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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2020-114

L’espoir pour l’économie thaïlandaise arrive-t-il trop tard alors que la crise de la dette écrase le royaume ?

Par Vijitra Duangdee, traduit par Jocelyne le Boulicaut

lundi 28 décembre 2020, par JMT

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L’espoir pour l’économie thaïlandaise arrive-t-il trop tard alors que la crise de la dette écrase le royaume ?

Publié le 16 novembre 2020 Par Vijitra Duangdee

L’amélioration des données du troisième trimestre et le ralentissement du tourisme n’ont pas compensé la hausse de l’endettement des ménages, qui a atteint 84 % du PIB au deuxième trimestre.

Les experts craignent que le pire ne soit à venir pour la deuxième plus grande économie d’Asie du Sud-Est après que le gouvernement ait mis fin à un gel des dettes pour les particuliers et les petites entreprises en difficulté.

Une commissaire-priseur conduit les enchères à l’entrepôt de Siam Inter Auto à Bangkok, où, en une seule journée, des voitures d’occasion ont été vendues pour un montant d’un million de dollars, lors de la visite de This Week in Asia. Photo : Vijitra Duangdee.

La cloche sonne frénétiquement à Siam Inter Auto (SIA), comptabilisant plus d’un million de dollars de ventes de voitures d’occasion – la plupart envoyées aux enchères par les banques qui récupèrent ce qu’elles peuvent auprès des Thaïlandais incapables de rembourser, dans une économie en plein marasme, à cause de la Covid-19.

Depuis les appartements jusqu’aux voitures, des cartes de crédit jusqu’aux téléphones portables, les créances douteuses se multiplient en Thaïlande, et les experts craignent le pire pour la deuxième économie d’Asie du Sud-Est, après que le gouvernement ait mis fin à un différé de remboursement pour les particuliers et les petites entreprises en difficulté.

Certaines des conséquences de cet effondrement économique sans précédent sont garées en rangées dans l’immense entrepôt de la SIA dans la banlieue de Bangkok, où les acheteurs potentiels effectuent un tri rapide des voitures saisies pendant que des commissaires-priseurs à la langue bien pendue préparent des batailles d’enchères depuis deux podiums.

Selon Gai Nanthana, son génial vice-président exécutif, la SIA a le doigt sur le pouls de l’économie thaïlandaise et le pronostic n’est pas bon.

Des acheteurs potentiels examinent les listes de voitures d’occasion à l’entrepôt de la SIA. Photo : Vijitra Duangdee

« Nous avons un flair pour l’économie. Quand les choses vont bien, nos affaires vont bien car les gens vendent leurs vieilles voitures et en achètent des plus récentes », a déclaré Gai Nanthana, 57 ans. « Quand l’économie va mal, nous allons mieux. C’est très triste, mais les créances douteuses obligent les gens à vendre... ou à réduire leur train de vie, surtout pour la classe moyenne. En ce moment, ils sont sanctionnés. Ils ne peuvent pas effectuer leurs paiements. »

Entre janvier et septembre, la SIA a gagné environ 430 000 dollars US, soit trois fois le montant pour la même période l’année dernière.

En vertu de la législation thaïlandaise, les banques doivent d’abord mettre les actifs récupérés aux enchères publiques avant d’engager toute autre action en justice contre les débiteurs défaillants. Pour la société, cela signifie que des centaines de milliers de voitures arrivent sur le marché – avec des remises importantes – de gens qui d’un seul coup ne peuvent plus effectuer de paiements ou de sociétés de location confrontées à l’effondrement du tourisme et qui ont des caravanes de voitures à l’arrêt, achetées avec financement.

Les données officielles publiées lundi ont montré que l’économie thaïlandaise s’est contractée de 6,4 % en glissement annuel au troisième trimestre, une amélioration par rapport à la contraction de 12,1 % du trimestre précédent au plus fort de l’épidémie de Covid-19. Ces résultats meilleurs que prévus sont dûs à l’assouplissement des confinements partout dans le monde et le Conseil national de développement économique et social (NESDC) estime que le plan de relance du gouvernement, d’un montant de 1 900 milliards de baht (62,9 milliards de dollars US), a commencé à réalimenter l’économie.

Le NESDC a également revu à la hausse ses prévisions de croissance pour l’ensemble de l’année, les faisant passer à une contraction de 6 %, après avoir précédemment anticipé une baisse de près de 8 %. Une poignée de touristes étrangers sont revenus dans le royaume ces dernières semaines, alors que les frontières rouvrent lentement, et l’on espère qu’un vaccin pourra rétablir les voyages mondiaux au début de l’année prochaine.

