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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2019-82

Conflit ou compromis : les États-Unis et l’Iran sur le fil du rasoir

Par Hussein Ibish, traduit par Jocelyne le Boulicaut

mercredi 14 août 2019, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Conflit ou compromis : les États-Unis et l’Iran sur le fil du rasoir

Quelle que soit la voie de sortie de la crise actuelle, les États arabes du Golfe qui cherchent à mettre fin à l’ingérence iranienne dans les affaires régionales risquent d’être déçus.

Hussein Ibish 25 juil. 2019

Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, au centre, en compagnie du chargé d’affaires Steve Bondy (à gauche) et du ministre d’État des Émirats arabes unis Ahmed al-Sayegh (à droite), alors que Pompeo arrive à Abu Dhabi (Émirats arabes unis) pour des entretiens sur l’Iran, 24 juin. (AP Photo/Jacquelyn Martin)

L’affrontement qui couve entre les États-Unis et l’Iran s’est délicatement posé sur le fil du rasoir avec d’un côté l’émergence d’un nouveau compromis et de l’autre l’augmentation constante du risque d’un conflit armé direct.

La guerre d’attrition qui de facto est en cours avec un régime de sanctions de "pression maximale" contré par des provocations militaires de faible intensité de "résistance maximale" pourrait durer des mois, si toutefois les commandants sur le terrain ne dépassent pas les bornes ou ne commettent pas une erreur pouvant déclencher un conflit ouvert.

Mais un jour ou l’autre,on arrivera à la croisée des chemins. Cette logique de confrontation, si elle se poursuit indéfiniment, conduit tôt ou tard à un affrontement militaire. Comme aucune des deux parties ne souhaite une guerre, même limitée, un potentiel d’accord est clairement en train d’émerger.

Presque tous les éléments sont en place pour les deux scénarios, le conflit et le compromis semblant presque aussi vraisemblables et concevables l’un que l’autre, ce qui est très inhabituel dans les relations internationales.

Pourtant, la réalité essentielle pour les pays arabes du Golfe, en particulier ceux qui sont les plus hostiles à l’Iran - l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Bahreïn - est qu’en fait aucun des deux scénarios n’est susceptible de répondre à leur plus grande préoccupation : l’hégémonie croissante de l’Iran dans le monde arabe et le recours par l’Iran à des substituts et à des clients non gouvernementaux pour déstabiliser ses voisins et étendre son influence dans la région.

La logique de la confrontation

Depuis que le Président Donald J. Trump a désengagé les États-Unis du Plan d’action global conjoint, ou accord nucléaire, le risque de confrontation entre les États-Unis et l’Iran s’est progressivement aggravé. Washington a mené contre l’Iran une campagne agressive de "pression maximale", principalement sous forme de sanctions et de guerre financière.

Téhéran, de plus en plus pris au piège d’un étau économique toujours plus répressif, a réagi par un programme soigneusement calibré de "résistance maximale", notamment sous la forme d’attaques de faible intensité et pouvant parfois être déniées à l’encontre d’équipements commerciaux et militaires dans la région du Golfe.

Bien qu’il soit largement admis que le Corps des gardiens de la révolution islamique ait coordonné ou mené ces attaques, il a veillé à ne franchir aucune ligne rouge qui aurait pu nécessiter une intervention militaire. Des pétroliers ont été sabotés avec des mines limpet, mais seulement au-dessus de la ligne de flottaison et aucun n’a été coulé [Une mine limpet est un type de mine marine, qui est posée principalement par les nageurs de combat sur une cible par des aimants. Elles sont ainsi nommées en raison de leur ressemblance avec la patelle, qui est un type de mollusque NdT].

Un pétrolier appartenant à des Britanniques a été saisi, mais des responsables iraniens ont déclaré qu’il s’agissait de représailles à la saisie par la Grande-Bretagne d’une cargaison iranienne de pétrole au large des côtes de Gibraltar, prétendument destinée à la Syrie en violation des sanctions de l’Union européenne.

L’Iran a suggéré un échange de navires pour résoudre le problème. Il a d’autre part abattu un drone américain qui, selon lui, se trouvait dans l’espace aérien iranien, mais les autorités iraniennes et américaines ont noté que Téhéran n’avait pas tenté d’abattre un avion américain avec du personnel à son bord.

