AID Association Initiatives Dionysiennes

Ouv zot zié !

Accueil > Politique > Le changement climatique pourrait bientôt rendre une grande partie du Golfe (...)

Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2019-115

Le changement climatique pourrait bientôt rendre une grande partie du Golfe Persique inhabitable

Par Peter Thomson, David Leveille, Nina Porzucki et Joyce Hackel, traduit par Jocelyne le Boulicaut

mercredi 30 octobre 2019, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Le changement climatique pourrait bientôt rendre une grande partie du Golfe Persique inhabitable

Le 27 octobre 2015, Par Peter Thomson, David Leveille, Nina Porzucki et Joyce Hackel

D’après un récent rapport publié dans Nature Climate Change, à la fin du siècle actuel, les conditions climatiques dans une grande partie de la région du golfe Persique et de la péninsule arabique repousseront souvent les limites thermiques de l’adaptabilité humaine si les tendances de pollution par les gaz à effet de serre restent sur la trajectoire actuelle. Ces cartes sont tirées du rapport sur la température (T) et la température et l’humidité (TW) actuelles (HIST), dans le cadre d’un scénario futur de contrôle des émissions de gaz à effet de serre (RCP4.5), et dans le cadre du scénario du "statu quo" qui ne modifie en rien la tendance actuelle en matière d’émissions (RCP8.5). (Températures en degrés Celsius) Crédit : Nature Climate Change/Jeremy S. Pal & Elfatih A. B. Eltahir

Imaginez un monde où les activités de plein air les plus élémentaires peuvent mettre votre santé ou même votre vie en danger. Non, ce n’est pas une bande-annonce ringarde pour un film de science-fiction hollywoodien racontant la vie sur une planète déserte très loin d’ici. Il s’agit d’un scénario réel de la vie dans la région du golfe Persique, ici même sur Terre, à la fin de ce siècle, relaté dans une nouvelle étude effrayante publiée dans le dernier numéro du journal Nature Climate Change.

L’étude, réalisée par des chercheurs de l’Université Loyola Marymount et du MIT, anticipait des augmentations de température et d’humidité dans l’extrême sud-ouest asiatique entre 2071 et 2100 en fonction des tendances actuelles d’émissions de gaz à effet de serre. Elle a constaté qu’un seuil clé de l’habitabilité humaine - essentiellement la chaleur et l’humidité - devrait "dépasser (le) seuil de l’adaptabilité humaine" à de nombreuses reprises dans la région durant ces 30 années.

Elle a également montré qu’à l’avenir, les températures atteintes pendant les cinq pour cent de jours d’été les plus chauds de la région deviendront plus ou moins la norme pour les étés.

La ville de Dubaï, les températures les plus chaudes se situent entre 35 et 40°C. D’ici 100 ans elles pourraient dépasser 50°C.

Nous observons des vagues de chaleur, de fortes vagues de chaleur dans cette région ", explique Elfatih Eltahir, ingénieur civil et environnemental au MIT et co-auteur de l’étude, dans laquelle un calcul combiné de la température et de l’humidité - communément appelé " moiteur " mais que les chercheurs appellent température " au thermomètre mouillé" - dépasse 35 °C, niveau équivalent au 165 °F, indice thermique du National Weather Service (NMSS), le Service météorologique national.[ [La température au thermomètre mouillé (Tw, où "w" abrège le mot anglais "wet" signifiant humide) ou température humide est la température qu’une parcelle d’air, ayant une température Θ et un contenu en vapeur d’eau de Y, atteindrait si on y évaporait de l’eau liquide jusqu’à saturation tout en gardant la pression constante.NdT]

Au-dessus de ce niveau, dit Eltahir, "la capacité du corps humain à s’adapter aux conditions chaudes devient très problématique". Ce seuil, écrivent Eltahir et son co-auteur Jeremy Pal, " définit une limite de survie pour un être humain en bonne condition physique dans des conditions extérieures bien ventilées mais est de fait bien plus faible pour la plupart des gens. "Nous prévoyons... que dans la région du golfe Persique les températures extrêmes au thermomètre mouillé frôleront et dépasseront probablement ce seuil critique dans le cadre du scénario de la poursuite du statu quo des concentrations futures des gaz à effet de serre."

Le " scénario du statu quo " désigne un avenir dans lequel aucune mesure drastique n’est prise pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, ceux-là même qui contribuent à piéger davantage de chaleur dans l’atmosphère. Les chercheurs soulignent qu’il ne s’agira pas d’un niveau de danger qui serait la norme toute l’année dans toute la région, mais plutôt d’une occurrence de plus en plus fréquente de ces événements estivaux.

