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52 ème Chronique de la Macronésie

CM52- Un an de Macron : comment les 1% ont fait leur révolution sous notre nez

par Dr Bruno Bourgeon, président d’AID

lundi 4 juin 2018, par JMT

Une année s’achève et, avec elle, les 52 premières Chroniques de la Macronésie. Démarrée sur un jeu de mot entre la Macaronésie (entité géographique qui regroupe les archipels de l’Atlantique Nord à l’Ouest de l’Afrique) et la Macronésie (terme qui fait penser à une maladie gênante, tout à fait symbolique de notre aversion pour cette caricature de politique qui allait mener, à la Présidence d’un grand et vieux pays, l’archétype de tout ce que nous combattons pour les dégâts infligés à l’Humanité dont ils prennent ainsi le contrôle uniquement pour assouvir des buts personnels basés sur le Pouvoir et l’Argent, deux facettes de la même hydre à abattre si on veut que l’Humanité survive.

Malheureusement les humains, et spécialement les français dont l’éducation en général se réduit apparemment de plus en plus à un élevage et à de la formation à des réflexes pavloviens plutôt qu’à des analyses avant action, ne recherchent pas la coopération avec leurs semblables pour le bénéfice de tous, mais se complaisent dans la compétition permanente, à se comparer, à s’ordonner (tout en visant évidemment à monter en grade par tous moyens) et sont donc dressés à aduler plus forts qu’eux et à les soutenir dans l’espoir avoué de s’élever jusqu’à eux (et à l’espoir secret de les battre) et à détester plus faibles qu’eux et à les stigmatiser(avec l’espoir secret de les faire disparaître et la crainte inavouée de retomber à leur niveau) avatar ultime de la carotte et du bâton appliqués à tous les domaines pour mieux contrôler tout le corps social.

Car nous sommes de plus en plus conditionnés, par les médias aux ordres des 10 propriétaires milliardaires dont l’intérêt bien compris est de soutenir celui qui représente le mieux pour l’instant leurs intérêts, par les médias publics, mais aussi par les médias privés et les administrations de plus en plus aux ordres de celui qui veut incarner ce dont Macron est le NOM, le Nouvel Ordre Mondial.

Il nous reste à espérer que les poches de liberté sur le net, notamment dans le domaine de l’information et de l’analyse, permettront de mettre en réseau ceux, de plus en plus nombreux mais encore trop inorganisés, qui essaient de lutter contre le puissant courant principal (alias mainstream) qui vise à nous formater tous pour on se demande bien quel avenir terrible pour les 99%.

Mais au pire on pourra éventuellement toujours se consoler dans notre malheur en disant que nombreux seront les cocus de la Macronésie qui auront rêvé avoir fait un placement gagnant et se réveilleront comme les autres victime d’une nouvelle escroquerie "du siècle"

Un an de Macron : comment les 1% ont fait leur révolution sous notre nez

Le temps semble loin où les « 99% » revendiquaient égalité et justice sociale à travers le monde. Bien qu’il ait pu défendre des idées qui laissaient largement présager un néolibéralisme au profit des possédants, en continuité avec les présidences précédentes, Emmanuel Macron a séduit grands industriels, médias et surtout une partie significative de la population en se présentant comme le candidat de la « révolution » allant jusqu’à écrire un livre éponyme. Mais de quelle révolution fut-il le nom ? Un an après les élections, le vernis des apparences craque. Et si les 1% des plus riches avaient brillamment réalisé sous notre nez leur révolution ?

Les 12 premiers mois de la présidence Macron ont été marqués par une course aux réformes qui contraste avec son prédécesseur. Les Français ont ainsi pu constater que ces réformes n’ont pas pour objectif la défense de l’intérêt général puisqu’elles ont contribué à creuser les inégalités entre la population et les très riches sur fond de théorie du ruissellement : suppression de l’exit-tax, instauration d’une sélection à l’université, loi sur l’asile et l’immigration parmi les plus dures qu’on ait connues à notre époque, refus d’acter la dégradation des conditions de vie dans les EHPAD – mesures qui affecteront durablement les Français.

