien commencé et il a détruit des vies dans le monde entier.

Que cela se traduise par un incendie, une inondation ou une catastrophe météorologique, et les journaux télévisés sont trop heureux de nous montrer la calamité (et les survivants en pleurs, cela fait de si belles photos). Mais qu’en est-il de la cause même de tout cela, le changement climatique en lui-même ?

Pas de chance. La tragédie en cours, permanente et qui ne cesse de s’aggraver, qui pourrait un jour tout simplement détruire toute vie humaine telle que nous la connaissons, suscite étonnamment très peu d’attention ici (à moins que le marchand de charbon Joe Manchin, ne vote d’une manière ou d’une autre, contre ce qui pourrait être une solution).[Joe Manchin est sénateur démocrate et en 2017, il salue la décision de Donald Trump de se retirer de l’accord de Paris sur le climat. Trois ans plus tard, il questionne le retour dans l’accord décidé par Joe Biden. Il critique également le président démocrate sur son choix d’arrêter l’oléoduc Keystone. Il contribue en 2021 à empêcher l’adoption d’un programme de réductions des émissions de gaz à effet de serre, NdT]

Ce n’est que récemment que le Groupe d’experts intergouvernemental de l’ONU sur l’évolution du climat, qui fait autorité en la matière, a publié son dernier rapport dévastateur, rédigé par un millier de scientifiques, sur ce que nous sommes en train de nous infliger à nous mêmes.

La crise des événements en Ukraine a pratiquement empêché qu’il soit remarqué. Pourtant, la version qu’il donne des événements à venir aurait dû faire les gros titres en caractères gras et soulignés, dans la mesure où, si les effets de la surchauffe de la planète ne sont pas atténués rapidement, d’ici 2050, au moins 183 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de la faim, et ce n’est que le début d’une longue liste de possibles cauchemars à venir.

Ici, à TomDispatch au moins, le changement climatique fait les gros titres. Aujourd’hui, par exemple, on peut apprendre de Little, elle qui a vécu ses effets de près, comment nous allons être « pris dans le tourbillon » du climat que nos sociétés, sempiternelles consommatrices de combustibles fossiles (et les grandes entreprises énergétiques qui ont fait fortune grâce à elles) continuent de fabriquer.

À gauche : Une maison est engloutie par les flammes lors de l’incendie de la vallée à Siegler Springs, en Californie, le 13 septembre 2015 (Josh Edelson/AFP/Getty Images) À droite : Un homme traverse une rue pendant une pluie diluvienne le 15 septembre 2015 à Los Angeles, alors qu’un système de basse pression résultant d’un précédent cyclone tropical a déclenché de fortes pluies (Frederic J. Brown/AFP/Getty Images)

Dans le tourbillon du coup de fouet

Greenville, Californie - La neige a commencé à tomber le 24 décembre, de gros flocons duveteux qui faisaient comme de la dentelle sur nos moufles avant de fondre. En quelques heures, elle avait recouvert les cendres, les cheminées en briques, ruines abandonnées par les flammes ainsi que les vestiges des toitures éparpillées jonchant ma ville incendiée.

Des monticules blancs ont rapidement adouci le décor des voitures carbonisées omniprésentes, tandis que même les arbres brûlés qui se dressent jusqu’au sommet des collines ont été recouverts d’une bienveillante magie hivernale.

Vidéo : La tempête hivernale a frappé le sud de la Californie avec des opérations de secours dangereuses et d’importants dégâts matériels. Beverly White est en reportage pour NBC4 News le mardi 14 décembre 2021.

Toute trace d’eau aurait été la bienvenue. Au cours des sept mois qui ont suivi l’incendie Dixie, qui a détruit Greenville et plusieurs autres communautés rurales dans les montagnes de la Sierra Nevada, au nord de la Californie, la sécheresse qui a conduit à ce désastre de feu est allée crescendo. Le mois d’octobre a apporté quelques brefs épisodes de pluies abondantes, mais novembre et décembre ont de nouveau été des périodes sèches. Le sol qui aurait dû être humide était aussi desséché que l’air, tandis que l’humidité atteignait difficilement les 10 %.

