AID Association Initiatives Dionysiennes

Ouv zot zié !

Accueil > Politique > L’horloge de la Fin du monde est réglée à 90 secondes avant minuit

Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2023-021

L’horloge de la Fin du monde est réglée à 90 secondes avant minuit

Par Gayle Spinazze, traduction par Jocelyne Le Boulicaut

vendredi 17 février 2023, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

L’horloge de la Fin du monde est réglée à 90 secondes avant minuit

Le 24 janvier 2023 par Gayle Spinazze

Membres du Conseil pour la science et la sécurité du Bulletin et les invités de marque Ban Ki-Moon et Mary Robinson lors de l’annonce de l’horloge de l’apocalypse 2020 (Jamie Christiani/Bulletin des scientifiques atomiques)

« Danger sans précédent » : La guerre entre la Russie et l’Ukraine rapproche les aiguilles de l’emblématique horloge de la Fin du monde de minuit, du jamais vu dans son histoire. Le Bulletin of the Atomic Scientists fait également référence aux bio-menaces, à la prolifération nucléaire, à la crise climatique, à la désinformation orchestrée par l’État et aux technologies disruptives.

WASHINGTON, D.C. - 24 janvier 2023 - L’horloge de la Fin du monde a été réglée à 90 secondes avant minuit, en raison principalement, mais pas exclusivement, de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et du risque accru d’escalade nucléaire.

La nouvelle heure de l’Horloge a également été affectée par les menaces persistantes liées à la crise climatique et l’effondrement des normes et institutions mondiales nécessaires pour atténuer les risques liés à l’avancée des technologies et aux menaces biologiques telles que la COVID-19.

Rachel Bronson, PhD, présidente et directrice générale du Bulletin of the Atomic Scientists, a déclaré : « Nous vivons à une époque de danger sans précédent, et l’heure de l’horloge de l’apocalypse reflète cette réalité. 90 secondes avant minuit, c’est là l’heure la plus proche de minuit que l’horloge ait jamais connue, et c’est une décision que nos experts ne prennent pas à la légère.

Le gouvernement américain, ses alliés de l’OTAN et l’Ukraine disposent d’une multitude de canaux de dialogue ; nous exhortons les dirigeants à les explorer tous au maximum de leurs capacités afin de faire reculer les aiguilles de l’Horloge ».

L’heure de l’horloge de la Fin du monde est fixée par le Conseil pour la science et la sécurité du Bulletin of the Atomic Scientists, avec le soutien du Conseil des sponsors du Bulletin, qui compte 10 lauréats du prix Nobel. Auparavant, l’horloge de l’apocalypse était restée fixée à 100 secondes avant minuit depuis 2020.

Selon, la déclaration des experts de l’horloge de la Fin du monde, « la guerre de la Russie contre l’Ukraine a soulevé des questions essentielles sur la façon dont les États interagissent, érodant les normes de politique internationale qui sous-tendent des réponses efficaces à toute une variété de risques mondiaux.

Et, pire que tout, les menaces à peine voilées de la Russie d’utiliser des armes nucléaires rappellent au monde que l’escalade du conflit – accidentellement, délibérément ou par erreur - est un risque terrible.

La possibilité que le conflit échappe à tout contrôle reste élevée.... La Russie a également déplacé sa guerre sur les sites des réacteurs nucléaires de Tchernobyl et de Zaporizhzhia, violant ainsi les protocoles internationaux et risquant de libérer massivement des matières radioactives. Les efforts déployés jusqu’à présent par l’Agence internationale de l’énergie atomique pour sécuriser ces centrales ont été vains ». Cette déclaration a été traduite en ukrainien et en russe.

Mary Robinson, présidente de l’ONG The Elders [Les Anciens ou Sages universels est une organisation non gouvernementale regroupant des personnalités publiques reconnues comme personnalité d’État, activiste politique pour la paix et avocats des droits de l’homme rassemblés par Nelson Mandela en 2007, NdT] et ancienne haut-commissaire des Nations unies aux droits humains, a déclaré : « L’horloge de la Fin du monde sonne une alarme qui doit être entendue par l’humanité tout entière. Nous sommes au bord d’un précipice. Mais nos dirigeants ne sont pas suffisamment réactifs pour garantir que la planète soit pacifique et vivable. Qu’il s’agisse de réduire les émissions de carbone, de renforcer les traités de contrôle des armements ou d’investir dans des mesures de protection face aux pandémies, nous savons ce qu’il faut faire. Les données scientifiques sont claires, mais la volonté politique fait défaut. En 2023 les choses doivent changer si nous voulons éviter une catastrophe. Nous sommes confrontés à des crises multiples et existentielles. Les dirigeants se doivent de faire preuve d’un état d’esprit qui soit à la hauteur d’une crise ».