N’ayant aucun moyen de pression auprès de Washington, mais incapable de supporter les graves dommages économiques causés par les sanctions, l’Iran a tenté de forcer les alliés et partenaires commerciaux des Etats Unis à intervenir auprès de Washington afin de desserrer l’étau financier.

Il a exercé des pressions sur ces pays en menaçant la sécurité maritime dans la région du Golfe et en perturbant potentiellement la libre circulation des exportations énergétiques du Golfe.

Alors que les signataires européens se sont engagés à essayer de préserver l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien [ PAGC = Plan d’Action Global Commun NdT], l’Iran s’est servi de cette confrontation pour justifier l’abandon de ses propres engagements, d’abord en augmentant les stocks d’uranium faiblement enrichi et ensuite en augmentant le programme d’enrichissement lui-même.

Il menace d’une "sortie brutale" complète de l’accord et fait même allusion à un éventuel abandon du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, premier pas vers la mise au point ouverte d’une arme nucléaire.

A ce jour, ce que fait l’Iran conduira probablement à faire des pays arabes du Golfe les cibles privilégiées de toute escalade d’échanges d’attaques militaires. En particulier, les attaques contre les infrastructures pétrolières de l’Arabie saoudite se sont révélées être l’indice le plus direct de ce à quoi on pouvait s’attendre dans le contexte d’un véritable conflit militaire.

Et si les pays arabes du Golfe se sont félicités de la campagne de "pression maximale", aucun de leurs gouvernements ne souhaite un conflit militaire, espérant que la stratégie agressive des États-Unis à l’égard de l’Iran suffira pour obtenir le changement de comportement souhaité.

A tout le moins, les sanctions ont commencé à priver l’Iran de ses ressources pouvant alimenter son réseau de clients non étatiques, de milices et de groupes extrémistes dans toute la région. De nombreux pays arabes du Golfe espéraient au moins que la " pression maximale " donnerait lieu à une politique d’endiguement, limitant la capacité de l’Iran dans l’extension de son hégémonie et ouvrant la voie à la rétrocession de certains des gains stratégiques accumulés au cours des quinze dernières années.

Jusqu’à présent, la stratégie de l’Iran pour faire échec à ces pressions n’a pas fonctionné. Les alliés européens et arabes des États-Unis n’ont pas essayé d’obliger Washington à assouplir les sanctions, et les marchés internationaux de l’énergie sont restés relativement calmes face aux menaces que l’Iran fait peser sur la navigation internationale dans le Golfe et la mer Rouge.

Les provocations iraniennes n’ont pas entraîné Trump dans le piège d’une réaction excessive, ce que serait plus précisément une réponse militaire que la communauté internationale considérerait comme disproportionnée et imprudente. Il a même qualifié de "très mineur" le sabotage présumé de pétroliers commerciaux par l’Iran. Et il a mis en scène de façon impressionnante l’ordre puis le dramatique contre-ordre de dernière minute d’une frappe de missile visant des cibles iraniennes en représailles à l’attaque du drone.

Si Téhéran comptait sur Trump pour réagir de façon excessive,la déception doit être grande. Washington a clairement indiqué que l’assassinat d’un Américain reviendrait à franchir une ligne rouge entraînant une réponse cinétique immédiate, mais Téhéran s’efforçait déjà d’éviter toute action que la communauté internationale pourrait considérer comme une justification d’une réponse militaire américaine.

Cependant, la " résistance maximale " n’a pas encore permis à l’Iran et à son économie de retrouver un souffle. Par conséquent, la logique de la confrontation, si elle se poursuit, dicte non seulement la poursuite des provocations iraniennes, mais aussi leur intensification progressive.

Si les actions de l’Iran jusqu’à présent n’ont pas été suffisantes pour provoquer une réaction excessive des États-Unis ou une intervention des alliés de Washington pour forcer Trump à relâcher la pression sur l’Iran, il est peu probable que persister dans cette même stratégie puisse suffire. Pourtant, la poursuite de l’intensification pourrait bien conduire, tôt ou tard, à un affrontement direct que ni l’une ni l’autre des parties ne souhaite.

La logique du compromis

Par conséquent, la possibilité d’un compromis qui réduit la probabilité d’un conflit militaire direct s’est formée en dépit des conduites belliqueuses. Dès le début, Trump, le secrétaire d’État Mike Pompeo et d’autres responsables de l’administration ont insisté sur le fait que leur objectif était de négocier une " meilleure transaction " avec l’Iran.

