AID Association Initiatives Dionysiennes

Ouv zot zié !

Accueil > Politique > Rapport Dasgupta : une obsession pour le PIB et un mépris de la nature (...)

Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2021-26

Rapport Dasgupta : une obsession pour le PIB et un mépris de la nature conduisent à un effondrement de l’écosystème

Par Andrea Germanos, traduit par Jocelyne le Boulicaut

lundi 1er mars 2021, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Rapport Dasgupta : une obsession pour le PIB et un mépris de la nature conduisent à un effondrement de l’écosystème

Le 3 février 2021 Par Andrea Germanos, Common Dreams

En 2008, l’ours polaire est devenu la première espèce répertoriée comme étant en danger en raison du déclin prévu de sa population dû aux effets du changement climatique. (Service des parcs nationaux)

L’étude réalisée à la demande du Trésor britannique a été saluée par certains environnementalistes, mais un éminent militant du climat a critiqué son « programme de capital naturel » pour avoir mis un prix sur la nature. [Le capital naturel fait référence aux ressources telles que minéraux, plantes, animaux, air, pétrole de la biosphère terrestre, vus comme moyens de production de biens et services écologiques, NdT]

Un rapport publié mardi par le gouvernement britannique, qui présente l’environnement naturel comme « notre bien le plus précieux », affirme que la destruction de la biodiversité dans le monde a mis les économies en danger et qu’une restructuration fondamentale des modes de consommation et de production à l’échelle mondiale est nécessaire pour la survie de l’humanité.

L’étude de 600 pages a été commanditée par le Trésor britannique et rédigée par Partha Dasgupta, professeur émérite d’économie à l’université de Cambridge, qui a écrit que le produit intérieur brut (PIB) est une mesure erronée de la croissance économique durable.

Tweet

Dans l’avant-propos du rapport, le célèbre naturaliste et animateur de télévision David Attenborough a écrit que bien que nous « soyons totalement dépendants du monde naturel, nous l’endommageons actuellement si gravement que beaucoup de ses systèmes naturels sont maintenant au bord de la rupture ».

L’humanité « est en train de piller chaque recoin du monde, sans apparemment se préoccuper ni savoir quelles pourraient en être les conséquences », a écrit Attenborough. « Remédier à cette situation exigera une action concertée de toutes les nations du monde. »

« Enfin, la synthèse de Dasgupta met la biodiversité au cœur de ses préoccupations et nous propose la boussole dont nous avons besoin de toute urgence, a-t-il ajouté. Ce faisant, elle nous montre comment, en conjuguant l’économie et l’écologie, nous pouvons participer à sauver le monde naturel à un moment qui pourrait bien être le tout dernier possible – et ce faisant, nous sauver nous-mêmes. »

Le rapport Dasgupta exhorte les gouvernements du monde entier à concevoir une forme de comptabilité nationale différente du PIB et à utiliser celle qui intègre l’épuisement des ressources naturelles. Photographie : Brasil2/Getty Images

Le rapport soutient qu’un effort de relance comme celui qui a été mis en place au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale est nécessaire. « Si nous entendons restaurer la santé de la biosphère et réduire nos exigences, des changements à grande échelle seront indispensables, reposant sur des niveaux ambitieux, une coordination et une volonté politique comparables (voire supérieurs) à ceux du plan Marshall », peut-on lire.

Comme le dit l’Associated Press : « Dasgupta a appelé le monde à faire en sorte que les pressions exercées sur la nature ne dépassent pas les réserves renouvelables, ce qui implique modifier la production et la consommation alimentaires, investir dans des solutions écologiques telles que la réhabilitation des forêts et la protection des habitats naturels. Il a déclaré qu’une action coordonnée aujourd’hui serait à long terme moins coûteuse et permettrait également de s’attaquer à d’autres problèmes tels que le changement climatique et la pauvreté.

En outre, il a souligné la nécessité de ne plus utiliser le produit intérieur brut, ou PIB, comme indicateur de la réussite économique, mais plutôt de reconnaître les avantages des investissements dans les actifs environnementaux que sont les forêts, les sols et les océans".

