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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2022-125

Grève, Grève, Grève

Par Chris Hedges, traduction par Jocelyne Le Boulicaut

mercredi 19 octobre 2022, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne.

Grève, Grève, Grève

Le 19 septembre 2022 par Chris Hedges / Original à ScheerPost

Chris Hedges est journaliste, lauréat du prix Pulitzer, il a été correspondant à l’étranger pendant quinze ans pour le New York Times, où il a occupé les postes de chef du bureau du Moyen-Orient et du bureau des Balkans. Il a auparavant travaillé à l’étranger pour le Dallas Morning News, le Christian Science Monitor et National Public Radio. Il est l’hôte de l’émission The Chris Hedges Report.

Strike, Strike, Strike - par Mr. Fish [jeu de mot, en anglais on « strike » une allumette pour dire craquer une allumette,NdT]

Les inégalités sociales croissantes alimentent les manifestations dans le monde entier. La classe dirigeante mondiale est déterminée à empêcher ces manifestations de se servir de l’arme qui pourrait la mettre en danger : les grèves.

Les oligarques au pouvoir sont terrifiés à l’idée que, pour des dizaines de millions de gens, la dislocation économique due à l’inflation, la stagnation des salaires, l’austérité, la pandémie et la crise énergétique ne deviennent insupportables.

Ils mettent en garde, comme l’ont fait Kristalina Georgieva, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), et le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, contre le risque de troubles sociaux, surtout à l’approche de l’hiver.

L’agitation sociale est un des noms de code pour les grèves, l’arme par excellence à la disposition des travailleurs qui peut paralyser et détruire le pouvoir économique et politique de la classe des milliardaires. Les grèves sont ce que les oligarques mondiaux craignent le plus.

Par le biais des tribunaux et de l’intervention de la police, ils chercheront à empêcher les travailleurs de paralyser l’économie. Cette bataille qui se dessine est cruciale. En commençant à ébranler le pouvoir des entreprises au moyen de grèves, dont la plupart seront probablement des grèves sauvages bravant les dirigeants syndicaux et les lois antisyndicales, nous pourrons commencer à regagner le contrôle de nos vies.

Manifestation pour un salaire minimum à15$/h (Source)

Depuis des décennies, les oligarques détruisent ou neutralisent les syndicats, transformant les quelques syndicats qui subsistent - seulement 10,7 % de la main-d’œuvre est syndiquée - en partenaires subalternes obséquieux du système capitaliste.

En janvier 2022, le taux de syndicalisation dans le secteur privé était à son plus bas niveau depuis l’adoption de la loi nationale sur les relations de travail de 1935. Et pourtant, 48 % des travailleurs américains disent qu’ils aimeraient adhérer à un syndicat.

En raison des conditions de travail pénibles auxquelles sont soumis les travailleurs depuis des années, le pays fait face à sa première grande grève du rail depuis les années 1990. L’industrie du transport, dont la majorité des travailleurs du rail font partie, a un taux de syndicalisation supérieur à la moyenne en comparaison avec d’autres parties du secteur privé.

Selon un groupe commercial représentant les compagnies de chemin de fer, une grève des chemins de fer pourrait entraîner une perte de production économique de 2 milliards de dollars par jour.

Un agent de maintenance des chemins de fer serrant des boulons sur la voie (Westend61)

La Maison-Blanche de Biden, qui espère éviter d’en arriver à contraindre les grévistes à reprendre le travail, a annoncé que les dirigeants de la Fraternité des ingénieurs de locomotives et des agents de train (BLET : Brotherhood of Locomotive Engineers and Trainmen), de l’Association internationale des travailleurs de la métallurgie, de l’air, du rail et des transports (SMART-TD : International Association of Sheet Metal, Air, Rail and Transportation Workers Transportation Division) et de la Fraternité des aiguilleurs du rail (BRS : Brotherhood of Railroad Signalmen), entre autres, ont conclu un accord de principe avec les principales sociétés de transport de marchandises, dont Burlington Northern and Santa Fe Railway (BNSF) et Union Pacific.

