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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2019-53

Changer de paradigme pour échapper à l’extinction

par Nafeez Ahmed, traduit par Jocelyne le Boulicaut

lundi 10 juin 2019, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Changer de paradigme pour échapper à l’extinction

La ’rébellion’ ne suffit pas. Nous devons construire de nouveaux systèmes à partir de rien, et le faire immédiatement.

10 Mai par Nafeez Ahmed

Dr.Nafeez Ahmed est rédacteur fondateur du projet de journalisme d’investigation INSURGE Intelligence, financé à 100 % par ses lecteurs. Son dernier livre est « Failing States, Collapsing Systems : BioPhysical Triggers of Political Violence » (Springer, 2017) [étude scientifique sur la façon dont les crises climatique, énergétique, alimentaire et économique sont à l’origine des échecs des États dans le monde NdT]. Journaliste d’investigation depuis 18 ans, il a travaillé pour The Guardian, où il a traité de la géopolitique des crises sociales, économiques et environnementales. Il fait maintenant un reportage sur le ’changement global du système’ pour VICE’s Motherboard [Lancé par Vice, Motherboard est une référence aux Etats-Unis dès lors qu’il s’agit de parler technologie et de son impact sur la société NdT] . Il publie entre autres des articles dans The Times, Sunday Times, The Independent on Sunday, The Independent, The Scotsman, Sydney Morning Herald, The Age, Foreign Policy, The Atlantic, Quartz, New York Observer, The New Statesman, Prospect, Le Monde diplomatique. Il a remporté à deux reprises le Project Censored Award pour ses reportages d’investigation, et par deux fois Nafeez a figuré sur la liste de l’Evening Standard de Londres des 1000 personnalités les plus influentes et a reçu le prix Naples, le prix littéraire le plus prestigieux d’Italie créé par le Président de la République. Nafeez est également un universitaire interdisciplinaire largement publié et cité qui applique l’analyse de systèmes complexes à la violence écologique et politique. Il est chercheur à l’Institut Schumacher.

Dans un campement à Badghis, en Afghanistan, vidéos de tentes de familles déplacées en raison de la sécheresse et du changement climatique filmées par drones. Il y a des milliers de maisons de fortune réparties entre les collines à la périphérie de la ville de Qala-i-naw. (Source : CNRC/Enayatullah Azad)

Depuis maintenant un mois, en tant que journaliste et universitaire, je ressens une étrange sensation de paralysie.Ce n’est pas habituel chez moi. D’habitude, la pression me pousse à vouloir couvrir, dans un soucis de justice, tout un éventail de crises croisées et de solutions potentielles.

Mais ce mois-ci, étant témoin du spectacle de la folie politique qui se déroule à Washington, à Londres et à Bruxelles, alors que le chaos et la souffrance continuent de s’installer au Venezuela, au Yémen, en Israël-Palestine, en Syrie, au Nigeria et au-delà, j’ai vécu quelque chose que je n’avais pas ressenti depuis longtemps. Un sentiment d’épuisement total. De futilité. De fatigue.

Regarder les informations est devenu comme entrer sur un ring de boxe psychologique où l’on se fait frapper à plusieurs reprises jusqu’à ce que l’on tombe par terre, cassé, ensanglanté et inerte : sans défense.

Je ne peux pas imaginer que ce soit une sensation qui m’est particulièrement singulière. Mais je voulais la partager avec vous parce que c’est un terrain d’entente. Un terrain d’entente qui forme une passerelle, celle qui permet de passer de l’autre côté du fossé des fractures qui déchirent nos sociétés. Peu importe de quel côté de la ligne de démarcation nous nous trouvons, cette sensation de paralysie et d’impuissance se ressent sous une forme tangible dans les processus politiques que nous voyons là-bas.

La sensation de paralysie n’est donc pas seulement un artefact psychologique. C’est l’expérience interne du dysfonctionnement systémique qui se joue dans le monde. C’est le reflet de l’état d’effondrement que connaissent nos institutions démocratiques dominantes, car elles se révèlent totalement incapables de réagir et de résoudre la complexité intrinsèque des crises mondiales convergentes et fondamentalement interconnectées.

