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D’après Alternatives Economiques du 14 Février 2023

La semaine des 4 jours revient au goût du jour

Par Bruno BOURGEON

mercredi 19 avril 2023, par JMT

La semaine des 4 jours revient au goût du jour

4 ou 5 jours de travail par semaine ?

La semaine des 4 jeudis ? Non, des 4 jours. 4 jours ouvrés, 3 jours non travaillés. Encore marginale dans les entreprises françaises, la semaine de quatre jours fait de plus en plus d’émules. Surprise : si elle est bien mise en œuvre, elle peut être aussi bénéfique aux entreprises qu’aux salariés.« Je suis convaincu que c’est l’avenir du travail », prédit Laurent de la Clergerie, président fondateur de l’enseigne de produits high tech LDLC quand il dresse le bilan de ses deux années d’expérience de la semaine de quatre jours.

« L’idée m’est venue en 2019, en apprenant que Microsoft Japon avait gagné 40% de productivité en testant la semaine de quatre jours. J’ai fait un rapide calcul : il me semblait risqué d’augmenter la durée quotidienne de travail. Il fallait donc passer à 32 heures par semaine, ce qui représentait une augmentation de 9% de la masse salariale. Dans notre activité de distribution, j’ai pensé que les gains de productivité seraient limités (de l’ordre de 5%) et qu’il nous faudrait recruter. Ce qui représenterait un surcoût de l’ordre de 1 million d’euros, soit 10% de notre résultat annuel. Cela valait le coup d’être tenté ».

Grosse erreur de calcul : en réalité, l’enseigne a connu une croissance de 36% en deux ans à effectifs constants (1000 salariés) et sans baisse de salaires. Le secret ? « D’abord la confiance, estime Laurent de la Clergerie. Nous avons laissé les équipes s’organiser et recruter si elles estimaient en avoir besoin ». Mais aussi, et surtout, le bien-être : « Avoir un troisième jour de repos par semaine, c’est un vrai changement de vie. Cela permet de faire tout ce que l’on n’a pas le temps de faire habituellement. Donc de profiter pleinement de son week-end ».

Sur 4 jours, la charge de travail des salariés a forcément augmenté : « Mais leur esprit n’est plus pollué par le rendez-vous chez le pédiatre ou le lave-linge en panne. Aujourd’hui, le vrai problème du travail, c’est le stress et l’hyperconnexion. Face à ce risque, il ne faut pas raisonner en mathématicien : les salariés travaillent davantage qu’avant, mais sont plus détendus ».

La preuve : en deux ans, les taux d’AT-MP (accidents du travail, maladies professionnelles) et d’absentéisme ont été divisés par deux. Quant au turn-over, il est passé de 11% en 2019 – un niveau déjà bas pour une enseigne de distribution – à 2% en 2022.

Les 250 salariés du groupe Mutuelles du soleil sont, eux aussi, passés à la semaine de quatre jours le 1er janvier dernier, sur la base de 32 heures par semaine pour les commerciaux (sans télétravail) et 35 heures pour les administratifs (en télétravail à 50%). Dans les bureaux, le personnel est ainsi passé de 37 heures par semaine sur cinq jours avec dix jours de RTT à 35 heures par semaine sur quatre jours sans RTT, ce qui représente une légère réduction du temps de travail, de l’ordre de 2%.

« La semaine de quatre jours permet de rétablir une forme d’équité entre les emplois télétravaillables et ceux qui ne le sont pas », commente Lydie Recorbet, chargée de mission engagement social et sociétal à l’Orse (Observatoire de la RSE). « Notamment dans l’hôtellerie, la restauration ou l’industrie : des activités qui ont de vrais problèmes d’attractivité liés aux contraintes horaires. Etrangement, les expérimentations se font plutôt dans les emplois de bureau : l’assurance et le conseil, notamment ».

