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D’après Notre-Planète.Info du 13 Octobre 2021

Eau du robinet ou eau en bouteilles ?

Par Bruno Bourgeon

samedi 23 octobre 2021, par JMT

Eau du robinet ou eau en bouteilles ?

Eau-Bouteille-Verre

65 fois plus chère que l’eau du robinet, à l’origine de 150 000 tonnes de déchets plastiques par an en France, l’eau embouteillée ne serait pas franchement justifiée. Pourtant, de nombreux composants chimiques polluent l’eau : substances médicamenteuses, pesticides, plastiques, hydrocarbures, nanoparticules ont envahi notre quotidien et notre alimentation... Aujourd’hui, cet effet « mélange de molécules » mobilise des programmes de recherches spécifiques se déroulant dans le monde entier. Ces nouveaux polluants ne sont pas mesurés ou non divulgués par les analyses publiques du contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine.

Les pesticides
Plus de 90% des cours d’eau en France sont contaminés par des pesticides , pesticides que l’on retrouve ensuite dans l’eau du robinet, comme en témoigne une analyse urinaire de détection du glyphosate effectuée en 2019 chez une personne qui ne mange que des produits bio mais boit de l’eau du robinet. Ses résultats ont montré une contamination assez élevée en glyphosate. Générations Futures publie à mi-juin 2021 un rapport qui montre la difficulté et les limites dans la détection de pesticides dans l’eau du robinet en France. Par exemple, dans l’Aisne, une dizaine de pesticides sont recherchés, alors que dans les Bouches-du-Rhône, ce sont plus de 550 pesticides différents qui ont été recherchés dans chaque prélèvement ciblant les pesticides, ce qui fausse grandement les résultats.

Sur les pesticides recherchés, le travail d’analyse de Générations Futures montre que 35 % des analyses réalisées en France détectent des pesticides. Ce sont majoritairement des perturbateurs endocriniens : 56,8 % des quantifications de résidus de pesticides. Les pesticides ayant des propriétés Cancérogènes, Mutagènes, Reprotoxiques (CMR) sont aussi présents : 38,5% des quantifications de résidus de pesticides. Au total, plus des 3/4 des pesticides retrouvés dans l’eau du robinet sont de type CMR ou PE. Ces données sont inquiétantes. En outre, les métabolites, nombreux sous-produits toxiques issus des pesticides, ne sont pas recherchés, par incapacité technique.

Selon une étude de 2015 , l’eau en bouteille ne contiendrait pas ou très peu de pesticides : sur 40 marques d’eaux minérales naturelles et d’eaux de source, les 13 000 analyses réalisées montrent que 78 % des échantillons testés ne présentent aucune nano-trace de pesticides et que ceux qui en contiennent ont des teneurs 2 fois inférieures au seuil réglementaire et en moyenne dix fois inférieures à celles observées en moyenne dans l’eau du robinet. Cela représente des teneurs 200 fois inférieures au seuil maximum admis.

Les nitrates
En 2015, 61,8 % de la population française disposait d’une eau de distribution avec une concentration maximale en nitrates inférieure à 25 mg/L (Ministère de la Santé, 2016 ). Autrement dit, 38 % des Français pouvaient boire une eau du robinet avec des valeurs en nitrates comprises entre 25 et 50 mg/l, là où la plupart des eaux en bouteille (eaux minérales naturelles et eaux de source) restent en dessous de 5 mg/l.

Les nitrates proviennent des activités agricoles. Le nitrate en lui-même n’est pas toxique. C’est leur transformation en nitrites qui peut, potentiellement, avoir un impact négatif sur la santé. L’exposition aux nitrites inhibe la capacité du corps à absorber l’oxygène et peut conduire au dangereux syndrome du bébé bleu (méthémoglobinémie).