L’accord de principe a été conclu dans un contexte de pression considérable exercée par l’administration Biden. Les responsables syndicaux ont précisé que le libellé de l’accord n’est pas encore définitif et que les travailleurs ne verront peut-être pas les détails de l’accord avant trois ou quatre semaines, après quoi les membres syndiqués devront voter sur la proposition en question.

Le World Socialist Web Site (WSWS) et The Real News (https://youtu.be/8DNTjXkEOS4) ont réalisé des reportages détaillés sur les discussions relatives à la négociation des contrats. La BNSF a annoncé un bénéfice net de près de 6 milliards de dollars en 2021, soit une hausse de 16 % par rapport à l’année précédente.

Malgré des bénéfices records, les employeurs du secteur ferroviaire américain ont réduit leurs effectifs, faisant peser sur les travailleurs des charges énormes qui ne se reflètent pas dans leur rémunération (Jack Sloop / Unsplash)

L’Union Pacific a annoncé un bénéfice net de 6,5 milliards de dollars, également en hausse de 16 % par rapport à 2020. Les CSX Transportation et Norfolk Southern Railway ont également enregistré des gains importants.

La déréglementation économique des transporteurs ferroviaires de marchandises de classe 1 dans les années 1980 a vu le nombre de transporteurs de marchandises passer de 40 à sept, un nombre qui devrait bientôt tomber à six. La main-d’œuvre est passée de près de 540 000 personnes en 1980 à quelque 130 000.

Le service sur les lignes de chemin de fer du pays, ainsi que les conditions de travail et les salaires, ont diminué alors que Wall Street fait pression sur les grands conglomérats ferroviaires pour obtenir des bénéfices.

Il semblerait que le contrat proposé ne répondra qu’à très peu des principales revendications des cheminots, notamment le rattrapage d’années de baisse des salaires, la nécessité d’un ajustement en fonction du coût de la vie pour faire face à l’inflation, la fin des politiques onéreuses en matière d’assiduité, la garantie de congés et de jours de maladie, la fin des licenciements massifs qui ont exercé une pression énorme sur les cheminots restants et la fin de la pratique des équipes composées d’une seule personne.

Déclaration SMART-TD reconnaissant qu’il n’existe pas d’agrément définitif à ce jour

Le rail transporte environ les deux cinquièmes du fret américain sur longue distance et un tiers des exportations. Il est au cœur d’une chaîne d’approvisionnement mondiale complexe qui comprend des cargos, des trains et des camions.

Il était pratiquement certain que la Maison-Blanche de Biden interviendrait pour empêcher une grève nationale des chemins de fer, qui porterait un coup fatal à la chaîne d’approvisionnement vacillante et à l’économie chancelante du pays.

Les oligarques ont ciblé les syndicats après la Seconde Guerre mondiale. Grâce à une série de grèves dans les années 1930, les syndicats ont fait pression sur Franklin Delano Roosevelt pour qu’il adopte la législation du New Deal.

Grâce à eux, les travailleurs ont obtenu des week-ends de congé, le droit de s’organiser et de faire grève, la journée de travail de huit heures, des prestations de santé et de retraite, des conditions de travail sûres, des heures supplémentaires et la sécurité sociale.

Dans les années 1930 et 1950, la chasse aux "rouges" visait principalement les syndicalistes et les syndicats radicaux tels que les Industrial Workers of the World (IWW), connus sous le nom de Wobblies, ou le Congress of Industrial Organizations (CIO).

Dans la croisade contre les "rouges", les syndicats et les dirigeants syndicaux les plus militants, dont certains étaient communistes, ont été traités en parias.

Emploi dans le transport ferroviaire avec ajustements saisonniers entre Janvier 1980 et décembre 2020

Une série de lois anti-syndicales, dont la loi Taft-Hartley de 1947 et les lois sur le droit au travail, qui interdisent les magasins appartenant à des syndicats, sont instaurées. Lorsque la loi Taft-Hartley a été adoptée, environ un tiers de la main-d’œuvre était syndiquée, avec un pic à 34,8 % en 1954. Cette loi constitue une attaque frontale contre les syndicats.

