AID Association Initiatives Dionysiennes

Ouv zot zié !

Accueil > Politique > Lueurs d’espoir sur le front climatique

Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2023-037

Lueurs d’espoir sur le front climatique

Par C.J. Polychroniou, traduction par Jocelyne Le Boulicaut

lundi 27 mars 2023, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Lueurs d’espoir sur le front climatique

Le 26 février 2023 par C.J. Polychroniou, TRUTHOUT

C.J. Polychroniou est économiste politique/scientifique, auteur et journaliste. Il a enseigné et travaillé dans de nombreuses universités et centres de recherche en Europe et aux États-Unis. Actuellement, ses principaux intérêts de recherche portent sur l’intégration économique européenne, la mondialisation, le changement climatique, l’économie politique ainsi que la politique des États-Unis et la déconstruction du projet politico-économique du néolibéralisme. Il contribue régulièrement à Truthout et est membre du Public Intellectual Project de Truthout. Il a publié de nombreux livres et plus de 1000 articles qui sont parus dans nombre de revues, de magazines, de journaux et de sites d’information populaires. Plusieurs de ses publications ont été traduites en plusieurs langues étrangères, notamment en arabe, chinois, croate, espagnol, français, grec, italien, néerlandais, portugais, russe et turc. Ses derniers livres sont Optimism Over Despair : Noam Chomsky On Capitalism, Empire, and Social Change (2017) ; Climate Crisis and the Global Green New Deal : The Political Economy of Saving the Planet (avec Noam Chomsky et Robert Pollin comme principaux auteurs) ; The Precipice : Neoliberalism, the Pandemic, and the Urgent Need for Radical Change, une anthologie d’entretiens avec Chomsky publiée à l’origine sur Truthout et rassemblée par Haymarket Books ( 2021) ; et Economics and the Left : Interviews with Progressive Economist (2021).

Portrait illustré de l’économiste Robert Pollin, le visage placé devant un globe tourbillonnant bleu et vert (AYO WALKER / TRUTHOUT)

Nous faisons face à véritable abîme climatique, mais il y a des lueurs d’espoir, explique Robert Pollin. Nous devons nous saisir des évolutions positives afin de pouvoir en tirer parti efficacement, affirme l’économiste progressiste.

La transition énergétique qui consiste à passer des systèmes de production et de consommation d’énergie d’origine fossile à des sources d’énergie renouvelables se fait lentement, et les nombreuses conférences mondiales sur le changement climatique organisées au cours des dernières décennies n’ont pas donné les résultats escomptés.

Au vu de la situation, les combustibles fossiles sont encore là pour longtemps, alors même qu’il existe des preuves irréfutables montrant que l’humanité se dirige, comme le dit l’économiste Robert Pollin, « implacablement vers un abîme climatique ».

Mais en dépit de tout cela, le nouveau Pacte vert (Green New Deal) et le combat pour un futur plus durable sont loin d’être enterrés, défend Pollin, l’un des leaders mondiaux parmi les économistes progressistes.

Dans l’interview exclusive pour Truthout ci-dessous, Pollin affirme qu’il y a eu beaucoup d’avancées positives ici aux Etats-Unis, mais aussi en Europe et dans le reste du monde, qui montrent que le combat contre le changement climatique n’est pas encore perdu.

Pollin est un éminent professeur d’économie et co-directeur de l’Institut de recherche politique et économique (IRPE) à l’Université Amherst du Massachusetts. Il est l’auteur ou le co-auteur d’un grand nombre de livres et d’articles académiques, incluant Crise climatique et le nouveau Pacte vert mondial (avec Noam Chomsky et C.J. Polychroniou, 2020) mais aussi de grands projets de transition vers une économie verte destinés à plusieurs états américains (dont la Californie, le Maine, New-York, l’Ohio, la Pennsylvanie, le Colorado, Washington et la Virginie occidentale) et à différents États, dont les États-Unis, l’Inde, la Corée du Sud, l’Espagne, le Brésil, l’Afrique du Sud et l’Indonésie.