La manière de traiter avec l’" Autre " est devenue aujourd’hui le point de friction de la politique occidentale contemporaine. Elle est particulièrement illustrée par la paralysie du gouvernement et du parlement britanniques face au processus du Brexit ; la paralysie du gouvernement américain face au " mur " de l’administration Trump ; l’intégration inexorable du sentiment anti-" autre " à travers l’Europe ; dans la mesure où l’échec de l’ordre en place à résoudre les crises internes a provoqué la résurgence de nouvelles formes de politique extrême, inspirées par le nativisme et les rejets nationalistes des groupes de personnes considérés comme " étrangers " et parasites.

Au sein de ce paradigme, l’exclusion de " l’Autre " est la solution finale. C’est le modèle de jeu à résultat nul de l’existence. Il n’y en a pas assez pour tout le monde, alors nous devons accumuler le plus possible pour nous-mêmes ( dans le sens étroit du mot). Encore plus de croissance, mais juste pour "nous" - parce que ce sont "eux" qui prennent nos emplois.

Mais ce qui gronde sous la surface de cette obsession de l’Autre, c’ est un problème plus profond auquel nous avons beaucoup de mal à faire face : c’est le fait que le système d’existence que nous avons construit pour nous-mêmes et que beaucoup d’entre nous pensent être mis en danger par trop d’"Eux", est déjà sur la voie d’un effondrement en soi.

La couverture médiatique d’un nouveau rapport surprenant de l’ONU par la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a été bien accueillie. Le rapport conclut que la civilisation humaine détruit systématiquement ses propres systèmes de survie, ce qui pourrait entraîner l’extinction massive d’au moins un million d’espèces animales et végétales.

Le moteur de cette destruction est le paradigme de la " croissance sans fin " de notre économie mondiale actuelle, un paradigme qui a vu les populations humaines et les villes croître de façon exponentielle dans le monde entier, entraînant à son tour une croissance exponentielle de la consommation de ressources, de matières premières, de nourriture et d’énergie.

Cette expansion toujours accélérée de la civilisation industrielle a, comme nous le savons, ravagé les écosystèmes naturels, entraînant le déclin de nombreuses espèces qui sont essentielles au bon fonctionnement des activités naturelles fournissant la nourriture, la pollinisation et l’eau non polluée qui sont essentiels à la préservation de notre propre civilisation.

Si nous continuons sur cette voie, la façon dont nous détruisons constamment la nature, les forêts et les zones humides endommagera de façon funeste la capacité de la terre à renouveler l’air respirable, les sols productifs et l’eau potable.

Le rapport est de loin le plus complet pour comprendre comment l’effondrement de la biodiversité entraîne finalement l’effondrement de la civilisation humaine. Mais ce n’est pas la seule étude qui confirme notre trajectoire actuelle.

En février, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a publié sa propre évaluation mondiale complète dans 91 pays, avertissant que les techniques agricoles en vigueur détruisaient la biodiversité nécessaire pour soutenir la production alimentaire mondiale.

Selon le rapport, sur les 7 745 races d’animaux d’élevage locales (présentes dans un pays) signalées dans le monde, 26 pour cent sont menacées d’extinction ; près d’un tiers des stocks de poissons sont surexploités, dont plus de la moitié ont atteint leur limite durable ; et 24 pour cent des quelque 4 000 espèces alimentaires sauvages - principalement plantes, poissons et mammifères - sont en déclin (un nombre probablement beaucoup plus élevé en raison du manque de données).

Un autre rapport publié ce mois-ci par le Fonds mondial pour la nature et le Global Footprint Network explique comment cette destruction massive et systématique de l’environnement est enracinée dans un mode de vie basé sur la surconsommation des ressources naturelles : nous nous développons au-delà de nos moyens. Nous prenons sans donner en retour.

Le nouveau rapport montre comment, si la consommation de tous les habitants de la planète était au même niveau que celui des résidents de l’UE, en ne comptant que que du 1er janvier au 10 mai, l’humanité aurait alors consommé autant que ce que les écosystèmes de la planète peuvent renouveler sur une année entière, ce qui signifie que 2,8 planètes terrestres seraient nécessaires pour assurer ce niveau de consommation.

Il y a donc quelque chose qui cloche fondamentalement. Pourtant, la plupart de nos dirigeants politiques se préoccupent plus des symptômes superficiels de cette crise fondamentale de civilisation, plutôt que de la crise elle-même.

L’évaluation mondiale de l’IPBES de l’ONU, par exemple, confirme que la planète connaît actuellement 2 500 conflits générés par des problèmes de combustibles fossiles, l’eau, la nourriture et la terre - conflits qui sont donc directement liés à l’effondrement en cours de la biodiversité de la planète.
Ces conflits entraînent des phénomènes massifs de déplacements et de migrations de populations à travers le monde, ce qui en conséquence radicalise les bureaucraties politiques et déclenche des réponses nationalistes extrêmes.