Comment expliquer, un an après son élection, qu’Emmanuel Macron soit toujours adulé dans les hautes sphères, en France comme à l’étranger ? Certes, les « hyper riches » peuplent les institutions politiques et médiatiques ; les lobbies qui défendent leurs intérêts exercent une pression sur les institutions collectives, mais c’est insuffisant. Convoquons un instant la pensée visionnaire d’Antonio Gramsci, résistant italien au fascisme, figure de résistance, pour comprendre le mécanisme de cette révolution des riches.

Le petit groupe de soutien de Macron (soit, selon Gramsci, le « bloc historique dominant » [1]) s’est constitué d’individus très divers, provenant de la politique et de l’économie. En tant qu’ancien banquier d’affaires chez Rothschild & Cie, Macron va bénéficier d’un solide réseau dans le monde de la finance à une échelle internationale. Mais ce n’est probablement pas ce groupe qui fut déterminant dans son élection mais bien le bloc historique issu de la culture, c’est-à-dire des artistes et des intellectuels français : Erik Orsenna, Pierre Arditi ou Renaud, sans oublier Daniel Cohn-Bendit, ou encore Jacques Attali.

Cette diversité inédite pour un candidat lui permettra d’acquérir une stabilité et une crédibilité forte et rapide. En effet, pour Gramsci, les « intellectuels organiques » [2], ceux qui font corps avec le régime, ont un rôle crucial dans la légitimation de l’ordre établi car d’une certaine manière ils le représentent chaque fois qu’eux-mêmes sont en représentation, qu’ils endossent leur rôle de personnage public notamment par voie de médiatisation. Ces artistes et intellectuels sont cruciaux car ils ont une grande capacité d’influence sur l’opinion, ce qui est moins le cas des acteurs politiques et économiques. À travers leurs voix, le personnage se construit dans l’imaginaire collectif jusqu’à se cristalliser comme le président idéal à l’instant T.

Gramsci observe que le bloc historique de ceux qui dominent devient hégémonique lorsque la société entière consent [3] à cette domination. Pour rendre cela possible, il faut que la population ait la conviction que l’ordre établi fonctionne, naturel et immuable [4], et qu’il soit le seul choix valable. Or, depuis la crise de 2008, la confiance dans les institutions est amoindrie, comme le symbolise la faible popularité de Hollande (moins de 20% en 2017).

Pour remédier à cela, il y avait d’une part la solution proposée par l’opposition radicale, alors incarnée par Jean-Luc Mélenchon, qui consiste à envisager les problèmes comme inhérents au système capitaliste lui-même et à en informer les citoyens dans le but de déstabiliser, puis transformer l’hégémonie.

Mais, comme nous l’explique Gramsci, l’ordre au pouvoir n’est pas dupe à propos des intentions de l’opposition et est à même de comprendre qu’elle veut renverser un ordre établi bancal et instable. Il a alors, d’autre part, recours à un instrument, plus subtil et puissant : la Révolution Passive. Ce concept consiste à présenter une élite modernisatrice et rajeunie (Emmanuel Macron) qui promet de transformer certains aspects de la société jugés obsolètes dans le but de conserver ses propres intérêts capitalistes. C’est un instrument d’une efficacité redoutable car il reprend les outils idéologiques et formels de ses adversaires à des fins contraires.

C’est ainsi qu’Emmanuel Macron, qui ne possède aucun background en matière de luttes sociales, copiera le terme de son opposant politique, la « Révolution citoyenne » : celui-ci révolutionne, à l’image du titre de son ouvrage, le pays sur la forme (réduction du nombre de députés, appel à la société civile…), ce qui lui permet, sur le fond, de mener une politique plus conservatrice que progressiste, puisqu’elle continue de servir les intérêts de l’élite.