Et à dose homéopathique : KPMG France propose la semaine de quatre jours (à 80% du temps de travail payé à 100%) aux nouveaux parents pour une durée de six mois. Un autre cabinet de conseil, Accenture, permet, dans le cadre de l’accord sur la mise en place de la flexibilité dans l’organisation de la semaine de travail de mars 2022, de travailler quatre jours… mais sur la base de 39 heures par semaine, avec une charge de travail inchangée. Cela représente trois journées de 10 heures et une de 9 heures.

La CFDT, tout comme la CFTC et CFE-CGC, a ratifié cet accord, mais en formulant ses réserves en marge du texte : Jérôme Chemin, délégué syndical CFDT, insiste sur le fait que cet accord a été signé pour une durée de trois ans, avec une commission de suivi : « Sans cela, nous ne l’aurions pas ratifié ». Avant sa mise en œuvre, la semaine de quatre jours a été testée auprès de 351 personnes : la moitié seulement l’a réellement expérimentée. Apparemment, « ils sont plus sensibles au télétravail sur cinq jours qu’à la semaine de quatre jours », observe Jérôme Chemin.

Sans réduction du temps de travail, « les journées auraient été trop longues », confirme Claude Leblois, directeur général de Mutuelles du soleil. La semaine de 4 jours à charge horaire inchangée est pourtant l’option choisie par les acteurs publics tentés par l’expérience : la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), l’Urssaf de Picardie, la mairie d’Ecully (Rhône), etc.

Constatant que de nombreux agents étaient passés aux 4/5 pour avoir une journée disponible, le maire d’Ecully (18000 habitants) envisage aujourd’hui de leur proposer deux options : 35 heures sur quatre jours et demi ou 36 heures sur quatre jours. La formule laisse Lydie Recorbet sceptique : « Nous avons observé la façon dont la semaine de quatre jours a été mise en œuvre au Royaume-Uni, en Belgique, en Islande ou en Nouvelle-Zélande. Résultat, cela ne fonctionne qu’avec une réflexion préalable sur la durée et la charge de travail ».

A défaut, la semaine de 4 jours n’est qu’un argument marketing pour entreprises en quête d’attractivité. Mais ils s’intéressent aussi à la façon dont cette flexibilité est mise en œuvre. « Tout comme le télétravail, la semaine de quatre jours requiert une nouvelle forme de management », poursuit Claude Calmon. Il ne s’agit plus d’encadrer des collaborateurs mais de faire vivre et animer des collectifs de travail, « de faire du community management », résume Lydie Recorbet.

La semaine de quatre jours requiert également une nouvelle organisation des espaces de travail : « Avec le télétravail, leur fréquentation est en chute libre le mercredi et le vendredi », relate Latifa Hakkou, présidente de l’association professionnelle Idet (Inspirer et développer les environnements de travail).

« La semaine de quatre jours pourrait créer des pics de fréquentation que nous devrons intégrer dans nos calculs de flux, alors que les bureaux en flex office sont aménagés sur la base d’un ratio de 0,7 à 0,8 poste de travail par personne ». Elle peut aussi permettre de rationaliser leur utilisation. Le groupe pharmaceutique Ipsen a décidé de fermer ses sites administratifs le vendredi, afin de réduire ses consommations énergétiques.

A contrario, la PME industrielle Yprema a profité de la semaine de 4 jours pour mieux utiliser son outil de production. Il y a déjà 25 ans que cette entreprise de recyclage de matériaux de construction a adopté cette organisation : pour assurer la continuité de l’activité, les salariés ont été formés avec une double compétence leur permettant de travailler en binômes.

Les machines peuvent ainsi tourner 44 heures par semaine au lieu de 39 heures. « La semaine de quatre jours nous a permis de gagner un mois de production par an », commente Claude Prigent, le président de cette PME de 81 salariés. « Les machines travaillent plus et les hommes travaillent moins », ajoute Bonaventure Ntangu Luseko, chef de centre, qui pour rien au monde ne reviendrait en arrière.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

D’après Alternatives Economiques du 14 Février 2023

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