AID Association Initiatives Dionysiennes

Ouv zot zié !

Accueil > Politique > Les faucons américains et iraniens continuent leurs dégâts

Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2019-43

Les faucons américains et iraniens continuent leurs dégâts

Par Ann Wright, traduit par Jocelyne le Boulicaut

mardi 7 mai 2019, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Les faucons américains et iraniens continuent leurs dégâts

14 mars 2019 Ann Wright, Exclusif pour Consortium News

Reportage d’Ann Wright sur le voyage récent d’une délégation de citoyens pour la paix en Iran, qui comportait une rencontre avec le ministre des Affaires étrangères. Ann Wright a servi dans l’armée américaine de réserve pendant 29 ans et a pris sa retraite en tant que colonelle. Elle a été diplomate américaine pendant 16 ans et a servi dans les ambassades des États-Unis au Nicaragua, à la Grenade, en Somalie, en Ouzbékistan, au Kirghizstan, en Micronésie, en Afghanistan et en Mongolie. Elle a démissionné du gouvernement américain en mars 2003 pour s’opposer à la guerre de Bush contre l’Irak.

Nous savions qu’une délégation de CODEPINK Women for Peace en Iran [Code Rose : Femmes pour la paix est un groupe anti-guerre international. NdT] se retrouverait dans la ligne de mire de l’administration Trump. Alors qu’il faisait campagne, Donald Trump a manifesté très clairement son animosité envers l’Iran en qualifiant l’accord nucléaire de l’administration Obama avec l’Iran de "pire accord jamais conclu".

Bien que l’Agence internationale de l’énergie atomique ait prouvé que Téhéran se conformait au Plan d’action global conjoint, l’une des premières décisions de Trump après son accession à la présidence a été de faire sortir les États-Unis du traité et d’imposer des sanctions draconiennes au peuple iranien.

Le pouvoir d’achat de la monnaie nationale en a été diminué des deux tiers. Nous savions que les citoyens américains qui se rendraient en Iran pour discuter avec les Iraniens de l’impact des sanctions ne seraient pas bien vus de l’administration Trump.

Bien que Téhéran ait délivré des visas à notre délégation, nous savions que celle-ci serait aussi sous surveillance iranienne pendant notre séjour. Des journalistes américains, des professionnels des technologies de l’information, des fonctionnaires à la retraite de l’ONU et d’anciens fonctionnaires à la retraite du gouvernement des États-Unis ont été emprisonnés.

Néanmoins, notre groupe continue de faire ces voyages. Nous sommes certes exposé.es à la méfiance des gouvernements en tant que diplomates citoyens dans des régions du monde où notre gouvernement ne veut pas que nous voyions les effets des politiques américaines sur la vie des gens dans les pays ciblés.

En tant que diplomates citoyens, nous avons été qualifiés d’"outils naïfs de gouvernements répressifs" lorsque nous nous sommes rendus en Iran, en Corée du Nord, à Gaza, en Égypte, au Pakistan, en Afghanistan, en Irak et au Yémen, partout où l’ingérence, l’invasion, l’occupation ou le soutien américains aux guerres d’autres pays, ont rendu la vie misérable et dangereuse pour les citoyens.

Nous rencontrons des citoyens ordinaires qui se préoccupent de l’avenir de leurs enfants, de leur santé et de leur éducation en raison de conflits militaires ou de sanctions présentées comme un substitut humain aux conflits militaires. Nous revenons avec leurs histoires, déterminés à résoudre tout désaccord politique entre les États-Unis et le pays en question.

Les ministres des Affaires étrangères à Genève lors d’un accord provisoire sur le programme nucléaire iranien, 2013. (Wikimédia)

Les couteaux étaient tirés

Lorsque en 2015, nous, Women Cross the DMZ - 30 femmes de 15 pays, dont deux prix Nobel de la paix - sommes revenues de Corée du Nord après avoir organisé une conférence de la paix avec 250 femmes nord-coréennes et des marches pour la paix avec 5 000 femmes à Pyongyang et 2 000 femmes à Kaesong, les couteaux des journalistes et des experts étaient tirés.