Ban Ki-moon, vice-président des Sages universels et ancien secrétaire général des Nations unies, a déclaré : « Il y a trois ans, j’ai participé à la cérémonie de présentation de l’horloge de l’apocalypse lorsque ses aiguilles ont été bougées pour la dernière fois. Aujourd’hui, elles sont encore plus proches de minuit, montrant à quel point notre monde devient de plus en plus périlleux suite à la pandémie de COVID-19, aux événements climatiques extrêmes et à la monstrueuse guerre de la Russie contre l’Ukraine. Les dirigeants n’ont pas tenu compte des mises en garde de l’Horloge de la fin du monde en 2020. Nous continuons tous à en payer le prix. En 2023, il est vital pour notre bien à tous qu’ils agissent ».

Elbegdorj Tsakhia, ancien président de la Mongolie et membre des Sages universels, a ajouté : « En tant qu’ancien président d’un pays enclavé entre deux grandes puissances, je sais combien la diplomatie internationale est importante lorsqu’il s’agit de faire face à des menaces existentielles. Aujourd’hui, notre monde est confronté à de multiples crises. Elles ont toutes un point commun : l’échec du leadership. Nous avons besoin d’une réponse collective ancrée dans l’esprit et les valeurs de la Charte des Nations unies, qui puisse nous remettre sur la voie de la coexistence pacifique et du développement durable ».

Sivan Kartha, PhD, chercheur chevronné à l’Institut environnemental de Stockholm, auteur principal du sixième rapport d’évaluation du GIEC et membre du Science and Security Board (SASB) du Bulletin of the Atomic Scientists, a déclaré : « Pour faire face au changement climatique, il faut avoir foi dans les institutions et la coopération multilatérales. La faille géopolitique ouverte par l’invasion de l’Ukraine a fragilisé la confiance entre les pays et ébranlé leur volonté de coopération à l’échelle mondiale ».

Suzet McKinney, DrPH, présidente et directrice des sciences de la vie, Sterling Bay, et membre du Science and Security Board (SASB), Bulletin of the Atomic Scientists, a déclaré : « Des événements dévastateurs comme la pandémie de COVID-19 ne peuvent plus être considérés comme des événements rares, ne survenant qu’une fois par siècle. Cependant, les catastrophes provoquées par les maladies peuvent être évitées si les pays du monde entier coopèrent pour mettre en place des stratégies sanitaires mondiales .

Steve Fetter, docteur en philosophie, doyen de l’école supérieure et professeur de politique publique à l’université du Maryland, fellow de l’American Physical Society, membre du comité de l’Académie nationale des sciences sur la sécurité internationale et la maîtrise des armements, et membre du Science and Security Board (SASB) du Bulletin of the Atomic Scientists, a déclaré : « Même si l’utilisation du nucléaire est évitée en Ukraine, la guerre a remis en cause l’ordre nucléaire, le système d’accords et d’ententes qui se sont construits depuis six décennies pour limiter les dangers de l’armement nucléaire ».

La déclaration de l’Horloge de l’apocalypse de 2023 détaille d’autres menaces et multiplicateurs de menaces au-delà des risques les plus immédiats liés à la guerre Russie-Ukraine :

Armes nucléaires

Le dernier traité sur les armes nucléaires entre la Russie et les États-Unis, le New START, est en péril. À moins que les deux parties ne reprennent les négociations et ne trouvent une base pour de nouvelles réductions d’armes, le traité expirera en février 2026. Ce qui supprimerait les inspections réciproques, renforcerait la méfiance, encouragerait une course aux armements nucléaires et augmenterait l’éventualité d’une confrontation nucléaire.

