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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2021-59

A qui profite le « grand mensonge » ?

Par Jill Colvin et Steve Peoples, traduit par Jocelyne le Boulicaut

mercredi 2 juin 2021, par JMT

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A qui profite le « grand mensonge » ?

Le 3 mai 2021 Par Jill Colvin et Steve Peoples

Ce reportage a été réalisé par Steve Peoples depuis New York. Lisa Mascaro, rédactrice de l’Associated Press, a contribué à ce rapport.

Archives - Sur cette photo d’archives du 25 novembre 2019, la représentante Liz Cheney, Republicains-Wyoming, au centre, s’entretient avec le président Donald Trump lors d’une cérémonie de signature du projet de loi sur la pièce commémorative du centenaire du suffrage féminin dans le bureau ovale de la Maison Blanche à Washington. (AP Photo/Patrick Semansky, Archives)

De qui est-ce le « grand mensonge » ? La proclamation de Trump est un nouveau test décisif pour le parti républicain.

WASHINGTON (AP) - Donald Trump et ses partisans intensifient leurs efforts pour déshonorer - et potentiellement écarter - les membres de leur parti qui sont considérés comme déloyaux envers l’ancien président et ses fausses affirmations alléguant que l’élection de l’année dernière lui a été volée.

Au Capitole, la représentante Liz Cheney du Wyoming, N° 3 républicaine à la Chambre, risque de perdre son poste de direction en raison de son conflit de plus en plus public avec Trump.

Dans l’Utah, le sénateur Mitt Romney, un des rares ennemis de Trump au sein du GOP, a eu l’indignité, ce week-end, de rappeler à une foule qui le huait qu’il était autrefois leur porte-drapeau à la présidence. Et au Texas, le seul républicain ouvertement anti-Trump dans une élection partielle pour un siège au Congrès a terminé à une piètre 9e place.

Trump a quitté ses fonctions il y a près de quatre mois avec une réputation fortement entachée après qu’une foule de ses partisans a déclenché une émeute meurtrière au Capitole des États-Unis pour empêcher la certification des résultats de l’élection. Mais les récents développements indiquent qu’il y a un regain de sa vitalité politique qui fait que ceux qui refusent de se rallier à ses mensonges se retrouvent en position défensive.

« C’est paniquant », a déclaré Michael Wood, le candidat républicain au Congrès du Texas qui a assis sa campagne sur la volonté de pousser le GOP au-delà du « culte de la personnalité » que constitue Trump. Au final, il n’a recueilli que 3 % des voix lors de l’élection partielle de samedi, tandis que deux des partisans de Trump, dont l’un qu’il a soutenu, seront présents au second tour.

Archives - Dans cette photo d’archive du 20 avril 2021, la représentante Liz Cheney, R-Wyo, présidente de la Conférence républicaine de la Chambre des représentants, s’entretient avec des journalistes après une séance de stratégie du GOP au Capitole à Washington.

L’emprise de Trump sur le parti ne peut que se consolider dans les prochains jours. En plus de ses flopées de communiqués de presse, on pourrait voir son puissant compte Facebook rétabli cette semaine si un conseil de surveillance quasi-indépendant lui donne raison.

Pendant ce temps, les républicains de Virginie décideront s’ils désignent un partisan déclaré de Trump comme gouverneur lors de l’une des rares élections marquantes du calendrier de cette année. [ Youngkin, qui s’adresse plutôt à l’électorat modéré et à l’establishment, représentera les républicains lors de l’élection qui a lieu en novembre 2021,NdT]

Un signal important de l’orientation du parti pourrait venir du Capitole, où l’avenir de Cheney est en question.La députée du Wyoming, la plus éminente républicaine à avoir demandé la destitution de Trump, a insisté sur le fait que le parti devait rejeter le mensonge de l’ancien président qui prétend que l’élection a été en quelque sorte volée.

Il n’existe aucune preuve à l’appui des affirmations de Trump dénonçant une fraude électorale massive, et de nombreux audits, des responsables électoraux d’États républicains et le propre procureur général de Trump ont déclaré que l’élection avait été équitable.

Mais Trump s’en tient à son histoire et a publié lundi une « proclamation » dans laquelle il tente de coopter le langage que ses adversaires utilisent pour dénoncer ses mensonges. « L’élection présidentielle frauduleuse de 2020 sera, à partir de ce jour, connue sous le nom du GRAND MENSONGE ! » a-t-il écrit.

Mme Cheney, qui n’a pas exclu de se présenter elle-même en 2024, a répliqué. « L’élection présidentielle de 2020 n’a pas été volée. Quiconque prétend qu’elle l’a été répand LE GRAND MENSONGE, tourne le dos à l’État de droit et empoisonne notre système démocratique », a-t-elle tweeté.

Il est clair qu’elle n’a aucune intention de modérer ses critiques, même si elle risque de perdre son poste de direction. [ Elle a depuis été éjectée de l’organigramme du parti, NdT] Cheney a survécu à une précédente tentative de l’évincer de la direction, mais cela pourrait être différent cette fois-ci.