« Une croissance et un développement économique véritablement durables impliquent de reconnaître que notre prospérité à long terme repose sur la recherche d’un nouvel équilibre entre notre demande en biens et services issus de la nature et sa capacité à les fournir, a déclaré Dasgupta. Cela veut aussi dire qu’il faut absolument prendre en compte l’impact de nos interactions avec la nature à tous les échelons de la société. »

La pandémie de coronavirus « nous a montré ce qui peut se produire lorsque nous ne le faisons pas, a ajouté Dasgupta. La nature est notre maison. Une économie prospère exige que notre gestion soit meilleure. »

Selon Bloomberg : « C’est la toute première fois qu’une étude précise que la comptabilité du capital naturel - l’acte de quantifier les écosystèmes et leurs pertes - a été abordée en détail par un économiste de renom avec le soutien du gouvernement britannique ». L’agence a ajouté : « Les universitaires ont passé des décennies à tenter de déterminer le prix de la nature. Une étude largement citée en 1997 a estimé que le cycle de production mondiale de la biosphère de la terre était estimé à une valeur moyenne de 33000 milliards de dollars par an – bien plus que le produit intérieur brut mondial de cette époque.

Partha Dasgupta. (Niccolò Caranti, CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons)

Dasgupta a déclaré qu’attribuer une valeur monétaire absolue à la nature n’aurait aucun sens, puisque si la vie était détruite, elle cesserait tout simplement d’exister. L’économiste indo-britannique a invité les gouvernements à trouver une alternative au PIB comme indicateur pour mesurer la richesse, soulignant qu’il est « totalement inadapté » pour garantir un développement durable. Il a affirmé que les gouvernements devraient plutôt utiliser une mesure de la richesse plus globale qui prendrait en compte la nature comme un atout. »

Extrait du Rapport Dasgupta

« Le message du rapport Dasgupta est clair », a déclaré Inger Andersen, chef du Programme des Nations Unies pour l’Environnement. « Protéger la nature, c’est investir dans notre propre préservation. » « C’est forts de cette conviction que nous devons, en 2021, nous mettre d’accord sur un plan mondial ambitieux pour la biodiversité post-2020, plan qui viendra enrayer la perte de la nature », a-t-elle déclaré.

Le rapport a également été salué par Marco Lambertini, directeur général du WWF International, qui a déclaré que les conclusions de celui-ci « sont claires : la nature est le pilier de notre économie et de notre bien-être. »

« Notre incapacité à reconnaître cette relation et à prendre des mesures énergiques et immédiates pour enrayer la perte de la nature nous coûte cher et met en danger l’avenir de l’humanité, a déclaré Lambertini.

Pour préserver notre avenir, nous devons cesser de considérer la nature comme une commodité remplaçable, valoriser les services qu’elle nous offre et transformer nos économies et systèmes financiers afin de les orienter vers la protection et la réhabilitation du patrimoine naturel dont nous dépendons tous. »

« Lecture obligatoire »

Parlant du raport, Caroline Lucas, députée du parti Vert a tweeté « Cette lecture devrait être obligatoire @hmtreasury » « La biodiversité et la mise en valeur de la nature ne peuvent être dissociées de la politique économique, a-t-elle écrit, appelant à remplacer la croissance fondée sur le PIB par une économie du bien-être, et ce à compter du budget du mois prochain ».

Le rapport a cependant été critiqué par certains des défenseurs de l’environnement, notamment l’auteur et activiste climatique George Monbiot, qui s’est opposé à l’idée de mettre une étiquette de prix sur la nature.

Tweet

Nous sommes tous des gestionnaires d’actifs. Que nous soyons agriculteurs ou pêcheurs, chasseurs ou cueilleurs, forestiers ou mineurs, ménages ou entreprises, gouvernements ou communautés, nous gérons les actifs auxquels nous avons accès en fonction de nos motivations, du mieux que nous pouvons. Cette étude porte une attention particulière à une catégorie d’actifs que nous appelons la Nature et l’étudie en relation avec les nombreux autres actifs de notre portefeuille.

Dans une série de tweets avant et après la publication du rapport, Monbiot a qualifié l’approche du rapport de « moralement inacceptable » et a accusé Dasgupta de promouvoir « une sorte de capitalisme totalitaire » dans lequel « tout doit maintenant être commodifié et faire partie du système. »

« Le pouvoir des riches est le principal moteur de la destruction. Quelle que soit la valeur que les autres accordent à la nature, ceux qui détiennent le pouvoir la détruiront, jusqu’à ce que leur pouvoir soit entravé », a écrit Monbiot.

