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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2020-41

Et si cela se produisait dans un autre pays, comment les médias occidentaux couvriraient-ils les évènements de Minneapolis

Par Karen Attiah, traduit par Jocelyne le Boulicaut

mercredi 17 juin 2020, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Et si cela se produisait dans un autre pays, comment les médias occidentaux couvriraient-ils les évènements de Minneapolis

Le 29 mai 2020 Par Karen Attiah

Karen Attiah est la rédactrice de Global Opinions du Washington Post. Elle est spécialisée dans les affaires internationales et les questions sociales. Auparavant, elle a fait des reportages à Curaçao, au Ghana et au Nigeria.

Un manifestant posant sur une plate-forme devant l’ incendie d’ un restaurant, tôt vendredi à Minneapolis. Des manifestations suscitées par la mort de George Floyd, un noir décédé lors de sa garde à vue lundi, ont éclaté à Minneapolis pour une troisième nuit consécutive. (Julio Cortez/AP)

Si nous parlions de ce qu’il se passe à Minneapolis de la même manière que nous parlons des événements dans un pays étranger, voici comment les médias occidentaux le couvriraient. Les citations et les personnes "citées" dans l’article ci-dessous sont fictives.

Ces dernières années, la communauté internationale a tiré la sonnette d’alarme au sujet de la détérioration de la situation politique et des droits humains aux États-Unis pendant la présidence de Donald Trump. Aujourd’hui, alors que le pays enregistre 100 000 décès dus à la pandémie de coronavirus, l’ancienne colonie britannique se trouve dans une spirale de violence ethnique. La lassitude et la paralysie de la communauté internationale sont flagrantes, quand on note son silence, affirment les experts américains.

Le pays a été secoué par la diffusion de plusieurs vidéos virales montrant des exécutions extrajudiciaires de personnes issues de minorités ethniques noires par les forces de sécurité de l’État. Des soulèvements ont éclaté dans la ville de Minneapolis, au nord du pays, après la diffusion en ligne d’une vidéo montrant le meurtre d’un homme noir, George Floyd, après qu’il ait été attaqué par un agent des forces de sécurité. Trump s’est jeté sur Twitter, qualifiant les manifestants noirs de "THUGS" (crapules, truands) et menaçant d’envoyer la force militaire. "Dès que le pillage commence, les tirs commencent !" a-t-il déclaré. "Bien sûr, nous comprenons que les Noirs soient en colère après des décennies d’abus et d’impunité", a déclaré G. Scott Fitz, citoyen du Minnesota et membre de la majorité ethnique blanche. "Mais s’en prendre à une SEULE CIBLE transgresse les limites. Ne peuvent-ils pas trouver un moyen plus pacifique, comme s’agenouiller en silence ?"

Voilà des générations que la violence ethnique est un fléau pour le pays, et il y a des décennies, elle a attiré l’attention du monde entier, mais récemment, la couverture médiatique et l’inquiétude faiblissent car il semble que la fin de l’oppression ne soit pas en vue. "Ce sont des haines anciennes et incompréhensibles qui alimentent ces conflits ethniques et ces inégalités", a déclaré Andreja Dulic, correspondant à l’étranger dont la connaissance de l’anglais américain consiste en un cours d’un semestre à l’université et une session occasionnelle sur l’application Duolingo. Lorsqu’on lui a dit que les États-Unis n’étaient agés que de quelques centaines d’années, il a haussé les épaules et a déclaré : "Dans mon pays, nous avons encore des structures qui datent de l’empire romain. Dans leur culture, les Américains pensent qu’un bâtiment qui a 150 ans est de l’histoire antique".

La Grande-Bretagne s’intéresse généralement de près aux affaires de son ancienne colonie, mais elle a également été touchée par le nouveau coronavirus. "Nous avons connu quelques revers avec le virus, mais certains Britanniques observent la montée de la maladie, le chômage et l’ahurissante violence aux États-Unis et ont le sentiment que l’Amérique n’a jamais été prête à se gouverner correctement, qu’elle aurait recours à la politique tribale", a déclaré Andrew Darcy Morthington, expert sur l’Amérique basé à Londres. Au cours de l’interview, une alerte médiatique nous a informé que parmi les près de 40 000 décès dus au coronavirus au Royaume-Uni, 61 % des travailleurs de la santé qui sont décédés étaient noirs ou étient d’origine moyen-orientale. Morthington n’a pas semblé le remarquer. "Comme je le disais, nous n’avons pas ces problèmes de racisme de style américain ici."

