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D’après le rapport IATP du 13 Décembre 2021

Viande, produits laitiers et changement climatique

Par Bruno Bourgeon

jeudi 27 janvier 2022, par JMT

Viande, produits laitiers et changement climatique

Alors que les gouvernements doivent réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), les géants européens de la viande et des produits laitiers augmentent les leurs en augmentant leurs production et exportations.

Ferme laitière à Caparroso en Espagne (IATP)

L’IATP (Institute for Agriculture and Trade Policy) a calculé les émissions de 35 des plus grandes entreprises de ce secteur ayant leur siège dans l’Union européenne (UE) et en Suisse. La plupart ne déclarent pas leurs émissions de GES. Sur les 20 entreprises examinées en détail, seules 3 se sont engagées à réduire leurs émissions globales liées au bétail. Aucune des entreprises analysées n’a exprimé son intention de réduire le nombre de têtes de bétail dans sa chaîne d’approvisionnement (90 % des émissions du secteur).

En 2018, dans un rapport établi avec GRAIN, l’IATP a montré l’ampleur des émissions, qui rivalisent avec celles de l’industrie pétrolière. En 2020, le rapport Milking the Planet (« Traire la planète ») a révélé l’augmentation continue des émissions de l’industrie laitière à l’échelle mondiale. Sur les entreprises basées en Europe, l’IATP montre comment, au lieu de réduire les émissions produites par le bétail, les géants de l’industrie de la viande et des produits laitiers emploient des discours et des stratégies qui masquent les répercussions de ce secteur sur le changement climatique.

Le rapport explique pourquoi ils doivent être mis face à leurs responsabilités et contribuer aux actions urgentes. Seules 10 des 20 plus grandes entreprises ont annoncé des objectifs climatiques, et seules quelques-unes ont déclaré leur intention de mettre en place des programmes « zéro émission ».

Ces programmes s’appuient sur une stratégie visant à enjoliver leur action en faveur du climat :

1. Détourner le discours sur l’agriculture régénérative et l’agroécologie ;

2. Réduire les d’émissions/kg de viande ou l de lait (réduction de l’intensité des émissions) ;

3. Développer et de planifier l’utilisation de crédits carbone éphémères ;

4. Utiliser des additifs pour réduire les émissions de méthane, sans réelle preuve scientifique ;

5. Profiter des primes gouvernementales pour produire du « biogaz » provenant du fumier du bétail.

Les compensations et les gains en efficacité sont principalement payés et mis en œuvre par les fournisseurs. Elles reposent sur des promesses de réduire les émissions ailleurs, pas sur une réelle diminution des émissions.Les tendances sont claires : les poids lourds de la viande et des produits laitiers vont dans la mauvaise direction.

Aucun gouvernement européen ne tient ces entreprises responsables des émissions de leur chaîne d’approvisionnement, alors même que les émissions de l’agriculture ont augmenté depuis 10 ans.

Alors que l’Union européenne s’apprête à lancer une Initiative agriculture carbone (Carbon Farming Initiative) dans le cadre des plans d’élimination du carbone du Pacte Vert pour l’Europe et qu’elle établit des règles de plus grande envergure pour le climat et l’agriculture, les gouvernements doivent exiger des géants de l’industrie de la viande et des produits laitiers qu’ils s’engagent à réduire leurs émissions absolues. L’UE ne doit pas cautionner l’utilisation de systèmes de compensation des émissions de carbone peu fiables.

L’IATP met également en évidence :

1. Que 20 entreprises européennes du secteur de la viande et des produits laitiers produisent plus de la moitié des émissions de GES du Royaume-Uni, de la France et de l’Italie.

2. Que les émissions de ces 20 entreprises rivalisent avec celles des géants des combustibles fossiles.

3. Que leurs émissions combinées sont également équivalentes à 48 % du charbon consommé dans l’ensemble de l’UE (2018) ou supérieures aux émissions de 53 millions de voitures particulières.

4. Que les émissions combinées de 35 des plus grandes entreprises des secteurs du bœuf, du porc, de la volaille et des produits laitiers ayant leur siège en Europe représentent 7 % des émissions de l’UE en 2018.

5. Que sur les 20 entreprises évaluées, seules 4 (Arla, Danone, FrieslandCampina et Nestlé) déclarent les émissions totales de leur chaîne d’approvisionnement. Seules 2, Nestlé et Danone, fournissent des détails sur les émissions de leur chaîne d’approvisionnement en bétail. Seules 3, Nestlé, FrieslandCampina et ABP ont annoncé leur intention de réduire les émissions totales de leur chaîne d’approvisionnement. Aucune n’envisage de modifier son modèle de production et de transformation du bétail à grande échelle.

6. Le transformateur de viande bovine irlandais ABP, qui s’est fixé un objectif volontaire sous l’égide de l’organisation Science-based Target Initiative (SBTi), a augmenté ses émissions de 45 % entre 2016 et 2018. Le géant allemand de la transformation de viande Tönnies a augmenté ses émissions de 30 % au cours de la même période. Danish Crown, une société basée au Danemark, l’un des plus grands transformateurs de viande de porc au monde, a augmenté ses émissions de GES de 2 % au cours de cette période, bien qu’elle se soit engagée à atteindre zéro émission nette d’ici 2050.