Les dirigeants iraniens ont d’abord réagi avec indignation aux pressions croissantes des États-Unis et ont exclu toute nouvelle négociation sur les questions nucléaires et autres avec Washington et en particulier avec Trump lui-même. Pourtant, à mesure que la pression montait et que la " résistance maximale " ne donnait aucun résultat, la position de l’Iran s’est considérablement assouplie.

Téhéran a clairement abandonné son exigence quant à l’adhésion des Etats-Unis au PAGC comme condition première à tout dialogue. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a déclaré à plusieurs reprises que l’Iran est prêt à dialoguer avec les Etats-Unis tant que Téhéran sera traité "avec respect", et le président iranien a fait la même offre si les sanctions sont levées.

Washington semble aussi avoir tacitement reconnu que la longue liste de 12 revendications présentée par Pompeo à Téhéran en mai 2018 était seulement une liste de souhaits et une position de négociation initiale. Ces dernières semaines, Trump a déclaré qu’un changement de régime à Téhéran ne l’intéressait pas, tout ce qu’il veut, c’est la réduction du programme nucléaire de l’Iran, et Pompeo a déclaré à plusieurs reprises que Washington était disposé à négocier avec l’Iran sans conditions préalables.

Le 18 juillet, Washington et Téhéran ont tenté des premiers pas hésitants vers un dialogue direct lorsque M. Zarif a rencontré à New York le sénateur du Kentucky, Rand Paul, allié clé de Trump au Congrès et néo-isolationiste de premier plan.

Depuis ce timide début, les grandes lignes d’un accord potentiel deviennent quelque peu visibles. En fait, un tel accord suivrait le schéma de plusieurs des accords commerciaux que Trump a obtenus, comme l’accord de l’ALENA renégocié avec le Canada et le Mexique.

Dans ce modèle, les accords existants, que Trump dénonce avec passion comme étant " les pires de tous les temps ", tels que le PAGC et l’ALENA sont des exemples phares, sont effectivement modifiés, mis à jour, rebaptisés, puis déclarés " les meilleurs jamais vus ".

Ce modèle suggère que Trump pourrait être ouvert à une sorte de PAGC 2.0, une version renégociée de l’accord nucléaire qui résoudrait plusieurs des failles que ses détracteurs ont identifiées dès le début, comme par exemple des dispositions de caducité brève, mais qui serait encore largement limitée au problème nucléaire.

Zarif a publiquement suggéré que l’Iran pourrait être ouvert à une telle renégociation du PAGC-plus, précisant aux journalistes que l’Iran pourrait accélérer sa ratification officielle du " Protocole additionnel " de l’accord, permettant aux inspecteurs nucléaires internationaux d’avoir un accès plus généralisé en Iran.

Étant donné que l’Iran respecte déjà le protocole, bien que son Parlement ne l’ait pas ratifié, les critiques ont rejeté cette offre comme non fondée. L’offre de protocole additionnel, cependant, est un signe de ce qui pourrait être possible si les bonnes conditions étaient réunies et montre une volonté d’accepter de faire des concessions, du moins en théorie.

En supposant que les deux parties décident de parvenir à une nouvelle version d’accord, les plus gros obstacles viendront probablement de la question controversée du " droit à l’enrichissement " de l’uranium de l’Iran et de son programme de missiles.

Le tournant qui a mené à la réalisation du PAGC a été la reconnaissance par l’administration du président Barack Obama que tout accord devrait reconnaître le droit de l’Iran à l’enrichissement, comme cet accord le précisait et ce dans des conditions bien définies et rigoureusement contrôlées.

L’administration Trump ne s’est pas prononcée de façon détaillée en ce qui concerne cette question, mais elle a certainement donné l’impression qu’elle souhaitait éliminer un tel droit implicite. Cependant, si le délai de 10 à 15 ans prévu par le PAGC sur les limitations de l’enrichissement et du traitement iraniens devait être prolongé ou rendu permanent dans tout nouvel accord, l’administration Trump pourrait bien, dans la pratique, accepter un certain enrichissement.