« Le programme de Dasgupta en matière de capital naturel, a-t-il ajouté, est naïf à nombreux titres, mais il est surtout naïf en ce qui concerne le pouvoir. Le fait de reconnaître un coût social à une chose n’empêche pas les intérêts antisociaux de l’exploiter. »

Jeudi, des militants climatiques ont souligné qu’une étude montrant que la température de la Terre est plus élevée qu’elle ne l’a jamais été pendant toute l’ère de la civilisation humaine était la preuve la plus récente de la nécessité de traiter le réchauffement climatique causé par l’activité humaine comme une urgence extrême.

Le 31 décembre 2019, un cheval tente de s’éloigner des feux de brousse voisins dans une propriété résidentielle près de la ville de Nowra, dans l’État australien de Nouvelle-Galles du Sud. (Photo : Saeed Khan/AFP via Getty Images)

La semaine dernière, la revue scientifique à comité de lecture Nature a publié un rapport dévoilant qu’une analyse des températures de surface des océans montrait bien que la planète est plus chaude aujourd’hui qu’à n’importe quel autre moment des 12 000 dernières années, et qu’elle pourrait même être plus chaude qu’à n’importe quel moment au cours des 125 000 dernières années.

Les chercheurs Samantha Bova, Yair Rosenthal, Zhengyu Liu, Shital P. Godad et Mi Yan expliquent cette situation par la résolution de ce que les scientifiques appellent « l’énigme de la température de l’holocène ».

Ce mystère a permis de comprendre pourquoi le réchauffement climatique qui a commencé à la fin de la dernière période glaciaire il y a 12 000 ans a atteint son point culminant environ 6 000 ans plus tard – avant de laisser place au début d’une période de refroidissement qui a duré jusqu’à la révolution industrielle, lorsque l’actuelle période de réchauffement anthropique a commencé.

Il s’avère que les données recueillies, obtenues à partir de coquillages fossilisés, étaient inexactes, ne montrant que les étés chauds, et ignorant les hivers plus froids.

« Nous démontrons que la température annuelle moyenne du globe a augmenté au cours des 12 000 dernières années, contrairement aux résultats précédents, a déclaré au Guardian Samantha Bova, directrice de recherche de l’université Rutgers dans le New Jersey. Cela veut dire que la période moderne de réchauffement climatique dû à l’activité humaine est en train d’accélérer une hausse à long terme des températures mondiales, plaçant aujourd’hui la planète dans un territoire totalement inexploré. Cela change la base de référence et souligne à quel point il est essentiel de prendre notre situation au sérieux. »

L’étude a été publiée le jour même où le président Joe Biden annonçait une série de décrets concernant la crise climatique, ces derniers étant salués comme « historiques » par le Sunrise Movement [Sunrise Movement est une organisation de jeunes d’action politique américaine titre 501 qui préconise une action politique sur le changement climatique,Ndt].

Ces décrets prévoient - notamment - le gel des nouvelles concessions de pétrole et de gaz naturel sur les terres domaniales détenues par les gouvernements centraux ou locaux et les eaux offshore, la création d’un bureau de la politique climatique nationale et d’un groupe de travail national sur le climat, ainsi que l’obligation pour les agences fédérales de supprimer les subventions aux combustibles fossiles et « d’identifier de nouvelles perspectives pour dynamiser l’innovation, la commercialisation et le déploiement de technologies d’énergies propres. »

La Maison Blanche a déclaré que ces décrets « confirment la promesse du président Biden de prendre des mesures énergiques pour lutter contre le changement climatique et s’appuient sur les mesures exécutives que le président a prises dès son premier jour de mandat, notamment en rejoignant l’accord de Paris et en ré-examinant immédiatement les régressions néfastes des normes qui protègent notre air, notre eau et nos communautés. »

Si les directives de Biden ont été accueillies comme un revirement nécessaire par rapport aux politiques et actions de l’administration de Donald Trump, les défenseurs du climat ont déclaré qu’il fallait faire beaucoup plus – et ne pas le faire dans le cas de la croissance des combustibles fossiles.

La fondatrice de Fridays for Future, Greta Thunberg, a indiqué que l’administration Biden a jusqu’à présent délivré plus de 30 nouveaux permis de forage pour des combustibles fossiles, selon un rapport de Bloomberg. Les autorisations de forage sont délivrées malgré le moratoire annoncé par l’administration.

Version imprimable :