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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2020-16

Le boom de la fracturation hydraulique mis en cause dans les pics de méthane dans l’atmosphère

Par Stephen Leahy, traduit par Jocelyne le Boulicaut

vendredi 6 mars 2020, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Le boom de la fracturation hydraulique mis en cause dans les pics de méthane dans l’atmosphère

Par Stephen Leahy, le 15 août 2019

Dans la lumière du crépuscule, des chevalets de pompage des gisements de pétrole de la formation de Monterey Shale en Californie, où l’extraction du gaz et du pétrole se fait par fracturation hydraulique, ou "fracking"

La signature chimique du méthane libéré par la fracturation se retrouve dans l’atmosphère, faisant des opérations d’extractions de gaz de schiste les principales responsables.

Les scientifiques ont mesuré une forte augmentation au cours de la dernière décennie du volume de méthane présent dans l’atmosphère, ce gaz contribuant fortement au réchauffement climatique .

Les vaches ou les zones humides ont été désignées comme des sources possibles, mais de nouvelles recherches indiquent que les émissions de méthane provenant de la production de combustibles fossiles - principalement de l’extraction des gaz de schiste aux États-Unis et au Canada - en sont les responsables.

L’augmentation "massive" des émissions de méthane est apparue au moment même où l’utilisation de la fracturation pour le gaz de schiste s’est amplifiée aux États-Unis, explique Robert Howarth, écologiste à l’université de Cornell et auteur de l’étude publiée le 14 août dans la revue Biogeosciences.

"Nous savons que cette augmentation est en grande partie due à la production de combustibles fossiles et cette étude suggère que plus de la moitié de l’exploitation du gaz de schiste en serait à l’origine ", affirme Howarth dans une interview.

Cette forte augmentation du méthane est inquiétante parce que le méthane réchauffe le climat plus de 80 fois plus qu’une quantité équivalente de dioxyde de carbone (CO2) au cours des 20 premières années suivant sa libération dans l’atmosphère, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Au bout de 20 ans, la majeure partie du méthane se transforme en CO2, qui peut perdurer des centaines d’années.

Le méthane libéré par la production de gaz de schiste a une empreinte chimique légèrement différente de celle du méthane provenant des rots de vache (pas de leurs flatulences comme on le croit généralement) et des zones humides.

Des études antérieures montrent que le gaz de schiste contient généralement moins de carbone-13 par rapport au carbone-12 (qui désigne le poids de l’atome de carbone au centre de la molécule de méthane) en comparaison avec le méthane provenant du gaz naturel classique et autres combustibles fossiles comme le charbon, a déclaré Howarth.

L’étude est partie des données antérieures sur la composition chimique du méthane présent dans l’atmosphère pour appliquer une série d’équations permettant de déterminer quelle proportion de cette forme plus légère de méthane pouvait être attribuée au gaz de schiste.

Or cette forme plus légère de méthane libérée lors de la fracturation forme une composante importante de l’augmentation globale du méthane depuis 2008.

Il reconnaît toutefois que l’empreinte chimique du gaz de schiste peut varier en fonction du lieu et de la manière dont l’analyse chimique est effectuée. Bien que l’étude ne soit pas une "preuve irréfutable", elle a établi une corrélation entre les récentes augmentations de méthane dans l’atmosphère et la production de gaz de schiste. "C’est un peu flou, mais l’empreinte est là", dit Howarth.

Les indices pointent vers la fracturation.

Fracturation hydraulique

Le gaz naturel est principalement du méthane. La fracturation est une méthode qui consiste à forer dans une exploitation pétrolière ou gazière un puits verticalement puis horizontalement dans une formation de schiste.

Un mélange hautement pressurisé d’eau, de produits chimiques et de sable est injecté pour créer et maintenir ouvertes des fissures, ou des voies d’échappement pour le gaz. Selon l’étude de Howarth, la quasi-totalité des opérations de fracturation dans le monde se déroulent aux États-Unis et au Canada.

Environ deux tiers de toute nouvelle production de gaz dans le monde au cours de la dernière décennie a été du gaz de schiste produit aux États-Unis et au Canada au moyen de la fracturation.

La quantité de méthane ajoutée à l’atmosphère au cours de la dernière décennie correspond également aux études qui montrent que les opérations de fracturation entraînent de 2 à 6% de pertes du gaz produit par fuites, évacuations ou torchères, a précisé Howarth.

Comparaison des impacts climatiques des usages thermiques du gaz de schistes et du charbon

On est certain que le climat change. Mais quelles en sont les causes ? Et comment l’augmentation de la température affecte-t-elle l’environnement, et nos vies ?