Un mineur de charbon couvert de poussière portant avec un grand marteau perforateur sur son épaule regardant au loin, portant un casque en aluminium avec une lumière LED (GETTY)

C. J. Polychroniou : Bob, il semble que nous soyons en train de perdre le combat contre le réchauffement climatique. L’année 2022 a été décrite comme « l’année où la transition énergétique a déraillé » alors qu’on s’attend à ce que les émissions carbone dues aux carburants fossiles atteignent des niveaux records et que le Service Copernicus pour le changement climatique affirme que l’été 2022 a été le plus chaud jamais enregistré en Europe, entraînant plus de 20 000 décès excédentaires. Dans le même temps, un nouveau sommet sur le climat (la COP 27) s’est conclu sans enregistrer le moindre progrès concernant les énergies fossiles. Pourquoi les carburants fossiles restent-ils aussi essentiels dans l’économie mondiale, et pourquoi la transition énergétique semble-t-elle avancer à pas de tortue ?

Robert Pollin : Pour commencer, je ne pense pas qu’à l’heure actuelle le bilan de la lutte contre le réchauffement climatique mondial soit aussi sombre que le titre de Forbes magazine que vous citez le laisse entendre. Bien sûr, il y a de nombreuses preuves qui montrent que nous continuons de nous diriger inexorablement vers un abysse climatique. Pourtant, des mouvements inverses importants et très encourageants se sont également fait jour au cours de l’année écoulée. Ces contre-tendances ne sont pas encore suffisantes pour nous mettre sur la voie d’une stabilisation stable du climat. Mais nous devons néanmoins nous réjouir de ces évolutions pour pouvoir en tirer parti au mieux.

De l’eau pour les fidèles qui rompent le jeûne pendant le Ramadan à New Delhi (Photographe : Anindito Mukherjee/Bloomberg)

Mais commençons par reconnaître quelques dures réalités. Voici quelques indicateurs du rapport 2022 de l’Organisation météorologique mondiale, Etat provisoire du climat mondial :

* La concentration des trois principaux gaz à effets de serre – le dioxyde de carbone, le méthane et l’oxyde d’azote – ont atteint des records en 2021, et les premières données pour 2022 montrent que cette tendance à l’augmentation va se poursuivre.

* Les températures mondiales moyennes pour la période 2015-2022 semblent bien correspondre aux huit années les plus chaudes jamais enregistrées.

* La température au Royaume-Uni a atteint 40.5°Celsius pour la première fois de son histoire, alors que trois Lands en Allemagne ont connu l’été le plus sec jamais enregistré.

* Les températures moyennes en journée se sont maintenues au dessus de 43.3° C pendant la vague de chaleur en Inde en mai dernier, alors qu’au Pakistan, les inondations de la mousson de juillet et août ont inondé près de 9% de la superficie totale du pays.

Un article du Washington Post de juillet 2022 qui titrait « La vague de chaleur mortelle en Inde va bientôt devenir une réalité mondiale » rapportait que :

* A mesure que le réchauffement climatique s’accentue, les conditions qu’on ne rencontrait autrefois que dans les saunas ou encore au plus profond des mines sont rapidement en train de devenir une réalité à ciel ouvert pour des centaines de millions de gens qui ne peuvent s’en échapper grâce à la climatisation ou un voyage vers des climats plus frais.

* Après seulement quelques heures sous une chaleur humide dépassant les 40°C - une mesure connue sous le nom de température de thermomètre mouillé - même les personnes en bonne santé disposant d’ombre et d’eau en quantité illimitée sont susceptibles de mourir, victimes d’un coup de chaleur. Pour ceux qui effectuent un travail physique, le seuil sera même plus proche de 38°C, voire moins.

Convoi de charbon en 2022

La combustion de combustibles fossiles - pétrole, charbon et gaz naturel - qui sert pour produire de l’énergie est de loin le principal facteur de l’augmentation des températures mondiales.

Par conséquent, la première et la plus importante des missions pour lutter contre le réchauffement climatique doit être, tout simplement, d’arrêter de brûler du pétrole, du charbon et du gaz naturel pour produire de l’énergie.

Forbes a raison de dire que 2022 a apporté une série de revers dévastateurs sur ce front. Tout d’abord, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a entraîné des pénuries d’approvisionnement en pétrole et en gaz, en particulier en Europe, qui est fortement dépendante des approvisionnements russes. Ces pénuries ont permis aux géants du pétrole d’augmenter les prix et d’engranger des bénéfices sans précédent.

