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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2022-151

Le parti de la guerre a encore gagné

Par Connor Echols, traduction par Jocelyne Le Boulicaut

lundi 19 décembre 2022, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne.

Le parti de la guerre a encore gagné

Le 14 novembre 2022 par Connor Echols

Le représentant Mike Rogers, R-Alabama (NASA/Bill Ingalls) ; (Digital Storm/Shutterstock) ; la députée américaine Kay Granger (Gage Skidmore/Creative Commons)

C’est bien le parti de la guerre qui est le véritable vainqueur des élections de mi-mandat. Les fabricants d’armes distribuent beaucoup d’argent pour s’assurer que, quel que soit le parti au pouvoir, ce sont bien les législateurs de ce parti là qui mènent la danse.

En dépit de résultats décevants lors des élections de mi-mandat, les Républicains semblent prêts à reprendre la Chambre pour la première fois depuis 2016. Cette bascule pourrait avoir un impact sur un large éventail de politiques et conduira sans aucun doute à une série d’auditions sur tout les sujets, depuis le retrait d’Afghanistan jusqu’aux relations d’affaires de Hunter Biden.

Mais quand on vient aux crédits en matière de défense, rien ne permet de penser que les leaders du GOP [Parti républicain, NdT] feront le grand écart. Pour en comprendre les raisons, il suffit de se pencher rapidement sur deux des fonctions les plus influentes en matière de politique de défense à la Chambre : les chefs des commissions qui supervisent les dépenses et les forces armées. Les Républicains, qui devraient endosser ces rôles l’année prochaine, ont tout intérêt à ce que les dépenses du Pentagone restent élevées.

Prenons le représentant Mike Rogers (R-Alabama), qui succédera probablement au représentant Adam Smith (D-Washington) à la tête de la Commission des forces armées à la Chambre. Rogers a été l’un des principaux partisans d’une augmentation des dépenses de défense, soi-disant pour tenir compte des taux d’inflation historiquement élevés, et ce, en dépit de l’insistance du Pentagone qui affirmait que ses demandes budgétaires avaient déjà pris en compte le contexte économique.

Selon Open Secrets [Organisation publiant les sources de financement de la vie politique américaine, NdT], il aurait également reçu plus de 400 000 dollars de fabricants d’armes au cours de ce semestre, ce qui fait de lui le plus grand bénéficiaire de dons de campagne de l’industrie de la défense au cours du semestre 2022.

Et la circonscription de Rogers englobe des territoires appartenant aux comtés de Calhoun et de Talladega, qui ont, l’année dernière, obtenu à eux deuxplus de 200 millions de dollars de fonds pour la défense.

Certes, Rogers est à peine plus belliciste que son prédécesseur démocrate, qui a reçu plus de 300 000 dollars de la part des entreprises de défense cette année et qui se trouve être élu dans une circonscription qui a reçu 8,5 milliards de dollars au titre des dépenses pour la défense en 2021.

Mais cette différence pourrait être un peu plus importante dans le cas de la Commission des crédits, qui est actuellement dirigée par la représentante Rosa DeLauro (D-Connecticut), qui se décrit comme progressiste.

Un avion de chasse F-35 pendant la Fleet Week à San Francisco, en Californie, le 7 octobre 2022 (Photo Tayfun Coskun/Anadolu Agency via Getty Images)

Bien que sa circonscription reçoive relativement peu de fonds pour la défense, DeLauro est depuis longtemps une championne du maintien d’un financement militaire élevé. Comme l’indique clairement son site web , sa principale priorité en matière de politique étrangère est de garantir que les crédits de défense continuent d’affluer vers son État, même si cela signifie continuer de financer des programmes coûteux et controversés comme celui du F-35.

« Rosa a toujours soutenu les programmes de défense qui permettent de préserver des emplois dans le Connecticut, notamment les programmes d’hélicoptères de transport lourd Black Hawk, Marine One Presidential, Combat Rescue et CH-53K, mais aussi la fourniture de moteurs pour les avions C-17, F-22, F-35 Joint Strike Fighter et autres », explique son site.

« Rosa a défendu la cause du réacteur de pointe d’origine de l’avion de combat Joint Strike Fighter, dont les essais et l’assemblage se déroulent à Middletown, et elle a joué un rôle de premier plan pour qu’il soit mis fin au programme de moteur de substitution ».

Son successeur le plus probable est le représentant Kay Granger (R-Texas). Granger est une fervente partisane du F-35 et du V-22 Osprey, tristement célèbre pour sa dangerosité, qui, selon elle , « font partie intégrante de notre sécurité nationale et jouent un rôle essentiel dans les stratégies offensives et défensives de notre armée ».

Sa campagne a également reçu plus de 200 000 dollars de la part d’entreprises du secteur de la défense, et sa circonscription englobe certaines parties du comté de Tarrant, qui a reçu plus de 12 milliards de dollars de crédits militaires l’année dernière.

Au total, à la Chambre, 15 des 16 principaux bénéficiaires des fonds de campagne provenant de l’industrie de la défense sont membres de l’une ou des deux commissions. La seule exception à cette règle est le représentant Steve Scalise (R-Louisiane), grand favori pour prendre la tête de la majorité au nouveau Congrès.

Et ces investissements de campagne ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Selon Open Secrets, les sous-traitants dans le domaine de la défense ont déjà dépensé plus de 100 millions de dollars en actions de lobbying au cours des trois premiers trimestres de 2022, et ce chiffre ne fera qu’augmenter alors que les fabricants d’armes exercent leur ultime pression pour obtenir une augmentation du budget de la défense pour l’année prochaine.

Rapace (Source Site web de Rosa DeLauro)

Malheureusement pour les citoyens, ils risquent fort d’être tenus à l’écart des débats quant aux impacts de ces investissements. Comme l’a récemment rapporté Bloomberg, les commissions des forces armées tant de la Chambre que du Sénat [HASC, House and Senate Armed Services Committes, NdT] ont entrepris des négociations à huis clos concernant la Loi d’autorisation de la défense nationale [NDAA, National Defense Authorization Act, NdT] de l’année prochaine, qui « pourrait alors être adoptée par la Chambre et le Sénat sans être amendée ».

En d’autres termes, les législateurs sont prêts à abandonner le projet de Loi d’autorisation de la défense que les HASC (Commissions des forces armées de la Chambre et du Sénat) ont déjà débattu, amendé et réussi à faire passer à la Chambre en faveur d’un projet qui n’a jamais été soumis à l’examen des citoyens – il s’est passé exactement la même chose l’année dernière avec la NDAA (Loi d’autorisation de la défense nationale).

Étant donné le caractère très volumineux des projets de loi sur la politique de défense, les chiens de garde auront du mal à passer au crible le prochain projet de loi afin d’en repérer les rubriques susceptibles d’entraîner des gaspillages avant qu’il ne devienne loi. Mais c’est peut-être là le but.

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