AID Association Initiatives Dionysiennes

Ouv zot zié !

Accueil > Politique > La Grève généralisée seule arme contre le capitalisme brutal 2ème (...)

Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2023-050

La Grève généralisée seule arme contre le capitalisme brutal 2ème partie

Par Chris Hedges, traduction par Jocelyne Le Boulicaut

mardi 2 mai 2023, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

La Grève généralisée : seule arme contre le capitalisme brutal 2ème partie

Le 5 avril 2023 par Chris Hedges / Exclusivité ScheerPost

Voici un discours délivré par Chris Hedges le 4 avril dernier à la Convention nationale indépendante à Austin, au Texas. Chris Hedges est journaliste. Lauréat du prix Pulitzer, il a été correspondant à l’étranger pendant 15 ans pour le New York Times, où il a occupé les postes de chef du bureau du Moyen-Orient et du bureau des Balkans. Il a auparavant travaillé à l’étranger pour le Dallas Morning News, le Christian Science Monitor et National Public Radio. Il est l’hôte de l’émission The Chris Hedges report.

*********************************************************************************
La grève est la seule arme dont disposent les travailleurs pour tenir le pouvoir en échec. Les tiers partis peuvent présenter des candidats pour défier le double monopole, mais ce sont des accessoires inutiles s’ils ne sont pas soutenus par le pouvoir des travailleurs syndiqués. Comme l’histoire l’a prouvé à maintes reprises, le syndicalisme structuré, allié à un parti politique qui défend ses intérêts, est le seul moyen de nous protéger des oligarques.

Dans un article paru dans Jacobin, Nick French s’appuie sur les travaux du sociologue Walter Korpi, qui a analysé la montée de l’État-providence suédois dans son livre « The Democratic Class Struggle » ( La lutte démocratique des classes ).

Rassemblement lors d’une grève sauvage des mineurs suédois en 1970. (Photographie de reportage / Arbetarrörelsens arkiv och bibliotek de Folket i Bild / Kulturfronts arkiv)

Korpi a expliqué comment les travailleurs suédois « ont construit un mouvement syndical fort et bien organisé, structuré selon des secteurs industriels et regroupé dans une fédération syndicale centrale... qui a travaillé en étroite collaboration avec le Parti social-démocrate des travailleurs de Suède (SAP) ».

La bataille pour la construction de l’État-providence a nécessité une organisation - 76% des travailleurs étaient syndiqués -, des vagues de grèves, une activité militante et une pression politique de la part du SAP.

La lutte démocratique des classes

« Mesuré en termes de nombre de jours de travail par travailleur, écrit Korpi, du début du siècle jusqu’au début des années 1930, la Suède a connu le plus grand nombre de grèves et de blocages au sein des nations occidentales ».

De 1900 à 1913, « pour 1000 travailleurs, il y a eu 1 286 jours d’inactivité dus aux grèves et aux blocages ».

De 1919 à 1938, il y en a eu 1 448. À titre de comparaison, aux États-Unis, l’année dernière, selon les données du National Bureau of Economic Research, il y a eu moins de 3,7 jours d’inactivité pour mille travailleurs en raison d’arrêts de travail .

À quel moment une population aux abois, vivant presque ou en dessous du seuil de pauvreté, se soulève-t-elle pour manifester ? À quel moment va-t-elle se lancer dans une résistance civile continue pour briser l’emprise de l’élite au pouvoir ? À quel moment les gens seront-ils prêts à accepter le risque d’être arrêtés, emprisonnés ou pire encore ?

Si l’on se fie à l’histoire, c’est là quelque chose qu’on ignore. Mais il est désormais indéniable que la mèche d’amadou est allumée, même la classe dirigeante le sait. Comme l’a prévenu le philosophe américain Richard Rorty, si nous laissons ces divisions s’étendre, nous courons le risque de permettre aux fascistes chrétiens d’étouffer ce qui reste de notre république anémique.

Mais si nous nous organisons pour défendre des intérêts communs, notamment l’arrêt de mort infligé à des milliards de personnes dans le monde par l’industrie des combustibles fossiles, nous pouvons déplacer notre attention sur le véritable ennemi - nos maîtres industriels - plutôt que sur l’Autre qui serait diabolisé.

La France nous donne une excellente leçon sur la manière d’opposer le pouvoir populaire à une élite dirigeante. La tentative du président français Emmanuel Macron de relever unilatéralement l’âge de la retraite a déclenché des grèves et des manifestations massivespartout en France, notamment à Paris, Lyon, Marseille et Bordeaux.

