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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2021-37

Les Américains sont tous des prisonniers de guerre

Par William J. Astore, traduit par Jocelyne le Boulicaut

mercredi 7 avril 2021, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Les Américains sont tous des prisonniers de guerre

Le 14 janvier 2021 par William J. Astore, TomDispatch.com https://consortiumnews.com/2021/01/14/americans-are-all-prisoners-of-war/

William Astore, Lieutenant colonel à la retraite (USAF, U.S. Air Force) et professeur d’Histoire, est un contributeur régulier de TomDispatch et attaché supérieur au Eisenhower Media Network (EMN), rassemblement de vétérans militaires essentiels et professionnels de la sécurité nationale. Son blog personnel est Bracing Views.

Vue aérienne du Pentagone. (Joe Lauria)

William J. Astore nous dit que dans l’enfermement intellectuel collectif de l’Amérique, le militantisme pour la paix est une aberration, alors que l’acceptation d’un Etat de guerre est une seconde nature.

« Les POW [prisoners of war, prisonniers de guerre, NdT] ne connaissent jamais une belle journée » [ce badge de boutonnière devrait aider à faire comprendre que les prisonniers de guerre n’ont jamais eu une bonne journée. Ils ont enduré des conditions terribles, et ces boutons devraient rappeler aux gens ce qu’ils ont vécu, NdT].

Ce sentiment se trouve saisi sur le badge qu’un de mes amis portait pour notre photo de classe primaire en 1972. Que les prisonniers de guerre ne puissent jamais avoir une telle journée était confirmé par le visage triste sur le badge. Peu après, les POW Américains seront par ailleurs relâchés par leurs geôliers nord-vietnamiens alors que la guerre américaine au Vietnam prenait fin.

Ils sont rentrés l’année suivante sous un battage médiatique de bienvenue aux héros orchestré par l’administration du président Richard Nixon, mais le gouvernement n’a jamais vraiment retiré ses drapeaux de prisonniers de guerre ou de disparus en mission.

Aujourd’hui, presque un demi-siècle plus tard, ils flottent toujours sur les installations fédérales, y compris au Capitole alors qu’il a été envahi et brièvement assiégé la semaine dernière par une horde manipulée par leur canard-boiteux de président, prétendument dans le but d’honorer les vétérans américains, qu’ils aient été prisonniers ou ne soient jamais rentrés parce qu’on n’a jamais retrouvé leurs corps.

Se rappeler des sacrifices de nos vétérans est juste et approprié ; c’est pour cela que nous avons institué le Memorial Day en mai et le Veterans Day en novembre. Et c’est en pensant à ces prisonniers de guerre et au lourd héritage des conflits de ce pays depuis la Seconde Guerre mondiale, que j’en suis arrivé à un constat.

Dans les années qui ont suivi, nous Américains sommes tous, en un sens, devenus des prisonniers de guerre. Nous faisons tous partie d’une culture qui continue d’estimer la guerre, d’embrasser le militarisme, et qui voue plus de la moitié de son budget fédéral aux guerres, à l’armement, et à la militarisation de la culture américaine.

Nous vivons dans un pays qui est au premier rang mondial pour l’exportation de munitions meurtrières vers les points chauds les plus tragiques et les plus violents de la planète, ce qui a par exemple favorisé un génocide au Yémen, parmi d’autres conflits.

Il est vrai que, dans un pays qui ne connaît pas le service militaire, rares sont les américains qui arborent un uniforme de nos jours. Alors que commence l’année 2021, la plupart d’entre nous n’ont jamais été en possession d’une carte d’identité militaire sur laquelle figure la Convention de Genève relative au traitement approprié et légal des prisonniers de guerre, comme je l’ai fait quand j’ai porté un uniforme il y a longtemps.

Donc, quand je dis que tous les Américains sont effectivement des POWs, j’utilise bien évidemment cet acronyme non de manière formelle ou légale, mais bien dans le sens familier d’être captif d’un quelconque phénomène, d’être détenu par ce dernier, lui étant assujetti d’une façon qui restreint, voire élimine, la liberté de pensée et d’action, et de ce fait compromet la foi de ce pays en ses libertés individuelles sacrées.