Dans une brume de poussière, nous avons regardé les bulldozers qui emportaient les murs en ruines - ce qui avait été des maisons il n’y a pas si longtemps - vers de gigantesques camions à benne. Même les arbres qui avaient survécu avaient un aspect fané. Et voilà qu’il y avait de la neige - pour Noël ! Nous l’avons saluée avec des cœurs aussi grands ouverts que les bouches des enfants qui goûtent aux flocons qui tombent.

Greenville, ma ville d’adoption de 46 ans, avait été dévastée par une catastrophe liée au changement climatique. Provoqué par la négligence de Pacific Gas & Electric (PG&E), l’incendie Dixie a brûlé près d’un million d’hectares [Le Dixie Fire, second plus grand incendie de l’histoire de la Californie, est un feu de forêt qui a duré de mi-juillet jusqu’à fin septembre 2021, attisé par une chaleur étouffante, une sécheresse alarmante et des vents continus, NdT], soit la distance, si on prend la peine de la mesurer, qui va de Philadelphie à New York.

Des ouvriers municipaux dégagent les trottoirs de la rue principale dans le centre-ville de Greenville, le dimanche 16 janvier 2022 (JOSH MORGAN/ GREENVILLE NEWS)

Le 4 août, un pyrocumulus s’est affaissé sur la crête au-dessus de l’ancienne communauté ruinée de la ruée vers l’or où je travaillais, et s’est transformé en braises rouges qui sont tombées sur une zone de plusieurs kilomètres carrés. Les arbres se sont transformés en torches géantes. Les flammes ont dévalé la montagne voisine, filant à toute allure au travers des denses forêts laissées à l’état sec de squelettes (après un siècle d’extinction malavisée des incendies) par une troisième année de sécheresse.

Il a fallu moins de 45 minutes à ce brasier pour raser le centre-ville historique vieux de 160 ans, y compris mon bureau de journaliste situé au deuxième étage du plus vieux bâtiment du coin. Près de 800 maisons sont parties en fumée. Au cours des quatre mois suivants, nous nous sommes rassemblés en deuil par deux ou trois dans les bureaux de poste et les magasins des villes voisines, nous consolant mutuellement.

Et voilà, on était à Noël et il neigeait ! Nous nous sommes relâchés et avons fait la fête au milieu des ruines. Nous étions loin de nous douter que, sous l’effet du réchauffement de notre planète, nous allions passer de la sécheresse au déluge.

Des jours plus chauds et des nuits plus chaudes ont transformé nos schémas météorologiques en spirales extrêmes, faisant osciller des régions entières du monde entier entre les températures les plus chaudes qu’elles aient connues et les plus froides, les faisant passer d’incendies dévastateurs à des inondations désastreuses. Nous sommes là dans un territoire inexploré et, selon les scientifiques, il s’agit d’un aperçu malheureusement bien sombre de l’avenir que nous sommes en train de nous fabriquer.

Au quatrième jour de neige ininterrompue, notre euphorie était retombée. L’électricité vacillait. L’Internet était pratiquement coupé. Nous avons pelleté la neige de nos marches, puis des chemins menant à nos voitures, pour les retrouver de nouveau recouverts. Les allées étaient un défi et les routes périlleuses (si encore elles étaient ouvertes). La neige s’accumulait dans la Sierra Nevada, ce gigantesque bloc de granit en pente qui se trouve à la frontière de l’État du Nevada.

Au lac Tahoe, à 120 kilomètres au sud, 5,5 mètres de neige se sont accumulés sur des résidences secondaires de luxe, faisant s’effondrer les terrasses et mettant à rude épreuve les équipes municipales de déneigement, peu aguerries par des années d’hivers doux. L’autoroute 80, passage principal pour traverser les montagnes, a été fermée pendant trois jours à cause des tempêtes qui ont fait de décembre le troisième mois le plus enneigé des annales et le mois de décembre le plus enneigé de tous les temps.

Ces tempêtes ont catapulté le niveau des précipitations de l’État à 258 % de sa moyenne pour cette période de l’année. Les responsables de l’eau en Californie étaient fous de joie, nous faisant l’annonce que c’est était fini de notre période de sécheresse longue de trois ans.

