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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2019-30

Bernard-Henri Lévy et les droits des femmes et des mis en examen

par Isaac Chotiner, traduit par Jocelyne le Boulicaut

mercredi 10 avril 2019, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Bernard-Henri Lévy et les droits des femmes et des mis en examen

Le 18 mars 2019, Par Isaac Chotiner,

Isaac Chotiner est rédacteur au New Yorker, où il est le principal contributeur à Q. & A., une série d’entretiens pertinents avec des personnalités publiques marquantes de la politique, des médias, des s livres, des affaires, de la technologie, etc. Pour en lire plus [lien dans le texte en anglais NdT]

"C’est un devoir, un devoir moral, de défendre fermement l’idée selon laquelle il n’existe pas de peuple, pas d’ethnie, qui interdirait la démocratie", dit l’intellectuel français le plus célèbre du monde. Photographie : Joel Saget / AFP / Getty

"L’histoire de France, miracle permanent, a le singulier privilège de passionner les peuples de la terre au point qu’ils participent tous aux querelles françaises", a écrit l’écrivain français André Maurois.

Avec Bernard-Henri Lévy, on a souvent l’impression que l’intellectuel français le plus célèbre du monde participe aux querelles des autres. Né en Algérie, dans une famille juive, B.H.L. (comme on l’appelle) s’est fait un nom au début des années 70, en tant que journaliste au Pakistan oriental, alors que celui-ci luttait pour devenir le Bangladesh.

Quelques années plus tard, il fait partie d’un groupe de jeunes écrivains français, les Nouveaux Philosophes, qui rompent définitivement avec le marxisme et l’influence de Sartre. Au cours des dernières décennies, il a beaucoup écrit dans le domaine de la philosophie, l’histoire et le journalisme sur des sujets allant de la guerre en Bosnie à la mort de Daniel Pearl, s’exprimant sur la nécessité d’une position ferme contre le fondamentalisme islamique.

A la différence de certains de ses prédécesseurs, il a aussi témoigné d’un amour passionné pour les États-Unis. Sur le modèle de Tocqueville il a publié une série d’essais pour The Atlantic ( ce qui est devenu "American Vertigo"), il parle fièrement de son "anti-anti-américanisme", et a exhorté les États-Unis à exercer leur pouvoir, exprimant son soutien à l’action militaire en Libye. (Il a joué un rôle important pour convaincre le gouvernement français d’aider à renverser Mouammar Kadhafi.) Son dernier livre s’intitule "L’Empire et les cinq rois : L’Abdication de l’Amérique et le destin du Monde ", qui explique en quoi un " retrait " américain de la scène mondiale serait susceptible d’avoir des effets catastrophiques, avec d’autres pays moins démocratiques venant combler le vide.

Lévy a suscité la controverse pour un certain nombre de ses prises de position, dont son plaidoyer en faveur de l’interdiction de la burqa en France, son " amour inconditionnel " pour Israël,mais aussi sa critique des procès pour viol à l’encontre du réalisateur Roman Polanski, qui a plaidé coupable de viol aggravé sur mineure, en 1978 et s’est sauvé en France pour éviter l’incarcération, ainsi que sa position concernant Dominique Strauss-Kahn, ancien directeur du Fonds Monétaire International. Strauss-Kahn, un ami de Lévy, a été accusé à plusieurs reprises de comportements sexuels inappropriés. En 2011, les procureurs de New York l’accusent d’agression sexuelle sur une femme de ménage dans un hôtel de Manhattan ; les charges ont été abandonnées, mais pas avant que Lévy n’ait publié un article défendant Strauss-Kahn et dans lequel il se demande pourquoi une femme de chambre serait allée seule dans sa chambre et prétend que son ami a été "jeté en pâture aux loups".

Récemment, je me suis entretenu par deux fois au téléphone avec Lévy. Au cours de nos conversations, dont la longueur et la clarté ont été retravaillées, nous avons discuté de ses sentiments concernant la guerre en Libye, les droits des femmes dans les sociétés musulmanes et son soutien à Polanski et Strauss-Kahn.

La montée en puissance de Donald Trump vous a-t-elle fait revoir vos positions au sujet de l’Amérique ?