Lorsque nous nous sommes rendus dans la bande de Gaza sous blocus Israélien et que nous avons été témoins de l’implantation de colonies israéliennes illégales sur les terres palestiniennes en Cisjordanie, lorsque nous avons osé en parler et les commenter, l’étiquette d’antisémitisme nous a été jetée à la figure. Lorsque nous avons parlé avec des familles de civils assassinés par des drones américains dans la zone frontalière Pakistan-Afghanistan, on nous a traités d’outil des talibans pakistanais.

La rencontre de notre délégation avec le ministre des Affaires étrangères de l’Iran a déjà provoqué de vives réactions de la part des médias américains et israéliens, nous accusant de collaboration avec le gouvernement iranien et le FBI nous a mis en garde pour notre rôle d’agents d’un gouvernement étranger.

Pendant les neuf jours que nous avons passés en Iran, du 26 février au 6 mars, nous avons parlé avec des Iraniens dans les écoles, les bazars et les marchés, sur les places et dans les mosquées. Beaucoup de gens en Iran parlent anglais. L’anglais est enseigné dès l’école primaire. De jeunes étudiants se sont précipités vers nous pour pratiquer leur anglais.

L’interdiction de voyager imposée par l’administration Trump aux Iraniens signifie que les étudiants qui ont été acceptés dans les universités américaines ne peuvent pas obtenir de visas d’étudiant pour étudier aux États-Unis. Les familles dont les membres se trouvent aux États-Unis ne peuvent pas leur rendre visite. Les Iraniens se tournent vers l’Europe et l’Asie. L’interdiction de voyager imposée par les États-Unis à l’Iran et à six autres pays visait peut-être à isoler l’Iran, mais ce sont les États-Unis qui s’isolent.

Un nombre surprenant de gens, en particulier en dehors de Téhéran, la capitale, ont ouvertement fait part de leurs désaccords avec leur propre gouvernement.

Le ministre Zarif avec la délégation CODEPINK. (Ann Wright)

"Vous, on vous aime bien, mais votre gouvernement, pas du tout "

Dans un musée d’Ispahan, nous avons discuté avec d’autres visiteurs, des iraniens. En apercevant de petites banderoles épinglées sur notre dos sur lesquelles on pouvait lire "Paix avec l’Iran" en anglais et en farsi, les gens sont venus nous voir, commençant invariablement par dire, "Nous aimons les Américains, mais nous n’aimons pas votre gouvernement".

Beaucoup d’entre eux ajoutaient, "et nous n’aimons pas notre gouvernement non plus." Les raisons qu’ils avançaient pour ce désaveu de leur propre gouvernement tenaient aux pots-de-vin, à la corruption, aux gens au pouvoir vivant dans le luxe, trop d’argent dépensé pour aider d’autres pays et qui devrait être utilisés chez eux, une confiance mal placée les incitant à penser que les États-Unis diminueraient ou mettraient fin aux sanctions après signature de l’accord nucléaire.

Les Iraniens que nous avons rencontrés ont parlé ouvertement de l’effet des dernières sanctions restrictives américaines sur leur quotidien. La fermeture de l’accès de l’Iran au système financier international, décidée par les États-Unis, signifie que les sociétés commerciales ordinaires ont plus difficilement accès aux capitaux pour acheter des biens.

Les applications sur les téléphones mobiles pour payer des factures ou organiser des trajets en covoiturage ne fonctionnent plus. Les mariages sont reportés car les familles manquent d’argent pour les dots indispensables et les festivités. L’achat d’articles importants, allant des réfrigérateurs aux voitures, est retardé en raison de l’hyperinflation du rial, la monnaie iranienne.

Qu’il s’agisse du ministre des Affaires étrangères ou des Iraniens moyens que nous avons rencontrés, tous nous ont rappelé avec beaucoup de fierté les 2 500 ans d’histoire de leur pays. Nombre d’entre eux nous ont parlé des pressions et guerres destructrices depuis les pays voisins et les pays lointains : États-Unis, Grande-Bretagne et Russie.

Sept pays sont des voisins directs : Turquie, Irak, Syrie, Turkménistan, Afghanistan, Pakistan et Arménie. Sept autres sont à moins de 160 km : Arabie saoudite, Koweït, Bahreïn, Émirats arabes unis, Oman et Yémen. Trois autres sont à moins de 500 km : Géorgie, Russie et Ouzbékistan.

