AID Association Initiatives Dionysiennes

Ouv zot zié !

Accueil > Politique > Changement climatique : Le " sale secret " de l’industrie électrique aggrave (...)

Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2019-106

Changement climatique : Le " sale secret " de l’industrie électrique aggrave le réchauffement de la planète

Par Matt McGrath, traduit par Jocelyne le Boulicaut

mardi 15 octobre 2019, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Changement climatique : Le " sale secret " de l’industrie électrique aggrave le réchauffement de la planète

Le 13 septembre 2019, par Matt McGrath,Correspondant Environnement

Eolienne et lignes THT

La multiplication des branchements au réseau électrique a augmenté l’utilisation du SF6 [Depuis 1960, le gaz SF6 est utilisé en tant que gaz d’extinction de l’arc et gaz isolant pour les appareils à Haute & Moyenne Tension NdT].C’est le gaz à effet de serre le plus puissant connu de l’humanité, et les émissions en ont augmenté rapidement ces dernières années, a appris la BBC.

L’hexafluorure de soufre, ou SF6, est largement utilisé dans l’industrie électrique pour prévenir les courts-circuits et les accidents. Mais les fuites de ce gaz peu connu au Royaume-Uni et dans le reste de l’UE est, pour 2017, l’équivalent de la mise en circulation de 1,3 million de voitures supplémentaires. En raison du boom de l’énergie verte, ces niveaux sont à la hausse.

Bon marché et non inflammable, le SF6 est un gaz synthétique incolore et inodore. Il s’agit d’un matériau isolant extrêmement efficace pour les installations électriques à moyenne et haute tension.

Il est très utilisé dans l’industrie, depuis les grandes centrales électriques jusqu’aux éoliennes en passant par les sous-stations électriques dans les villes et les villages. Il empêche les accidents électriques et les incendies.

Cependant, le principal inconvénient de l’utilisation de ce gaz est qu’il a le potentiel de réchauffement planétaire le plus élevé de toutes les substances connues. Il entraîne un réchauffement 23 500 fois plus élevé que le dioxyde de carbone (CO2).

Le gouvernement de l’île de Man s’engage pour atteindre l’objectif de zéro émission nette de carbone d’ici 2050.

Un seul kilogramme de SF6 réchauffe autant la Terre que 24 personnes effectuant un vol de retour Londres-New York. Il perdure pendant une longue période dans l’atmosphère, réchauffant la Terre pour au moins 1 000 ans.

Techniciens démontrant l’importance d’empêcher les surcharges électriques

Alors pourquoi utilisons-nous davantage de ce puissant gaz à effet de serre ?

La façon dont nous produisons l’électricité dans le monde évolue rapidement. Alors qu’autrefois les grandes centrales thermiques au charbon fournissaient de l’énergie à des millions de personnes, la lutte contre le changement climatique signifie qu’elles sont aujourd’hui remplacées par des sources d’énergie mixtes, notamment l’éolien, le solaire et le gaz.

Cela s’est traduit par un plus grand nombre de raccordements au réseau électrique et par une augmentation du nombre d’interrupteurs et de disjoncteurs nécessaires pour prévenir les accidents graves. Collectivement, ces dispositifs de sécurité sont appelés appareillage de commutation. La grande majorité utilise le gaz SF6 pour éteindre les arcs électriques et arrêter les courts-circuits.

Les appareillages de commutation haute tension à isolation gazeuse utilisent presque toujours du SF6

"A mesure que les projets d’énergie renouvelable se multiplient et sont plus vastes nous avons dû l’utiliser tout particulièrement dans des éoliennes ", explique Costa Pirgousis, ingénieur chez Scottish Power Renewables sur son nouveau parc éolien d’East Anglia, qui n’utilise pas de SF6 dans ses turbines.

"Comme nous installons de plus en plus de turbines, nous avons besoin de plus en plus d’appareillages de commutation et, par conséquent, de plus en plus de SF6 est introduit dans les grandes turbines au large des côtes.

"Il a fait ses preuves depuis des années et nous savons comment il fonctionne, et par conséquent, il est très fiable et ne nécessite que très peu d’entretien en mer pour nous ."

Comment savoir si la quantité de SF6 augmente ?