En fait, comme cela a été largement rapporté, les six plus grandes compagnies pétrolières occidentales - ExxonMobil, Chevron, Shell, BP, Equinor et Total - ont réalisé 200 milliards de dollars de bénéfices en 2022, soit plus que n’importe quelle année auparavant dans l’histoire de la filière.

En d’autres termes, les compagnies pétrolières se goinfrent pendant que le monde brûle. Faut-il s’étonner que Wall Street ait manifesté sa vive approbation ? Ainsi, le Financial Times a rapporté que « le géant américain ExxonMobil, qui plus que toute autre acteur du secteur de l’énergie a résisté aux pressions en faveur de la décarbonation, a intensifié sa production en 2022 et a vu ses actions grimper de plus de 50 % au cours de l’année, ce qui lui a permis d’engranger un bénéfice record de 55,7 milliards de dollars ».

Il y a ensuite le cas de BP, la major pétrolière qui était jusqu’alors la plus engagée sur la voie de la décarbonation. Mais ses engagements ont fait long feu face à l’explosion des possibilités de profit. Le Financial Times note que cette décision « a suscité la colère des écologistes... mais a été approuvée par le marché financier. Les actions de BP ont augmenté de plus de 10 % au cours des 48 heures qui ont suivi, atteignant leur plus haut niveau depuis 3 ans et demi ».

En 2022, la filière charbon a également été relancée. Cela s’explique en partie par les pénuries de gaz naturel provoquées en Europe par la guerre en Ukraine. Toutefois, les plus fortes augmentations de consommation de charbon ne sont pas dues à la guerre, mais plutôt à l’augmentation continue de la consommation en Inde et surtout en Chine.

Cette dernière absorbe aujourd’hui environ 50% de la consommation mondialede charbon. Ces évolutions ont conduit le directeur général de Chevron, Mike Wirth, à déclarer triomphalement : « La réalité, c’est que [les combustibles fossiles] font tourner le monde aujourd’hui. C’est ce qui fera tourner le monde demain, dans cinq ans, dans dix ans et dans vingt ans ».

Et si Wirth avait raison ? Dans ce cas, nous nous rapprochons certainement de l’abîme climatique, exactement au même rythme que celui auquel se livrent les Mike Wirth du monde entier en s’empiffrant de profits tirés des combustibles fossiles.

Mark Raddish, dont le grand-père était mineur de charbon syndiqué, a pris un emploi l’année dernière chez Sparkz, une start-up californienne spécialisée dans les véhicules électriques qui en train de s’implanter dans les zones rurales de la Virginie-Occidentale (Andrew Spear pour le New York Times)

Dans ce contexte, quels sont les domaines dans lesquels nous pourrions observer des évolutions positives significatives ? Commençons par les États-Unis, avec la promulgation de la loi sur la réduction de l’inflation (IRA) en août dernier. De façon délibérée, cette loi porte bien mal son nom.

Il s’agit essentiellement d’une mesure visant à canaliser des financements à grande échelle vers des investissements dans les énergies propres. Mais l’administration Biden ne pouvait pas l’annoncer ouvertement sans perdre le soutien de Joe Manchin, sénateur de Virginie-Occidentale.

Icebergs dans la mer de Bellingshausen en Antarctique (OMM/Gonzalo Bertolotto)

Quoi qu’il en soit, suite à l’adoption de l’IRA, les investissements dans les énergies propres ont immédiatement augmenté au cours des trois derniers mois de 2022 pour atteindre 40 milliards de dollars, soit le niveau total de ces investissements pour l’ensemble de l’année 2021.

En outre, la plupart de ces nouveaux investissements ont été réalisés dans des États à majorité républicaine, alors que, comme l’a souligné le Wall Street Journal, aucun membre républicain du Congrès n’a voté en faveur de cette loi.

Qui plus est, un pourcentage important des nouveaux emplois créés par ces investissements, y compris dans les États gouvernés par les Républicains, est réservé aux membres des syndicats .

