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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2023-053

Quelles sont les guerres qui mettront fin à la guerre ? 1ère partie

Par Karen J. Greenberg, traduction par Jocelyne Le Boulicaut

jeudi 11 mai 2023, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Quelles sont les guerres qui mettront fin à la guerre ? 1ère partie

Le 11 avril 2023 par Karen J. Greenberg

George Bush prononce un discours télévisé à l’occasion du cinquième anniversaire des attentats du 11 septembre (Photo : Roger L. Wollenberg/EPA)

En 2002, TomDispatch a été lancé sous la forme d’une liste de diffusion anonyme pour une seule et unique raison : la décision déconcertante du président George W. Bush de répondre aux attaques terroristes désastreuses contre le World Trade Center et le Pentagone en envahissant l’Afghanistan alors qu’il n’y avait aucun afghan parmi les 19 pirates de l’air de ce jour-là .

Même à l’époque, cela m’a semblé être un acte tout à fait insensé, en effet Al-Qaïda était manifestement un groupe de taille modeste dont les membres étaient éparpillés dans plusieurs pays. Pourtant, comme le président et ses hauts fonctionnaires l’ont rapidement baptisé, la « Guerre Mondiale contre la Terreur » (qui allait bientôt devenir simplement « guerre contre la terreur » sans majuscule) a commencé. Et combien cette guerre allait s’avérer être mondiale, dans le pire sens que l’on puisse imaginer.

Comme nous le savons maintenant, et même depuis les décombres du Pentagone en ce jour terrible, le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld pensait déjà à s’en prendre - oui - à Saddam Hussein, le dirigeant de l’Irak, qui n’avait strictement rien à voir avec Oussama ben Laden ou Al-Qaïda.

Un collaborateur qui prenait des notes a griffonné les commentaires de Rumsfeld à l’époque comme suit : « Meilleures informations rapidement. Juger si c’est suffisant [pour] frapper SH [Saddam Hussein] en même temps - pas seulement UBL [abréviation du Pentagone pour Oussama/Osama ben Laden] ».

Ces notes, prises cinq heures seulement après les attentats du 11 septembre, ne sont que trop inquiétantes, de plus on y lisait : « Allez-y massivement. Balayez tout. Tout ce qui est en relation et tout ce qui ne l’est pas »

Ce « qui ne l’est pas » était tout ce qu’il était nécessaire de savoir, à l’époque comme aujourd’hui. Plus de 20 ans plus tard, si Oussama ben Laden était encore en vie, il serait sans aucun doute ravi de ce que ses horribles attentats ont entraîné pour notre pays.

Il serait également très satisfait qu’en août 2021, après 20 ans de guerre et d’occupation en Afghanistan, les États-Unis se soient finalement retirés de manière qu’on ne peut qualifier que d’extrêmement chaotique, laissant... oui ( !)... les talibans contrôler le pays. (Malheureusement, ça ne fait pas rire les Afghans et ils n’applaudissent pas non plus, leur pays est maintenant un terrible foutoir).

Quelques jours seulement après le 11 septembre, Rumsfeld parlait déjà de lancer « un vaste dispositif multicéphale qui englobe probablement 60 pays » . Plus inquiétant encore, en mars 2003, les États-Unis ont effectivement envahi l’Irak, tout en continuant à faire le lien entre Saddam Hussein et Al-Qaïda. .

Le 20e anniversaire de ce désastre a été « célébré » il y a quelques semaines et il est bon de le rappeler, comme le fait Karen Greenberg, habituée de TomDispatch et autrice de « Subtle Tools : The Dismantling of American Democracy from the War on Terror to Donald Trump ».

Outils subtils...par Karen J. Greenberg

Elle nous rappelle une chose aujourd’hui : alors que le Congrès continue de déverser des fonds à destination du Pentagone et refuse d’abroger l’autorisation de recours à la force militaire qu’il a votée peu après le 11 septembre (transférant au président son propre pouvoir constitutionnel de déclencher une guerre), la Guerre Mondiale contre le Terrorisme s’est transformée en rien de moins qu’un mode de vie.

Et quelle réussite ! Si on ne prend qu’un seul pays, le Niger, comme l’a récemment souligné Nick Turse , le terrorisme a augmenté de plus de 30000% (oui, vous avez bien lu !) depuis que les États-Unis ont engagé leurs opérations de combat contre le terrorisme dans ce pays.

En fin de compte, nous sommes toujours en train de vivre l’un des grands moments de la Mission (non) accomplie de l’histoire . Merci beaucoup, Oussama ben Laden ! Tom

Cela ne s’arrêtera-t-il donc jamais ?

De la guerre interminable jusqu’à la guerre éternelle

« Il est temps », a annoncé le président Biden en avril 2021, « de mettre fin à la guerre interminable » qui a commencé avec l’invasion de l’Afghanistan peu après les tragiques attentats terroristes perpétrés contre ce pays le 11 septembre 2001. Et en effet, dès le mois d’août, dans le chaos et de façon désastreuse, le président a finalement évacué les dernières forces américaines de ce pays.