Le considérable renforcement des capacités nucléaires de la Chine est particulièrement préoccupant, au vu de son refus systématique d’envisager des mesures destinées à améliorer à la fois transparence et prévisibilité.

Selon le ministère américain de la défense, Pékin pourrait multiplier son arsenal par cinq d’ici 2035 et rivaliser sous peu avec les capacités nucléaires des États-Unis et de la Russie, ce qui entraînerait des conséquences impossibles à prévoir en termes de stabilité.

Le Secrétaire général de l’ONU António Guterres prend la parole à New York le 1er août lors d’un sommet mondial sur l’armement nucléaire. (Angela Weiss/AFP/Getty Images)

La Corée du Nord a considérablement intensifié ses essais de missiles à portée intermédiaire et à plus longue portée. Fin mars, elle a lancé avec succès un missile balistique intercontinental pour la première fois depuis 2017. Au cours des mois suivants, elle a également lancé de nombreux autres missiles balistiques, la plupart de courte portée.

Et ce qui est sans doute le plus inquiétant, le 4 octobre, la Corée du Nord a lancé un missile balistique de portée intermédiaire au-dessus du Japon. Dans le même temps, les responsables américains soutiennent que la Corée du Nord se prépare à effectuer son septième essai d’arme nucléaire.

L’Iran continue d’accroître sa capacité d’enrichissement de l’uranium, bien que sous surveillance internationale, indépendamment des limites du plan d’action global conjoint qui le restreignait autrefois. Le pays se rapproche ainsi d’une capacité d’armement nucléaire, s’il décide de franchir ce seuil.

Le retour à l’accord nucléaire réduirait les risques et permettrait d’aller de l’avant, et les États-Unis, l’Europe et d’autres pays ont déployé des efforts considérables pour relancer l’accord. Mais l’instabilité en Iran et le soutien de Téhéran à la guerre de la Russie contre l’Ukraine compliqueront la réussite de négociations visant à empêcher l’Iran de se doter d’armes nucléaires.

L’Inde continue de moderniser son arsenal nucléaire de quelque 160 ogives, et de nouveaux systèmes de lancement sont en cours de développement pour compléter ou remplacer les avions déjà dotés d’une capacité nucléaire, les lanceurs terrestres et les systèmes maritimes existants. Le Pakistan dispose d’un arsenal de taille similaire et continue de développer ses ogives, ses systèmes de lancement et sa production de matières fissiles.

Les États-Unis, la Russie et la Chine poursuivent désormais de véritables programmes de modernisation de leur armement nucléaire, ce qui ouvre la voie à un très périlleux « troisième âge nucléaire » de la concurrence. Les préoccupations de longue date concernant la course aux armements en Asie du Sud et la course aux missiles en Asie du Nord-Est complètent un tableau sombre dont nous devons nous inquiéter.

Crise climatique

Les effets de la guerre entre la Russie et l’Ukraine ne se limitent pas à une augmentation du danger nucléaire ; on constate également que la guerre entrave les efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique.

Les pays qui dépendent du pétrole et du gaz russes ont cherché à diversifier leurs approvisionnements et leurs fournisseurs, ce qui a entraîné une augmentation des investissements dans le gaz naturel, alors même que ces investissements auraient dû diminuer.

Les émissions mondiales de dioxyde de carbone provenant des combustibles fossiles, après avoir rebondi suite au déclin économique due à la COVID pour atteindre un niveau record en 2021, ont continué à augmenter en 2022 et ont atteint un nouveau record. La baisse des émissions chinoises a été éclipsée par une hausse aux États-Unis, en Inde et ailleurs.

Non seulement les phénomènes météorologiques extrêmes ont continué à faire des ravages dans diverses régions du globe, mais en outre, la responsabilité du changement climatique est devenue plus évidente.

Les pays d’Afrique de l’Ouest ont connu des inondations parmi les plus meurtrières de leur histoire, en raison de précipitations dont la probabilité a été multipliée par 80 à cause du changement climatique.

L’été dernier, des températures extrêmes en Europe centrale, en Amérique du Nord, en Chine et dans d’autres régions de l’hémisphère nord ont entraîné des pénuries d’eau et une sécheresse des sols qui ont à leur tour conduit à de mauvaises récoltes, compromettant davantage la sécurité alimentaire à un moment où le conflit en Ukraine a déjà entraîné une hausse des prix des denrées alimentaires.