Non, parce que je suis un admirateur de la démocratie en Amérique, des institutions en Amérique, du credo de l’ Amérique. Mais j’ai toujours su qu’il y avait une partie de ce pays qui n’était pas fidèle et était même méfiante à l’égard de ce credo, de ces institutions et de ces valeurs. Quand j’ai écrit "American Vertigo", je savais que cette Amérique existait, cette Amérique populiste, parfois même semi-fasciste, cette Amérique qui tourne le dos à sa propre identité magnifique. Je l’ai toujours su. Ce n’est pas une surprise. La surprise, c’est que, premièrement à cause de la grande vague populiste mondiale, et deuxièmement à cause du collège électoral, cette Amérique là est arrivée à la Maison-Blanche. Et cela fait une grande différence, bien sûr, mais je suis sûr aussi que cela ne change en rien mon admiration pour l’Amérique.

Et selon vous, si l’Amérique en arrivé à élire des gens comme Donald Trump, ne devrions-nous pas penser différemment quant à la façon dont l’Amérique doit être active dans le monde ?

Non. Je pense simplement que l’Amérique contrevient actuellement à ses valeurs et ses propres intérêts. C’est un comportement perdant-perdant, perdant sur tous les terrains, perdant sur les principes, perdant sur ses intérêts. Je ne crois pas à l’idée d’une Amérique qui passerait des accords et tout ça. Je pense que lorsque l’Amérique, l’Amérique contemporaine, tourne le dos à sa vocation, à son idéalisme, à ses croyances, et tout ce qui s’en suit, c’est mauvais pour le reste de l’Amérique. Ce ne conduit pas à la prospérité, c’est le contraire. J’espère et je crois donc que le moment viendra, probablement plus tôt que ne le pensent les Américains, où le pays sera à nouveau à la hauteur de ses convictions et de ses propres intérêts.

Votre rôle a été déterminant dans l’action visant à renverser Kadhafi. Comment qualifieriez-vous cela huit ans après ?

C’était la bonne décision à prendre. J’ai joué un rôle déterminant en France, mais pas seulement. Hillary Clinton en a d’ailleurs aussi parlé dans ses mémoires. Elle mentionne ma visite chez elle, ma pression avec les révolutionnaires libyens. Je pense vraiment que c’était la chose à faire pour vous et pour nous mais aussi pour les Libyens. À mon avis, si nous ne l’avions pas fait, nous aurions aujourd’hui non pas une, mais deux Syrie. Et la Syrie, c’est bien autre chose que le problème auquel la Libye est confrontée. En Libye, on a du désordre, on a une guerre civile de moindre ampleur et on a quelques poches de djihadisme, mais les poches de djihadisme ont été démantelées et détruites par les Libyens eux-mêmes, que ce soit à Derna, à Syrte ou à Misrata. La guerre civile c’est pas bien, c’est évident, mais elle est de faible intensité. En Syrie, c’est le contraire. C’est une guerre terrible contre les civils. Comme vous le savez, des millions de réfugiés. Absolument sans aucune comparaison possible. En d’autres termes, lorsque vous [faites le calcul], le résultat de la non-implication et de l’implication, la première est bien pire, le bilan de la non-implication est sans aucun conteste mille pour cent plus lourd.

A l’époque, vous avez écrit, "Ce qui est en train de mourir : un ancien concept de souveraineté dans lequel tous les crimes sont permis tant qu’ils se produisent à l’intérieur des frontières du pays. Ce qui est né : l’idée de l’universalité des droits qui n’est plus un vœu pieux mais une obligation impérieuse pour tous ceux qui croient vraiment dans les principes de l’humanité et dans la vertu du droit d’intervention, qui en est le corollaire". La Libye a-t-elle au moins changé votre point de vue sur la trop grande confiance des Occidentaux quant aux résultats durables à attendre d’un changement de régime ?

Non. Il y a deux choses différentes. Sur le plan des principes, nous devons tenir bon. C’est un devoir, un devoir moral, de défendre fermement l’idée qu’il n’y a pas de peuple, pas d’ethnie, qui interdisent la démocratie. La démocratie est une valeur universelle et elle peut être adoptée dans n’importe quelle situation, et c’est un point de vue résolument raciste que de dire que telle ou telle partie du monde est incapable de construire une démocratie. Secundo, construire une démocratie, ça ne se fait pas du jour au lendemain - à une exception près, et c’est celle d’Israël, une démocratie qui est née du jour au lendemain en 1948. Ce cas mis à part, la démocratie cela prend du temps.