Le nitrate dans l’eau potable est également soupçonné de causer d’autres maladies chroniques, y compris le cancer de l’intestin. En outre, plus il y a de nitrate dans l’eau potable des mères, moins les bébés qui naissent sont bien portants et grands. Voir l’étude publiée en mars 2021 qui se base sur les registres de plus de 850 000 naissances au Danemark. Ainsi, les bébés nés de mères dont l’eau de boisson contient entre 25 et 50 milligrammes de nitrates par litre, la moitié de la valeur seuil actuelle pour l’UE, pèsent en moyenne 10 g de moins et sont légèrement plus petits.

Les produits pharmaceutiques
Selon l’OCDE , les risques environnementaux liés à la grande majorité des quelque 2 000 principes actifs employés actuellement dans les produits pharmaceutiques à usage humain ou vétérinaire n’ont jamais été évalués. Et plusieurs douzaines de nouveaux principes actifs sont homologués chaque année...

On retrouve aussi des médicaments dans l’eau de consommation humaine : hormones, antalgiques, antidépresseurs et antibiotiques. Après avoir ingéré un médicament, les humains ou les animaux excrètent entre 30 et 90 % de ses composants sous forme de substances actives qui se répandent dans les réseaux d’assainissement ou dans l’environnement.

Or, les stations d’épuration classiques ne sont pas conçues pour supprimer les produits pharmaceutiques et la présence de résidus dans les ressources en eau n’est pas systématiquement contrôlée. Etant donné que les produits pharmaceutiques sont conçus pour interagir avec les organismes vivants à petite dose, même de faibles concentrations peuvent nuire aux écosystèmes d’eau douce et à la santé des humains. Les eaux en bouteille ne présentent aucune trace de médicament ou d’hormone, selon l’étude de 2015.

Pour ce qui concerne les antibiotiques, à l’origine de l’apparition de résistances bactériennes que la médecine ne peut pas traiter, ils ne sont pas encore réglementés et encore moins éliminés de l’eau du robinet, tout comme un nombre toujours plus important de médicaments qui finissent dans le réseau d’eau potable.

L’aluminium
L’aluminium est un métal présent naturellement sur Terre, et ubiquitaire : dans les organismes vivants, le sol, l’eau... Sa concentration dans l’eau du robinet, non renseignée dans les analyses, a fait l’objet de suspicions quant à son lien avec la maladie d’Alzheimer qui touche maintenant 900 000 personnes en France.

L’arsenic
Selon une étude menée par un groupe de chercheurs de l’Environmental Working Group (EWG) effectuée en Californie de 2010 à 2017, la consommation d’eau du robinet aux Etats-Unis pourrait être à l’origine de centaines de milliers de cancers. En cause : l’arsenic mais aussi des produits désinfectants dans l’eau du robinet. L’arsenic est connu pour sa forte toxicité générant des troubles digestifs graves pouvant entraîner la mort (l’arsenic a été d’ailleurs longtemps utilisé comme poison mortel. La dose létale est comprise entre 70 et 180 mg).

D’autres toxicités ont été découvertes, notamment le risque vasculaire et le risque sur l’athérosclérose carotidienne découverte en 2002. L’arsenic est surtout un cancérogène entraînant des cancers de la peau et des cancers internes (Rapport sur la qualité de l’eau et assainissement en France, 2003) . En France, l’arsenic est retrouvé dans l’eau du robinet en quantités variables suivant la géographie des stations de pompage.

Si l’arsenic est suivi très régulièrement pour les grandes villes, ce n’est pas le cas pour les plus petites villes où la population peut donc être exposée en fonction de sa localisation. En effet, l’arsenic provient du sol et se retrouve principalement dans les roches anciennes, granitiques (Vosges, Bretagne, Corse...) ou les roches volcaniques (Massif Central) mais aussi des carrières, y compris les plus anciennes. Les eaux minérales ne sont pas exemptées d’arsenic et ce sont les eaux bicarbonatées gazeuses qui en contiennent le plus (Anses, 2008 ).

La radioactivité
L’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO) a jeté un pavé dans la mare en montrant que plus de 268 communes en France délivrent une eau du robinet qui contient du tritium (hydrogène radioactif rejeté par les installations nucléaires) et que pas moins de 6,4 millions de personnes sont alimentées par une eau contaminée au tritium.