Elle interdit les grèves juridictionnelles [aux USA, la grève juridictionnelle est une grève des travailleurs résultant d’un conflit entre les membres de différents syndicats au sujet de l’attribution des tâches, NdT], les grèves sauvages [Une grève sauvage est la cessation collective, en dehors de toute consigne syndicale, volontaire et concertée du travail par des salariés refusant d’astreindre leurs revendications au seul cadre de leurs préoccupations professionnelles, NdT].

Un train de marchandises traverse le Montana le 22 janvier 2021. Si des dizaines de milliers de cheminots mettent à exécution leurs menaces de grève dès vendredi en vue d’obtenir de meilleures conditions de travail, le système utilisé pour transporter les produits d’un endroit à l’autre pourrait subir des dégâts monumentaux (Tailyr Irvine / The New York Times)

Elle interdit les grèves de solidarité ou politiques, et les boycotts secondaires [exemple de boycott secondaire : supposons que vous ayez un conflit de travail avec une laiterie, la laiterie vend ses produits à une épicerie, qui les vend au public : vous pouvez dresser un piquet de grève devant l’épicerie pour décourager ses clients d’acheter les produits laitiers frappés mais vous ne pouvez pas organiser un piquet de grève pour encourager un boycott général du magasin, NdT], par lesquels les syndicats font grève contre les employeurs qui continuent à faire affaire avec une entreprise en grève.

Elle interdit le piquetage secondaire ou en situs commun [Le piquetage en situs commun est un piquetage illégal par des travailleurs syndiqués sur un chantier de construction à la suite d’un grief retenu contre un seul sous-traitant du projet, NdT], les fermetures d’ateliers et les dons monétaires des syndicats aux campagnes politiques fédérales.

Les responsables syndicaux sont contraints par la loi de signer des affidavits de non-communisme sous peine de perdre leur poste. Les entreprises sont autorisées par la loi à exiger des employés qu’ils assistent à des réunions de propagande antisyndicale.

Extrait de Solidarité du 4 Août 1917, journal de l’IWW,(Industrial Workers of the World)

Le gouvernement fédéral est habilité à obtenir des injonctions légales pour briser une grève si une grève imminente ou en cours met en péril "la santé ou la sécurité nationale".

La loi enlève tout pouvoir aux travailleurs. Elle rend légale la suspension des libertés civiles, y compris lorsqu’il s’agit de la liberté d’expression et du droit de réunion. Les tribunaux américains, y compris la Cour suprême, dont les juges sont issus de cabinets d’avocats d’affaires, ont depuis prononcé une série de nouvelles décisions antisyndicales pour maintenir les travailleurs en servitude.

Le droit de grève aux États-Unis n’existe que de nom.Les grèves générales, indispensables si nous voulons l’emporter, seront déclarées illégales, quel que soit le parti à la Maison Blanche.

Ceux qui mènent les grèves seront susceptibles d’être arrêtés, et les entreprises tenteront de remplacer les travailleurs par des briseurs de grève. Le combat sera très, très moche. Mais le mener est notre seul espoir.

Un entretien avec la conseillère municipale socialiste de Seattle, Kshama Sawant, sur les tactiques d’organisation et l’importance du militantisme syndical peut être consulté en video.

Carl Loeffler, au centre, secrétaire du Sénat, certifie l’adoption par le Sénat du projet de loi Taft-Hartley sur la limitation des syndicats, le 23 juin 1947, à Washington, D.C. Sous les yeux des co-auteurs du projet de loi, le représentant Fred Hartley, R-N.J., à gauche, et le sénateur Robert Taft, R-Ohio, (Photo AP, utilisée avec la permission de l’Associated Press)

La génération précédente de syndicalistes avait compris que la syndicalisation était une affaire de lutte des classes. En 1905, "Big" Bill Haywood a dit aux délégués de la convention fondatrice de l’IWW : « Camarades travailleurs, nous voici au Congrès continental de la classe ouvrière. Nous sommes ici pour confédérer les travailleurs de ce pays en un mouvement ouvrier qui aura pour but l’émancipation de la classe ouvrière pour la libérer des chaînes du capitalisme ».