Ce mois-ci, une nouvelle étude du Centre de surveillance des déplacements internes (IDMC) du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) - lancée au siège des Nations Unies à Genève - a révélé qu’un nombre record de 41,3 millions de personnes dans le monde sont déplacées dans leur propre pays en raison de conflits et de violences. C’est le nombre le plus élevé jamais enregistré, soit une augmentation de plus d’un million depuis la fin de 2017 et deux tiers de plus que le nombre mondial de réfugiés.

Le rapport met en lumière des crises particulières : les conflits en cours en République démocratique du Congo et en Syrie, la montée des tensions inter communautaires en Ethiopie, au Cameroun et dans la région du Middle Belt au Nigeria - qui, ensemble, contribuent pour la plupart aux 10,8 millions de nouveaux déplacements.

Bon nombre de ces perturbations sont directement liées aux impacts du changement climatique. En 2018, les phénomènes météorologiques extrêmes ont été responsables de la majorité des 17,2 millions de nouveaux déplacements. Les cyclones tropicaux et les inondations causées par la mousson ont provoqué des déplacements massifs aux Philippines, en Chine et en Inde, principalement sous la forme d’évacuations. La Californie a subi les incendies de forêt les plus destructeurs de son histoire, ce qui a provoqué le déplacement de centaines de milliers de personnes. La sécheresse en Afghanistan a provoqué plus de déplacements que le conflit armé du pays, et la crise dans le nord-est du Nigeria a été aggravée par les inondations qui ont touché 80 pour cent du pays.

La relation avec le climat a également été soulignée dans une importante étude scientifique publiée plus tôt cette année dans Global Environmental Change, qui a conclu que le changement climatique a joué un rôle important dans les migrations et les demandes d’asile de 2011 à 2015, en créant de graves sécheresses qui ont provoqué et exacerbé des conflits.

Les conflits au Moyen-Orient, en Asie occidentale et en Afrique subsaharienne ont été exacerbés par les "conditions climatiques", ce qui a finalement entraîné l’arrivée d’un million de réfugiés désespérés sur les côtes européennes. Cette migration de masse a bien sûr joué un rôle central dans la campagne britannique pour quitter l’Union européenne et dans la renaissance du sentiment nationaliste en Europe, aux États-Unis et ailleurs.

D’ici la fin du siècle, nous n’aurons pas seulement à nous préoccuper des phénomènes migratoires - nous devrons, si nous continuons à faire comme si de rien n’était, faire face à une planète inhabitable : une situation où nous aussi finirons par devenir l’Autre.Et c’est là qu’on voit la pure futilité des réponses politiques conventionnelles - et du discours politique dominant - qui fait ressortir sa tête hideuse. Car, bien entendu, que nous quittions ou non l’UE n’aura littéralement aucun impact significatif en soi sur les moteurs systémiques fondamentaux de la migration de masse. Il en sera de même si nous construisons ou non un mur le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

Pourtant, alors que la planète brûle sous nos pieds, nous ne nous soucions que de questions essentiellement non pertinentes dont les réponses n’offrent rien de substantiel pour faire face à la véritable crise - à laquelle, à toutes fins pratiques, nous sommes aveugles.

Il n’est pas étonnant que, suivant l’exemple enthousiasmant de Greta Thunberg, certains n’aient eu d’autre choix que de descendre dans les rues au travers de mouvements de protestation comme la Rébellion de l’Extinction [Extinction Rebellion, abrégé en XR, est un mouvement social international qui vise à susciter par le biais d’actions directes et d’une résistance non violente un changement radical afin de limiter le réchauffement climatique et de minimiser le risque d’extinction de l’humanité et d’effondrement écologique NdT]. L’espoir est qu’une résistance non-violente persistante puisse contraindre les gouvernements à prendre d’urgence les mesures nécessaires pour passer rapidement à des sociétés sans combustibles fossiles.