Et puis, bien sûr, il y a eu une fin. Les précipitations, de quelque sorte qu’elles soient, ont tout simplement cessé. Le mois de janvier a été le plus sec jamais enregistré dans certaines parties de l’État, il en a été de même dans la majeure partie du Nevada, de l’Utah et de l’ouest du Colorado. Le mois dernier a été le mois de février le plus sec depuis 128 ans, selon un groupement de plusieurs organismes chargés de surveiller les phénomènes de sécheresse.

Et voilà la vérité : en laissant les émissions de gaz à effet de serre augmenter dans l’atmosphère en raison de la combustion de combustibles fossiles, nous ferions mieux de nous habituer à ce genre de phénomènes. Selon les scientifiques, d’ici la fin du siècle, ces transitions abruptes entre les périodes pluvieuses et sèches augmenteront encore de 25 % dans le nord de la Californie et peut-être du double dans le sud de l’état.

Le lac Tahoe a connu une forte tempête hivernale des mois plus tôt que d’habitude (Shérif du comté de Placer / Twitter)

Coup de fouet météorologique ["Weather whiplash" est une expression familière pour décrire un événement extrême qui se caractérise par des changements entre deux conditions météorologiques opposées, NdT].

Si la Californie est l’archétype des phénomènes météorologiques extrêmes, ces derniers se produisent presque partout. Ces variations brutales, qui vont de la sécheresse à l’inondation, sont connues sous le nom de "coup de fouet" climatique ou météorologique. Selon Daniel Swain, climatologue à l’Institut de l’environnement et de la durabilité de l’université de Californie à Los Angeles, les causes de ces phénomènes relèvent de la spéculation scientifique et font l’objet de nombreuses recherches de pointe.

Certains scientifiques évoquent un lien entre le vortex polaire, un mur de vent qui fait le tour de l’Arctique, et les courants-jets [parfois appelés trajectoire des tempêtes, NdT], ces couloirs de vents violents qui sont généralement orientés d’ouest en est. À mesure que l’Arctique se réchauffe — jusqu’à trois fois plus vite que la moyenne mondiale — il semble déstabiliser ces courants-jets et ainsi, selon une étude publiée dans Environmental Research, provoquer des conditions météorologiques anormales et extrêmes sur la planète.

Swain estime que nous devrions visualiser le phénomène comme un gigantesque bras de fer impliquant une dynamique atmosphérique complexe au-dessus de l’océan Pacifique. Oui, dit-il, le monde se réchauffe indéniablement à mesure que la concentration des gaz à effet de serre augmente. Cela signifie que les périodes humides seront généralement plus humides et les périodes sèches plus sèches, notamment en Californie.

Il a également découvert des preuves naissantes, comme il les a appelées, de ce qu’il appelle un effet régional « relativement insolite » : la disparition de la glace dans la mer arctique pourrait en réalité venir contrarier l’effet d’assèchement que génère la progression de la zone subtropicale, empêchant la Californie de devenir plus aride dans un monde qui se réchauffe.

Zones brûlées

Dans ma communauté, les habitants sont familiers du climat local et de la terre. Éleveurs, bûcherons et soldats du feu, ils comprennent les tempêtes et les saisons, le sol, l’eau et les arbres d’une manière très intime et personnelle. J’ai trouvé ma place parmi eux au cours de ces années, en écrivant sur leur travail et leur amour des paysages que nous partageons.

Ici, à Greenville, nous ne savons peut-être pas ce que font à notre monde l’intersection du vortex polaire et des courants-jets ou la dynamique atmosphérique, mais nous savons à coup sûr quand notre environnement est détraqué. Le fait de passer de la sécheresse qui a provoqué l’incendie Dixie à ces chutes de neige historiques, et vice-versa, nous a laissé peu de doutes : il y a quelque chose de vraiment dingue concernant la météo.

Les aléas météorologiques d’un climat que nous considérions autrefois comme acquis engendrent des angoisses qui s’ajoutent au traumatisme de survivre à un incendie qui a détruit une ville. En lieu et place d’une seule catastrophe, le coup de fouet météorologique nous fait craindre une catastrophe après l’autre.

Ayant en quelque sorte survécu au feu, nous avons été projetés dans un avenir hautement incertain. Les forêts vers lesquelles nous nous tournions pour la randonnée, la pêche et le chant des oiseaux ne sont plus source de réconfort. Le monde naturel qui nous a accueillis et retenus dans cette vallée entourée de montagnes est devenu peu fiable. En quoi pouvons-nous avoir confiance ?