Illustration Michelle Urra pour The Intercept

Un an et demi plus tard, il convient de réfléchir à la position des États-Unis quand on parle d’une part de cette guerre sans fin contre le terrorisme mais aussi concernant la guerre en général.

Il se trouve que la guerre contre le terrorisme est loin d’être terminée, même si elle a été éclipsée par la guerre en Ukraine et les conflits qui couvent dans le monde entier et qui impliquent trop souvent les États-Unis.

En fait, il semble que ce pays soit actuellement en train de très rapidement laisser derrière lui l’état de guerre sans fin pour entrer dans ce que l’on pourrait appeler l’ère de la guerre éternelle.

Evidemment il difficile de faire le compte ne serait-ce que des poudrières potentielles qui semblent prêtes à exploser partout dans le monde et qui sont susceptibles d’impliquer l’armée américaine d’une manière ou d’une autre. Néanmoins, en ce moment, il serait peut-être utile de passer en revue les régions les plus susceptibles de connaître des conflits dans le futur.

Russie et Chine

En Ukraine, à chaque semaine qui passe, il semble bien que les États-Unis ne fassent finalement qu’amplifier leur implication dans la guerre avec la Russie, déplaçant toujours plus la mince ligne qui sépare une guerre par procuration d’une confrontation directe entre les deux grandes puissances militaires de la planète.

Bien que la stratégie visant à éviter cette dernière reste clairement en vigueur, les formes de soutien à l’Ukraine, autrefois taboues, sont devenues plus acceptables au fil du temps.

Depuis que la Russie a envahi l’Ukraine le 24 février 2022, les États-Unis ont envoyé pour plus de 30 milliards de dollars de matériel à l’Ukraine. C’est la 33 ème fois que l’administration Biden invoque l’autorité de retrait pour l’Ukraine (Source Département de la Défense)

Depuis le début du mois de mars, les États-Unis, l’un des plus de 50 pays offrant une forme de soutien à l’Ukraine, ont, à 33 reprises , alloué une aide à ce pays, pour un montant total de plus de 113 milliards de dollars sous forme d’aide humanitaire, militaire et financière.

Dans le même temps, l’administration Biden a accepté de fournir des armes de plus en plus létales, notamment des véhicules de combat Bradley, des batteries de missiles Patriot et des chars Abrams, tandis que la pression pour obtenir des armes encore plus puissantes, telles que des systèmes de missiles tactiques de l’armée (ATACM) et des F-16, ne fait que s’accentuer. Comme le souligne un récent rapport du Council on Foreign Relations, l’aide de Washington à l’Ukraine « dépasse de loin » celle de tout autre pays.

Au cours de ces dernières semaines, le théâtre des tensions avec la Russie s’est étendu au-delà de l’Ukraine, notamment dans l’Arctique, où certains experts voient un potentiel de conflit direct entre la Russie et les États-Unis, qualifiant cette région de « futur point chaud ».

Par ailleurs, le président russe Vladimir Poutine a récemment évoqué la possibilité de stocker des armes nucléaires tactiques dans le pays voisin, le Belarus, ce qui relève peut-être plus de la provocation que d’un geste significatif, mais qui n’en constitue pas moins un autre point de tension entre les deux pays.

Si l’on fait abstraction de l’Ukraine, la Chine pèse de tout son poids lorsqu’il s’agit de prédire une éventuelle guerre avec Washington. À plusieurs reprises, Joe Biden a déclaré publiquement que les États-Unis interviendraient si la Chine déclenchait une invasion de l’île de Taïwan.

Il est intéressant de noter que les initiatives visant à renforcer la présence militaire américaine dans la région Asie-Pacifique se sont intensifiés au cours des derniers mois. En février dernier, par exemple, Washington a dévoilé ses plans visant à renforcer sa présence militaire aux Philippines en occupant des bases dans la partie de ce pays la plus proche de Taïwan.

De manière tout à fait inquiétante, Mike Minihan, général quatre étoiles de l’armée de l’air, est allé jusqu’à laisser entendre que ce pays pourrait bientôt être en guerre avec la Chine.

Des militaires biélorusses ont participé à des exercices militaires conjoints entre la Russie et la Biélorussie l’année dernière. La Biélorussie a servi de base de départ pour l’invasion de l’Ukraine (Crédit...Emile Ducke pour le New York Times)

« J’espère me tromper. Mais mon instinct me [nous] dit que nous serons en guerre en 2025 », a-t-il écrit dans un mémo adressé aux officiers servant sous ses ordres, anticipant ainsi une éventuelle offensive de la Chine à l’encontre de Taïwan.

Il a également exposé une gamme de tactiques agressives et de manœuvres d’entraînement au maniement des armes en vue d’un tel jour. Les Marines ont équipé trois régiments en vue d’une éventuelle campagne insulaire dans le Pacifique, tout en simulant des batailles dans le sud de la Californie.

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A suivre : Quelles sont les guerres qui mettront fin à la guerre ? 2ème partie