On a constaté un tel revirement dans les négociations avec la Corée du Nord : L’administration a commencé par insister sur un désarmement nucléaire " complet, vérifiable, irréversible " de Pyongyang, rejetant la préférence de la Corée du Nord pour un processus par étapes, et semble cependant accepter maintenant que ce soit la seule façon de faire des progrès.

Téhéran ne veut probablement pas d’une nouvelle entente sur la question des missiles. Même si Trump, Pompeo et d’autres ont reproché au PAGC de ne pas restreindre la mise au point et les essais de missiles de l’Iran, ils pourraient toujours soutenir que, tant que n’existe pas un nouvel accord qui en vienne à éliminer effectivement la possibilité que l’Iran développe une ogive nucléaire dans un avenir prévisible, le développement par Téhéran de missiles armés classiques pourra être efficacement contré par les systèmes de défense anti-missiles et les moyens de contre-attaque des Etats Unis, l’Arabie et Israël.

Ainsi, bien qu’il soit vraisemblable que Washington tente de mettre la question des missiles sur la table dans le cadre de tout pourparler de fond avec l’Iran, le fait de ne pas le faire pourrait ne pas représenter à un échec de compromis.

"Activités malveillantes" et "Changement de régime"

Pour les pays arabes du Golfe, la pénible vérité est qu’aucun de ces deux scénarios n’est susceptible d’apporter la réponse adéquate à leur principale préoccupation concernant l’Iran : ses "activités malveillantes" au Moyen-Orient, notamment par la déstabilisation de ses voisins en finançant et armant des milices non étatiques.

C’est une des principales préoccupations au nombre des critiques américaines et israéliennes à l’égard de l’Iran et on la retrouve bien dans les critiques du PAGC et dans le programme en 12 points de Pompeo.

Cependant, lorsque Trump a déclaré qu’un changement de régime à Téhéran ne l’intéressait pas, cela pouvait de fait impliquer qu’il reconnaissait que forcer l’Iran à abandonner complètement une telle conduite ne pourrait pas être obtenu par le biais de "pression maximale", une opinion que le conseiller à la sécurité nationale John Bolton ne partage pas.

Il se peut tout simplement que l’administration Trump soit confrontée à une réalité que l’administration Obama a dû accepter dans la perspective de l’accord nucléaire, à savoir que si un compromis avec Téhéran sur les questions nucléaires est possible, il est pratiquement impossible que la République islamique abandonne des politiques qui sont à la fois au cœur de son programme de sécurité nationale et constituent une partie essentielle des fondements de sa raison d’être.

La pièce maîtresse de la politique de sécurité régionale et nationale de l’Iran, c’est le soutien de l’Iran à des groupes armés non étatiques tels que, entre autres, le Hezbollah, les milices chiites irakiennes et les Houthis. Ces groupes sont le principal moyen par lequel l’Iran étend son influence, affaiblit ses adversaires locaux et acquiert une profondeur stratégique.

Cela permet à l’Iran de s’engager dans des conflits armés avec des antagonistes entièrement à l’extérieur de ses propres frontières et en grande partie sans utiliser ses propres citoyens et troupes (à l’exception partielle de l’intervention en Syrie).

Cela lui offre également une possibilité de dénégation mais aussi de rationalisation du fait qu’elle ne fait que soutenir des groupes qui luttent pour se défendre et faire valoir leurs droits légitimes dans leur propre pays. Malgré son profond cynisme, cela permet à certains publics de parer l’Iran d’une patine de discours moral.

En outre, nombre de ces groupes sont profondément poussés par des passions sectaires et religieuses, que l’Iran exploite pour s’assurer un zèle au combat et, dans de nombreux cas, une obéissance très disciplinée aux dirigeants iraniens et, par conséquent, au programme de politique étrangère de l’Iran.

Le jeu que joue l’Iran est très efficace, ce qui conduit les adversaires régionaux de Téhéran à généralement chercher à le contourner mais ils ont beaucoup de mal à le contrer. Cela est amplifié par le fait que, dans la plupart des cas, les objectifs de l’Iran consistent à perturber le statu quo et à déstabiliser les États et les sociétés de ses voisins.

Par conséquent, même lorsque des alliés non étatiques tels que les Houthis ne parviennent pas à mettre pleinement en œuvre les suggestions de l’Iran, leurs activités demeurent presque toujours un avantage net pour l’Iran, car elles contribuent au renforcement général des dissensions et du désordre.