De nombreuses communes d’Ile-de-France et des Pays de la Loire sont concernées. En cause : les installations et centrales nucléaires installées le long de la Seine et de la Loire qui rejettent des éléments radioactifs dans l’eau. Toutefois, aucune valeur mesurée ne dépasse le critère de qualité fixé à 100 Bq/L instauré par les autorités sanitaires, sauf à Saumur où des doses de 310 Bq/L ont été mesurées : l’Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire (IRSN) s’en est saisi mais ne parvient pas à expliquer cette concentration qui ne serait pas liée aux centrales nucléaires...

La présence de tritium dans l’eau potable ne chiffonne pas Jean-Michel Bonnet, le directeur de la santé de l’IRSN : « A 2 l/j, l’exposition est dix fois plus faible que la dose reçue par le corps humain lorsqu’il est soumis à un examen médical par scanner ». Pour l’ACRO, il ne s’agit pas d’apeurer la population qui boirait une eau dangereuse pour la santé mais de sensibiliser nos décideurs : « en cas d’accident grave sur une des centrales nucléaires sur la Seine, la Vienne ou la Loire, il n’y aura pas que le tritium rejeté et ce sont des millions de personnes qui risquent d’être privées d’eau potable . Comment les autorités vont-elles faire pour assurer les besoins vitaux de ces personnes ? Aucun plan n’est disponible pour le moment. »

Les plastiques
Le site web du Ministère de la Santé donne un aperçu de la qualité de l’eau du robinet.. La qualité est plutôt bonne en général mais souffre d’analyses non homogènes au niveau national (pour les pesticides - cf. Rapport de Générations Futures). Depuis 1950, année où le plastique fait son apparition dans notre vie quotidienne, nous avons produit et consommé à l’échelle mondiale 8,4 milliards de tonnes de plastique (plus de 1 million de fois le poids de la tour Eiffel).

Une étude de Science Advances montre que 6,3 milliards de tonnes de ces déchets sont des plastiques peu biodégradables, qui s’accumulent dans les milieux et sont transportés vers l’océan par les cours d’eau. Aujourd’hui, on trouve des morceaux de plastique, mais aussi des fibres textiles partout.

Résultat : toute la chaîne alimentaire est contaminée, du minuscule zooplancton aux thons en passant par les oiseaux et l’Homme…. C’est donc en toute logique que l’on retrouve des microplastiques dans notre eau du robinet !

C’est l’objet d’une enquête intitulée « Invisibles » menée par le média Orb et un chercheur de l’école de santé publique de l’Université du Minnesota (Etats-Unis) sur les 5 continents du globe.

Le constat est édifiant : à l’échelle mondiale, 83 % des eaux du robinet sont polluées par des microplastiques et donc quasiment toute notre alimentation puisque l’eau entre dans la préparation de nombreux plats... En avril 2017, des chercheurs malaisiens de l’université Putra Malaysia a analysé différents sels vendus dans le commerce à travers le monde et là aussi, presque tous contenaient des microplastiques : 40 % de polypropylène (PP) et 33,3 % de Polyéthylène (PE).

On a longtemps considéré qu’ils provenaient principalement de la dégradation des macro-déchets de plastique abandonnés dans la nature (sacs, bouteilles, emballages divers...) mais ils sont aussi constitués de fibres issues de l’abrasion quotidienne des vêtements, de leur lavage en machine, des tapis, de l’usure des pneus, des peintures, des microbilles utilisées en cosmétique.

Une étude menée à Paris en 2015 avait montré que 3 à 10 tonnes de microplastiques se déposent chaque année sur le sol de la capitale française, précise l’enquête d’Orb. Doit-on préférer l’eau en bouteilles ? Pas si sûr, à en croire les résultats d’une nouvelle analyse publiée par Orb .