7. Même si les émissions agricoles de l’Allemagne sont parmi les plus élevées de l’UE, aucune des entreprises basées en Allemagne ne déclare d’émissions, sans parler d’objectif climatique.

8. Plusieurs entreprises, telles que Bigard (France) et Coren (Espagne), n’ont fait preuve d’aucune transparence quant à leurs activités, ce qui rend impossible le calcul de l’évolution de leurs émissions.

9. Les 5 entreprises avicoles examinées émettent 20 % des émissions totales du secteur, dans l’UE. Pourtant, seules 3 déclarent leurs émissions et aucune n’a d’objectifs de réduction.

10. Entre 2005 et 2018, les exportations de l’UE ont augmenté de 93 % pour la volaille, de 45 % pour les produits laitiers et de 58 % pour le porc. La hausse des exportations éclipse celle des importations de volaille, de viande bovine et de porc, bien que les importations aient également augmenté dans cette période.

Les tendances en matière de commerce et de consommation montrent que le fait de se limiter à la réduction de la consommation de viande et de produits laitiers en Europe n’aura qu’un effet limité sur la diminution des émissions, tant que l’on ne tiendra pas compte de la politique commerciale de l’UE et de son influence sur les exportations mondiales.

Pour parvenir à une réelle transformation de l’agriculture européenne, les 10 pays de l’UE les plus producteurs et exportateurs, et l’Union européenne dans son ensemble, doivent imposer une réglementation aux entreprises du secteur de la viande et des produits laitiers.

L’industrie ne devrait pas être autorisée à faire des bénéfices en faisant payer au public les coûts du système de production de masse des aliments d’origine animale. Les responsables politiques de l’UE viennent d’approuver une nouvelle aide à ce secteur pour 2023-2027. Cette décision est dévastatrice pour le climat.

Il est encore temps de transformer les plans stratégiques nationaux de la PAC pour les aligner sur les objectifs climatiques de l’Union européenne et de la planète, par une action concrète dans le domaine agricole, qui conditionnerait le financement à une transition vers l’agro-écologie.

La PAC 2027 doit être remaniée afin de réorienter le financement public vers le soutien des communautés rurales pour assurer une transition juste. Les marchés spéculatifs du carbone pour l’agriculture, tels que les envisage la Commission européenne (CE) ne sont pas la bonne solution.

Les fonds publics, tels que les éco-régimes de la PAC et les aides d’État, ne devraient pas être détournés vers des consultants carbone chargés d’assurer les opérations coûteuses de suivi, de déclaration et de vérification des crédits carbone pour la séquestration temporaire du carbone dans les sols. Ces fonds publics devraient être utilisés pour soutenir les agriculteurs qui pratiquent déjà l’agroécologie.

Six ans après l’accord de Paris, les décideurs manquent toujours de données fondamentales comme les volumes d’émissions des plus grands émetteurs du secteur de la viande et des produits laitiers de l’UE. Faute de dispositifs réglementaires de la part des gouvernements, les initiatives volontaires se multiplient. Les objectifs qui en résultent ne sont, au mieux, pas vérifiables, faute de repères et d’indicateurs clairs et harmonisés. Dans le pire des cas, ce sont des plateformes pour l’éco-blanchiment des entreprises.

Le dernier rapport du GIEC sur nos perspectives de limitation du réchauffement à 1,5°C exige un changement systémique total dans tous les secteurs, y compris l’agriculture. Cela ne sera possible que si les gouvernements agissent rapidement et fermement face à la crise climatique, comme ils l’ont fait en adoptant des politiques visant à limiter la pandémie de COVID-19.

Le GIEC pointe du doigt les émissions de méthane, qu’il est capital de réduire pour gagner du temps, en attendant l‘élimination progressive des émissions dues aux combustibles fossiles. Les États-Unis et l’Union européenne ont réagi en proposant un engagement mondial de réduction des émissions de méthane, qui prévoit une réduction globale de 30 % des émissions de méthane d’ici à 2030 pour tous les pays qui le souhaitent.

Nous avons besoin de toutes les bonnes volontés pour transformer à la fois la destination des fonds publics et les politiques climatiques et agricoles afin de favoriser la transition vers l’agroécologie. Cela n’aura pas lieu si les géants du secteur de la viande et des produits laitiers continuent à récupérer et détourner les discours des gouvernements et de la société civile sur l’agriculture régénérative et l’agroécologie. Cela ne se produira que lorsque les gouvernements prendront conscience de ces faits et commenceront à réglementer l’agrobusiness.

Notes
Pour en savoir plus, consulter la page Greenhouse Gas Equivalencies Calculator sur le site de l’EPA (United States Environmental Protection Agency), mise à jour en mars 2021 (consulté le 5 octobre 2021).

Bruno Bourgeon http://www.aid97400.re
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