Le Pakistan a été confronté à des inondations majeures dues à une « mousson dopée aux stéroïdes » qui a inondé un tiers du pays, affectant directement 33 millions de personnes et déclenchant des effets en cascade, notamment une importante perte de récolte, une épidémie de maladies véhiculées par l’eau et la destruction d’infrastructures, de maisons, du cheptel et des moyens de subsistance.

Bio-menaces

Des événements dévastateurs comme la pandémie de COVID-19 ne peuvent plus être considérés comme des événements rares, qui ne surviendraient qu’une fois par siècle. Le nombre total et la diversité des épidémies de maladies infectieuses ont considérablement augmenté depuis 1980, plus de la moitié d’entre elles étant causées par des zoonoses (c’est-à-dire des maladies transmises aux humains depuis les animaux).

En tant que telles, les zoonoses exposent la population humaine à un risque important de pandémie. Les 26 familles de virus et les nombreux phylums de bactéries et autres microbes connus pour infecter l’homme présentent une immense diversité non encore répertoriée.

La communauté scientifique internationale est très mal outillée pour pouvoir prédire lesquels de ces virus et microbes sont les plus susceptibles de provoquer des maladies chez l’homme.

Les accidents de laboratoire continuent de se produire fréquemment. Les possibilités d’erreur humaine, la compréhension limitée des caractéristiques des nouvelles maladies, le manque de connaissances des autorités locales sur les types de recherches menées dans les laboratoires de leur juridiction et la confusion concernant les exigences de sécurité des laboratoires sont autant de facteurs qui remettent en question les programmes actuels de biosécurité et de sûreté biologique des laboratoires. Il est également plus facile que jamais d’obtenir et de modifier des agents pathogènes, ce qui augmente les risques de pandémies causées par des accidents de laboratoire.

Les événements récents - notamment l’invasion de l’Ukraine par la Russie et ses efforts continus dans la désinformation concernant les armes biologiques - ont modifié le paysage des menaces biologiques.

Le risque que la Russie s’engage dans une guerre biologique augmente à mesure que les conditions en Ukraine deviennent plus chaotiques, provoquant un affaiblissement des règles de la guerre. L’escalade de celle-ci en Ukraine fait peser sur l’humanité de nombreuses menaces potentiellement existentielles, dont l’une est biologique.

Désinformation et menaces technologiques

Sur le front de la désinformation, il y a eu quelques bonnes nouvelles : Pour l’essentiel, l’électorat américain a rejeté les négationnistes des élections de 2022, et en France, le président Emmanuel Macron a surmonté un défi historique lancé par la candidate d’extrême droite de son pays, Marine Le Pen. Pendant ce temps, l’administration Biden a poursuivi ses efforts pour accroître le rôle des scientifiques en matière de prise de décision dans les politiques publiques.

Par contre, la désinformation cybernétique se poursuit sans relâche. Aux États-Unis, l’opposition politique à un « Conseil de gouvernance en matière de désinformation » proposé par le ministère de la Sécurité intérieure reposait sur des déclarations délibérément faussées et sur une volonté de destruction personnelle.

En dépit du caractère inconsistant et trompeur de ses messages, l’opposition a réussi à amener le ministère à retirer sa proposition. Ces types d’attaques ne sont guère nouveaux, mais ils sont emblématiques de la corruption en ce qui concerne le domaine de l’information.

En Russie, parallèlement, le contrôle gouvernemental de la sphère de l’information a fait obstacle à une diffusion à grande échelle d’informations véridiques sur la guerre en Ukraine. L’utilisation par la Chine des technologies de surveillance s’est poursuivie à un rythme soutenu au Xinjiang.

Comme nous l’avons déclaré l’année dernière, l’utilisation extensive des technologies de surveillance a des implications inquiétantes en matière de droits humains et constitue une menace manifeste à l’encontre de la société civile.

Le président russe Vladimir Poutine a également transgressé les normes de comportement dans l’espace, menaçant publiquement d’utiliser une arme antisatellite contre le réseau américain Starlink, arguant qu’il ne s’agit pas seulement d’un système commercial, mais aussi d’un système militaire. L’Ukraine a utilisé Starlink dans le cadre de son conflit avec la Russie.