C’est à comparer avec les États-Unis et leurs possessions seulement bordés par le Canada et le Mexique, et pour lesquels seuls quelques pays sont à moins de 160 km : les Bahamas, Cuba et la Russie de l’autre côté de la mer de Béring, comme nous l’a rappelé Sarah Palin, géographe et Gouverneure de l’Alaska, avec son célèbre commentaire " D’ici je vois la Russie".

Au cours des 25 dernières années, depuis la guerre du Golfe de 1991, les États-Unis ont été impliqués dans des conflits militaires dans six des pays frontaliers de l’Iran : Koweït, Afghanistan, Pakistan, Irak, Syrie et Yémen. Des centaines de milliers de personnes sont mortes des suites des guerres militaires américaines dans la région. Deux millions d’Irakiens et trois millions de Syriens ont fui la violence cautionnée par les États-Unis et sont maintenant réfugiés dans d’autres pays de la région.

De 1980 à 1988, les États-Unis ont soutenu l’Irak en lui fournissant des renseignements et des armes chimiques dans son épouvantable guerre de huit ans contre l’Iran, débutée à peine un an après le renversement par la révolution iranienne du gouvernement du Shah d’Iran soutenu par les États-Unis. Le Shah avait lui-même accédé au pouvoir suite au renversement orchestré par les Anglo-Américains du président élu de l’Iran en 1953

Gigantesque cimetière

Sur notre route, allant de Téhéran à Ispahan, on nous a demandé de visiter le gigantesque cimetière aux portes de Téhéran où on trouve les tombes de dizaines de milliers d’Iraniens tués pendant la guerre de l’Irak contre l’Iran.

On estime qu’un million d’Iraniens sont morts en défendant leur pays contre les attaques irakiennes et qu’entre 250 000 et 500 000 Irakiens sont morts. La route menant au cimetière est bordée d’échoppes de fleuristes pour que les visiteurs aient des fleurs à déposer sur les tombes. Des milliers d’Iraniens visitent le cimetière chaque jour. Nous avons parlé à une femme âgée qui nous a dit qu’elle venait au cimetière chaque jour, parce que tous ses fils y sont enterrés. Tout le pays, y compris les très jeunes enfants, a été mobilisé pour arrêter l’invasion irakienne en Iran.

Le cimetière est l’équivalent du cimetière national d’Arlington aux portes de Washington, D.C., où de nombreux invités internationaux se rendent pour faire revivre l’histoire des États-Unis à travers les tombes de ceux qui ont été tués dans les nombreuses guerres américaines.

Pierres tombales du cimetière aux portes de Téhéran (Ann Wright)

Les bases militaires américaines qui entourent l’Iran nous rappellent en permanence la menace militaire américaine. Les avions de combat et les drones américains volent quotidiennement à partir des bases aériennes américaines de la région. Ce qu’on ne voit pas sur la carte, c’est la flotte de navires de la marine nationale et les vedettes des gardes côtes américains qui, depuis les années 1970, sont en permanence postées dans les eaux du golfe Persique, au large des côtes iraniennes.

Il y a un incident qui pèse dans l’esprit des Iraniens, autant que les attaques du 11 septembre sur les Américains. Le 3 juillet 1988, l’USS Vincennes, un croiseur de missiles guidés américain, a utilisé deux missiles guidés par radar pour abattre un avion civil iranien de transport de passagers, le vol 655 d’Iran Air, qui avait décollé de la ville côtière de Bandar Abbas en Iran.

Le vol était encore en phase d’ascension pour son itinéraire habituel à destination de Dubaï lorsqu’il a été désintégré. Le vol 655 d’Iran Air se trouvait toujours dans l’espace aérien iranien, sur son itinéraire habituel quotidien sur des voies aériennes reconnues, émettant par radio les données d’identification commerciales standard lorsque les missiles ont frappé. Deux cent quatre-vingt-dix passagers et membres d’équipage, dont 66 enfants, ont été tués.

Plus tôt dans la journée du 3 juillet 1988, le capitaine de l’USS Vincennes, Will Rogers III, avait coulé deux canonnières iraniennes et endommagé une troisième dans les eaux iraniennes. Le capitaine David Carlson de la frégate "Sides" de la marine américaine, qui patrouillait également dans le golfe Persique, a plus tard déclaré aux enquêteurs que la destruction de l’avion de ligne par les missiles de l’USS Vincennes "a représenté l’horrible sommet culminant de l’agressivité de Rogers".

