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D’après Loïc Steffan, enseignant à l’Institut Universitaire Champollion d’Albi

La collapsologie interroge le politique

par Bruno BOURGEON, porte-parole d’AID

vendredi 4 octobre 2019, par JMT

La collapsologie étudie l’effondrement de notre civilisation et ce qui pourrait lui succéder. Elle bouleverse les imaginaires. Survivaliste marqué par des idées de droite, Libertarien plaçant la liberté individuelle comme valeur suprême, Militant d’Extinction Rebellion ou de Deep Green Resistance (DGR), Néo-malthusien patenté, Anarchiste, ZADiste, tous ont un point commun : le système actuel n’est pas soutenable. Tous ne sont pas collapsologues. Mais tous sont adeptes de la collapsologie en ce sens qu’elle s’ouvre plus sur le dialogue et l’imaginaire que sur le partage d’une documentation autour du collapse.

La collapsologie interroge le politique

La collapsologie étudie l’effondrement de notre civilisation et ce qui pourrait lui succéder. Elle bouleverse les imaginaires. Survivaliste marqué par des idées de droite, Libertarien plaçant la liberté individuelle comme valeur suprême, Militant d’Extinction Rebellion ou de Deep Green Resistance (DGR), Néo-malthusien patenté, Anarchiste, ZADiste, tous ont un point commun : le système actuel n’est pas soutenable. Tous ne sont pas collapsologues. Mais tous sont adeptes de la collapsologie en ce sens qu’elle s’ouvre plus sur le dialogue et l’imaginaire que sur le partage d’une documentation autour du collapse.

Comprendre qui sont les collapsologues.

Il y a les gens qui essaient de produire du savoir et ceux qui s’intéressent à ce discours. Un collapsologue partage des informations pointues autour des problèmes de ressource et de climat et vulgarise ces données pour les rendre compréhensibles. Il aime discuter avec ses pairs sur sa conception du monde. Les options politiques sont variées : ici une taxe antinataliste et un positionnement néomalthusien, là une préoccupation de renversement du capitalisme, ailleurs encore la valorisation de la nature de façon quasi mystique, ailleurs enfin une naturalisation de la société dans une vision fataliste et mécaniste de l’activité humaine.

L’institutionnalisation des questions environnementales via le développement durable a été un échec. Le projet démocratique des sociétés modernes basé sur la croissance est remis en cause par la crise écologique. On a tenté de réduire la collapsologie à une nouvelle croyance millénariste. C’est faux, car elle documente scientifiquement le caractère systémique des problèmes. Elle passe par le logos.

La collapsologie provoque une nécessaire refondation politique
Refonder est pris au sens premier. « L’homme bon » de Rousseau ? Vous privilégierez sa liberté. « L’homme, un loup pour l’homme » selon Hobbes ? Vous restreindrez ses libertés. Une perspective marxiste ? Votre vision sera différente. La collapsologie est la narration la plus à même de réinventer les projets politiques modernes. L’émergence de la démocratie s’est faite dans un contexte porté par l’idée de progrès, de croissance et d’abondance, où les inégalités se résorbent. Piketty a bien montré que c’était inexact. Dans son dernier ouvrage il pointe que notre conception des inégalités et de ses justifications est politique et idéologique.

La collapsologie est un mot-obus

C’est un mot qui colle. Les mots permettent de définir notre environnement. La collapsologie dévoile notre aliénation à la croissance, à un rapport à la nature qui doit être questionné. Plus vous avez une culture politique et ou économique, plus vous comprenez que ces questions, parce qu’elles touchent à la création de richesses, à l’utilisation des ressources et à leur répartition, sont politiques.

La collapsologie introduit l’aspect politique

La déplétion des ressources, la dégradation des écosystèmes liée la capacité de la planète nécessitent des partages obligatoires pour subvenir aux besoins de tous. Il y aura des migrations internationales liées au changement climatique. Donc vous êtes obligés de vous questionner sur votre rapport au monde.

Nationaliste de droite, vous allez répondre fermeture des frontières, préférence nationale et jeux non-coopératifs. Plus solidaire, vous répondrez biens communs, éducation, solidarité dans le pays et solidarité Nord-Sud. Cela fait poser la question des dilemmes moraux à résoudre pour maintenir du lien social et prioriser ce qui est vital.

Dans le lien entre énergie et richesse, on démontre qu’on ne peut découpler émission de carbone et production de richesse : comment financer les services publics à partir d’un prélèvement sur la richesse produite, si celle-ci est décroît.

Certaines parts de l’activité économique sont génératrices d’une forte utilité sociale avec de faibles retombées environnementales : services aux personnes, aux entreprises, services publics, etc. Pour objectiver ceci, il est nécessaire de mesurer correctement la « part maudite » de chaque activité qu’il faut comparer à l’utilité ou au lien social généré.

Avec ce raisonnement, il devient nécessaire de recréer des arènes de démocratie et de délibération. La croissance infinie dans un monde fini est un leurre. Danser, chanter, parler avec ses amis est beaucoup plus enrichissant que le confort matériel qui ne crée que des frustrations. Car la croissance ne semble plus désirable devant la dégradation environnementale.

On comprend alors la nécessité de penser l’autonomie alimentaire et la résilience d’un territoire. Il y a un lien entre résilience des territoires et sécurité. La notion d’effondrement pose la question de l’action collective. L’isolat autonome sera envié par les démunis : ils ne vous laisseront pas en profiter.

