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D’après Alternatives Economiques

La remontada du vélo en France

Par Bruno Bourgeon

mardi 12 octobre 2021, par JMT

La remontada du vélo en France

Bonne pour la santé, bonne pour l’environnement, bonne pour décongestionner les centres-villes, la pratique du vélo se réserve un bel avenir. Elle profite aussi au tissu industriel français, où les usines tournent à plein régime, même si la filière doit encore relever quelques défis pour faire figure d’exemple de relocalisation réussie.

Usine de vélos de Manufacture française du cycle, à Machecoul (Pays de la Loire), le 18 mai 2020. Plus grand fabricant français, MFC produit chaque année 450 000 vélos et emploie 500 personnes. PHOTO : Jean Claude MOSCHETTI/REA

La principale raison est le boom des usages. Bien sûr, il y a l’effet Covid : nombre d’usagers des transports en commun se sont mis à la petite reine pour fuir la promiscuité des bus et du métro. Mais la bonne tenue du marché est plutôt structurelle. Et les infrastructures (piste cyclables, parkings) commencent à suivre. Cette tendance ne concerne pas seulement les transports quotidiens, mais aussi le cyclotourisme, qui a de plus en plus la cote.

A Romilly-Sur-Seine, dans l’Aube, Cycleurope emploie 250 personnes et produit les vélos des célèbres marques Gitane et Peugeot. Le made in France compte plusieurs entreprises dans le secteur. Le plus grand fabricant, la Manufacture française du cycle (MFC), sort chaque année 450 000 vélos de son usine en Loire-Atlantique avec 500 personnes. En à peine dix ans, Moustache est devenue l’un des premiers producteurs de vélos à assistance électrique (VAE) en France, avec 50 000 deux-roues assemblés par an près d’Epinal dans les Vosges. Avec 160 salariés, cette PME double de taille tous les trois ans.

Les usines françaises ont beau tourner à plein régime, leur production, un peu plus de 700 000 cycles par an, reste loin de couvrir les besoins du marché : les Français achètent en effet chaque année 2,6 millions de vélos. D’où une dépendance massive aux importations. Pourtant, il y a encore quelques décennies, la France disposait d’une industrie du vélo puissante, notamment à Saint-Etienne.

Face à la déferlante des vélos chinois à bon marché, comment expliquer la remontada tricolore ? Une part de la réponse se trouve à Bruxelles. Pour une fois, l’Europe n’est pas restée l’idiote utile de la mondialisation. Depuis 1993, l’importation de vélos chinois est en effet soumise à des taxes anti-dumping qui s’élèvent à près de 50 %. Ces taxes s’appliquent depuis à d’autres pays (Indonésie, Malaisie, Tunisie, etc.) et concernent également les VAE.

La protection des VAE est cruciale, car depuis 2020, le montant de leurs ventes est supérieur à celui des vélos traditionnels. C’est ce segment qui tire le marché à la hausse et donc la production. Ce mouvement est accompagné par les pouvoirs publics puisque l’Etat offre jusqu’à 200 euros d’aide pour l’achat d’un modèle électrique neuf, et qui peut se cumuler avec celles des collectivités. A Paris, celle-ci peut atteindre 400 euros. Pas négligeable, car le prix moyen d’un VAE est d’environ 2 000 euros. Le prix du vélo standard a suivi : en 2020, le prix moyen d’un vélo était de 717 euros, alors qu’il ne dépassait pas 300 euros dix ans plus tôt.

Cette évolution du marché permet au site France de redevenir plus facilement compétitif. Plusieurs industriels français se positionnent ainsi sur le milieu ou le haut de gamme, à l’image de Moustache, qui vend des VAE entre 2 000 euros et 6 000 euros ; ou Cycleurope, qui a repositionné sa gamme de VAE Gitane sur des vélos au-dessus de 2 000 euros, contre 1 000 à 1 500 euros auparavant. Decathlon fabrique ses vélos à forte valeur ajoutée dans son usine de Lille, tandis que le reste de sa production provient de ses usines européennes en Roumanie, Italie et Portugal.

Des vélos à prix très abordables peuvent aussi sortir d’usines installées dans l’Hexagone. La MFC assemble par exemple les vélos Nakamura pour Intersport et propose de nombreux modèles à moins de 300 euros.

Cependant, un vélo fabriqué en France ne signifie pas que la totalité de son prix hors taxes revient à des acteurs tricolores. L’ADEME estime que la valeur ajoutée des entreprises du cycle est de 25 % seulement : une limite de taille à la bonne tenue de l’industrie française.

Qu’il s’agisse des cadres, de la fourche, des moyeux, des équipements pour la transmission ou des dérailleurs, les industriels tricolores n’ont guère d’autre choix que de se fournir en composants étrangers, principalement asiatiques. A part Mavic, qui produit des jantes et des roues dans son usine sise dans l’Ain, ou Zéfal, près d’Orléans, qui fabrique quelques équipements, la France compte peu de fabricants.

Or les normes anti-dumping ne concernent que l’importation de vélos assemblés, pas les composants. Les importations de cadres sur le territoire français sont ainsi près de six fois supérieures au montant de nos exportations. Plus de 60 % des cadres importés proviennent de Chine, près de 80 % si on ajoute la part de Taïwan.

La fabrication des composants de vélo est surtout concentrée entre les mains d’un acteur : le japonais Shimano. Très réputé pour la qualité de ses produits, l’entreprise règne sur l’industrie mondiale du cycle. Face à la croissance du marché, les tensions d’approvisionnement sont vives. Établissant sa stratégie d’un point de vue mondial, Shimano pense que l’engouement pour le vélo est temporaire et refuse d’augmenter ses capacités de production.

Cette position illustre la dépendance à ce géant. Mais s’en émanciper reste illusoire. D’une part, le japonais possède une avance technologique sensible grâce à d’importantes dépenses en recherche et développement (R&D). D’autre part, les volumes importants qu’il produit lui permettent de réaliser des économies d’échelle. Difficile de le concurrencer pour des entreprises françaises qui restent de taille moyenne, avec un chiffre d’affaires atteignant 100 millions d’euros, quand Shimano tutoie les 3 milliards.

Avec l’engouement pour les VAE, une autre dépendance voit le jour : celle pour la batterie et le moteur, qui représentent environ 20 % à 25 % de la valeur du cycle. Or, les cellules proviennent aussi d’Asie et principalement de Chine. Les industriels français du vélo se mobilisent pour capter la valeur ajoutée de ce produit stratégique.

L’allemand Bosch fournit depuis plusieurs années les industriels du cycle pour la propulsion électrique et l’équipementier automobile Valeo, un géant français du secteur, s’est récemment positionné sur la fourniture de moteurs pour VAE.

Au-delà du coût de fabrication, la France souffre d’un manque de compétences, notamment le savoir-faire dans la fonderie ou la forge des cadres.

Alors que l’Etat a ouvert grand le portefeuille depuis le début de la pandémie au profit des constructeurs aéronautiques et automobiles, il pourrait faire davantage pour l’industrie du cycle, certes bien plus petite, mais dont les produits cochent toutes les cases d’une transition écologique réussie. Faisant ainsi rimer industrie et écologie.

Bruno Bourgeon, http://aid97400.re
D’après Alternatives Economiques du 4 Octobre 2021

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