Fait incroyable, en 1990, Rogers a reçu la décoration de la Légion du Mérite " pour sa conduite exceptionnelle en période de guerre reconnaissant l’exercice d’un service exemplaire en tant que commandant... d’avril 1987 à mai 1989 ". La citation pour la décoration ne fait nulle mention du tir de missiles qui a abattu le vol Iran Air 655.

Les bases américaines mises en lumière

Ne jamais présenter d’excuses

Alors vice-président, George H.W. Bush a fait valoir aux Nations Unies que l’attaque américaine contre l’Airbus iranien vol 655 avait été un incident de guerre et que l’équipage avait réagi de façon appropriée à la situation à ce moment-là. Il a dit de façon mémorable et pathétique : "Je ne m’excuserai jamais pour les États-Unis d’Amérique, jamais. Je me fiche des faits."

Ce n’est qu’en 1996 que les États-Unis ont accepté un règlement à l’amiable de 132 millions de dollars dans une affaire portée en 1989 par l’Iran contre les États-Unis devant la Cour internationale de Justice. Les États-Unis ont versé des indemnités supplémentaires pour les 38 décès de non-Iraniens.

Le vice-président des États-Unis n’a pas voulu présenter d’excuses au peuple iranien, mais notre délégation l’a fait.

Barbara Briggs-Letson offre un livre au directeur du Musée de la paix de Téhéran, M. Taghipour, et à Yalda Khosravi, du Département d’éducation pour la paix. (Jodie Evans)

Barbara Briggs-Letson, membre de notre délégation, a réalisé un magnifique livre pour exprimer nos sincères regrets. Il contient plusieurs poèmes et le nom de chaque personne qui participait à ce vol, le tout rédigé en farsi. Nous avons montré le livre au ministre des Affaires étrangères Zarif lors de notre rencontre et il a été très ému par notre geste. Quelques jours plus tard, nous avons remis le livre au Musée de la Paix de Téhéran où il sera exposé en permanence.

Les conséquences des sanctions américaines sur l’Iran, en particulier dans le domaine médical, nous ont été très clairement exposées par des personnes qui nous ont expliqué que des membres de leur famille étaient morts parce qu’ils n’avaient pas pu obtenir un traitement approprié avec les médicaments les plus efficaces à cause des sanctions.

Blocus de l’équipement médical dû aux sanctions

Des patients sous dialyse qui pourraient être aidés par un équipement de pointe en provenance d’Europe ou des États-Unis se voient déniés cet équipement par les sanctions. Les sanctions financières bloquent l’achat de médicaments et d’équipements médicaux. Les compagnies d’assurance aux États-Unis et en Europe sont empêchées de payer aux hôpitaux les factures médicales des citoyens qui ont besoin de soins médicaux d’urgence.

David Hartsough à l’hôpital de Téhéran. (Personnel hospitalier)

Alors que nous étions en Iran, un des membres de notre délégation a souffert de douleurs thoraciques et a été transporté à l’hôpital où l’on a diagnostiqué une obstruction des artères coronaires. Sa famille aux États-Unis, le médecin en Iran et un médecin de notre délégation lui ont recommandé de ne pas essayer de retourner aux États-Unis sans avoir déterminé l’étendue du problème et même de subir une angioplastie ici, en Iran.

L’angioplastie a montré une obstruction majeure et dangereuse de trois artères. Des stents fabriqués aux États-Unis ont été placés dans ses artères pendant l’angioplastie pour ouvrir les artères. Faute de ces stents, il n’aurait pas pu retourner aux États-Unis en toute sécurité.

Lorsque la famille et la Section des intérêts américains de l’ambassade suisse ont contacté la compagnie d’assurance du patient, Kaiser Permanente, on leur a dit qu’en raison des sanctions, la compagnie d’assurance ne pouvait pas payer directement l’hôpital iranien, mais que le patient pourrait être remboursé après son retour aux États-Unis.

L’ambassade des États-Unis en Suisse a accordé un prêt par l’intermédiaire de la section des intérêts américains de l’ambassade de Suisse à Téhéran pour payer la procédure médicale, ce que le patient devra rembourser.[En l’absence de relations diplomatiques ou consulaires des États-Unis avec la République Islamique d’Iran, c’est l’ambassade de Suisse qui par l’intermédiaire de la Section des Intérêts américains assure la protections des citoyens américains depuis le 21 mai 1980 NdT]

La question des sanctions a été abordée lors des discussions que nous avons eues avec le ministre iranien des Affaires étrangères Javad Zarif lorsque nous avons eu l’occasion de le rencontrer. Dans une conversation de 90 minutes lors de notre première matinée à Téhéran, M. Zarif nous a rappelé que 80 millions d’Iraniens vivent depuis 40 ans sous un certain niveau de sanctions américaines.

