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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2021-53

Human Rights Watch : Israël coupable d’apartheid

Par Andrea Germanos, traduit par Jocelyne le Boulicaut

lundi 17 mai 2021, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Human Rights Watch : Israël coupable d’apartheid

Le 28 avril 2021, par Andrea Germanos, Common Dreams

Un garçon palestinien et un soldat israélien devant le mur israélien en Cisjordanie, août 2004. (Justin McIntosh, Wikipedia)

Parmi les recommandations formulées dans le rapport, il est demandé à la Cour pénale internationale d’enquêter sur de présumés crimes contre l’humanité .

Human Rights Watch a déclaré mardi que les politiques et les actions du gouvernement israélien à l’encontre du peuple palestinien constituent un « apartheid » systématique et une persécution illégale auxquels il faut mettre fin.

Les accusations liées aux actions d’Israël dans les territoires occupés (TPO) et à l’intérieur d’Israël sont exposées dans un nouveau rapport intitulé « Une limite dépassée : les autorités israéliennes et les crimes d’apartheid et de persécution. »

Les conclusions sont basées sur plus de deux ans de recherche et de documentation, notamment des déclarations officielles du gouvernement, des documents de planification internes et des entretiens.

« Dans sa conclusion, Human Rights Watch déclare que le gouvernement israélien a démontré son intention de maintenir la domination des Israéliens juifs sur les Palestiniens partout en Israël et les Territoires Palestiniens Occupés » indique le rapport.

« Dans les TPO, y compris à Jérusalem-Est, cette intention s’est accompagnée d’une oppression systématique des Palestiniens et d’actes inhumains commis à leur encontre. Lorsque ces trois éléments sont réunis, ils constituent le crime d’apartheid ».

L’appellation spécifique d’apartheid, note le groupe, est justifiée sur la base des définitions de la Convention sur l’apartheid et du Statut de Rome. L’accusation de persécution est fondée sur « la confiscation généralisée de terres privées, l’interdiction effective de construire ou de vivre dans de nombreuses régions, le déni massif des droits de résidence et les restrictions draconiennes de la liberté de mouvement et des droits civils fondamentaux depuis des décennies » indique la publication.

HRW note également que le rapport n’est pas complet, car il n’inclut pas toutes les violations des droits humains dans les territoires, y compris celles commises par les groupes armés ou les autorités palestiniennes. « Des voix éminentes avertissent depuis des années que l’apartheid guette au tournant si la trajectoire de la domination d’Israël sur les Palestiniens ne changeait pas » a déclaré Kenneth Roth, directeur exécutif de HRW, dans un communiqué.

« Cette étude détaillée montre que les autorités israéliennes ont déjà pris ce virage et commettent aujourd’hui les crimes contre l’humanité que sont l’apartheid et la persécution. »

Réplique d’une section du mur israélien construit à Londres en 2013 dans le cadre de la manifestation internationale contre le mur israélien. (Timothy Titus, CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons)

Parmi les actions discriminatoires détaillées dans le rapport figure l’attribution, ou l’absence d’attribution, d’eau aux Palestiniens par Israël. Extrait du rapport : « Israël a utilisé son contrôle sur certaines parties de l’aquifère de montagne en Cisjordanie pour servir ses propres citoyens et colons, en violation du droit humanitaire international qui interdit aux occupants d’exploiter les ressources naturelles pour leur propre bénéfice économique.

Alors que 80 % de la zone de recharge en eau de l’aquifère de montagne se trouve sous la Cisjordanie, Israël extrait directement environ 90 % de l’eau qui est prélevée de l’aquifère chaque année, ne laissant aux Palestiniens que les quelque 10 % restants à exploiter directement.

En monopolisant cette ressource partagée, les autorités israéliennes limitent fortement la capacité des Palestiniens à exploiter directement leurs propres ressources naturelles et les rendent dépendants d’Israël pour leur approvisionnement en eau. Pendant des décennies, les autorités ont refusé aux Palestiniens les permis de forer de nouveaux puits, en particulier dans les bassins de l’aquifère occidental les plus productifs, ou de réhabiliter les puits existants.

Alors que les accords d’Oslo de 1995 comprenaient des dispositions qui promettaient d’accroître l’accès des Palestiniens à l’eau, les niveaux d’extraction palestiniens sont largement restés au niveau d’avant Oslo alors que la population a augmenté.