Mais l’économie thaïlandaise reste en proie à de graves difficultés, car elle est confrontée à ce qui devrait être la pire sécheresse des 40 dernières années, avec un taux de chômage d’environ 1,9 % et une stratégie commerciale des États-Unis imprévisible, ce qui devrait aggraver l’impact de la Covid-19 et l’instabilité politique qui règne dans le royaume.

La Thaïlande manifeste : comment tout a commencé

« Ces statistiques sur le PIB ne veulent pas vraiment dire grand chose pour l’économie réelle », a déclaré Virot Ali, professeur d’économie politique internationale à l’université Thammasat de Bangkok, « car elles ne représentent que ceux qui peuvent adhérer aux projets gouvernementaux et pas les pauvres. Si vous regardez la dette des ménages, la dette des cartes de crédit, les prêts personnels et tous les prêts non remboursés, ils ont atteint un niveau record. »

La dette des ménages a atteint près de 84 % du PIB au deuxième trimestre, selon la Banque de Thaïlande. Dans cette conjoncture, les banques et les petits prêteurs sont toujours pressés de reprendre possession de leurs biens, tandis que leur crainte de ne pas pouvoir rembourser leurs emprunts a conduit au rejet de près de la moitié des demandes de prêts hypothécaires dans le contexte de la pandémie, selon la banque centrale. Ce qui a laissé jusqu’à 30 milliards de dollars de propriétés invendues rien qu’à Bangkok, selon le Centre d’information sur l’immobilier de Thaïlande.

La situation est aggravée par la décision du mois dernier de la Banque de Thaïlande de mettre fin à son gel des dettes pour « la stabilité du système des institutions financières » après qu’un million de petites entreprises aient reporté leurs remboursements d’environ 44 milliards de dollars de prêts – ce qui, selon les experts, risque d’anéantir les nombreuses petites entreprises qui en bénéficiaient jusqu’à présent.

« Compte tenu de la fin du moratoire sur la dette, les petites et moyennes entreprises – en particulier dans les secteurs qui connaissent des ruptures brutales, comme le tourisme – n’auront probablement pas les ressources financières nécessaires pour poursuivre leurs activités » a déclaré Pavida Pananond, professeure associée de commerce international à la Thammasat Business School.

La Thaïlande est également une économie à deux vitesses, le fossé entre les riches et les pauvres étant l’un des plus importants d’Asie. Selon les experts, la situation va encore s’aggraver, car les grands conglomérats – et les corporations commerciales qui les possèdent – s’emparent des actifs en détresse tandis que les petites entreprises sont décimées.

L’économie thaïlandaise devrait se contracter de 6 % en 2020. Photo : AFP

Gai Nanthana de la SIA ne se réjouit pas de la souffrance économique infligée au pays par la Covid-19, qui a épargné le système de santé thaïlandais mais a asséché son économie tournée vers le tourisme. Mais il reconnaît les perspectives dans un pays obsédé par la conduite automobile – il y a 40 millions de voitures et de motos immatriculées sur ses routes. « Pour les Thaïlandais, les voitures sont un élément essentiel de la vie et de la société, a-t-il déclaré. Même si vous n’avez pas de télévision, vous avez intérêt à avoir une voiture ou un 2 roues. ».

Des voitures familiales presque neuves telles que la Toyota Fortuner et la Honda Civic, qui se vendent à environ 1,3 million de bahts (43 000 dollars US) en concession, sont disponibles à la salle des ventes avec des remises de 30 à 40 %. « Cela montre ce qui se passe, a déclaré M. Gai. Ces derniers modèles sont sortis il y a seulement deux ou trois mois et les gens n’ont déjà plus les moyens de les payer. »

Les ventes en ligne de la SIA ont été stimulées par les flux en direct sur Facebook animés par le président de l’entreprise, Sittisak Mahasittivad, qui attire les clients en combinant les modèles en vente avec un choix varié de versions. Et si l’entreprise n’est que l’une de celles qui récupèrent les dégâts de la crise de la dette, les bonnes affaires qu’elle propose sont une bonne nouvelle pour les Thaïlandais qui cherchent à surmonter la crise économique.

« La chance était de mon côté. Chacun peut trouver son bonheur ici », a déclaré Sompote Hong, 51 ans, qui sourit en expliquant comment il a acheté un pick-up pour moins que son budget de 150 000 bahts (5 000 dollars US). Les affaires étant en plein essor, SIA a de grands projets d’expansion, avec une introduction en bourse à l’horizon. A la fin de la vente, dans un parking maintenant vide, Gai a déclaré : « Tout est parti, donc je suis heureux. Au début de l’année prochaine, il y aura beaucoup, beaucoup plus de voitures. »

Cet article est paru dans l’édition imprimée du South China Morning Post : l’économie est en difficulté alors que les dettes continuent de progresser.

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