Une étude réalisée en 2015 estime que la région du Barnett Shale au Texas du Nord perdait chaque année 544 000 tonnes de méthane en basant le calcul sur un taux de fuite prudent de 1,5 %. Cela équivaut à 46 millions de tonnes de CO2, plus que des États comme le Nevada ou le Connecticut.

Une étude conduite en 2015 par John Worden du Jet Propulsion Laboratory de la NASA a révélé que les niveaux de méthane étaient restés stables pendant des années, mais qu’ils avaient brutalement augmenté après 2006, de 25 millions de tonnes par an.

A l’aide de satellites et d’autres méthodes d’évaluation, ils sont arrivés à la conclusion que les combustibles fossiles étaient responsables de 12 à 19 millions de tonnes de ce méthane supplémentaire, le reste étant probablement d’origine biologique.

L’étude d’Howarth ajoute une autre pièce au puzzle déjà extrêmement complexe du méthane, a déclaré Worden dans un courriel, tout en renonçant à développer.

Il est peu probable que la forte augmentation des niveaux de méthane au niveau mondial, en simultanéité avec l’exploitation de schiste, ne soit qu’une coïncidence, a déclaré Anthony Ingraffea, professeur d’ingénierie à l’université de Cornell et collègue de Howarth.

L’étude indique plutôt que l’empreinte chimique du gaz de schiste apporte la preuve d’un lien direct, a déclaré Ingraffea, qui a consulté une première version du document.

"L’analyse isotopique des échantillons de gaz au niveau des têtes de puits sur un certain nombre d’ opérations de fracturation serait un moyen facile de prouver ou réfuter l’hypothèse d’Howarth", ajoute-t-il. "Si Howarth a raison, alors nous saurons que l’extraction des gaz de schiste aggravent le réchauffement climatique, et mettent fin aux efforts pour rester en dessous de 2°C."

Dans le cadre de l’accord de Paris de 2015, tous les pays du monde se sont engagé à maintenir le réchauffement bien en deçà de 2 degrés Celsius (3,6 degrés Fahrenheit), tandis que les territoires insulaires de faible altitude ainsi que d’autres pays ont fait pression pour fixer la limite à 1,5 degré Celsius.

Bien que souvent oubliées dans les discussions sur le climat, les augmentations du niveau de méthane ont aggravé le réchauffement actuel et continueront de le faire si des mesures ne sont pas prises pour les limiter.

"L’atmosphère réagit rapidement aux variations des émissions de méthane.
Une réduction immédiate du méthane maintenant peut fournir un moyen immédiat pour ralentir le réchauffement de la planète", explique Ingraffea.

Les propres recherches d’Ingraffea ont montré qu’un pourcentage restreint de puits était responsable de la majeure partie des émissions de méthane, soit en raison de fuites, soit par ventilation volontaire. Recycler et capturer le gaz au lieu de l’évacuer pourrait réduire considérablement les émissions mais augmenterait les coûts.

Environnement et santé

L’administration Trump tente d’augmenter la production de gaz de schiste en abrogeant les règles relatives aux opérations de fracturation sur les territoires publics. Ces règles contraignaient les entreprises à divulguer la teneur des produits chimiques utilisés pour la fracturation, et imposaient des normes plus strictes quant à la construction des puits de fracturation et la gestion des eaux usées.

En outre, l’administration Trump vend aux enchères des millions d’hectares de droits de forage à des promoteurs pétroliers et gaziers.

Effets du changement climatique sur la santé (changement sans le rythme d’activité, affections liées à la chaleur, allergies, augmentation de l’exposition aux maladies les maladies d’origine hydrique et les maladies à transmission vectorielle, stress, angoisse, chagrin, sens de perte, stress sur les relations sociales, abus de substances diverses, désordres liés au stress post traumatique, augment des agressions interpersonnelles, augmentation des taux de violence et crimes, augmentation de l’instabilité sociale, diminution de la cohésion dans les communautés)

Les préoccupations concernant l’environnement et la santé ont conduit la France et l’Allemagne à interdire la fracturation. L’État de New York, le Maryland et le Vermont ont également interdit cette pratique. Une étude réalisée en 2018 en Pennsylvanie a montré que les enfants nés à moins de deux ou trois kilomètres d’un puits de fracturation étaient susceptibles d’être plus petits et en moins bonne santé.

En Arkansas, des chercheurs ont constaté que le niveau de l’eau de 51 % de ses cours d’eau était dangereusement bas en raison des prélèvements d’eau pour les opérations de fracturation. Des tremblements de terre ont été par ailleurs largement liés à la fracturation et à l’injection en puits profonds des eaux usées.

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