Il y a cependant une sérieuse faille dans cette approche. XR a souffert d’un sérieux manque de réflexion concertée. Non fondé sur une compréhension de la crise climatique en tant que crise systémique le mouvement n’a donc pas réussi à relier explicitement l’action climatique à d’autres systèmes clés comme l’austérité, la nourriture, l’eau, la politique, la culture et l’idéologie. Voilà pourquoi XR n’a pas réussi à séduire la classe ouvrière et les personnes de couleur, pas plus que les divers groupes confessionnels largement occultés. L’autre faille est que la cible de l’action - le gouvernement national - n’a peut-être pas compris l’essentiel. Les gouvernements ne sont que les nœuds d’un système de pouvoir plus large qu’ils ne contrôlent pas vraiment, mais qu’ils ont tendance à privilégier - un système de pouvoir duquel nous sommes tous complices, à des degrés divers et de différentes manières .

C’est précisément par l’intermédiaire des gouvernements que le système dominant a, au cours des dernières décennies, soigneusement construit une résistance particulière au pouvoir des manifestations de rue. Voilà pourquoi les plus grandes manifestations n’ont pas réussi à faire avorter la guerre en Irak. Les doctrines anti-insurrectionnelles affinées sur les théâtres de guerre sont de plus en plus appliquées dans les contextes nationaux pour contrer, perturber et neutraliser toute forme d’action de protestation. La crainte de ce que Samuel Huntington appelait autrefois la " crise de la démocratie " signifie que les gouvernements se sont engagés à faire en sorte que les actions directes de protestation aient le moins d’impact tangible possible. Descendre dans la rue et espérer que les pouvoirs en place feront ce que vous voulez n’est donc pas une stratégie viable.

Ce qui ne veut pas dire que XR n’a pas toute sa place dans une stratégie plus large.

Mais à l’heure actuelle, il n’y a pas de stratégie plus large, il n’y a pas de coordination croisée entre les groupes et les secteurs pour créer une meilleure compréhension de la crise au niveau des systèmes, et donc permettre une vision de solutions au niveau des systèmes. Et il y a une raison très importante à cela. La réponse qui considère que la " rébellion ouverte " est la seule forme de réaction possible est une conséquence directe de l’impact en dégradation d’un système dont toute la construction même est d’invoquer chez les citoyens un sentiment d’impuissance et d’apathie.

On nous a appris à croire que le fait de voter de temps à autre dans les systèmes parlementaires suffisait à une action démocratique efficace qui serve nos intérêts légitimes. Nous savons maintenant que ce n’est pas suffisant. Nos démocraties ne sont pas seulement démantelées, elles sont redevables à des intérêts particuliers appartenant à un réseau imbriqué de conglomérats énergétiques, de la défense, agroalimentaires, biotechnologiques, de communications et d’autres conglomérats industriels dominés par une petite minorité.

Nos démocraties sont dans un état d’effondrement : incapables de faire face à la complexité systémique de la crise de la civilisation. Alors qu’elles échouent, elles s’orientent vers le rejet de leur propre ethos démocratique, vers un autoritarisme croissant, renforçant les pouvoirs étatiques centralisés pour écarter les " Autres " et les citoyens indisciplinés dangereux. Il est donc naturel que nous pensions que la réponse la plus immédiate soit de réagir contre cet état d’échec lamentable. Pourtant, cette réponse elle-même est justement fonction de cette sensation d’impuissance et de paralysie induite par le système lui-même.

Le problème est que les démocraties libérales, dans leur forme actuelle, sont dans cet état d’effondrement pour une raison claire : elles sont, en effet, incapables de faire face à la complexité systémique de la crise de la civilisation. Aucune résistance non violente ne donnera à nos institutions politiques existantes la capacité de faire face à la crise. Parce que le problème est beaucoup, beaucoup plus profond.

Tant que nous n’aurons pas abordé la question de la transformation des ressorts et des structures mêmes du capitalisme néolibéral contemporain - tel qu’on le connaît, le paradigme économique qui définit notre civilisation mondiale, nous ne parlerons pas le langage adéquat.

Mais même là, cette transformation n’est pas seulement une question d’économie. Il s’agit de tout notre paradigme d’existence. Et c’est ici - en reconnaissant que la crise actuelle nous appelle non seulement à une transformation fondamentale de nos relations extérieures, mais aussi à une transformation simultanée de notre être intérieur - que la voie de l’action se dessine.

Au cours des quelque 500 dernières années, l’humanité a érigé une civilisation à " croissance sans fin " fondée sur un patchwork particulier de visions idéologiques du monde, de valeurs éthiques, de structures politiques et économiques et de comportements personnels. C’est un paradigme qui élève la vision de l’être humain en tant qu’unité matérielle déconnectée, atomistique et concurrente, qui cherche à maximiser sa propre consommation matérielle en tant que mécanisme principal d’auto-gratification. C’est le paradigme qui définit la façon dont nous vivons dans notre vie de tous les jours et dont nous dépendons constamment pour définir la façon dont finalement nous entretenons des relations avec notre famille et nos amis, dans notre milieu de travail et au-delà. C’est le paradigme qui a cimenté notre trajectoire actuelle vers l’extinction massive.