Le Bulletin of the Atomic Scientists a été fondé en 1945 par Albert Einstein, J. Robert Oppenheimer, Eugene Rabinowitch et des scientifiques de l’université de Chicago qui ont participé au développement des premières armes atomiques dans le cadre du projet Manhattan.

Les scientifiques ont estimé qu’ils « ne pouvaient pas rester indifférents quant aux conséquences de leur travaux » et ils se sont efforcés d’informer le public et les responsables politiques des menaces que l’homme fait peser sur l’existence humaine.

L’Horloge de la fin du monde a été créée en 1947 par le Bulletin of the Atomic Scientists pour montrer à quel point l’humanité est proche de l’autodestruction.

Conçue par le peintre Martyl Langsdorf, l’horloge est devenue un symbole international de la vulnérabilité du monde aux catastrophes dues aux armes nucléaires, au changement climatique et aux technologies disruptives.

====================================================================

Une période de danger sans précédent : il reste 90 secondes avant minuit.

2023 Déclaration de l’Horloge de la fin du monde
Science and Security Board Bulletin of the Atomic Scientists (en anglais)

Le 24 janvier 2023 par le rédacteur en chef, John Mecklin

Un militaire russe patrouille sur le territoire de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, le 1er mai 2022. La centrale nucléaire de Zaporizhzhia, située dans le sud-est de l’Ukraine, est la plus grande d’Europe et figure parmi les 10 plus grandes au monde. (Note de la rédaction : cette photo a été prise lors d’un voyage médiatique organisé par l’armée russe). Photo par Andrey Borodulin/AFP via Getty Images

Fondé en 1945 par Albert Einstein et des scientifiques de l’université de Chicago qui ont participé à la mise au point des premières armes atomiques dans le cadre du projet Manhattan, le Bulletin of the Atomic Scientists a créé l’horloge de l’apocalypse deux ans plus tard, en utilisant l’imagerie de l’apocalypse (minuit) et l’idiome contemporain de l’explosion nucléaire (compte à rebours vers zéro) pour illustrer les menaces qui pèsent sur l’humanité et la planète.

L’horloge de l’apocalypse est fixée chaque année par le Conseil pour la science et la sécurité du Bulletin, en consultation avec son comité de sponsoring, qui compte dix lauréats du prix Nobel. L’horloge est devenue un indicateur universellement reconnu de la vulnérabilité du monde à une catastrophe mondiale causée par des technologies d’origine humaine.

Cette année, le Science and Security Board du Bulletin of the Atomic Scientists avance les aiguilles de l’horloge de l’apocalypse, en grande partie (mais pas exclusivement) en raison des dangers croissants de la guerre en Ukraine. L’horloge se trouve maintenant à 90 secondes avant minuit - le moment le plus proche de la catastrophe mondiale qu’elle ait jamais connu.

La guerre en Ukraine pourrait entrer dans une deuxième année effroyable, les deux camps étant convaincus de pouvoir gagner. La souveraineté de l’Ukraine et les accords de sécurité européens au sens large qui ont largement perduré depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale sont en jeu.

En outre, la guerre de la Russie contre l’Ukraine a soulevé de graves questions sur la manière dont les États interagissent, érodant les normes de politique internationale qui sous-tendent des réponses efficaces à toute une variété de risques mondiaux.

Et pire encore, les menaces à peine voilées de la Russie d’avoir recours à des armes nucléaires rappellent au monde que l’escalade du conflit - accidentellement, délibérément ou par erreur - est un risque terrible. La possibilité que le conflit échappe à tout contrôle reste élevée.

Les récentes actions de la Russie contreviennent à des décennies d’engagements pris par Moscou. En 1994, la Russie s’est jointe aux États-Unis et au Royaume-Uni à Budapest, en Hongrie, pour déclarer solennellement qu’elle « respecterait l’indépendance et la souveraineté ainsi que les frontières existantes de l’Ukraine » et « s’abstiendrait de menacer ou d’utiliser la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de l’Ukraine... ».