Sur l’ensemble du réseau britannique de lignes électriques et de sous-stations, environ un million de kilogrammes de SF6 sont utilisés. Une étude de l’Université de Cardiff a montré que dans tous les réseaux de transport et de distribution, la quantité utilisée augmentait de 30 à 40 tonnes par an. On trouve également cette augmentation partout en Europe avec, en 2017, pour les 28 états membres, des émissions totales de 6,73 millions de tonnes de CO2. Cela équivaut aux émissions de 1,3 million de voitures supplémentaires sur les routes pendant un an.

Des chercheurs de l’Université de Bristol, qui surveillent les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, affirment qu’ils ont constaté des augmentations importantes au cours des 20 dernières années. "Nous effectuons des mesures de SF6 dans l’atmosphère ", explique Matt Rigby, chercheur en chimie atmosphérique à Bristol. "Ce que nous avons vu, c’est que les niveaux ont considérablement augmenté et que sa concentration dans l’atmosphère a presque doublé au cours des deux dernières décennies."

Comment le SF6 pénètre-t-il dans l’atmosphère ?

Ce sont les fuites dans l’industrie de l’électricité qui constituent le principal moyen par lequel le SF6 pénètre dans l’atmosphère.

Les appareillages électriques du monde entier utilisent souvent le SF6 pour prévenir les incendies.

L’entreprise d’électricité Eaton, qui fabrique des appareillages de commutation sans SF6, affirme que ses recherches indiquent que, pendant tout le cycle de vie du produit, les fuites pourraient atteindre 15 % - beaucoup plus que de nombreuses autres estimations. Louis Shaffer, directeur des affaires électriques chez Eaton, a déclaré : "L’appareillage plus récent a un taux de fuite très faible, mais la question clé est de savoir si vous avez un appareillage plus récent. "Nous avons examiné tout l’équipement et calculé la moyenne de tous ces taux de fuite, et nous n’avons pas constaté que les gens tenait compte du pompage lui même du gaz. De plus, nous avons observé la façon dont le produit est recyclé et rendu, et cela entraîne aussi des fuites catastrophiques."

Dans quelle mesure ce gaz est-il nocif pour le climat ?

Les concentrations dans l’atmosphère sont très faibles à l’heure actuelle, une fraction seulement de la quantité de CO2 dans l’air. Toutefois, d’ici 2030, le parc mondial de SF6 devrait croître de 75%.

Un autre problème est que le SF6 est un gaz synthétique qui n’est pas absorbé ou détruit naturellement. Tout cela devra être remplacé et détruit pour limiter l’impact sur le climat. Les pays développés doivent déclarer chaque année à l’ONU la quantité de SF6 qu’ils utilisent, mais les pays en développement ne sont concernés par aucune restriction d’utilisation.

À l’heure actuelle, les scientifiques détectent dans l’atmosphère des concentrations qui sont dix fois supérieures à la quantité déclarée par les pays dans leurs rapports. Les scientifiques disent que tout cela n’est pas dû aux émissions de pays comme l’Inde, la Chine et la Corée du Sud.

Une étude a montré que les méthodes utilisées pour calculer les émissions dans les pays plus riches ont, au cours des deux dernières décennies, "fortement sous-estimé" les émissions.

Pourquoi cela n’a-t-il pas été interdit ?

Le SF6 fait partie d’un groupe de substances produites par l’homme connues sous le nom de gaz F. La Commission européenne a tenté, dès 2014, d’interdire un certain nombre de ces substances nocives pour l’environnement, y compris les gaz dans la réfrigération et la climatisation.

Mais ils se sont heurtés à une forte opposition de la part des industries partout en Europe. "En fin de compte, le lobby de l’industrie électrique était trop fort et nous avons dû céder", a déclaré l’eurodéputé Vert néerlandais Bas Eickhout, qui était en charge de la tentative de réglementation des gaz fluorés.

Le fermier Adam Twine s’inquiète au sujet du SF6

"Le secteur de l’électricité a été très fort en soutenant que si vous voulez une transition énergétique, et que vous devez vous tourner davantage vers l’électricité, vous aurez besoin de plus d’appareils électriques. Et donc vous aurez aussi besoin de plus de SF6. "L’argument qu’ils ont utilisé était qu’à défaut la transition énergétique serait ralentie."