Dans votre livre vous écrivez, : "Pendant la guerre en Libye, puis pendant le blocus, les convulsions et la confusion qui en ont suivi, quand l’idée même d’une révolution démocratique arabe semblait perdue, j’ai continué à rester disponible — pour une tentative de médiation à Paris, pour un sommet à Tunis" et cetera. Êtes-vous toujours disponible pour jouer ce rôle ?

Bien sûr. Jusqu’à la dernière minute de ma vie. Je suis disponible pour deux choses. En premier lieu, pour écrire des livres - quand je m’isole, que je me bouche les oreilles et que je plonge dans les profondeurs de mes mots - mais oui, je suis disponible pour ce que vous avez dit, pour ce que j’ai dit dans cette partie du livre. Si demain je reçois un appel d’un ami en Libye ou en Syrie, si je peux aider, bien sûr, je le ferai.

De peur que les gens ne pensent que vous aimez l’Amérique sans réserves - et j’ai peut-être donné cette impression - il est absolument clair que vous avez critiqué l’Amérique. Une chose que vous avez critiquée, c’est notre système de justice pénale, en particulier dans les affaires concernant Roman Polanski et Dominique Strauss-Kahn. Pourquoi pensez-vous que l’Amérique a persécuté ces hommes ?

A cause de la folie, à cause du politiquement correct qui est devenu fou. C’est un renversement de la justice de classe. Les anciens marxistes parlaient de justice de classe, ce qui signifie qu’il y a une impunité pour les puissants, les célèbres, les riches et une justice sévère pour les sans-pouvoir, les pauvres et les démunis. Aujourd’hui, en Amérique, vous avez cette énorme vague de politiquement correct, et ça, c’était plutôt bien au départ, mais comme souvent, elle a produit des effets déments, et ça c’en est un. Vous avez un renversement de la justice de classe. Il était clair dans le cas de Strauss-Kahn que le fait qu’il était riche, blanc et puissant l’a fait être traité d’une manière particulièrement sévère, avec le menottage du criminel et tout le reste, avec ce grand spectacle de justice. C’est bien la preuve.

Vous avez déclaré que Roman Polanski avait "peut-être commis une erreur de jeunesse" et écrit, en 2010, "Le "rapport sexuel illégal" dont Roman Polanski a reconnu être coupable il y a 32 ans n’est pas, pour autant, le crime mortel, voire le crime contre l’humanité, que les vengeurs qui sont sur son dos dénoncent depuis 10 jours". Oui, c’est un crime. Mais il y a des degrés dans l’échelle des crimes. Et c’est une insulte au bon sens, une atteinte à la raison, une porte ouverte à toutes sortes de confusions, que de tout embrouiller, pour essayer de faire croire à tout le monde qu’un viol est un crime de la même nature que, par exemple, celui dont a été victime sa femme Sharon Tate. Vous dites : "Peut-être a-t-il commis une erreur de jeunesse." Il avait, je crois, treize ans à l’époque. Oh non, non, non, sa victime avait treize ans à l’époque. Il avait quarante-trois ans.

Ce que je voulais vous dire, c’est qu’il y a quelques années, j’ai fait une petite enquête, et j’ai découvert que l’année où il a commis ce crime, dans le même comté de Californie, il a probablement été l’homme le plus sévèrement puni parmi les coupables d’un tel crime. Parce qu’il était célèbre et riche etc, il n’a pas été ménagé par la justice, ça a été exactement l’inverse.

Pour avoir violé une fille de treize ans, c’est bien de ça qu’on parle ?

Oui, violer. Quatorze, quinze, treize, peu importe. C’est un crime, de toute façon. Il a subi la peine la plus sévère. Il est allé en prison et plus encore. Ce que je veux dire, c’est que nous vivons à une époque où la justice de classe est parfois renversée. Je me souviens avoir fait, pour le New York Times, une interview avec Bill Keller [ l’ancien rédacteur en chef du Times ]. Il m’a dit que vous, Bernard-Henri Lévy, défendez généralement les minorités, les minorités ethniques, les pauvres et les démunis. Comment pouvez-vous défendre un homme blanc riche et puissant ? Et je lui ai dit, désolé, mais la justice n’a rien à voir avec le fait d’être blanc ou pas blanc, puissant ou pas. La justice est la justice. La loi est la loi. La peine doit être adaptée à la culpabilité. La culpabilité doit d’abord être minutieusement établie.

Pensez-vous que nous sommes dans ce politiquement correct, que vous avez trouvé utile au début, quand maintenant les gens sont terrifiés à l’idée de violer des filles de treize ans ?