Ces garanties ont été explicitement données à la condition que l’Ukraine renonce aux armes nucléaires sur son sol et signe le Traité de non-prolifération nucléaire, ce qu’elle a fait.

La Russie a également déplacé sa guerre sur les sites des réacteurs nucléaires de Tchernobyl et de Zaporizhzhia, violant ainsi les protocoles internationaux et risquant de libérer massivement des matières radioactives. Les efforts déployés jusqu’à présent par l’Agence internationale de l’énergie atomique pour sécuriser ces centrales sont restés vains.

Alors que la guerre de la Russie contre l’Ukraine se poursuit, le dernier traité existant concernant les armes nucléaires entre la Russie et les États-Unis, le New START, est en péril. À moins que les deux parties ne reprennent les négociations et ne trouvent une base pour de nouvelles réductions d’armes, le traité expirera en février 2026.

Ce qui supprimerait les inspections réciproques, renforcerait la méfiance, encouragerait une course aux armements nucléaires et augmenterait l’éventualité d’une confrontation nucléaire.

Comme le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, l’a signalé en août , le monde est entré dans « une période de danger nucléaire sans précédent depuis l’apogée de la guerre froide ».

Les effets de la guerre ne se limitent pas à une augmentation du danger nucléaire ; ils sapent également les efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique. Les pays qui dépendent du pétrole et du gaz russes ont cherché à diversifier leurs approvisionnements et leurs fournisseurs, ce qui a entraîné une augmentation des investissements dans le gaz naturel, alors même que ces investissements auraient dû diminuer.

Dans le contexte d’une guerre chaude [Une guerre chaude implique une déclaration de guerre, des combats physiques entre des soldats sur le terrain, etc. Dans une guerre chaude, il y a des armes, des batailles, des morts. Il y a la volonté de prendre des territoires à son ennemi, Ndt] et sur fond de menaces nucléaires, les fausses accusations de la Russie selon lesquelles l’Ukraine prévoirait d’utiliser des dispositifs de dispersion radiologique, des armes chimiques et des armes biologiques prennent également une nouvelle dimension.

Le flux permanent de désinformation quant à des laboratoires d’armes biologiques en Ukraine fait craindre que la Russie elle-même n’envisage de déployer de telles armes, dont de nombreux experts pensent qu’elle continue de les développer.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a accru le risque d’utilisation d’armes nucléaires, fait planer le spectre de l’utilisation d’armes biologiques et chimiques, paralysé la réponse du monde au changement climatique et entravé les efforts internationaux visant à résoudre d’autres problèmes mondiaux.

L’invasion et l’annexion du territoire ukrainien sont des violations flagrantes des normes internationales et sont telles que d’autres pays pourraient s’en trouver encouragés à prendre des mesures qui remettent en question les accords antérieurs et menacent la stabilité.

Lors d’une réunion du Conseil de sécurité le 11 mars 2022, Vassily Nebenzia, ambassadeur de Russie aux Nations Unies, a accusé les États-Unis et l’Ukraine de dissimuler un programme d’armes biologiques. (Photo ONU/Evan Schneider)

Il n’existe pas de chemin tout tracé pour instaurer une paix juste qui découragerait toute agression future sous couvert d’armes nucléaires. Mais à tout le moins, les États-Unis doivent laisser la porte ouverte à un engagement de principe avec Moscou afin de réduire la dangereuse aggravation du risque nucléaire engendrée par la guerre.

L’un des éléments de la réduction des risques pourrait consister en des contacts militaires américains de haut niveau avec la Russie afin de réduire tout risque d’une erreur de calcul. Le gouvernement américain, ses alliés de l’OTAN et l’Ukraine disposent d’une multitude de canaux de dialogue ; ils doivent tous être explorés.

Trouver la voie de négociations de paix sérieuses pourrait contribuer grandement à réduire le risque d’escalade. En cette période de danger mondial sans précédent, une action concertée est nécessaire, et chaque seconde compte.

Note de l’éditeur : des informations complémentaires sur les menaces que représentent les armes nucléaires, le changement climatique, les événements biologiques et l’utilisation abusive d’autres technologies disruptives sont disponibles ailleurs sur cette page et dans la version complète PDF / imprimée de la déclaration sur l’Horloge de la fin du monde.

Version imprimable :