L’eau de 259 bouteilles différentes provenant de 9 pays (Chine, USA, Inde, Indonésie, Mexique, Brésil...) a été analysé et 93 % d’entre elles étaient contaminées par des microplastiques ! En moyenne, ce sont plus de 10 particules de microplastiques de plus de 100 µm par litre d’eau en bouteille qui ont été trouvées : deux fois plus que dans l’eau du robinet.

Cependant, les particules retrouvées dans l’eau en bouteille sont différentes : alors que les fibres constituent 97 % des microplastiques retrouvés dans l’eau du robinet, ils ne composent que 13% des particules contenues dans l’eau embouteillée, le reste étant des fragments de plastique et principalement du polypropylène qui entre dans la composition des bouteilles elles-mêmes. Ceci signifie que la source principale des particules de microplastiques peut provenir du processus industriel de mise en bouteille de l’eau, voire même de la simple ouverture de la bouteille par le consommateur.

Les bouteilles en plastique (PET), 100% recyclables, ne contiennent pas de phtalates. En outre, n’oublions pas de contribuer au recyclage des déchets plastiques : une seule bouteille en plastique de 1 litre jetée dans la nature peut se morceler en microplastiques qui, alignés, forme une ligne de 1,6 km de long !

Malheureusement, ces microplastiques, invisibles à l’œil nu, ne se dégradent pas et ne peuvent être récupérés ni détruits... Ils perdureront pendant des siècles sous forme microscopique voire nanoscopique, affectant tous les milieux et tout le vivant de notre planète avec des conséquences que l’on ne mesure pas encore. Et c’est un risque pour la santé, car les microplastiques contiennent ou favorisent l’adsorption de composés chimiques persistants et toxiques, qui vont ensuite s’accumuler dans nos tissus et favoriser l’apparition de cancers et maladies, indique l’étude.

Mais les premières études concernant les effets sur la santé des microplastiques ne font que commencer et l’on ne sait pas encore si les législateurs iront jusqu’à établir une valeur limite de concentration en microplastiques dans notre eau. Ne parlons même pas des études sur notre exposition aux nanoplastiques, qui appartiennent encore au futur.

Si les microplastiques ont été détectés partout : eau de mer, eaux usées, eau douce, nourriture, eau embouteillée et eau du robinet, un rapport de L’OMS d’août 2019 se veut plutôt rassurant. Ainsi, les quantités actuelles de microplastiques dans l’eau ne sont actuellement pas une source de préoccupation pour la santé. La surveillance des microplastiques dans l’eau de boisson n’est pas effectuée, car rien n’indique qu’il y ait un risque pour la santé humaine.

Cependant, il serait approprié de mener des études ciblées, afin d’en mieux comprendre les sources. Une meilleure compréhension de l’absorption des microplastiques et des nanoplastiques après leur ingestion est nécessaire. Enfin, étant donné que les êtres humains peuvent être exposés aux microplastiques par la variété des milieux environnementaux, y compris les aliments et l’air, une meilleure compréhension de l’exposition globale aux microplastiques provenant plus largement de l’environnement est nécessaire.

Pour finir, à La Réunion, le Laboratoire d’Hygiène du Milieu, qui dépend du Conseil Départemental, ne peut tout analyser : localement sont réalisées les analyses microbiologiques, les nitrates, l’aluminium (à la demande), certains perturbateurs endocriniens, certains pesticides ; beaucoup d’analyses partent en métropole, comme la radioactivité, à la demande, les médicaments, également à la demande.

Les microplastiques ne sont pas recherchés. Et on connaît la qualité de l’eau de consommation humaine à La Réunion : à tout instant, 25% de la population ne dispose pas d’une eau parfaitement consommable. Comme nous disposons d’une eau majoritairement pluviale, la contamination est majoritairement bactérienne ; cependant, çà et là, dans différents captages phréatiques, des pesticides ou dérivés ont pu être retrouvés, y compris avec des molécules depuis longtemps interdites. C’est dire la rémanence des eaux souterraines.

Bruno Bourgeon, http://aid97400.re
D’après Notre-Planète.Info 

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