Le leader du GOP Kevin McCarthy l’a soutenue plus tôt cette année, mais il a refusé de la défendre contre la dernière série d’attaques, alors qu’il doit faire face à des conservateurs qui réclament son retrait. On peut voir là un signe des propres calculs de McCarthy, qui s’efforce de rester proche de Trump tout en essayant également de ratisser plus large pour aider son parti à remporter les élections générales.

Excommunication politique - The Seattles Time

Si les voix républicaines pro-Trump au Capitole l’emportent largement sur les celles qui le critique, les détracteurs ne devraient cependant pas être ignorés. En tout, 10 républicains de la Chambre des représentants ont voté pour la destitution de Trump sur les charges d’avoir inspiré l’attaque du 6 janvier contre le Capitole, et sept républicains du Sénat ont voté pour la mise en accusation. Le chef de la minorité du Sénat, Mitch McConnell, a voté pour l’acquittement de Trump, mais publiquement il a fustigé l’ancien président et en privé a encouragé le parti à tourner la page.

Le calcul est différent quand on en vient aux membres de base du Congrès, en particulier ceux qui représentent des régions fortement républicaines, où environ 8 partisans sur 10 approuvent globalement Trump. Parmi les militants du parti et les électeurs de base, ce chiffre serait beaucoup plus élevé.

Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives quand au succès de Trump jusqu’à présent cette année. Certains stratèges républicains expliquent en privé qu’il y a des signes réels qui montrent que la popularité de l’ancien président auprès des électeurs de base et des élus a commencé à s’estomper.

« Il devient moins pertinent chaque jour qui passe, mais parmi ceux qui l’écoutent encore, il est plus pertinent que jamais », a déclaré le vétéran des sondeurs républicains Frank Luntz. « Il continue de peser. Il va compter pendant encore des mois, voire des années, mais au fil du temps, il comptera de moins en moins. »

Pour l’instant, l’ancienne vedette de la télé-réalité semble adorer la situation. « C’est tellement génial de voir le RINO Mitt Romney chassé de l’estrade sous les huées à la convention républicaine de l’Utah », s’est réjoui Trump dans une série de déclarations jubilatoires lundi, se félicitant des résultats du Texas et des critiques envers Cheney et Romney. « RINO », ça veut dire « Republican in Name Only » (Républicain uniquement de nom).

Dans l’Utah, ce week-end, une salle pleine de républicains avait fait pleuvoir les sifflets contre Romney avant de tenter, sans succès, de le censurer pour avoir soutenu la destitution de Trump. « Faites preuve de respect », a reproché à la foule le président du parti de l’État. Romney leur a rappelé que toute sa vie il avait été conservateur et qu’il avait été leur candidat à la présidence en 2012 - et il leur a précisé que les républicains ne feraient que se nuire eux-mêmes en s’attaquant mutuellement. « Si nous divisons notre parti, alors nous serons un parti perdant », a-t-il déclaré.

Au Texas, le candidat perdant au Congrès, Wood, 34 ans, ancien Marine et deux fois décoré de la Purple Heart [La Purple Heart est une médaille militaire américaine, décernée au nom du président des États-Unis, accordée aux soldats blessés ou tués au service de l’armée après le 5 avril 1917,NdT] , a exprimé sa sympathie à une poignée d’éminents républicains anti-Trump, dont le représentant Adam Kinzinger, R-Illinois, l’ancien sénateur de l’Arizona Jeff Flake, l’ancien gouverneur de l’Ohio John Kasich et Dick Cheney, qui avaient financièrement contribué à la campagne de Wood et lui avaient offert un soutien moral. Lundi, il a ajouté qu’il était vraiment urgent que les républicains anti-Trump fassent front commun.

Archives - Sur cette photo d’archives du 12 février 2021, le sénateur Mitt Romney, R-Utah, revient dans la salle du Sénat à Washington. (AP Photo/J. Scott Applewhite, Archives)

« Il ne peut s’agir de simples individus qui se rebiffent. Nous devons nous organiser et montrer au public que l’on peut être un bon républicain et ne pas adhérer à toutes ces conneries », a déclaré Wood. « Ce n’est pas avec des podcasts et des pamphlets que nous gagnerons ce combat ».

Mike DuHaime, un stratège républicain de premier plan, a déclaré que le parti est toujours aux prises avec son identité post-Trump, mais a soutenu qu’il sera en meilleure position pour l’avenir si il compte dans ses rangs des conservateurs comme Cheney et Romney.

« Il y a des gens qui jouent avec la base de l’électorat, qui est très passionnelle et croit au gros mensonge concernant l’élection. Et il semble que ça soit suffisant pour gagner une primaire pour être membre du Congrès ou Sénateur ou gouverneur, ou peut être même président.

Mais, a-t-il prévenu, si nous nous focalisons sur ce seul élément, nous n’aurons pas, lors des élections générales, suffisamment de poids pour regagner la majorité. » « À un moment donné il va nous falloir mettre cela derrière nous si nous voulons gagner lors d’une élection générale ».

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