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D’après Reporterre du 04 Novembre 2022

Tout comprendre aux limites planétaires

Par Bruno BOURGEON

jeudi 29 décembre 2022, par JMT

Tout comprendre aux limites planétaires

Les segments en orange sont ceux pour lesquels la limite est atteinte ou franchie. La limite est une zone d’augmentation forte des risques (© Stéphane Jungers /Reporterre)

Que sont les limites planétaires ? Quelles sont celles déjà atteintes ? Le concept scientifique permet d’évaluer l’impact des activités humaines sur les équilibres de la Terre. Il a pris une importance croissante depuis sa première formulation en 2009. Cinq points pour comprendre.

1. Qu’est-ce que les limites planétaires ?

Les activités humaines menacent les équilibres naturels tels qu’ils existent depuis le début de l’Holocène. Conduits par le chercheur suédois Johan Rockström, du Stockholm Resilience Center, des chercheurs internationaux quantifient ces risques que les perturbations anthropiques font peser sur la planète.

Pour neuf processus impliqués dans le fonctionnement du « système Terre » (le climat, la biodiversité, les forêts, l’eau douce, l’acidification des océans, les cycles de l’azote et du phosphate, pollutions chimiques, les aérosols émis dans l’atmosphère, la couche d’ozone), les scientifiques définissent neuf limites. Franchir chaque limite augmente le risque de déstabiliser l’environnement de manière irréversible, avec des impacts majeurs pour les êtres vivants. Aujourd’hui, six limites planétaires sont dépassées.

Les limites planétaires sont différentes des points de bascule du climat. Ici, l’idée n’est pas de trouver le seuil au-delà duquel un système basculerait d’un état à un autre. Mais de mettre en évidence les risques de s’approcher de ce point de non-retour. La limite est une zone d’augmentation forte des risques qui tient compte de l’incertitude, du principe de précaution, mais aussi de l’inertie du système.

La limite est ainsi fixée en amont d’un éventuel point de bascule. L’exemple du climat illustre cette différence : avant d’atteindre un point de bascule, le changement climatique peut avoir atteint un point de non-retour, car les changements initiés par le réchauffement vont continuer à s’amplifier même si les émissions de GES sont stoppées.

2. Un cadre qui se précise depuis 2009

Le cadre des limites planétaires a été posé pour la première fois dans Nature en 2009. Trois limites étaient déjà atteintes : le changement climatique, la disparition trop rapide des espèces et les rejets d’azote menaçant les écosystèmes marins. Et deux limites restaient à quantifier : les pollutions chimiques (dit aussi « nouvelles entités ») et les rejets d’aérosols.

Six ans plus tard, dans Science, les risques ont été réévalués. Les chercheurs constatent qu’une nouvelle limite avait été franchie, celle des rejets de phosphates dans l’environnement. Par ailleurs, la limite sur la biodiversité s’est complexifiée. La disparition des espèces ne suffit pas à mesurer la menace, puisque toutes les espèces ne se valent pas et que certaines contribuent plus à l’équilibre des écosystèmes que d’autres. Les effets observables du changement climatique ont poussé à rabaisser cette limite.

En 2022, deux nouvelles publications ont encore précisé les risques. En janvier dans Environmental Science & Technology, la limite des nouvelles entités a été évaluée pour la première fois. Puis, en avril, dans Nature, la définition de la limite sur la ressource en eau douce a été affinée, avec l’humidité des sols.

3. Les limites atteintes

Le changement climatique : la limite du changement climatique est mesurée en fonction de la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone (CO2). Celle-ci ne doit pas dépasser une valeur située quelque part entre 350 parties par million (ppm) et 450 ppm. La teneur moyenne actuelle est d’environ 420 ppm par rapport à l’ère préindustrielle. Le dépassement de cette limite nous fait entrer dans l’Anthropocène.

L’intégrité de la biosphère : d’abord intitulée « érosion de la biodiversité », cette limite évalue les risques liés à la perte de la diversité du vivant. En dessous de 10 espèces perdues/an/million, l’érosion de la biodiversité est jugée sans effet majeur sur la biosphère. Cette limite est largement dépassée puisque le taux de disparition des espèces évalué aujourd’hui est de 10 à 100 fois supérieur. Un autre indicateur a été ajouté pour mieux prendre en compte le rôle des espèces dans les écosystèmes : la diversité fonctionnelle des espèces. Il reste à évaluer.

Le changement d’usage des sols : l’indicateur de risques est la perte des forêts. En particulier parce que ces biomes ont des effets rétroactifs importants sur le climat et qu’ils abritent une grande biodiversité. Une valeur supérieure est accordée aux forêts tropicales et boréales, par rapport aux forêts tempérées. En moyenne, rester sous cette limite impose de conserver 75% du couvert forestier. Au niveau mondial, le taux moyen actuel est estimé à 62 %.

La perturbation des cycles biochimiques de l’azote et du phosphore : les rejets de phosphore et d’azote dans les océans représentent aujourd’hui un risque pour l’intégrité des écosystèmes marins, à cause des phénomènes d’eutrophisation des milieux. L’agriculture industrielle dans quelques régions du monde est à elle seule responsable du dépassement de cette limite planétaire.

Les nouvelles entités introduites dans l’environnement : cela concerne le risque que font peser les substances créées par l’humain sur l’environnement (les molécules de synthèse, les nanoparticules, etc.). Évaluée seulement en 2022, cette limite est dépassée tant les volumes produits et leur dissémination sur l’ensemble du globe sont jugés hors de contrôle. Dans leur parution, les chercheurs rappellent que le volume des produits chimiques a été multiplié par 50 depuis 1950. Et qu’une infime partie des 350000 substances mises sur le marché ont été évaluées sur leurs dangers pour la santé et l’environnement.

L’utilisation d’eau douce : en 2015, la limite de la ressource en eau douce était loin d’être franchie : l’indicateur n’était pas le bon. Seuls les risques qui pèsent sur l’eau dite « bleue », autrement dit les lacs, les rivières et les nappes souterraines, étaient pris en compte. Fixée à un prélèvement annuel de 4000 km3/an contre 2600 km3/an actuellement, la limite eau bleue n’est pas atteinte. Mais un autre risque, le changement du niveau d’humidité des sols (appelé « eau verte »), vient s’ajouter. Là, c’est franchi, face à l’ampleur des changements observés, avec des sols très asséchés ou au contraire détrempés.

4. Les limites en vue

L’acidification des océans : directement liée à la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. La limite correspond au niveau d’acidité qui entraînerait une dissolution du carbonate de calcium formé par de nombreux organismes marins, comme les coquilles des mollusques ou le corail.

La charge en aérosols atmosphériques : en plus d’avoir des effets sur la santé humaine, les particules émises dans l’atmosphère par la combustion des énergies fossiles modifient régionalement le climat. Elles menacent la mousson indienne qui pourrait disparaître au profit d’un régime sec. Avec des conséquences inquiétantes. Pour l’instant, cette limite n’a pas été extrapolée globalement.

5. Une limite maintenue à distance

La diminution de la couche d’ozone : elle fixe un minimum de concentration d’O3 dans l’atmosphère, et est la seule qui s’éloigne. Stable depuis quinze ans, la concentration d’ozone devrait grimper à nouveau grâce à l’interdiction des fréons (CFC) responsables de la destruction de ce gaz.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

D’après Reporterre du 04 Novembre 2022

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