En ce sens familier, il me semble que tous les Américains, d’une certaine manière, sont devenus des prisonniers de guerre, et je parle ici aussi de ces quelques « prisonniers » parmi nous qui se sont battus courageusement et sans relâche pour résister à ce phénomène.

Le dôme du Capitole des États-Unis, Washington

Posez-vous la question : en pleine pandémie meurtrière, alors que le nombre de morts en Amérique avoisine les 400 000 et continue son accélération, qu’est-ce qui réunit « nos » représentants au Congrès ? Quel est le seul projet qui puisse bénéficier d’un large et fervent soutien des deux partis, sans parler de l’unique possibilité de passer outre au véto présidentiel de Trump au cours de ces quatre dernières années ?

Il ne s’agit certainement pas de garantir des soins de santé pour tous ou de donner aux familles en difficulté des chèques de 2 000 dollars pour assurer qu’il y aura de la nourriture sur toutes les tables américaines ou que des millions d’entre nous ne seront pas expulsés de nos foyers en plein milieu d’une pandémie.

Non, ce qui réunit « nos » représentants, c’est le financement du complexe militaro-industriel à hauteur de 740,5 milliards de dollars pour l’année fiscale 2021 (bien que, chaque année, le montant réel des dépenses pour ce qui se fait passer pour de la « sécurité nationale » dépasse régulièrement les mille milliards de dollars).

Pourtant, ce chiffre de 740,5 milliards de dollars est déjà en lui-même plus élevé que les dépenses militaires des 10 pays développés réunis qui suivent les États Unis sur la liste, dont la Russie et la Chine ainsi que la France, l’Allemagne ou encore le Royaumes-Uni, alliés des Etats-Unis.

Et ce n’est pas tout, le Congrès a ajouté un texte au dernier projet de loi de défense qui a véritablement bloqué le Président Trump dans ses efforts pour retirer toutes les troupes d’Afghanistan (et d’autres postées en Allemagne) avant qu’il ne quitte son poste le 20 Janvier.

Bien que l’on puisse douter qu’il aurait atteint de tels objectifs de toute façon, étant donnée sa propension à l’indécision, le fait que le Congrès ait œuvré pour lui faire obstacle en dit long sur « nos »représentants et leur allégeance au complexe de guerre.

Cela dit, l’administration hésitante de Trump s’est au moins montrée déterminée pour une chose : vendre des armes sophistiquées à l’étranger. Elle s’est empressée d’exporter des bombes, des missiles et des chasseurs de combat de facture américaine au Moyen-Orient avant de confier au président Joe Biden et à son équipe de combattants de bureau le soin de garantir les efforts du gouvernement en faveur des marchands de mort américains.

En parlant de Biden, le fait qu’il ait sorti le Général Lloyd Austin III de sa retraite pour en faire son secrétaire à la défense envoie un signal fort, le plus fort possible, exprimant sa propre allégeance à la suprématie du militarisme et de la guerre dans la culture américaine.

Après tout, en prenant sa retraite, le Général Austin s’est empressé de passer à la caisse en rejoignant le conseil d’administration de United Technologies, ce qui lui a permis de percevoir quelque 1.4 millions de dollars en « actions et autres compensations » avant que cette entreprise ne fusionne avec le géant de l’industrie de l’armement Raytheon, et qu’il ne finisse par siéger au conseil d’administration de ce conglomérat. (Il possède à peu près 500000 dollars d’actions Raytheon, un supplément fort appréciable à sa retraite militaire annuelle à 6 chiffres.)

Quoi de mieux que de le choisir comme secrétaire à la défense afin de s’assurer que le "militaire" et l’"industriel" restent étroitement soudés dans ce fameux complexe ? Le secrétaire à la défense américain est, bien évidemment, censé être un civil, quelqu’un qui peut exercer une surveillance rigoureuse et indépendante sur le complexe de guerre toujours grandissant de l’Amérique, et pas un officier militaire et général à vie, profiteur de guerre évident par dessus le marché.