A comme Anthropocène

Quant on parle de coup de fouet météorologique, l’Australie est la vitrine A de l’Anthropocène, l’époque géologique actuelle dominée par l’impact des humains sur l’environnement. Depuis la fin du mois de février, des tempêtes s’abattent sur la côte sud-est de cette nation insulaire, méritant le surnom de « bombes de pluie » en raison de leur gravité. En deux jours seulement, la ville de Doon Doon, en Nouvelle-Galles du Sud, a reçu plus d’un mètre de pluie, soit à peu près les précipitations annuelles de la capitale Washington.

Les équipes de secours de l’État se placent près de l’entrée du pont Windsor inondé, dans la banlieue de Sydney, en Australie, le 3 mars 2022. (Rick Rycroft / AP)

Les inondations ont tué 22 personnes jusqu’à maintenant, ce qui a conduit le Premier ministre Scott Morrison à déclarer l’état d’urgence nationale. Ce cycle de temps extrêmement pluvieux fait suite aux feux de brousse catastrophiques de 2020, qui ont tué 28 personnes et plus d’un milliard d’animaux, tout en détruisant une zone de la taille du Connecticut à un rythme jamais vu auparavant.

Pire encore, ainsi que nous l’avons découvert notamment en Californie, le temps nécessaire aux communautés pour se relever entre de telles catastrophes climatiques se réduit. Simon Bradshaw, chercheur au Conseil australien du climat, a résumé les choses assez simplement : « La Nouvelle-Galles du Sud a été durement touchée par les feux de brousse de l’Été Noir, en 2019-20 et voilà que maintenant elle est en proie à une nouvelle catastrophe d’origine climatique. »

Et puis il y a le Texas. Au cours de la dernière décennie, cet État est passé de l’une des sécheresses les plus sévères depuis les années 1950 à une suite de déluges qui ont rivalisé avec toutes les périodes d’inondation que le Texas a connues. En 2011, les précipitations étaient inférieures de 63 centimètres à la moyenne, ce qui a entraîné des restrictions hydriques systématiques.

Le météorologue Jeff Lindner a qualifié la chaleur qui régnait à Houston en août de phénomène unique en 10 000 ans. Au cours du week-end de la fête du travail 2011 (5 septembre), la végétation rendue vulnérable par la sécheresse qui s’est alliée à des vents de 65 kilomètres par heure a engendré l’incendie de Bastrop, le feu de forêt le plus dévastateur de l’histoire de l’État. Il a détruit plus de 140 kilomètres carrés et brûlé environ 1 600 maisons, tandis que l’incendie Tricounty a lui détruit plus de 75 kilomètres carrés et brûlé 100 maisons.

Puis les conditions météorologiques ont basculé. Lorsque l’ouragan Harvey a touché terre à Port Aransas le 27 août 2017, la région était passée de la sécheresse au déluge. Les précipitations de l’année avaient dépassé de près de 75 centimètres la moyenne annuelle.

Netherland, une ville située sur le golfe du Mexique, a enregistré plus d’un mètre cinquante de pluie. Les ravages causés par Harvey ont touché environ 13 millions de personnes et ont entraîné au moins 107 décès, près de 135 000 maisons endommagées ou détruites (un tiers du nombre total dans quatre comtés) et jusqu’à un million de voitures réduites à l’état d’épaves.

Le gouverneur Greg Abbott, un vétéran du climato-scepticisme qui a menacé de poursuivre le président Biden en justice pour ses politiques de lutte contre la crise, a concédé que quelque chose était en train de radicalement changer. « Il nous faut reconnaître que cela va devenir la nouvelle normalité. Une normalité inédite et différente qui concernera l’ensemble de la région », a-t-il déclaré.

Mais même lorsque ces variations météorologiques ne provoquent pas de catastrophes, elles ont des conséquences tangibles. Dans le Midwest américain, par exemple, les caprices du temps entraînent une baisse de la qualité des eaux de distribution. Après les inondations exceptionnelles qui ont suivi une sécheresse en 2012, des chercheurs de l’université du Kansas ont noté un pic d’azote dans les eaux de surface de la région.

