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D’après Charlie-Hebdo n°1525 du 13 Octobre 2021

Dépôt d’amiante au cœur de la forêt

Par Bruno Bourgeon

lundi 8 novembre 2021, par JMT

Dépôt d’amiante au cœur de la forêt

Énorme scandale, l’amiante n’en finit pas de pourrir la vie des gens. Après les poumons des ouvriers des chantiers d’Eternit, c’est maintenant la campagne bourbonnaise qui se fait trouer par les déchets amiantés.

Protestations contre le projet de stockage de déchets amiantés à Saint-Didier-La-Forêt

Saint-Didier-la-Forêt. Toute mon enfance. Commune voisine de celle de la demeure familiale. J’y faisais des balades à vélo. Il n’y a pas grand-chose à Saint-Didier-la-Forêt. Une forêt et du bocage. La forêt ? Celle de Marcenat. 1162 ha de futaies de chênes magnifiques, et de charmilles abritant cerfs, chevreuils, sangliers, pour ne citer que les plus gros mammifères. Plusieurs centres équestres (proximité de l’hippodrome de Vichy), l’abbaye Saint-Gilbert (dont la forêt fut un bien confisqué par la Révolution), des habitants aussi, 400 environ. Une broutille.

Et enfin une carrière d’alluvions au lieu-dit Le Grand-Étang, où, depuis 15 ans, on extrait du sable et des granulats. Juste à côté d’une ferme de mes amis. En 2019, l’entreprise fait une demande de renouvellement d’autorisation d’exploitation pour 30 années de plus. Plus une requête d’extension de la carrière sur 22,9 ha. Le Covid passant par-là, l’activité de la carrière s’arrête. La société Carrières & Matériaux Centre Auvergne (CMCA), qui exploitait les lieux, demeure récipiendaire de déchets dits inertes.

En 2021, elle change de nom, devient Carrières & Matériaux Sud-Est (CMSE). Sa demande d’agrandissement prévoit de consacrer 14,5 ha à une nouvelle activité : le stockage de déchets de matériaux de construction amiantés. CMSE, entreprise qui appartient à BTP Colas, en profite pour enfouir des déchets d’amiante lié, autrement dit les matériaux de construction dont les fibres d’amiante sont intégrées à un liant solide. Or ces saloperies sont partout. Car l’amiante, ce poison, n’a pas arrêté d’être employé dans nombre de secteurs, dont le BTP.

« L’amiante, conçu pour durer toute une vie, une vie sans problème », note Mohamed-Jalal Bougrini en introduction d’un mémoire de Master 2 en droit et santé intitulé : « Amiante : quelles sont les alternatives à l’enfouissement et est-ce que la valorisation est possible  ? ». Insondable question… « L’amiante, c’est une erreur du passé. Autant éviter que son enfouissement soit l’erreur d’aujourd’hui », résume Jean-Marie Faivre, habitant du village à l’initiative d’une pétition contre la mise en service du centre d’enfouissement des déchets amiantés (1).

Comme pour les déchets nucléaires, l’enfouissement semble être la solution de facilité et, surtout, le déni des conneries politico-industrielles qui ont eu lieu pendant des années. Car si, depuis 1997, l’amiante est définitivement interdit en France, il est en fait encore présent partout. Chaque chantier de rénovation est un casse-tête pour savoir que faire du poison du Fibrociment, par exemple. Comme les déchetteries le refusent, les dépôts sauvages se multiplient.

Miracle, le monde économique et ses entreprises privées sont là. « La sortie du marché de l’amiante a ouvert la porte à l’expansion d’une nouvelle activité, à savoir le désamiantage », explique Mohamed-Jalal Bougrini dans son mémoire. Une solution qui n’en est pas une car « l’enfouissement ne permet pas d’éliminer l’amiante ou de mettre fin à sa toxicité, il permet uniquement de masquer, voire reporter le problème ». L’aspirant-juriste note que l’enfouissement « n’est plus viable sur le moyen et long terme », d’une part parce que « la capacité des centres d’enfouissement est restreinte », d’autre part parce que « les citoyens n’acceptent plus l’installation de nouveaux sites ».

S’il a raison sur le second point – les commentaires des habitants de Saint-Didier-la-Forêt sur le registre des observations du public mis en place par la préfecture de l’Allier montrent l’opposition à ce projet (2) –, il se plante sur le premier, oubliant la capacité du BTP à trouver des idées qui rapportent. Le centre d’enfouissement pourrait accueillir 30000 à 50000 t d’amiante pendant 30 ans.

Le CMSE se veut rassurant : « Par sa position géographique, ce centre va permettre un bénéfice collectif en divisant par deux l’émission de CO2 des camions qui jusqu’alors allaient vers la Moselle ou l’Aude pour y déverser les déchets d’amiante lié », explique Dominique Schmitt, directeur foncier de CMSE en charge de la carrière. Et tant pis si la fourchette est plus que large. Il assure encore que les déchets proviendront d’Auvergne, avant d’évoquer la réception de « colis » – c’est le terme idoine – du côté de Mâcon, en Saône-et-Loire, un département limitrophe, à 150 bornes.

France Nature Environnement Allier s’inquiète pour la nappe phréatique. Enfouies à 9 m de profondeur, enveloppées dans deux « big bags » – des plastiques étanches – déposés dans des casiers en argile dont, assure CMSE, les propriétés sont inaltérables, les tonnes d’amiante dormiront en paix à côté de la forêt d’un petit village de l’Allier. Tout sera tracé, surveillé par les services de l’État. C’est le récit que tient l’entreprise Colas. Et il n’y a pas d’alternative. Encore un souvenir de mon enfance qui disparaît.

1. La pétition a recueilli 26 000 signatures : l’angoisse des Vichyssois, « sous le vent », à 15 km.

2. L’enquête publique est close depuis le vendredi 15 octobre. En 2019, le conseil municipal de Saint-Didier-la-Forêt avait voté contre le projet à l’unanimité.

Bruno Bourgeon http://aid97400.re

D’après Charlie-Hebdo n°1525

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