Il ne s’agit pas seulement de systèmes externes. Il s’agit aussi des systèmes internes de pensée avec lesquels l’extérieur est co-existant, et au sein desquels nous nous sommes emprisonnés. Tout notre modèle réductionniste et mécanique de ce que nous pensons être humain doit être réécrit.

Pour briser ce paradigme, il faut bien plus que des exigences envers des institutions défaillantes. Parce que, disons les choses en toute honnêteté, pour la plupart des Blancs de la classe moyenne qui ont participé aux manifestations du XR, ce n’est pas si difficile que ça. La plus grande lacune ici est qu’il n’y a pas de nécessité pour un acte de changement transformateur de la part des manifestants eux-mêmes.

Et c’est ce qui manque dans notre réponse à la crise de civilisation. Nos réponses sont basées sur l’exigence d’un changement par rapport à " l’Autre ". Qu’il s’agisse de gouvernements, de philanthropie ou d’entreprises, il s’agit de demander des comptes à tout le monde, sauf à nous-mêmes. Le problème est là, et nous devons crier et nous scotcher au sol pour que EUX nous écoutent.

Quand allons-nous accepter de voir que Eux, c’est Nous ?

Ce n’est pas que nous ne devrions pas manifester ou demander que les institutions changent. Mais bien plus que cela, si nous sommes vraiment sérieux à ce sujet, le plus grand défi pour chacun d’entre nous est de travailler au sein de nos propres réseaux d’influence, d’explorer comment nous pouvons nous-mêmes commencer à changer les organisations et les institutions dans lesquelles nous sommes intégrés.

Et cela veut dire que nous devons ancrer cet effort dans un cadre d’orientation complètement nouveau, un cadre dans lequel les êtres humains sont intrinsèquement interconnectés et imbriqués au sein de la terre ; où nous ne sommes pas atomistiquement séparés de la réalité dans laquelle nous nous trouvons en tant que seigneurs supérieurs technocrates, mais dans lequel nous sommes co-créateurs de cette réalité comme parties individuelles d’un continuum de l’être.

Quoi qu’il se passe là, dans le monde, la crise nous appelle tous à devenir ce que nous devons être, ce que nous sommes vraiment et ce que nous avons toujours été. Et sur la base de ce renouveau interne, elle nous appelle à prendre des mesures radicales dans nos propres contextes locaux pour faire émerger les germes du paradigme nouveau, ici même, et maintenant.

Comment pouvons-nous réussir à changer certains de ces systèmes dans nos écoles, nos lieux de travail, nos lieux de jeu ? Comment pouvons-nous mettre à profit les leçons tirées de notre pratique personnelle et de notre transformation en tant qu’individus et en tant qu’unités familiales, afin de les traduire en collaboration avec nos communautés locales pour galvaniser le changement dans nos propres contextes locaux, en fonction du lieu ? Comment faire germer de nouvelles organisations, institutions, entreprises, approches politiques, par nos propres actions, alors même que nous appelons les organisations préexistantes à agir d’urgence, en refusant toutefois de simplement attendre qu’elles le fassent, en entamant le mouvement nous-mêmes ? Comment pouvons-nous, dans le cadre de ces efforts, travailler à semer les graines qui conduiront à faire reconnaître que la mission la plus importante est de construire un nouveau paradigme post-croissance, post-carbone et post-matérialiste ?

Ne nous contentons pas de simplement nous joindre aux manifestations. Construisons notre propre capacité à penser et à agir différemment en tant qu’individus et membres de diverses institutions dans le respect de notre propre conscience et de notre comportement, ainsi que dans les domaines de l’énergie, de l’alimentation, de l’eau, de la culture, de l’économie, des affaires et des finances. Ce faisant, nous plantons les graines d’un paradigme de vie et de réalité en émergence qui redéfinit l’essence même de ce que signifie être vivant.

C’est cette discussion là que nous devons engager, depuis nos conseils d’administration jusqu’à nos conseils d’administration - pour ceux d’entre nous qui ont pris conscience de ce qui est en jeu, la vraie question est : comment puis-je vraiment devenir acteur pour construire le nouveau paradigme ?

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