Les pays européens ont accéléré le développement des énergies renouvelables depuis que l’invasion de l’Ukraine par la Russie a déclenché une crise énergétique (Image : Unsplash / karsten_wuerth)

En bref, une nouvelle réalité essentielle pourrait bien découler de l’IRA : à savoir que les travailleurs commenceront à voir comment la transition vers l’énergie verte peut être un moteur majeur pour la création d’emplois syndiqués de qualité, dans les États rouges (républicains) comme dans les États bleus (démocrates).

Il s’agit là d’une idée maîtresse qui sous-tend le Green New Deal, tel qu’il est défendu aux États-Unis depuis plus d’une décennie par d’excellents groupes tels que Labor Network for Sustainability, BlueGreen Alliance et Reimagine Appalachia.

Si ce point était largement reconnu, il pourrait entraîner une adhésion sans précédent à un Green New Deal mondial. Par exemple, cela signifierait que, contrairement au mouvement des Gilets jaunes qui a émergé en France en 2018 et qui exigeait que la justice sociale soit prioritaire par rapport à la justice climatique, le Green New Deal mondial pourrait être perçu comme la voie permettant de fédérer les mouvements en faveur de la justice économique et ceux en faveur de la justice climatique.

Au cours de l’année qui vient de s’écouler, l’Europe a également connu des avancées positives majeures. Elle a réagi à l’effondrement des approvisionnements en pétrole et en gaz en provenance de la Russie par un renforcement drastique des mesures en faveur des économies d’énergie et en accélérant le déploiement des énergies solaire, éolienne et autres sources de renouvelables.

Ainsi, en 2022, pour la première fois, les énergies solaire et éolienne combinées ont produit plus d’électricité en Europe que le charbon ou le gaz.

Pour aller plus loin, la Commission européenne a mis en place son programme REPowerEU après l’invasion russe. Son objectif est « une augmentation massive des énergies renouvelables, une plus forte électrification ainsi qu’un remplacement plus rapide des combustibles et de la chaleur d’origine fossile dans l’industrie, les bâtiments et le secteur des transports ».

Emissions de carbone et pollution (Unsplash)

L’objectif étant que les énergies renouvelables fournissent 45% de l’ensemble de l’énergie en Europe d’ici à 2030. Cela signifierait que la part des énergies renouvelables dans l’approvisionnement énergétique global, qui est actuellement de 22 %, aurait plus que doublé en seulement 6 ans et demi.

Il n’est pas certain que ces objectifs puissent être réellement atteints. À ce jour, le niveau de financement de l’UE pour REPowerEU n’est pas à la hauteur des promesses, puisqu’il ne représente qu’environ 0,2 % du PIB de l’UE par an jusqu’en 2027.

Mais là encore, il devrait devenir de plus en plus évident partout en Europe que la transition vers une énergie verte sera un vecteur d’expansion pour le marché de l’emploi et l’augmentation du niveau de vie de la classe ouvrière - en d’autres termes, une alternative manifeste aux économies austéritaires qui prédominent en Europe aujourd’hui. Au fur et à mesure que cette évidence s’imposera, le soutien politique en faveur du financement de REPowerEU atteindra des niveaux beaucoup plus élevés, ce qui pourrait se traduire par une hausse correspondante des financements.

L’élection de Luiz Inácio Lula da Silva en octobre, qui l’a vu être reconduit à la présidence du Brésil, a incontestablement constitué un troisième développement positif majeur au cours de l’année écoulée. Le prédécesseur de Lula, Jair Bolsonaro, était déterminé à raser la forêt amazonienne pour faire place à l’agriculture industrielle et à l’exploitation minière.

Outre le fait qu’elle brûle des combustibles fossiles pour se procurer de l’énergie, la déforestation est la principale cause du changement climatique. Lula s’est engagé à mettre fin à celle-ci et à protéger l’Amazonie. Mais il est également vrai que les engagements de Lula concernant cette question vont se heurter à des obstacles, pour la simple raison que la destruction de la forêt tropicale peut générer d’importants profits.

La victoire électorale de Lula doit maintenant être confortée par une forte augmentation du soutien financier en faveur de la protection des forêts au Brésil et ailleurs et, plus généralement, des projets du Green New Deal dans les pays du Sud.