La guerre c’est la paix

Démonstration de la puissance aérienne et navale des Etats-Unis (U.S. Navy, Marine Américaine)

Comme l’a démontré le président de l’Institut Quincy, Andrew Bacevich, « de nombreux américains ont fait la paix avec un état de guerre sans fin ». Dans la culture de guerre américaine, les militants pour la paix comme Medea Benjamin et les associations comme les Vétérans pour la paix ne sont pas seulement considérés comme « radicaux » mais aussi comme véritablement aberrants.

En même temps, l’acceptation incontestable du fait que ce pays soit aujourd’hui éternellement en guerre contre une bonne partie de la planète est considérée comme normale, voire respectable. En tout cas, ce n’est assurément pas quelque chose qu’il faut prendre en considération, en réalité ou en théorie.

Le résultat étant que les bellicistes tels que l’ancien Conseiller à la Sécurité Nationale de Trump, John Bolton, sont considérés dans certains milieux comme des réalistes purs et durs. En voyant le monde comme un lieu hostile que les Américains doivent (mais ne peuvent pas, d’une façon ou d’une autre, presque 20 ans plus tard) dominer, cela signifie que leur tête est fermement vissée, pas comme ces penseurs véreux qui prônent la paix.

Mais comme l’a dit un jour Dorothy Day, militante catholique pour la paix : « Nos problèmes viennent du fait que nous acceptons ce système répugnant et pourri. »

Que les Américains refusent surtout de voir la guerre permanente comme répugnante et pourrie, ou de réfléchir sérieusement au budget de la "défense" qui l’accompagne montre ici le triomphe d’une culture de guerre plus vaste.

Alors que le complexe militaire hors de contrôle et ruineux de ce pays nous a valu une succession d’échecs retentissants à l’étranger (prenez juste en compte tous ces efforts désastreux pour gagner « les cœurs et les esprits » depuis le Vietnam jusqu’à l’Afghanistan en passant par l’Irak et j’en passe), il s’est avéré étonnamment efficace pour gagner - ou du moins apprivoiser - les cœurs et les esprits de la patrie.

Sinon, comment expliquer la façon dont ces budgets qui dépassent des milliers de milliards de dollars pour la « sécurité nationale » sont approuvés par le Congrès sans le moindre murmure de protestation ? Au XXIe siècle, les Américains souffrent d’une forme de conditionnement culturel par lequel l’état de guerre est devenu la nouvelle norme.

Comme l’a souligné un lecteur avisé de mon blog Bracing Views : « Nous gardons en réserve notre désir de vivre sans guerre, et chaque fois que nous nous réveillons et que nous sortons dans la cour, cette perception est anéantie par les élites financières. »

Dans l’inconscient collectif des Américains, l’activisme pour la paix est une aberration, alors que l’acceptation de l’état de guerre est une seconde nature. Il ne faut pas s’étonner que le cabinet et l’administration proposés par Biden comptent autant de politiciens néoconservateurs ayant fait la paix avec la guerre, que ça soit en Irak et en Afghanistan, ou en Lybie et en Syrie (Antony Blinken comme Secrétaire d’Etat ; Jake Sullivan comme conseiller à la Sécurité nationale ; le général en retraite Lloyd Austin comme Secrétaire à la Défense ; et Avril Haines comme directrice du Renseignement national).

29 Novembre 2011 : Le vice président Joe Biden avec l’ambassadeur américain en Irak James Jeffrey, et le commandant des Forces américaines en Irak, le général Lloyd J. Austin III, en Irak (équipe du sergent Caleb Barrieau/Wikimedia Commons)

Le fait que Biden ait choisis des faucons place résolument leur destin dans les mains de la puissance militaire américaine. Et ils sont appelés à conseiller un nouveau président, ayant lui-même jadis soutenu la guerre en Irak et qui parle non pas de réduire les dépenses de "défense" mais de les augmenter.