Quelque 3,5 millions de travailleurs ont débrayé en France la semaine dernière, à l’occasion de leur neuvième grève reconductible.

Des manifestants mettent le feu dans les rues de Nantes pour marquer leur désaccord avec les changements apportés au système de retraite français (Ruptly TV)

La tentative du Premier ministre Benjamin Netanyahu d’affaiblir le contrôle judiciaire a été suspendue lorsquela plus grande centrale syndicale du pays a organisé des grèves qui ont entraîné l’arrêt des transports, des universités, des restaurants et des commerces de détail.

Notre propre histoire de militantisme syndical, en particulier dans les années 1930, a débouché sur une série de mesures qui ont protégé les travailleurs et les travailleuses partout aux États-Unis, notamment la sécurité sociale, la journée de travail de huit heures et la fin du travail des enfants.

Manifestation à Tel-Aviv, le 26 mars 2023, contre la réforme de la justice en Israël (Capture d’écran AP)

Les États-Unis ont connu les luttes ouvrières les plus sanglantes de tous les pays industrialisés, elles n’ont été égalées que par l’éradication des syndicats par les régimes fascistes en Europe. Des centaines de travailleurs américains ont été tués. Des milliers ont été blessés. Des dizaines de milliers ont été mis à l’index.

Des syndicalistes radicaux comme Joe Hill ont été exécutés sur la base d’accusations de meurtre forgées de toutes pièces, emprisonnés comme Eugene V. Debs ou contraints à l’exil comme "Big Bill" Haywood.

Les syndicats militants ont été interdits. Lors des raids Palmer menés à l’occasion du deuxième anniversaire de la révolution russe, le 17 novembre 1919, plus de 10 000 communistes, socialistes et anarchistes présumés ont été arrêtés. Nombre d’entre eux ont été détenus pendant de longues périodes sans procès.

Des milliers d’émigrés nés à l’étranger comme Emma Goldman, Alexander Berkman et Mollie Steimer, ont été arrêtés . Des publications socialistes, telles que Appeal to Reason et The Masses, ont été interdites.

Lors de la grande grève des chemins de fer de 1922, des hommes armés de la compagnie ont ouvert le feu, tuant des grévistes. Le président des chemins de fer de Pennsylvanie, Samuel Rea, a engagé à lui seul plus de 16 000 hommes armés pour briser la grève de près de 20000 employés dans les ateliers de la compagnie à Altoona, en Pennsylvanie, la plus importante au monde.

Les chemins de fer ont organisé une vaste campagne de presse pour diaboliser les grévistes. Ils ont embauché des milliers de briseurs de grève, dont beaucoup étaient des travailleurs afro-américains empêchés par la direction du syndicat d’adhérer à ce dernier.

La Cour suprême a confirmé les contrats "yellow dog" qui interdisaient aux travailleurs de se syndiquer. La presse de l’establishment, ainsi que le parti démocrate, ont pleinement participé à la diabolisation et au dénigrement du monde du travail. La même année, des grèves sans précédent ont eu lieu dans les chemins de fer en Allemagne et en Inde.

Pour empêcher les grèves des chemins de fer, qui avaient perturbé le commerce national en 1877, 1894 et 1922, le gouvernement fédéral a adopté en 1926 la loi sur le travail dans les chemins de fer (The Railway Labor Act) - que les syndicalistes appellent « la loi anti-ouvrière des chemins de fer » - qui fixe de nombreuses exigences, notamment la nomination d’un comité présidentiel d’urgence avant qu’une grève ne puisse être déclenchée.

Cinq mille citoyens insultés

Biden a mis en place un comité présidentiel d’urgence en juillet de l’année dernière. Un mois plus tard, les travailleurs du fret ferroviaire ont été contraints d’accepter un contrat qui excluait tout congé de maladie rémunéré.

Parade syndicale à Seattle le 10 Juin 1910 (Source University of Washington)

Nos oligarques sont tout aussi pervers et pingres que ceux du passé. Ils se battront avec tout ce qui est à leur disposition pour écraser les aspirations des travailleurs et la demande de réformes démocratiques. Ce ne sera pas une bataille éclair ou aisée.

Mais si nous nous concentrons sur l’oppresseur, au lieu de diaboliser ceux qui sont tout aussi opprimés, si nous faisons le dur travail de construire des mouvements de masse pour tenir les puissants en échec, si nous acceptons que la désobéissance civile a un coût, y compris la prison, si nous sommes prêts à utiliser l’arme la plus puissante que nous ayons - la grève - nous pouvons reconquérir notre pays.

Chris Hedges

Version imprimable :