Que disent les organismes de réglementation et les compagnies d’électricité au sujet du gaz ?

Tout le monde essaie de réduire sa dépendance au gaz, car il est universellement reconnu qu’il est nocif pour le climat. Au Royaume-Uni, l’Ofgem, l’organisme de réglementation de l’énergie, affirme qu’il travaille avec les services publics pour tenter de limiter les fuites de gaz. "Nous utilisons une série d’outils pour nous assurer que les entreprises limitent leur utilisation du SF6, un puissant gaz à effet de serre, lorsque c’est dans l’intérêt des consommateurs d’énergie ", a déclaré un porte-parole de l’Ofgem à BBC News.

"Il s’agit notamment de financer des essais d’innovation et de récompenser les entreprises afin qu’elles recherchent et trouvent des solutions de rechange, de fixer des objectifs en matière d’émissions, de récompenser les entreprises qui dépassent ces objectifs et de pénaliser celles qui ne les respectent pas.

Existe-t-il des alternatives - et sont-elles très coûteuses ?

La question des alternatives au SF6 a été controversée au cours des dernières années. Pour les applications à haute tension, les experts disent qu’il existe très peu de solutions ayant fait l’objet de tests rigoureux. "Il n’y a aucune alternative réelle qui ait fait ses preuves ", a déclaré le professeur Manu Haddad de l’école d’ingénierie de l’Université de Cardiff. "Certaines sont actuellement proposées, mais prouver leur fonctionnement sur une longue période de temps est un risque que beaucoup d’entreprises ne veulent pas prendre."

Cependant, pour les applications à moyenne tension, il existe plusieurs matériaux qui ont fait leurs preuves. On dit, dans l’industrie, que la nature conservatrice de l’industrie électrique est la principale raison pour laquelle peu de gens veulent passer à une alternative moins nocive.

"Je vous le dis, tout le monde dans cette industrie sait qu’on peut le faire ; il n’y a aucune raison technique pour ne pas le faire ", a déclaré Louis Shaffer d’Eaton. "Ce n’est pas vraiment une question d’économie ; la question est plus que le changement demande des efforts et si on n’y est pas obligé, on ne le fait pas."

Certaines entreprises sentent le vent du changement

En mer du Nord, à 43 km de la côte du Suffolk, Scottish Power Renewables a installé l’un des plus grands parcs éoliens du monde et les éoliennes seront exemptes de gaz SF6. East Anglia One va ériger 102 de ces gigantesques générateurs, cela représente une capacité allant jusqu’à 714 MW (mégawatts) d’électricité d’ici 2020, assez pour alimenter un demi million de foyers.

Auparavant, une installation de ce type aurait fait appel à des appareillages de commutation utilisant le SF6, pour prévenir les accidents électriques qui peuvent provoquer des incendies. Chaque turbine aurait normalement contenu environ 5 kg de SF6, qui, s’il s’échappait dans l’atmosphère, aurait ajouté l’équivalent d’environ 117 tonnes de dioxyde de carbone. C’est à peu près la même chose que les émissions annuelles de 25 voitures.

Les turbines d’East Anglia One sont plus hautes que la Tour Elizabeth qui abrite Big Ben au Parlement.

"Dans ce cas, nous utilisons une technologie combinant de l’air pur et du vide à l’intérieur de la turbine. Cela nous permet de disposer d’un réseau à haute tension très efficace et fiable, tout en étant respectueux de l’environnement ", a déclaré Costa Pirgousis, de Scottish Power Renewables. "Une fois qu’il existe des alternatives viables sur le marché, il n’y a aucune raison de ne pas les utiliser. Dans ce cas, nous avons une alternative viable et c’est pourquoi nous l’utilisons."

Mais même pour les entreprises qui tentent de réduire l’utilisation du SF6, il y a cependant des limites. Au cœur d’East Anglia One se trouve une sous-station offshore géante à laquelle les 102 turbines seront connectées. Elle utilise encore des quantités importantes de ce gaz a fort effet de serre.

Et ensuite, qu’est-ce qu’on fait ?

L’UE réexaminera l’utilisation du SF6 l’année prochaine et verra si des alternatives existent.

Cependant, même les experts les plus optimistes ne pensent pas qu’une interdiction soit susceptible d’être entérinée avant 2025.

version imprimable :