« Les buts et objets de cette organisation seront de permettre à la classe ouvrière de prendre possession du pouvoir économique, des moyens de subsistance, du contrôle des machines de production et de distribution, sans tenir compte des maîtres capitalistes » Que ses mots deviennent notre credo.

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, deux générations de travailleurs américains ont eu la chance de connaître une période de prospérité sans précédent. Les salaires de la classe ouvrière étaient élevés. Les emplois étaient stables et s’accompagnaient d’avantages sociaux et d’une assurance maladie. Les syndicats protégeaient les travailleurs contre les abus des employeurs.

"Big" Bill Haywood (Source Spartacus Educational)

Les impôts sur les personnes et les sociétés les plus riches atteignaient 91 %. Le système scolaire public offrait une éducation de qualité aux pauvres comme aux riches. Les infrastructures et la technologie du pays étaient à la pointe. Les métallurgistes, les ouvriers de l’automobile, les ouvriers des usines, les ouvriers du bâtiment et les chauffeurs routiers appartenaient à la classe moyenne.

En 1928, les 10% les plus riches détenaient 23,9% de la richesse nationale, un pourcentage qui n’a cessé de diminuer jusqu’en 1973. Au début des années 1970, l’assaut des oligarques contre les travailleurs s’est amplifié. Les salaires ont stagné. Les inégalités de revenus ont atteint des proportions monstrueuses. Les taux d’imposition des sociétés et des riches ont été réduits.

Aujourd’hui, les 10% des personnes les plus riches des États-Unis possèdent près de 70% de la richesse totale du pays. Les 1% les plus riches contrôlent 31% de la richesse. Les 50% les plus pauvres de la population américaine détiennent 2% de la richesse totale du pays.

Les infrastructures sont désuètes et en mauvais état. Les institutions publiques, notamment les écoles, la radiodiffusion publique, les tribunaux et le service postal, sont sous-financées et dégradées.

Répartition du revenu national US entre 4 classes de population de bas en haut : les 50% les plus pauvres, les 40% au dessus, les 9% de riches et les 1% de super riches

Vous pouvez voir la vidéo d’une interview que j’ai réalisée avec Louis Hyman, professeur d’histoire économique à l’université Cornell et auteur de Temp : The Real Story of What Happened to Your Salary, Benefits and Job Security, au sujet de l’attaque menée depuis des décennies contre les travailleurs.

Comme au XIXe siècle, les oligarques exploitent les travailleurs, y compris les enfants, dans des ateliers de misère dignes de Dickens dans des pays comme la Chine, le Vietnam et le Bangladesh.

Vous pouvez voir la vidéo de mon interview avec Jenny Chan qui, avec Mark Selden et Pun Ngai, a écrit Mourir pour un iPhone : Apple, Foxconn et la vie des travailleurs chinois.

Les travailleurs, privés de toute protection syndicale et en manque d’emplois dans l’industrie, ont été contraints de se tourner vers la gig economy [L’économie à la tâche, économie à la demande ou économie des petits boulots, est un système dans lequel les emplois sont flexibles, temporaires ou indépendants, NdT], où ils ont peu de droits, aucune protection de l’emploi et gagnent souvent moins que le salaire minimum.

La hausse mondiale des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, conjuguée avec l’affaiblissement des institutions démocratiques et l’appauvrissement des travailleurs, est devenue une puissante formule propice à la révolte.

Vidéo de l’interview de Louis Hyman par Chris Hedges

La rémunération hebdomadaire, indexée sur l’inflation, a diminué de 3,4 pour cent entre août 2021 et août 2022, et la rémunération horaire réelle a baissé de 2,8 pour cent au cours de la même période. Les gains horaires, indexés sur l’inflation, ont diminué au cours des 17 derniers mois.