Trump, ancien animateur de télé-réalité, organisateur de concours de beauté et homme d’affaires, a un jour appelé les nations africaines "pays de merde". Mais il s’inspire maintenant des dictateurs africains qui répandent de faux remèdes, comme Yahya Jammeh de Gambie, qui prétendait pouvoir guérir le sida avec des bananes et des potions à base de plantes et qui a fait connaître ses traitements à la population, ce qui a provoqué des décès. Trump a semblé suggérer d’injecter de l’eau de Javel et d’utiliser la lumière du soleil pour tuer le coronavirus. Il a également déclaré avoir pris de l’hydroxycholoroquine, un médicament dérivé de la quinine, un remède venu de la jungle connu depuis longtemps pour soigner la malaria. Les médecins lui ont déconseillé d’utiliser ce traitement en prévention ou en traitement du coronavirus.

Pendant ce temps, les Américains qui veulent désespérément fuir devront relever de grands défis pour traverser les frontières, car la mauvaise gestion du coronavirus et les tensions ethniques dans le pays ont fait d’eux des visiteurs indésirables. Mais certains détaillants américains en difficulté, comme Neiman Marcus, espèrent attirer les acheteurs avec des fantasmes de voyage colonial traditionnel du 19e siècle grâce à des vestes neutres kaki et des shorts cargo faisant partie de la collection "Modern Safari". "Des petits détails fonctionnels et des tons discrets répondent à une féminité classique", lit-on sous la photo d’une femme blanche. Les casques Pith n’ont pas été inclus dans la gamme d’accessoires [Le casque colonial (également connu sous le nom de safari, salacot ou topi) est un casque léger en liège ou pith recouvert d’un tissu. ;NdT].

Capture d’écran d’une publicité de Neiman Marcus "Modern Safari". (Karen Attiah/TWP)

Certains pays envisagent d’offrir aux Noirs américains un droit d’asile particulier. "Les membres de la majorité ethnique blanche forment des milices armées, exigeant leur liberté de retourner travailler pour la classe riche qui qualifie les travailleurs de "stock de capital humain", en dépit du risque énorme qu’ils courent", a déclaré Mustapha Okango, anthropologue basé à Nairobi. "C’est un retour à l’époque où l’esclavage était l’épine dorsale de l’économie américaine. Les esclaves noirs étaient les principaux travailleurs indispensables, et ils étaient traités comme du capital non humain".

L’Afrique pourrait être une destination idéale pour les demandeurs d’asile, car plusieurs pays africains ont réussi à contenir l’épidémie de coronavirus grâce à des mesures volontaristes précoces et à des kits de dépistage innovants. Le Sénégal, une nation de 16 millions d’habitants, n’a connu que 41 décès. "Tout le monde avait prédit que l’Afrique allait se retrouver dans un chaos total", a déclaré M. Okango. "C’est la preuve qu’être une personne noire dans ce monde ne vous tue pas, mais qu’être une personne noire en Amérique peut clairement le faire."

L’Union africaine n’a pas répondu aux demandes de commentaires, mais elle a publié une déclaration qui dit "nous croyons aux solutions américaines pour les problèmes américains". Partout dans le monde, des organisations locales, des célébrités, des militants des droits humains et même des étudiants font ce qu’ils peuvent pour collecter des fonds et sensibiliser l’opinion à la situation désastreuse qui règne en Amérique.

"Il est triste que les Américains n’aient pas un gouvernement qui puisse leur faire passer des tests de dépistage du coronavirus ou même leur attribuer des chèques tous les mois pour pouvoir nourrir leurs familles", a déclaré Charlotte Johnson, étudiante militante libérienne de 18 ans, qui a survécu à la pandémie d’Ebola. "100 000 personnes sont mortes, les villes brûlent, et le pays n’a pas eu un seul jour de deuil ? Les vies n’ont pas d’importance, surtout pas les vies noires. C’est comme s’ils vivaient dans un pays en pleine déliquescence."

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