Peut-être avez-vous remarqué, en effet, la façon dont chaque président depuis George W. Bush en 2001 est fier de se faire passer à un moment ou à un autre pour un président « de temps de guerre ». Peut-être avez-vous également remarqué que ce pays ne peut pas ou ne veut pas fermer Gitmo, le centre de détention [militaire] de la Baie de Guantanamo, Cuba, débordant de prisonniers de la Global War on Terror [campagne militaire internationale lancée par les Etat-Unis après le 11 Septembre, NdT] depuis fin 2001, des hommes qui resteront probablement enfermés "jusqu’à ce que la mort nous sépare".

Peut-être est-ce la raison pour laquelle le gouvernement américain a « torturé des gens », comme le Président Barack Obama l’a formulé en 2014, et ont maltraité des prisonniers irakiens à Abu Ghraib en Irak. (Avril Haines, proposée au poste de directrice du Renseignement national par Biden, a autrefois aidé à dissimuler les preuves de tels abus et tortures.)

Peut-être est-ce la raison pour laquelle chaque président en commençant par George W. Bush a impunément frappé des méchants du monde entier par le biais de drones assassins assistés par robots. ( Vous vous rappelez de l’assassinat par drone de Qasem Suleimaniu, major général iranien à l’Aéroport International de Bagdad par un certain Donald J. Trump ?)

Peut-être est-ce aussi la raison pour laquelle les bombardements américains et ces guerres semblent ne jamais vouloir s’arrêter, même lorsqu’un président prend ses fonctions en ayant promis que tout ça cessera. Après tout, c’est une telle preuve de puissance que d’être un président « de temps de guerre ! ».

Dans son roman 1984, George Orwell l’exprime de façon relativement simple lorsqu’il invente le slogan « la guerre c’est la paix » pour sa société dystopique fictive. Randolph Bourne ne l’exprime pas moins simplement quand, pendant la première guerre mondiale, il énonce que « La santé de l’État c’est la guerre ».

Rosa Brooks, qui a travaillé au Pentagone, l’a confirmé sans ménagement en 2016 lorsqu’elle a intitulé son livre Comment tout est devenu guerre et le militaire est devenu tout (livre non traduit en français).

Aujourd’hui en Amérique, la guerre est devenue aide sociale, une forme de capitalisme catastrophe fait maison, au profit d’un petit nombre et aux dépens du plus grand nombre. Répétez : Nous sommes maintenant tous des POW. (prisonniers de guerre)

Le jour où j’ai rencontré un véritable POW.
Au début des années 90, quand j’étais un jeune capitaine de l’armée de l’air américaine, j’ai servi comme officier de liaison pour le général de brigade Robinson Risner.

Il n’est pas exagéré de dire que Risner était tenu en grande estime dans l’armée de l’Air. Pilote de chasse chevronné et as de la guerre de Corée, il a été colonel et fait la une de Time magazine en 1965, alors que la guerre du Vietnam s’enflammait, après quoi son avion a été abattu et il est devenu POW.

Il écrira plus tard Le passage de la nuit (non traduit), récit déchirant des sept années qu’il a passées comme prisonnier au « Hanoï Hilton », surnom ironique que les POW américains donnaient à la prison Nord Vietnamienne de Hoa Lo.

Ce qui a permis à Risner de tenir bon en dépit de la torture et des années de captivité, c’est sa foi chrétienne et son patriotisme. Je me souviens comme si c’était hier du discours qu’il a fait à l’Air Force Academy au sujet de son expérience, et comment cette foi qui était la sienne l’avait soutenu. Je n’ai jamais entendu une évocation aussi saisissante de l’esprit de devoir, d’honneur et de loyauté envers son pays nourri par la foi en une puissance supérieure.

J’ai été fier qu’on me prenne en photo avec le Général Risner, alors que nous étions debout, à côté du trophée qui porte aujourd’hui son nom, et qui chaque année est attribué à l’étudiant major de sa promo de l’École des armes de l’Air Force, le Top Gun de l’AF, si je puis dire.