Ghassem Soleimani, chef de la force Qods des pasdaran iraniens en Syrie

En dirigeant cet effort depuis la création de la République islamique, le Corps des gardiens de la révolution islamique est devenu un organe d’une importance primordiale.

En particulier au cours des 15 dernières années, le Corps des gardiens de la révolution islamique, en particulier la force de Quds qui supervise ces milices par procuration et les expéditions iraniennes à l’étranger, a été à l’avant-garde de la transformation de l’Iran qui est passé du statut de paria isolé et confiné pendant la guerre Iran-Irak et l’ère ultérieure du double isolement à celui d’une puissance hégémonique régionale naissante.

L’Iran a maintenant une influence considérable en Irak, en Syrie, au Liban, au Yémen et ailleurs. En conséquence de ce rôle central dans la montée en puissance de l’Iran, l’IRGC [ Le corps des Gardiens de la révolution islamique, souvent appelé Gardiens de la Révolution ou Sepâh-e Pâsdârân — fréquemment abrégé en Pasdaran — est une organisation paramilitaire de la République islamique d’Iran dépendant directement du Guide de la révolution, le chef de l’État iranien NdT] est devenu en même temps une force économique et politique majeure en Iran.

Tout cela s’est produit dans le contexte de l’idéologie révolutionnaire, celle qui sous-tend la République islamique mais aussi de l’impératif fondateur qui consiste d’une part à exporter la révolution et d’autre part à faire de l’Iran le leader du monde islamique et une force mondiale majeure qui regrouperait tous les opprimés, et qui aurait sa place légitime dans le monde entier.

Cette politique a donc un triple rôle protecteur, être un engagement idéologique fondateur, devenir l’outil principal et très efficace de la sécurité nationale et de la politique étrangère, et constituer le fondement institutionnel de l’une des factions les plus puissantes au sein de l’État et de la société.

C’est pourquoi demander à l’Iran d’abandonner ces politiques est considéré comme un appel au changement de régime. Tout régime iranien qui n’appliquerait pas une telle politique, même s’il le faisait encore sous la marque de la République islamique, serait, en fait, un nouveau régime. Le gouvernement Obama l’a reconnu et a fini par conclure un accord avec Téhéran sur le seul nucléaire.

Même si on va de l’avant vers un nouvel accord, les principales préoccupations des pays arabes du Golfe concernant l’Iran ne seront pas résolues dans la pratique, même si dans une tentative pathétique on y faisait figurer des promesses de respecter l’indépendance et l’intégrité territoriale des pays voisins de l’Iran. Les " activités malignes " vont presque certainement se poursuivre, au moins de manière atténuée, et pourraient être intensifiées à tout moment. De même, en cas de conflit, à moins qu’il n’entraîne l’effondrement du régime iranien ou l’invasion totale de l’Iran par les États-Unis (ce qui est extrêmement improbable), il est probable que l’Iran ait davantage recours aux milices non étatiques. Ils seraient une arme clé dans les contre-attaques de l’Iran contre les intérêts américains dans la région, contre les pays arabes du Golfe eux-mêmes, et peut-être même contre Israël.

L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et d’autres pays vont donc probablement devoir regarder au-delà de la confrontation actuelle afin de trouver une solution à long terme au problème des activités déstabilisatrices de l’Iran dans le monde arabe.

Aucun des deux scénarios plausibles, conflit ou compromis, n’est susceptible de résoudre leurs préoccupations fondamentales concernant le rôle régional de l’Iran sur le long terme.

Le meilleur scénario, de leur point de vue, serait la poursuite de la situation actuelle - un lent processus continu d’endiguement de l’Iran. Mais pour que cela vienne réellement contrer les " activités malveillantes " de Téhéran, il faudrait un niveau d’engagement militaire régional des États-Unis, en particulier dans des pays comme l’Irak et la Syrie, ce qui semble peu probable.

Pire encore, la situation actuelle risque de ne plus durer longtemps. Qu’il s’agisse d’un affrontement ou d’un accord, les pays arabes du Golfe peuvent se trouver toujours confrontés à un régime iranien hostile qui est prêt, disposé et capable d’utiliser des groupes armés non étatiques, le terrorisme et une campagne de déstabilisation généralisée dans le monde arabe pour essayer de promouvoir ses intérêts.

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