Les sanctions américaines contre l’Iran ont commencé peu après la révolution de 1979 et la séquestration de 52 diplomates américains pendant 444 jours lors de la prise de l’ambassade des États-Unis par les étudiants.

Zarif a expliqué à notre délégation : "...] les difficultés des États-Unis avec l’Iran ne sont pas dues à la région, ni aux droits de la personne, ni aux armes, ni à la question nucléaire - c’est simplement parce que nous avons décidé d’être indépendants - c’est tout - et c’est là notre plus grand crime. Les Iraniens sont un peuple résilient qui résistera aux actions arbitraires de l’administration Trump qui s’est retiré de l’accord nucléaire et fait pression sur les partenaires européens pour qu’ils ne respectent pas les engagements de l’accord et n’assouplissent pas les sanctions".

Zarif a précisé que l’Iran avait collaboré avec les États-Unis dans les jours qui avaient suivi le 11 septembre en donnant des informations sur les Taliban, Al-Qaïda et d’autres groupes en Afghanistan. La coopération iranienne a été "récompensée" trois mois plus tard par son inscription sur la liste de l’Axe du Mal : Iran, Irak et Corée du Nord par l’administration Bush, sans doute dirigée par le conseiller à la sécurité nationale John Bolton.

Dans un survol des budgets et des dépenses militaires, il a dévoilé que l’Arabie saoudite dépense 67 milliards de dollars pour acheter des armes aux États-Unis. "L’an dernier, l’Occident a vendu pour 100 milliards de dollars d’armes aux pays du CCG - ces petits émirats du Golfe Persique [Le Conseil de coopération des États arabes du Golfe ou Conseil de Coopération du Golfe est une organisation régionale regroupant six monarchies arabes et musulmanes du golfe Persique : l’Arabie saoudite, Oman, le Koweït, Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Qatar NdT].

Selon moi, la population totale de ces pays n’atteint pas 40 millions. Cent milliards de dollars en armes. Je ne crois pas, je ne crois pas, avec tout le respect que je leur dois, qu’ils savent comment s’en servir. La preuve en est qu’ils n’ont pas réussi à vaincre des personnes sans défense au Yémen. Pendant quatre ans. La guerre au Yémen, en avril prochain, aura 4 ans."

Les efforts de cessez-le-feu au Yemen

Zarif a également mentionné les efforts qu’il a déployés avec les États-Unis en 2015 pour négocier un cessez-le-feu afin de mettre un terme aux bombardements et au blocus aveugles du Yémen par les Saoudiens. Ces derniers, après avoir dans un premier temps accepté un cessez-le-feu, se sont retirés de l’accord, et puis c’est l’Iran qui en a été tenu pour responsable par les États-Unis, et non l’Arabie saoudite.

"Lors du déclenchement de la guerre, j’étais impliqué dans la partie la plus difficile des négociations de l’affaire nucléaire. Parce que si vous vous souvenez, en 2015, le Congrès a fixé une date butoir, à moins que nous n’ayons un accord-cadre sur la question du nucléaire avant le 1er avril, le Congrès imposerait des sanctions que l’administration américaine ne pourrait pas renégocier. Nous avions une date butoir à Lausanne (Suisse) lorsque nous avons eu cette étape des négociations. Et pourtant, John Kerry et moi avons passé deux jours de ce précieux temps à parler de la façon de mettre fin à la guerre au Yémen, même si ce n’était pas mon mandat, mais je pensais que la guerre au Yémen était si désastreuse que nous devrions y mettre un terme".

Il a poursuivi : "John Kerry et moi sommes parvenus à la conclusion que nous devions mettre fin à cette guerre. À l’époque, l’actuel ministre d’État de l’Arabie saoudite, Adel al-Jubeir, était ambassadeur des États-Unis — ambassadeur saoudien aux États-Unis. Après que nous ayons conclu un accord le 2 ou 3 avril, John Kerry est retourné à Washington et a parlé à Adel al-Jubeir. Il est retourné en Arabie Saoudite et a obtenu l’accord d’un cessez-le-feu au Yémen. Et il m’a informé que nous pouvions avoir un cessez-le-feu. J’ai immédiatement contacté les Houthis et j’ai obtenu leur accord pour un cessez-le-feu. On était alors en avril 2015. Dans quelques jours, cela fera quatre ans."