En fonction du lieu, Eltahir et Pal disent s’attendre à de telles conditions "dans certains endroits, une fois par décennie. Dans d’autres, plusieurs fois par décennie. Ce n’est donc pas comme si c’était le niveau de chaleur normal tout le temps, mais il y aura de fortes vagues de chaleur dans cette partie du monde." Dans ces cas là, dit M. Eltahir, les habitants des régions plus riches pourront s’adapter grâce à un plus grand recours à la climatisation et à d’autres mesures. Mais même à ces endroits là les activités de plein air les plus élémentaires sont susceptibles d’être gravement compromises" écrivent-ils, Pal et lui.

23 septembre 2015, à la Mecque. Les pèlerins marchent sous des fontaines rafraîchissantes. REUTERS/Ahmad Masood

Dans les régions moins riches de la région, par exemple au Yémen le long de la mer Rouge, là où les maisons et autres bâtiments sont en grande partie dépourvus de climatisation, les gens "souffriront probablement à l’intérieur comme à l’extérieur...". Dans de telles conditions, le changement climatique pourrait entraîner la mort prématurée des plus faibles, à savoir les enfants et les personnes âgées."

On ne sait pas comment le rapport sera accueilli dans la région, alors que les économies ont fortement tendance à dépendre de ce qui contribue à la crise climatique - le pétrole - mais là aussi où les revenus pétroliers ont amplement protégé les habitants des impacts du changement environnemental.

Cependant, la journaliste Razan Alzayani, qui a grandi aux Émirats Arabes Unis et vit aujourd’hui à Dubaï, espère que ce sera un " cri d’alarme " pour la région. "C’est le choc qu’il faut pour que les gens réalisent que c’est une chose tangible ", dit Alzayani. "L’échelle de temps dont ils parlent, c’est la fin du siècle et nous parlons de nos petits-enfants. Et le fait que ce monde que nous sommes en train de créer soit si inhabitable pour eux... m’a quelque peu déprimée ", dit Alzayani.

Alzayani dit qu’elle sent déjà un changement dans la région. Les étés paraissent plus longs et les hivers ne sont pas aussi froids que quand elle était jeune. "Nous sommes à la fin du mois d’octobre et on a l’impression que l’été se prolonge bien plus longtemps qu’il ne le devrait cette année ", dit-elle.

Un des endroits où la réalité des dangers du réchauffement pourrait toucher une corde sensible, c’est la ville sainte musulmane de La Mecque, en Arabie saoudite, berceau du prophète Mahomet. Tous les musulmans sont tenus de se rendre à La Mecque au moins une fois dans leur vie, lors du pèlerinage annuel appelé le Hadj. Mais le cérémonial, qui a souvent lieu pendant l’été, est devenu, ces dernières années, de plus en plus fréquenté et parfois meurtrier et la perspective de rajouter une température en forte tension à cette conjoncture est des plus préoccupant.

"On ne peut que se demander à quoi ressemblera [le Hadj] dans quelques années si les températures grimpent encore", dit Nicholas Niksadat, du service persan de la BBC. C’est une préoccupation partagée par les auteurs du rapport. "Ces conditions extrêmes ont de graves conséquences sur les rituels musulmans du Hadj", écrivent Eltahir et Pal. "Cette cérémonie musulmane qui doit obligatoirement se tenir en plein air est susceptible de devenir dangereuse pour la santé, en particulier pour les nombreux pèlerins âgés, lorsque le Hadj a lieu pendant l’été..."

Des millions de musulmans vont en pèlerinage à La Mecque, chaque année. Si rien ne change, et si les prévisions de cette étude se confirment, comment ces pèlerins feront-ils ? (Photo : archives)

La seule planche de salut dans leur étude, dit Eltahir, est que cet avenir pourrait être évité si les pays du monde agissent ensemble pour réduire considérablement, ou atténuer, la pollution par les gaz à effet de serre lors du prochain sommet mondial sur le climat à Paris. "Les efforts sérieux pour atténuer les effets du changement climatique à l’échelle mondiale ne sont plus une simple option", dit Eltahir. "Je les considère comme une mesure nécessaire à prendre si nous voulons éviter de telles conséquences."

VIDEO

Future Temperature in Southwest Asia Projected to Exceed a Threshold for Human Adaptability

Version imprimable :