Violer une jeune fille de treize ans est un crime capital, qui mérite une peine exemplaire, qui mérite la prison et ainsi de suite. Mais, lorsque la peine a été purgée, le système de justice dit que vous avez payé votre dette — c’est ce qu’on vous dit. Le viol, en général, est un crime, et un des bons côtés du mouvement #MeToo est d’avoir imposé à tout homme en Amérique et dans le monde occidental l’idée que le viol est un crime capital contre l’essence de l’humanité pour une femme, ou pour un homme quand un homme est violé. Non, non, non, non, je n’ai pas dit ça. Mais Roman Polanski a payé sa dette et est allé en prison.

Polanski a quitté le pays.

Il a quitté le pays après avoir purgé sa peine. Il est d’abord allé en prison.

C’était toujours un fugitif, juste pour être clair. Et pour en arriver à Dominique Strauss-Kahn, quand une autre femme l’accuse de tentative de viol, vous écrivez : "J’en veux à tous ceux qui acceptent avec complaisance le récit de cette autre jeune femme, celle-ci française, qui prétend avoir été victime du même genre de tentative de viol, qui se tait depuis huit ans mais qui, pressentant une opportunité en or, sort son vieux dossier et vient le brandir à la télévision". (Après que Strauss-Kahn a été accusé de viol, en 2011, une journaliste française a déclaré qu’il avait tenté de la violer plusieurs années auparavant.) Comment savez-vous qu’elle jouait la comédie ?

Où est-ce que j’ai dit ça ?

Vous avez écrit un article dans lequel vous dites " qui prétend avoir été victime du même genre de tentative de viol".

Quel est le nom de cette fille et où ai-je publié cet article ?

La femme était Tristane Banon.

O.K. O.K. Et alors ? Ce que je pense, c’est que ce sont des crimes, ces actes sont des crimes terribles . Et on n’a pas le droit —

C’est dans Le Daily Beast que vous avez écrit ça.

Il faut donc prendre cela très au sérieux et prendre très au sérieux un crime présumé, c’est aller devant la justice, c’est examiner minutieusement, c’est échanger des arguments et des témoins, mot pour mot. Jusqu’au moment où ce crime est prouvé, il est allégué ou présumé.

J’ai posé la question parce que vous avez dit " faire comme si " et vous ne faites pas mention du fait que beaucoup de femmes ne se présentent pas au départ parce que l’ expérience a été traumatisante ou parce qu’elles ne sont pas crues ou, vous savez, les gens vont dire qu’elles font semblant.

Non, non, non, non. Je ne dis pas ... Je dis que "prétendu" est un mot clair en droit, dans l’état de droit. Jusqu’à ce qu’un crime soit prouvé, il est allégué. Lorsqu’il est prouvé, il est commis et il doit être puni, quel que soit le crime, selon l’échelle des sanctions prévues par la loi.

( Levy a précisé plus tard qu’il voulait dire "faire comme si" au sens du français "prétendre" [en français dans le texte NdT] ou " porter plainte". L’article avait été traduit du français, et "simuler" figurait dans l’original).

Alors quand vous avez dit qu’elle "s’est tu pendant huit ans mais, sentant l’occasion en or, elle sort son vieux dossier et vient le brandir à la télévision..."

D’accord. C’est une citation de moi. Et alors ?

Je veux comprendre ce que vous vouliez dire par là.

Je veux dire exactement ce que j’ai dit.

Alors "sentir l’opportunité en or", c’est ce que vous vouliez dire ?

Je ne me souviens pas de ce texte, monsieur. Si c’est dans le Daily Beast, c’est mon texte, sans aucun doute.

Vous avez beaucoup écrit sur les problèmes de l’Islam. Vous avez récemment tweeté, " Jour du Hijab à Sc Po (Sciences Po). Alors, à quand un jour de la charia ? Ou un jour de la lapidation ? Ou un jour de l’esclavage ?" Vous avez aussi comparé un foulard à une invitation au viol.

Non, non, non, non. Je n’ai jamais dit ça. C’est une fausse citation et ça n’en finit plus. Je n’ai jamais dit cette phrase de voile et de viol. Jamais jamais.

Donc c’est une fausse citation ?

Je n’ai jamais dit ça.

"Donc, quand les musulmans disent que le voile protège les femmes, c’est le contraire. Le voile est une invitation au viol."