Mieux, elle les sert encore davantage, avec des mesures d’austérité qui bénéficient aux puissants, comme par exemple la suppression de l’exit-tax qui facilite le placement d’argent dans les paradis fiscaux. La solution « Macron » à la crise consiste donc à remettre celui-ci « en marche », mais sans volonté d’en changer la base. Ainsi la révolution passive est une illusion, à l’image de sa dénomination, qui est un oxymore.

Car une révolution est nécessairement radicale (à la racine), elle transforme et elle invente : elle est tout sauf passive. C’est avant tout une stratégie politique, à travers la sémantique, permettant de déguiser l’inégalité des rapports de force, sous une rhétorique sophiste aux accents gaullistes et mitterrandiens (Emmanuel Macron proposait sa candidature afin de « retrouver notre esprit de conquête pour bâtir une France nouvelle » [5]) et une réorganisation purement formelle n’attentant surtout pas au pouvoir considérable de l’élite sous la Cinquième République.

Emmanuel Macron a également repris à son compte l’idéologie anti-politique [6] : un de ses arguments phares a été la non-appartenance déclarée des membres d’En Marche à la sphère politique. « Mon mouvement est plus légitime que les autres, car les autres qui ont échoué sont des ‘politiciens’ aguerris, et moi non ». Pourtant ex-ministre de l’économie, cela lui permettra de cacher la parfaite continuité de son programme avec les politiques précédentes – toujours plus de capitalisme, de croissance et de libéralisme.

D’autre part, la rhétorique macronienne – « à gauche socialement, bien qu’à droite économiquement » (ce qui est un contre-sens historique), parfois ni de droite ni de gauche, se tient dans un flou artistique qui autorise de ne prendre aucun positionnement courageux, donc risqué, jusqu’aux élections. Ce positionnement minimaliste est plébiscité par un important spectre populaire.

Ainsi ces deux instruments, parce qu’ils obtiennent facilement un enthousiasme populaire, participent-ils de l’illusion révolutionnaire. En vérité, ils sont très utiles aux élites car le peuple s’enthousiasme loin de la politique, il se dépolitise : « Pourquoi croire en la politique, croyons plutôt à l’anti-politique ! » ; « Pourquoi vouloir s’informer, se former pour transformer l’hégémonie, pourquoi contester l’ordre établi, quand celui-ci assure garantir nos droits et nos libertés à notre place ? »

Vivons un bonheur individualiste, consommons toujours plus, et laissons pendant ce temps le gouvernement seul dans l’arène sans jamais remettre en question les règles démocratiques ! Pendant que nous végétons devant nos petits écrans, Macron s’active. Pendant que le peuple est distrait et que cette distraction est alimentée par les intellectuels invités sur de nombreux plateaux, la majorité d’En Marche supprime l’exit-tax, baisse les APL, ferme des services publics, force les gens à travailler plus (pas pour gagner plus), met en place la sélection à l’université, etc. Pendant que le peuple est en vacances, il ose même faire passer ses propositions les plus controversées via le 49.3.

Voyant cela, d’aucuns se risqueraient à qualifier son régime de néolibéralisme passif autoritaire. En dépit de son nom flatteur, le néolibéralisme n’a rien de libéral politiquement parce qu’il prive les plus faibles de leurs droits. Aux étudiants, il nie le droit d’étudier librement la matière souhaitée ; aux cheminots, au personnel hospitalier, il refuse le droit à un emploi sûr ; contre les militants, il fait usage d’une violence jamais vue ; aux médias, il impose une vérité supérieure et une ligne à tenir ; aux réfugiés, et plus largement à tous ces groupes sociaux, il n’accorde ni la liberté, ni le droit d’être traités dans la dignité, qui est pourtant l’un des fondement des Droits de l’Homme…

En cela il prive le peuple de son pouvoir. C’est un déni de démocratie. Ici règne un terreau fertile pour un futur régime autoritaire. Heureusement, de plus en plus d’intellectuels et d’artistes rejoignent leurs confrères dans la construction d’une opposition intellectuelle et jouent leur rôle de diffuseurs d’idées dans la société civile.