Jusqu’à présent, cela n’a pas été le cas, malgré les promesses faites par les pays riches lors du dernier sommet sur le climat qui s’est tenu en novembre en Égypte . En bref, la victoire de Lula, ainsi que l’augmentation rapide des investissements et des emplois dans le domaine des énergies propres aux États-Unis et en Europe, doivent être considérées comme des évolutions positives majeures.

Mais il nous reste encore beaucoup à faire pour mettre en échec la stratégie des entreprises qui consiste à détruire la planète au nom du profit. On insiste de plus en plus sur la nécessité d’adopter des stratégies d’adaptation pour réduire les effets négatifs du réchauffement climatique. Ne devrait-on pas se soucier de faire passer la politique climatique du stade de l’atténuation à celui de l’adaptation ?

Bleu clair = pétrole ; Bleu foncé = gaz naturel ; vert clair = électricité ; vert foncé = charbon
Subventions mondiales aux énergies fossiles

Les investissements à grande échelle dans l’adaptation au climat sont un impératif absolu. Revenons à la vague de chaleur sévère qui a frappé l’Inde au printemps dernier. La climatisation est un des moyens évidents de protéger les gens pendant les vagues de chaleur. Et pourtant, seuls 8% des ménages indiens sont aujourd’hui équipés de climatiseurs.

La situation dans la majeure partie du reste du monde n’est guère différente de celle de l’Inde. La crise climatique a fait de l’accès à la climatisation - ainsi que de l’électricité bon marché produite par des sources d’énergie renouvelables pour alimenter les unités - une nécessité.

Plus généralement, le Green New Deal mondial doit intégrer une série de protections solides contre les effets du changement climatique. Il s’agit notamment d’étendre considérablement les installations de stockage disponibles pour les denrées alimentaires, les semences et l’eau douce, et de veiller à ce que ces structures soient elles-mêmes fortement protégées contre les événements climatiques.

Il faut également intégrer des infrastructures de gestion de la demande en eau, y compris - là où elles peuvent être introduites sans endommager les écosystèmes locaux - des digues, des barrages, des capacités de pompage, des chaussées perméables et une végétation abondante qui sert de zone tampon pour l’eau.

Les bâtiments existants situés dans des zones à risques devraient être modernisés pour intégrer des façades de protection et des toits végétalisés afin de gérer à la fois les eaux de pluie et la chaleur.

Les nouveaux bâtiments situés dans ces zone devraient être construits sur des fondations plus élevées ou sur pilotis. L’agriculture biologique présente également d’importants avantages en termes de lutte contre le changement climatique.

En effet, elle permet mieux que l’agriculture industrielle de retenir l’eau existante, utiliser cette eau de manière plus efficace et atténuer l’érosion des sols. Les rendements des cultures en sont également plus élevés en cas de sécheresse et des autres formes de stress.

En plus des profits records des grandes compagnies pétrolières en 2022, les subventions mondiales aux combustibles fossiles ont également doublé, passant d’environ 500 milliards de dollars à 1 000 milliards de dollars en 2022.

En plus de toutes ces formes de protection matérielles et autres, les individus et les communautés doivent avoir accès à une assurance financière effective et abordable contre les dommages causés par le changement climatique.

% de mammifères perdant la moitié de leur habitat en fonction de l’augmentation de température moyenne

Plus généralement, la protection des populations contre les pires effets de celui-ci coûtera de l’argent. Mais cela ne signifie pas que le financement de l’adaptation doive être considéré comme un concurrent du financement de l’atténuation. Les deux sont absolument nécessaires. Ce n’est pas non plus comme si les financements n’existaient pas.

En plus des bénéfices record réalisés par les grandes compagnies pétrolières en 2022, les subventions accordées aux combustibles fossiles ont également doublé, passant d’environ 500 milliards de dollars à 1 000 milliards de dollars en 2022. Ce pic des subventions aux combustibles fossiles est survenu après les engagements pris dans le cadre du pacte de Glasgow sur le climat de 2021 en faveur de l’élimination progressive de celles-ci.

