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Quelques enseignements des élections européennes....

Comment évacuer par les urnes la crise des Gilets Jaunes

Par Bruno Bourgeon

mardi 28 mai 2019, par JMT

Deux enseignements à cette élection européenne de 2019.

Le premier est l’échec de la stratégie mise en œuvre par le pouvoir : celle d’une opposition entre « progressisme » et « populisme ». Elle est manichéenne et pas nouvelle. (...)

Le deuxième enseignement est que les résultats ne rendent pas compte de tout ce qui s’est produit d’inouï, d’inédit dans notre vie politique depuis six mois. Où est le mouvement des porteurs de Gilets Jaunes dans les urnes ? Nulle part. Cette distorsion montre qu’il y a un dysfonctionnement dans notre démocratie.

Contrairement à ce qu’affirme le discours dominant, les citoyens ne se désintéressent pas de la vie politique, au contraire. Tout se passe comme si la logique élective, élitiste et personnalisée des élections minait le fonctionnement de nos démocraties, dans toute l’Europe et dans le monde. (...)

Comment évacuer par les urnes la crise des Gilets Jaunes

Deux enseignements à cette élection européenne de 2019.

Le premier est l’échec de la stratégie mise en œuvre par le pouvoir : celle d’une opposition entre « progressisme » et « populisme ». Elle est manichéenne et pas nouvelle. Rappelons les termes : soit vous êtes pour le progrès, c’est-à-dire pour l’ouverture à la mondialisation, soit vous refusez de vous « adapter » au sens prétendument inéluctable de l’histoire, et vous êtes nécessairement du côté de l’archaïsme, du repli sur soi et des pires penchants de la « masse », ou du côté de ce qu’on appelle avec condescendance le « populisme ».

Le fait marquant est que cette stratégie nous conduit dans le mur, puisqu’elle produit mécaniquement la montée de l’extrême droite. On l’a vu dimanche : LREM essaie de faire rempart et finit derrière le RN.

Le deuxième enseignement est que les résultats ne rendent pas compte de tout ce qui s’est produit d’inouï, d’inédit dans notre vie politique depuis six mois. Où est le mouvement des porteurs de Gilets Jaunes dans les urnes ? Nulle part. Cette distorsion montre qu’il y a un dysfonctionnement dans notre démocratie.

Contrairement à ce qu’affirme le discours dominant, les citoyens ne se désintéressent pas de la vie politique, au contraire. Tout se passe comme si la logique élective, élitiste et personnalisée des élections minait le fonctionnement de nos démocraties, dans toute l’Europe et dans le monde.

Le regain de participation est un sursaut, pas un bouleversement. La moitié du corps électoral s’abstient. C’est très grave. L’élection reste marquée par l’abstention. On ne voit rien de nouveau alors que la richesse de la vie démocratique s’est révélée depuis six mois. Partout, à l’hôpital, dans l’éducation, dans les classes populaires, les gens sont imprégnés des questions d’ordre politique. Mais cela ne se traduit pas dans l’élection.

Comme c’est le cas depuis longtemps, la droite est largement majoritaire, avec ici LREM, Les Républicains et le RN. Son poids s’explique par la déroute des promesses de la gauche, celle de la social-démocratie, mais aussi plus généralement celle du socialisme, et par la lenteur irréductible des processus de reconstruction intellectuelle et politique qui se joueront nécessairement autour de l’écologie, de la santé, de l’avenir du vivant. Il faudra un temps incompressible pour qu’une telle recomposition s’opère, tant elle est profonde et inédite.

A ma droite, le parti de l’ordre (sécuritaire et économique), la conservation de l’ordre ancien et la préservation des identités l’emporte. Mais la droite est profondément affaiblie entre sa variante néolibérale, qui prône la disruption permanente et l’adaptation à la mondialisation (LREM) et sa variante conservatrice voire identitaire, de la droite classique (LR) à l’extrême droite (RN).

A ma gauche, les mille percées des écologistes n’ont jamais abouti. Ne surévaluons pas leur résultat à chaud. Le score des Verts témoigne à peine de l’aspiration populaire considérable, partout dans le monde, pour que la gauche et toute la vie politique se recomposent autour de l’écologie, de la santé, de l’avenir du vivant.
Qu’elle se réinvente autour des modes de vie, des questions de travail, de climat, d’alimentation.

Dans son ensemble, la gauche subit un grave revers puisqu’elle ne recueille que le tiers des suffrages. Elle souffre d’une situation historique dont on n’est pas sorti : la crise du socialisme puis de la social-démocratie, qui s’est laissée détruire de l’intérieur en s’hybridant avec le néolibéralisme. Il faudra des décennies pour qu’elle arrive à se recomposer, dans le double contexte de l’échec du néolibéralisme mondialiste et de la crise environnementale.

Ces processus sont enclenchés, mais ils ne pourront aboutir que si nos démocraties se réforment de fond en comble et entament une critique sérieuse du mécanisme de l’élection, de la personnalisation du pouvoir et de la représentation. Ce qu’ont très bien compris les porteurs de GJ, même s’ils n’ont pas su trouver de solution, en quelques semaines, à cette question redoutable. Un travail politique à poursuivre.

Si la gauche ne travaille pas sur ces chantiers qui supposent à la fois un travail intellectuel et une insertion profonde dans la réalité citoyenne, elle continuera à s’autodétruire dans une lutte des ego et des micro-partis, pour masquer son absence de projet politique.