Risner était courtois et fascinant, et la rencontre avec un prisonnier de guerre qui avait enduré et surmonté autant de choses m’a donné un sentiment d’humilité. Pourtant, à ce moment là (pour être honnête), je ne m’étais jamais intéressé à ce qu’il avait accompli en tant que pilote de chasse, menant des missions de bombardement pour l’Opération Rolling Thunder au Vietnam [campagne de bombardements intensifs au nord du Vietnam et au Laos, NdT].

Étant donné que le gouvernement américain avait choisi de ne pas déclarer officiellement la guerre au Vietnam du Nord, on aurait pu s’interroger sur la légalité même de ses missions.

Par manque d’une déclaration officielle, d’aucun pourrait soutenir que Risner et les POW américains comme lui n’ont pas bénéficié des protections légales de la Convention de Genève.

Si on utilisait la terminologie américaine d’aujourd’hui, on aurait tout à fait pu considérer Risner comme un « ennemi combattant » et l’incarcérer à vie, comme les Américains en ce moment retiennent captifs à Guantanamo des POW ayant bien peu d’espoir d’être jamais libéré.

Pour l’Américain moyen captivé par la culture de guerre américaine, il est facile ici de soulever des objections. Bien sûr, les missions de bombardement de Risner étaient légales. Bien sûr, il méritait d’être reconnu comme POW et ainsi traité avec décence.

Les États-Unis ne se lancent jamais dans la guerre sans une cause juste, en l’occurrence, il s’agissait d’endiguer un Etat communiste par tous les moyens sauf en ayant recours à l’arme nucléaire. Les Vietnamiens du nord, en revanche, ne voyaient pas les choses tout à fait de la même façon, peut-être parce que c’étaient eux qui étaient matraqués et écrasés par la puissance militaire américaine.

Là où je veux en venir, ce qu’il ne s’agit ni de faire l’éloge de Risner ni de le discréditer. Il est plutôt question ici d’enterrer la guerre et la culture qui la fait naître puis s’en nourrit.

Plus les Américains encouragent la guerre (essentiellement en l’ignorant, et de ce fait donnant leur accord tacite), plus Washington la finance, plus les populations meurent à cause de « nos » guerres et de « notre » armement, et plus ce pays devient une nation de POW au sens large.

Un ancien POW après sa libération : le Colonel de l’Air Force américaine Robinson Risner lors d’une conférence de presse en 1971. (Wikimedia Commons)

Retour sur le badge de mon camarade

Vous vous souvenez du badge de mon camarade, celui qui assurait que les POW ne connaissent jamais de belle journée ? En tant que nation de POWs au sens large, cela devrait s’appliquer à nous tous. L’Amérique ne connaîtra plus jamais une seule belle journée tant qu’elle ne s’extirpera pas de la guerre sous toutes ses formes.

Il n’y aura plus aucune belle journée tant que le Congrès financera les fabricants d’armes, et qu’il ne se mettra pas en quête de la paix et n’aidera pas les pauvres et les faibles.

Il n’y aura pas une seule belle journée tant que les Américains ne haïront pas la guerre avec cette même ferveur que celle qui les amène à agiter « patriotiquement » leurs drapeaux.

Il n’y aura pas une seule belle journée tant que les présidents ne rendront pas grâce aux artisans de paix plutôt que de prier que Dieu protège les troupes.

Alors, la prochaine fois que vous verrez un drapeau POW/MIA [prisonniers de guerre/disparus en mission,NdT] devant un bâtiment fédéral, ne le balayez pas d’un revers de la main comme si c’était une relique du passé de l’Amérique. Pensez à son sens et à sa pertinence dans ces temps de guerre permanente et de dépenses militaires colossales.

Et puis, si vous l’osez, demandez-vous si vous aussi, vous n’êtes pas en quelque sorte un prisonnier de guerre - pas dans le sens légal strict qui s’applique aux militaires engagés en guerre déclarée, mais dans celui de ce pays que la guerre rend captif de tous ces morts, cette destruction et ce désespoir.

Et puis demandez-vous, collectivement, que doit faire l’Amérique pour se libérer du camp de prisonniers dans laquelle elle s’est elle-même enfermée ?

De cette question découle le futur de la république américaine.

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