Non, non. Je n’ai jamais dit ça. Ce que je dis, c’est que le voile pour les femmes est un signe de soumission, un signe de pouvoir des hommes sur les femmes, un signe d’infériorité des femmes, et ce que je dis, c’est que je ne vois pas pourquoi on devrait interdire à une femme de montrer son visage ou ses cheveux, et je trouve absolument répugnante l’idée que nous les hommes aurions une sorte de pureté et que les cheveux des femmes (sont un signe de) d’impureté. Je n’ai jamais dit cette phrase.

La citation est parue en octobre 2006 dans un article du Jewish Chronicle, un journal Londonien. Voyez-vous la page dont je parle ?

Oui, je vois et j’ai dit à plusieurs reprises que je n’avais jamais dit ça.

Alors ils l’ont inventé ?

Ce n’est pas une citation de mes propos.

Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire qu’il est honteux que des hommes disent aux femmes ce qu’elles pourraient ou ne pourraient pas porter. Je me demandais quelle était votre position au sujet de la politique de la France consistant à imposer des restrictions sur ce que les femmes peuvent porter, en ce qui concerne l’interdiction de la burqa, et si vous pensez que cette politique a été une réussite.

Je suis en faveur de l’interdiction de la burqa parce que je pense que la burqa est une prison - une prison de tissu, mais toujours une prison. C’est un signe d’esclavage. Même lorsqu’une femme dit qu’elle accepte ou souhaite être esclave, je ne pense pas qu’une société démocratique devrait encenser l’esclavage, même quand la femme y consent, même quand elle l’accepte.Une société démocratique ne peut louer l’esclavage.

Donc vous pensez que toutes les femmes qui portent le voile sont fondamentalement asservies ?

Toutes les femmes qui portent la burqa sont réduites à l’état d’esclavage, et toutes les femmes qui portent le voile acceptent l’idée ou sont forcées d’accepter l’idée qu’elles ne sont pas les égales des hommes, qu’il y a quelque chose d’impur dans leurs cheveux, dans leur liberté, dans la grâce de leurs mouvements, une idée qui n’est réservée qu’aux femmes et pas aux hommes.

Avez-vous parlé à des femmes qui se couvrent et qui pensent différemment, et que vous disent-elles ?

Bien sûr, j’ai parlé à ce genre de femme. Parfois, elles y sont obligées par la loi de la micro-société ou de la grande société ou sont contraintes de le faire, et si elles ne le font pas, elles se mettent à part de la société. Parfois, elles l’acceptent vraiment. Ce que je vois, ce que j’entends, quand je leur parle, c’est qu’elles partagent une vision du monde qui est construite par les hommes et qui crée pour elles un statut d’infériorité. Elles intériorisent cette doctrine, cette théorie.

Pensez-vous que l’interdiction a été utile pour la France ?

Je pense que oui, parce que c’était sain pour l’immense majorité des musulmans de France qui sont laïcs, qui sont démocrates. Ils se sont trouvés aidés, encouragés, dans leur comportement. Si nous avions accepté le voile, ce serait comme si nous, la République Française, les avions ramenés à leur destinée. L’interdiction du voile était une main tendue à cette partie de la société musulmane qui veut embrasser les valeurs laïques.

Je pense qu’il est important que les différentes communautés et confessions religieuses adoptent des façons laïques et féministes, dans une société où, lorsque les femmes se mettent en avant pour parler de choses comme des agressions sexuelles, de façon générale, on les croit. Toutes ces choses sont très importantes.

Oui. Je suis désolé. Quelle était la question ?

J’étais d’accord pour dire que nous avons besoin de laïcité et d’une société où les femmes sont respectées —

Je crois vraiment que tous les comportements, toutes les valeurs ne se valent pas, et je crois que le respect des femmes est mieux que le non-respect des femmes. Je crois vraiment que la laïcité vaut mieux que le sectarisme. Si je crois cela, ce n’est pas parce que ce sont des valeurs occidentales, mais parce que ce sont des valeurs qui protègent et sauvent le corps des gens.

Oui, si vous êtes une femme en Libye ou en Iran, une femme qui travaille dans un hôtel à New York, peu importe.

(Longue pause) Ouais. (Longue pause)

Monsieur, vous m’entendez ?

Je suis là. Je suis là.

Je viens de dire qu’elles méritent d’être respectées et entendues.

Ouais, ouais, ouais. J’ai bien compris. J’ai bien compris. Je vous ai entendu. J’ai entendu.

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