La richesse des expérimentations sociales, la demande de démocratie des citoyens et la lucidité des jeunes générations sur la nécessité de changer totalement nos modes de vie méritent de trouver une issue politique à la hauteur. Tel est l’enseignement principal des élections européennes en 2019 : notre vie sociale et démocratique réelle est bien plus riche que la traduction appauvrie qu’en donnent les urnes. Et c’est bien cela qui pose problème.

Bruno Bourgeon,D’après Barbara Stiegler, Professeure de philosophie politique à l’Université Bordeaux-Montaigne,Libération du 27 mai 2019

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SOURCE

Barbara Stiegler – « Ce scrutin ne rend pas compte de ce qui s’est produit d’inouï en six mois »
On n’est pas des moutons

Spécialiste de Nietzsche, Barbara Stiegler est professeure de philosophie politique à l’Université Bordeaux-Montaigne et membre de l’Institut universitaire de France. Elle a publié en début d’année un essai sur le néolibéralisme, intitulé « Il faut s’adapter. » Sur un nouvel impératif politique, aux éditions Gallimard.

Élections européennes : où sont les Gilets jaunes ?

Première publication : 27/05/2019 - 00:59Dernière modification : 27/05/2019 - 22:53 Texte par : Romain HOUEIX

Le vote et la mobilisation des Gilets jaunes ont été observés de près lors du scrutin des européennes du 26 mai. Christophe Simon, AFP

Selon les premières estimations, les listes "Gilets jaunes" ont mobilisé dimanche moins de 0,6 % du corps électoral. D’après une enquête Ipsos, les voix issues de ce mouvement social auraient surtout profité au Rassemblement national.

Alors que des milliers de Gilets jaunes défilent chaque samedi depuis novembre dans les rues, le vote des participants à ce mouvement social d’ampleur était surveillé de près dimanche 26 mai lors des élections européennes, premier scrutin depuis le début de la contestation.

Parmi les 34 listes de candidats, deux se revendiquaient uniquement Gilets jaunes. La première, Alliance jaune, menée par le chanteur Francis Lalanne, a remporté environ 0,54 % des suffrages. La deuxième ’"Évolution citoyenne" avec à sa tête Christophe Chalençon a engrangé 0,01 % des votes.

Plusieurs partis avaient également intégré des Gilets jaunes sur leurs listes.

Benjamin Cauchy était ainsi en 9e position de la liste de Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France, environ 3,51 %) alors que Jean-François Barnaba s’était allié aux Patriotes de Florian Philippot (entre 0,56 %). L’UPR (1,1 %) et le PCF (2,49 %) ont également revendiqué la présence de quelques Gilets jaunes sur leurs listes. Toutes ces candidatures sont loin d’avoir récolté le quorum nécessaire pour envoyer des élus au Parlement européen.

Né de contestations sur le prix de l’essence qui se sont étendues à des revendications sur le pouvoir d’achat, la justice fiscale et la participation politique, le mouvement des Gilets jaunes a rythmé de longs samedis de manifestations, rassemblant jusqu’à 282 000 personnes le premier jour de mobilisation le 17 novembre, selon le ministère de l’Intérieur.

Très vite, la question d’une traduction politique et électorale du mouvement s’est posée. Dans les premiers sondages qui, dès décembre, introduisaient dans leurs enquêtes l’éventualité d’une liste Gilets jaunes, celle-ci était crédité d’environ 10 % des intentions de vote. Six mois plus tard, les résultats donnent largement tort à ces premières enquêtes d’opinion.

Un mouvement qui a contribué à repolitiser les abstentionnistes ?

Si les Français se sont bien plus mobilisés qu’en 2014 pour les élections européennes, avec une participation supérieure de huit à dix points, la mobilisation s’est révélée plus importante dans les départements ruraux et dans la "diagonale du vide", cette zone allant de la Meuse aux Landes faiblement peuplée et frappée par l’exode rural. Ces derniers mois, ces zones ont été des bastions du mouvement des Gilets jaunes.

Comme le souligne le HuffPost, à défaut d’avoir un vote unifié, le mouvement a peut-être permis à ses participants de retrouver le chemin des urnes.

Où est allé le vote jaune ?

Sur quelles listes s’est alors porté le vote Gilets jaunes ? Selon un sondage Ifop publié le 24 mai, 44 % des personnes soutenant le mouvement Gilets jaunes ont indiqué voter pour le Rassemblement national contre 4 % pour La République en marche.

"Le débouché politique du mouvement des Gilets jaunes dans ces élections européennes, c’est très clairement le RN", analysait alors Jérôme Sainte-Marie, président de PollingVox.

Pourtant, parmi les figures des Gilets jaunes, le vote semble beaucoup plus éclaté. Thierry Paul Valette, qui avait constitué une liste avant d’abandonner, a appelé à voter pour la liste LREM, avant de finalement opter pour l’abstention. Ingrid Levavasseur, un temps sur la liste Alliance jaune, a glissé un bulletin EELV dans l’urne, selon l’AFP. Jacline Mouraud a quant à elle décidé de voter blanc. Hervé Giacomoni, porte-parole des Gilets jaunes de l’Aube, s’est rangé du côté de l’UPR pour soutenir le Frexit. Le passé politique de Christophe Chalençon plaçait sa liste à l’extrême droite.

"C’est un mouvement qui a pour caractéristique de systématiquement voir les personnes voulant en être les représentants délégitimées, attaquées par leurs pairs et il n’y a pas eu une liste Gilets jaunes mais plutôt un héritage convoité par différentes forces", résume Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop.

"On parle de Gilets jaunes, ça tend à unifier le groupe mais ce qui les caractérise, c’est justement qu’il y a des gens qui sont très différents", analyse Emmanuelle Reungoat, maîtresse de conférences à l’université de Montpellier, pour l’AFP.

Avec AFP

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