Malgré la création d’une « Commission mixte de l’eau » (CME) dans le cadre des accords d’Oslo, la Banque mondiale a noté en 2009 qu’Israël a conservé « pratiquement tous les pouvoirs », y compris le droit de veto, sur les ressources en eau de la Cisjordanie.

Tout en approuvant pratiquement toutes les demandes de projets proposés par Israël pour desservir les colons, le CME a rejeté de nombreux projets initiés par les Palestiniens, notamment toutes les demandes de forage dans le bassin aquifère occidental. Les Israéliens sont souvent autorisés à forer plus profondément dans les nappes phréatiques, développent régulièrement des réseaux d’eau internes aux colonies sans demander l’approbation du CME, et peuvent extraire l’eau sans limite lorsqu’elle s’écoule en aval vers Israël sans avoir besoin de l’approbation du CME, alors que les Palestiniens sont soumis à des quotas d’extraction stricts...

En outre, les autorités israéliennes ont presque entièrement privé les Palestiniens de l’accès à l’eau du Jourdain, la seule ressource importante en eau de surface en Cisjordanie, en détournant son débit en amont de la Cisjordanie. »

HRW estime que ces conclusions doivent constituer un appel vers la communauté internationale afin qu’il y ait une action.

L’approche adoptée jusqu’à présent par des puissances mondiales comme les États-Unis et l’Union européenne à l’égard d’Israël « ne tient pas compte de la nature profondément ancrée de la discrimination et de la répression israéliennes à l’égard des Palestiniens [et] minimise les graves violations des droits humains en les traitant comme des symptômes temporaires de l’occupation auxquels le « processus de paix » remédiera bientôt. » Cette incapacité à tenir Israël pour responsable de ses abus, poursuit le rapport, a permis au régime d’apartheid de « métastaser et de se consolider. »

Parmi les recommandations formulées dans le rapport, la Cour pénale internationale doit enquêter sur les crimes présumés contre l’humanité. Les Nations Unies doivent également prendre des mesures en créant un poste d’envoyé chargé de mettre fin aux persécutions et à l’apartheid dans le monde entier, et les entreprises opérant dans les TPO doivent cesser de contribuer à toute action facilitant la privation des droits des Palestiniens, comme la destruction de leurs maisons. Israël, pour sa part, a rejeté ces conclusions. Son ministère des Affaires étrangères a qualifié les affirmations du rapport de « grotesques et fausses. »

Une Israélienne tient une pancarte "Don’t make Apartheid Great Again" alors qu’elle proteste contre le projet du gouvernement israélien le 23 juin 2020 à Tel Aviv, en Israël [Amir Levy/Getty Images].

Au début de l’année, un autre groupe de défense des droits humains – B’Tselem,sis en Israël – a également déclaré qu’Israël agissait comme un régime d’apartheid en raison de ses politiques « qui favorisent et perpétuent la suprématie d’un groupe – les Juifs – sur un autre – les Palestiniens. »

Le directeur exécutif de B’Tselem, Hagai El-Ad, avait alors déclaré : « Ce sobre constat de la réalité ne doit pas conduire au désespoir, bien au contraire. C’est un appel au changement. Après tout, ce sont les gens qui ont créé ce régime, et les gens peuvent le changer. »

Roth de HRW, dans sa déclaration de mardi, a transmis un message similaire. « Alors qu’une grande partie du monde traite l’occupation israélienne vieille d’un demi-siècle comme une situation temporaire à laquelle un « processus de paix » qui dure depuis plusieurs décennies va bientôt remédier, l’oppression des Palestiniens a atteint un seuil et une persistance qui correspondent aux définitions des crimes d’apartheid et de persécution » a-t-il déclaré.

« Ceux qui aspirent à la paix israélo-palestinienne, qu’il s’agisse d’une solution à un ou deux États ou encore d’une confédération, devraient entre-temps reconnaître cette réalité pour ce qu’elle est, a ajouté Roth, et mettre en œuvre les outils de défense des droits humains nécessaires pour y mettre fin. »

La seule démocratie au Moyen-Orient (CARTOON : CARLOS LATUFF)

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