De plus, le projet capitaliste néolibéral fièrement porté par le gouvernement étant de plus en plus opaque et poussé à sa forme extrême et violente, les individus se voient poussés à la révolte ou au silence. La violence du démantèlement de Calais ou de la ZAD, le gazage systématique de manifestants et militants, les attaques contre les médias indépendants, une justice et une médecine à deux vitesses, des communiqués officiels relayant parfois des versions contraires aux faits, sont les indices que l’État cherche à imposer ses intérêts, et qu’il méprise tout ce qui contesterait sa vision.

Ainsi du mépris de classe dont le président fait régulièrement preuve envers les plus pauvres pour qui « le summum de la lutte c’est les 50 euros d’APL » ; ainsi du mépris policier face aux étudiants qui défendent leur droit de se former, ou face aux paysans qui défendent un projet agricole contre l’accaparement des terres. L’enjeu est maintenant de recréer un sentiment de communauté, qui a été érodé d’un côté par le capitalisme qui prône l’enrichissement individuel et l’égocentrisme, de l’autre par le néolibéralisme qui cherche à diviser, à isoler, à infantiliser [3] les dominés. D’où la Commune Libre de Tolbiac, les projets communautaires sur la ZAD, ou encore la « Fête à Macron », qui sont autant de « re-communautarisations ».

Le propre des révolutions passives est l’illusion, leur base linguistique est paradoxale. Elles sont d’autant plus paradoxales que leur but est de renforcer la légitimité de la doxa en s’appuyant sur une rhétorique emprunté au socratisme, la maïeutique : la prise de conscience que l’on ne peut apprendre (et donc changer le monde) que par soi-même. Les révolutions passives cultivent le paradoxe, car elles se réclament de l’être au sens étymologique (c’est-à-dire qu’elles prétendent rejeter et aller au-delà de la doxa) tout en ne l’étant pas dans les faits (puisque elles légitiment la doxa). C’est pour cela qu’elles finiront par être prises en flagrant délit de tromperie, dénoncées et combattues.

Espérons que cette désillusion opère vite, car les cadenas se referment sur nos droits et libertés. Dans ce but, l’infusion de modèles et de concepts alternatifs dans la société civile est primordiale pour armer pacifiquement et intellectuellement les citoyens. Aujourd’hui, le pouvoir est exercé par violence, domination, que ce soit dans les universités, sur la ZAD et dans le camp de réfugiés de Calais, et qui reflète le processus de délégitimation de l’hégémonie. Ceci peut mener à une vraie révolution de fond, active, consciente de l’environnement, créatrice et donc artistique.

[1] Gramsci, Cahiers de Prisons (1948), édition italienne moderne (Quaderni del Carcere) par V. Gerratana, 1975.
[2] Macciocchi, Pour Gramsci, Collection Tel Quel, Paris, Éditions du Seuil, 1974, p. 162.
[3] Buchanan, « The Varied Faces of Domination : State Terror, Economic Policy, and Social Rupture during the Argentine « Proceso », 1976-81 », American Journal of Political Science Vol. 31, No. 2 (May, 1987), pp. 336-382, http://www.jstor.org/stable/2111080.
[4] Bachand, Laperrière, ‘L’hégémonie dans la société internationale : un regard néo-gramscien’, Revue québécoise de droit internationale, Hors-série 2014, p. 9, https://www.sqdi.org/wp-content/ uploads/RQDI_HS201409_1_Laperriere-Bachand.pdf.
[5] https://en-marche.fr/articles/actualites/contrat-avec-la-nation.
[6] Moyn, The Last Utopia : Human Rights in History, Harvard University Press (2010), 175.

Dr Bruno Bourgeon, président d’AID
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D’après le think tank informel Mr Mondialisation

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* Page 2 dans Le Quotidien de la Réunion du mercredi 13 Juin 2018 :

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