En période de sécheresse, l’engrais azoté que les agriculteurs épandent dans leurs champs ne parvient pas aux plantes qu’il est censé nourrir. Une étude de 2017 a révélé que l’azote reste dans le sol, qui agit comme une éponge, le retenant sur place. « Mais dès qu’il est arrosé, souligne Amy Burgin, l’une des autrices, l’azote peut déferler dans les rivières, comme lorsque vous essorez une éponge. »

L’eau est la ressource la plus précieuse sur Terre, mais il semble qu’il y en ait toujours trop ou trop peu au Texas. La recherche à l’école Jackson s’attaque aux défis posés par ces extrêmes.

Ces niveaux de plus en plus élevés de nitrates dans l’eau potable ont obligé le Des Moines Water Works à construire une usine d’élimination des nitrates d’un coût de 4,1 millions de dollars, dont le fonctionnement coûte 7 000 dollars par jour. Les scientifiques s’attendent à ce que des pics de nitrates dans les eaux de surface se produisent dans tout le Midwest agricole, alors que les caprices du temps deviennent de plus en plus la norme.

Ailleurs, les changements de comportement de divers types d’animaux sauvages ne font qu’exacerber les problèmes causés par ce temps bizarre. Dans l’est de l’Oregon, par exemple, une sécheresse générale suivie d’une neige abondante a poussé les wapitis à quitter les collines pour se nourrir des meules de foin qui constituent le revenu des éleveurs.

Les conflits entre la faune sauvage et l’homme sont déjà assez fréquents, mais les climatologues s’attendent à ce qu’ils se multiplient à mesure que les sécheresses, les inondations et les incendies poussent les animaux loin de leurs aires de vie habituelles vers les zones agricoles.

Concernant le climat, qui conduit le train ?

Comme je l’ai appris, bien trop à mes dépens, les catastrophes climatiques sont profondément déstabilisantes. Elles peuvent brutalement déraciner les communautés et les chambouler. Elles sont aussi profondément injustes. Ceux qui ont le moins de ressources et qui sont les moins responsables de la crise climatique vont continuer à subir la majeure partie de son impact.

Et c’est la mauvaise nouvelle. Notre détermination est loin d’être suffisante pour mettre un terme aux hausses incessantes de température à l’origine des phénomènes météorologiques qui nous frappent de plus en plus violemment. Comme l’a dit le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, le récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat est « une accusation accablante de l’abdication de leadership en matière de climat... qui révèle à quel point les gens et la planète se font laminer par le changement climatique ».

Swain, le climatologue de l’UCLA, l’exprime ainsi : « Nous sommes dans un train qui va de plus en plus vite sur les rails avec des freins parfaitement fonctionnels. Mais les conducteurs, pour une raison quelconque, choisissent de ne pas actionner ces freins. »

Le train climatique

Et voici la seule bonne nouvelle : le changement climatique est un problème mais qui a une solution. Nous, les humains, l’avons créé, ce qui signifie qu’il peut être résolu. Cependant, cela nécessiterait une volonté sociétale et politique telle que nous ne l’avons tout simplement encore jamais connue.

Ce qui est le plus ironique dans le fait de vivre le désastre du changement climatique, c’est que nous en sommes tout à la fois les victimes et les conducteurs. Nous pourrions, du moins en théorie, actionner les freins de la locomotive. Dans notre rage face aux forces de destruction qui échappent à notre contrôle — les flammes qui incendient nos vies et les inondations qui les submergent — peut-être trouverons-nous la volonté politique et le courage d’apporter des changements concrets, au moins à très petite échelle, ici même, dans ma ville de Greenville.

Dans sa désolation calcinée, nous pourrions maintenant choisir l’énergie solaire plutôt que les combustibles fossiles. (Et si tel était le cas, qui pourrait nous reprocher de nous féliciter d’avoir boudé PG&E ?) Nous pourrions préférer les jardins communautaires aux produits importés.

Tout cela, cependant, reste de l’ordre d’un avenir lointain pour un endroit qui n’a qu’une seule épicerie, une station-service et guère plus. Mais si nous devons passer le reste de notre vie à cicatriser, alors nous pouvons au moins investir nos efforts dans une nouvelle approche qui assurerait notre autonomie propre ainsi que celle de notre communauté. Il ne nous reste pas grand chose à perdre.

Copyright 2022 Jane Braxton Little

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