Il a ajouté, "J’étais alors en instance d’embarquement sur un vol pour l’Indonésie... J’ai dit à mon adjoint - attendez un appel du secrétaire Kerry, il vous dira que l’accord final est conclu. Nous sommes arrivés en Indonésie huit heures plus tard, j’ai appelé le secrétaire Kerry et lui ai demandé ce qui s’était passé ? Il a dit : ’ Les Saoudiens ont renoncé parce qu’ils sont persuadés qu’ils peuvent remporter une victoire militaire en trois semaines.’ Je lui ai dit qu’ils ne pourront pas remporter une victoire militaire, ni dans trois semaines, ni dans trois mois, ni dans trois ans. Mais il a dit : ’ Qu’est-ce que je peux y faire ? J’en ai ras le bol, ils ne céderont pas.’ J’ai répondu : ’Eh bien, au moins on aura essayé.’ ”

Kerry et Zarif se saluent à l’Austria Center de Vienne, le 14 juillet 2015, après une déclaration de l’accord nucléaire. (Département d’Etat)

Zarif a secoué la tête et a dit : " Le lendemain, à peine le lendemain, le président Obama, il a fallu que ce soit lui, a fait une déclaration publique accusant l’Iran d’ingérence au Yémen. Le lendemain même. Je leur ai dit, OK - vous n’avez pas pu l’obtenir (le cessez-le-feu) de vos alliés, pourquoi nous en voulez-vous ? Vous ne voulez pas blâmer vos alliés, très bien, mais pourquoi nous le reprocher ?"

A notre grande surprise, Zarif a démissionné de son poste de ministre des affaires étrangères quelques heures à peine après avoir parlé à notre délégation. Selon certaines sources, il aurait démissionné après avoir été exclu d’une réunion avec le dictateur syrien Bachar al-Assad la veille.

D’autres hauts responsables du régime, dont le Président Rouhani, le Guide suprême l’ Ayatollah Ali Khamenei et le général Qassem Soleimani, commandant du Corps des Gardiens de la révolution islamique et de la force Al-Qods, avaient rencontré le dictateur syrien Assad à Téhéran hors de la présence de Zarif.

Moins de 24 heures plus tard, Rouhani a rejeté la démission de Zarif, affirmant que l’accepter serait "contraire aux intérêts nationaux".

Dans un post sur Instagram annonçant sa démission au public, M. Zarif a écrit que le peuple iranien n’était pas satisfait des résultats de son travail sur le cadre nucléaire, conduisant à l’abandon de milliers de centrifugeuses et permettant les inspections des installations nucléaires en échange de la levée des sanctions et du retour aux affaires normales dans le monde.

Mais les États-Unis avaient déjà rompu l’accord et avaient imposé des sanctions plus sévères à l’Iran et exerçaient des pressions assorties de sanctions extrêmes à tout gouvernement ou entité financière faisant affaire avec l’Iran. Zarif pensait qu’il avait laissé tomber le peuple iranien.

Les partisans de la ligne dure tant au sein du gouvernement iranien que du gouvernement américain compliquent les occasions de dialogue et rendent les négociations très difficiles, ce qui fait que le peuple iranien continue de subir le poids des idéologies tant des politiciens iraniens que des politiciens américains qui ont ramené les relations internationales dans l’impasse.

Le 12 mars 2019, l’avocate iranienne des droits de la personne Nasrin Sotoudeh a été condamnée par les partisans de la ligne dure à sept ans au moins de prison pouvant aller jusqu’à 33 ans et 148 coups de fouet.

Sotoudeh a remporté le Prix Sakharov en 2012 et a été condamnée à l’issue d’un procès in absentia. Son mari Reza Khandan a été condamné à six ans de prison en janvier 2019. L’Union européenne a déclaré que le droit de manifester pacifiquement, ainsi que le droit d’exprimer son opinion de manière non violente, sont les pierres angulaires du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui a été ratifié par l’Iran.

Version imprimable :