De plus, les sociétés nécessitent une taille minimale et une complexité suffisante pour maintenir le système d’innovation et la transmission des savoirs. Vous serez au départ tentés par des solutions individuelles. Mais vous constaterez leurs impasses. Alors vous poserez la question de l’entraide. Vous savez qu’il faudra maintenir des structures sociales et des systèmes de sécurité pour éviter les rivalités.

Paradoxalement, le collapse nécessite de se projeter dans le long terme : comment réduire l’empreinte carbone des bâtiments et des économies, comment articuler le temps long et réhabiliter une espérance. Un programme de réhabilitation thermique, la formation de médecins, la gestion des infrastructures ou encore les retraites se programment sur des décennies. Ne lâchons pas le temps long.

Quatre imaginaires distincts

Le Club de Rome explique (« business as usual ») que tout peut continuer puisque de nombreux pays dans le monde voient leur situation progresser. Les inégalités sont la contrepartie nécessaire à la création de richesse et les désagréments du tarissement des ressources et de la crise climatique sont gérables : biotechs, intelligence artificielle et découvertes résoudront nos problèmes.

Le green New deal (GND) explique que le capitalisme vert et la transition énergétique : éoliennes, photovoltaïque, smart grids permettront de passer le cap. Ce discours ne résiste pas longtemps à la confrontation avec un certain nombre de données (cf. la conférence inaugurale de Jean-Marc Jancovici à Sciences Po). En popularisant la réflexion sur les sujets liés à l’anthropocène et à la déplétion des ressources (pick oil, pick all), les collapsologues rendent ce discours vain.

Les survivalistes nous expliquent qu’il n’y a pas de solutions. Que l’effondrement pourrait être violent et ressembler à Walking Dead ou à Mad Max. Ils ont en tout cas un rôle : montrer les lacunes des solutions proposées par les tenants du GND.
Les militants de Gaïa nous enjoignent de changer notre rapport à la nature tendance à développer des orthopraxies (pas de viande, zéro déchet, bio, circuits courts, pas d’avion, etc.) qui interrogent notre rapport à la consommation. Le seul risque est d’oublier l’objectif et la raison d’être de ces orthopraxies.

La collapsologie provoque un questionnement

Devant ces positions les collapsologues font de la politique : ils réhabilitent les arènes de discussion et montrent les affrontements et les antagonismes de nos sociétés. Le choc que provoque le diagnostic de la collapsologie génère des réactions émotionnelles. La prise de conscience de l’aspect systémique du collapse peut provoquer une “métanoïa”, un brusque changement du regard, un élargissement du champ de conscience amenant à une nouvelle éthique, à un autre état d’esprit. La narration du collapse provoque une nouvelle façon d’être au monde.

Lorsqu’on est dans ce genre de dispositions on s’engage de manière militante, politique ou sociétale pour ne pas rester en marge des évolutions du monde. Les collapsonautes ont tendance à privilégier les comportements pro-sociaux et veulent continuer à se projeter dans l’avenir. « Si l’on m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterais tout de même un pommier » disait Martin Luther King.

La collapsologie est politique. Mais elle ne justifie aucune dérive autoritaire en faveur de l’environnement. Elle ne justifie aucune mesure liberticide. Elle n’induit pas plus une forme d’apathie ou d’indifférence. Elle peut produire des réflexions pour permettre à la démocratie de se réinventer. Cela augmente la capacité à être pleinement citoyen et à rejoindre des arènes de discussions. Dans ces discussions, les gens ont tendance à focaliser : le problème, c’est le capitalisme ; le problème, c’est les rapports Nord Sud ; le problème c’est la démographie : le problème c’est... Sans expertise ils ont une référence documentaire préférentielle. L’avantage est qu’ils interrogent les experts et les politiques sur la façon de communiquer.

La collapsologie crée du sens

La collapsologie traite un vaste champ de connaissances dans des domaines divers. Elle réhabilite le discours scientifique, se prémunit des raccourcis sur les sciences et de certaines positions excessives. Exemple en agriculture opposer traitement chimique et naturel est réducteur, la toxicité doit être le critère. Le collapsologue ne doit pas confondre sa conception militante avec la science. Mais il doit argumenter son point de vue. Sur tous les sujets. Bien sûr des militants opèrent des raccourcis. Les tenants d’une écologie militante oublient parfois que l’écologie est une science avant de devenir un système de compréhension du monde. Mais les collapsologues sont dans le registre critique. Ce qu’ils ne font pas toujours. Accepter de revoir la robustesse de leurs positions.

La collapsologie dépolitise-t-elle ? La vraie question est de construire une proposition qui respecte les individus, leurs libertés et leur émancipation. Vous avez une conviction politique ? Emparez-vous du sujet. Vous êtes humaniste, écologiste, républicain et respectueux de l’autre, tant mieux. Il est nécessaire de répondre à ce questionnement, car il est prégnant. Le futur a toujours été une préoccupation de l’Homme. Si vous ne vous interrogez pas, d’autres, avec des convictions différentes, peut-être moins louables, le feront, au risque d’être entendus.

Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID
D’après Loïc Steffan, enseignant à l’Institut Universitaire Champollion d’Albi : https://loic-steffan.fr/WordPress3/la-collapsologie-rehabilite-la-politique/

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