Les investissements en matière d’atténuation et d’adaptation seront plus que rentabilisés au fil du temps, en protégeant à la fois la main-d’œuvre, les infrastructures matérielles et l’approvisionnement en eau et en nourriture, tout en développant dans le même temps les possibilités d’emploi et en fournissant une énergie moins chère et plus fiable. Tout cela s’ajoute, bien sûr, au fait que ces mesures constituent la seule ligne de conduite qui soit digne des êtres humains face à la crise climatique.

Les défenseurs de l’environnement s’inquiètent de plus en plus du fait que la lutte contre le réchauffement climatique pour sauver la planète traite le changement climatique séparément de l’empreinte écologique au sens large. Par exemple, certains contestent le fait que le changement climatique ne soit pas considéré comme le principal moteur en matière de perte de biodiversité. Le réchauffement climatique et la biodiversité peuvent-ils être traités de concert ?

Le réchauffement climatique et la perte de biodiversité peuvent certainement être, dans une large mesure ; envisagés comme un tout, même si, tant les causes que les solutions ne se recoupent pas toutes systématiquement. Le principal facteur de perte de biodiversité est le changement d’affectation des sols.

Il s’agit notamment de la destruction des habitats des animaux par la déforestation et les empiètements anthropiques connexes, mais aussi de la déstabilisation des habitats restants par l’augmentation de la fréquence et de la gravité des vagues de chaleur, des sécheresses et des inondations.

Selon une étude réalisée en 2018 par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) , une hausse de deux degrés Celsius des températures risquerait d’entraîner « des déplacements d’espèces vers des latitudes de plus en plus hautes, des dommages aux écosystèmes (par exemple, les récifs coralliens, les mangroves, les herbiers marins et autres écosystèmes de zones humides), une perte de productivité des pêcheries (aux basses latitudes) et des modifications de la chimie des océans (par exemple, l’acidification [...] ainsi que des zones mortes) ».

La "triple menace" de l’Anthropocène - le changement climatique, la perte de biodiversité et l’insécurité alimentaire mondiale – se conjugue de manière à exacerber les défis climatiques, écologiques, socio-économiques et politiques auxquels sont confrontés depuis longtemps l’agriculture et les systèmes alimentaires. Le processus par lequel les systèmes socio-écologiques développent une capacité d’adaptation à ces menaces imminentes façonne les possibilités futures d’adaptation et de transformation (Image créée par Aidee Guzman)

L’écologiste Pamela McElwee ajoute que « si nous atteignons le seuil de 2°C, 18% des insectes, 16% des plantes et 8% des vertébrés devraient perdre plus de la moitié de leur aire de répartition géographique, et des extinctions localisées sont quasiment certaines ».

La solution est simple : ne pas permettre au réchauffement de la planète de franchir le seuil de 2°C ou, d’ailleurs, le seuil plus strict de 1,5°C, seuil que le GIEC juge désormais indispensable. Mais il est également vrai que, comme l’a souligné une étude du GIEC de 2021, « les mesures basées sur la technologie qui sont efficaces pour atténuer le changement climatique peuvent constituer de sérieuses menaces pour la biodiversité ».

Par exemple, cette étude du GIEC décrit comment la demande accrue de minéraux nécessaires à la fabrication d’éoliennes, de panneaux solaires, de moteurs et de batteries de voitures électriques peut avoir de graves répercussions sur les terres émergées et les océans, dans la mesure où l’exploitation minière des fonds marins devient une nouvelle source majeure d’approvisionnement en minerais.

Certaines solutions sont à la fois évidentes et difficiles à mettre en œuvre. Il s’agit notamment de renforcer considérablement la capacité de recyclage des minerais là où la demande augmente, de développer des technologies dans les secteurs de l’énergie renouvelable où les besoins en minerais sont moins importants, ainsi que d’insister sur des exigences strictes en matière de durabilité environnementale et sociale dans le cadre des opérations d’exploitation minière .

En d’autres termes, les défis liés à la mise en place d’un cadre unifié efficace pour lutter à la fois contre le changement climatique et la perte de biodiversité sont immenses. Mais nous n’avons tout simplement pas d’autre choix que de continuer à construire ce mouvement qui doit être capable de les relever.

Cet entretien a été légèrement remanié pour plus de clarté.

Copyright © Truthout. Ne peut être reproduit sans autorisation.

C.J. POLYCHRONIOU

Version imprimable :