En raison de priorités déséquilibrées — des milliards de dollars d’"aide à la sécurité" envoyés à l’Ukraine par l’administration Biden et d’autres membres de l’OTAN — la Russie a, comme on pouvait s’y attendre, réduit ses livraisons de gaz à l’Europe.

La Russie ne reprendra pas ce flux tant que les sanctions imposées au pays ne seront pas levées. La Russie fournit 9 % des importations de gaz de l’Union européenne (UE), contre 40 % avant l’invasion. Les grandes compagnies pétrolières, quant à elles, affichent des bénéfices obscènes tout en arnaquant le public.

Les pays les plus vulnérables — Haïti, le Myanmar et le Soudan — ont sombré dans le chaos sous la pression économique. Les dépenses sociales dans des pays comme l’Égypte, les Philippines et le Zimbabwe ont été réduites. Les nations industrialisées ne sont pas non plus à l’abri.

À Prague, environ 70 000 personnes sont descendues dans la rue le 4 septembre pour protester contre la hausse des prix de l’énergie et demander le retrait du pays de l’UE et de l’OTAN.

Mourir pour un iPhone : Apple, Foxconn et la vie des travailleurs chinois

Les industries allemandes, l’un des trois premiers exportateurs mondiaux, sont paralysées, obligées, après l’invasion russe, de payer autant pour l’électricité et le gaz naturel en un seul mois que pour toute l’année dernière. En Allemagne, des manifestants de tous les horizons politiques ont appelé à des manifestations régulières le lundi pour protester contre la hausse du coût de la vie.

Au Royaume-Uni, déjà en proie à une inflation de 10%, les compagnies d’énergie devraient augmenter leurs tarifs de 80% en octobre.

Aux États-Unis, les factures d’électricité ont augmenté de 15,8% au cours de l’année écoulée. Les factures de gaz naturel ont augmenté de 33% aux États-Unis au cours de l’année écoulée. Le coût total de l’énergie aux États-Unis a augmenté de 24% au cours des 12 derniers mois. Les produits de consommation courante, c’est-à-dire les aliments et les articles de base nécessaires à la vie quotidienne, ont augmenté en moyenne de 13,5%. Et ce n’est que le début.

À quel moment une population assiégée, vivant au niveau ou en dessous du seuil de pauvreté, se révolte-t-elle ? Si l’histoire peut servir de guide, eh bien, on ne le sait pas. Mais que le terreau soit prêt est maintenant indéniable, même pour la classe dirigeante.

Les commerçants en grève montrent leur force alors que les grévistes du rail défilent dans le quartier de Burnside, le 20 août 1922, dans l’après-midi. En tête du défilé se trouvent d’anciens militaires qui portent une bannière avec les mots : « Nous avons combattu pendant la guerre mondiale pour que ce pays puisse vivre ; laissez-nous vivre ». (Photo historique du Chicago Tribune)

Les États-Unis ont connu la guerre du travail la plus sanglante de toutes les nations industrialisées. Des centaines de travailleurs ont été tués. Des milliers ont été blessés. Des dizaines de milliers ont été mis sur la liste noire. Des syndicalistes radicaux comme Joe Hill ont été exécutés sur de fausses accusations de meurtre, emprisonnés comme Eugene V. Debs, ou poussés à l’exil comme Haywood. Les syndicats militants ont été rendus illégaux.

Lors des raids Palmer du 17 novembre 1919, menés à l’occasion du deuxième anniversaire de la révolution russe, plus de dix mille communistes, socialistes et anarchistes présumés ont été arrêtés. Beaucoup ont été détenus pendant de longues périodes sans aucune forme de procès.

Des milliers d’émigrés nés à l’étranger, comme par exemple Emma Goldman, Alexander Berkman et Mollie Steimer, ont été arrêtés, emprisonnés et finalement déportés. Les publications socialistes, telles que Appeal to Reason et The Masses, ont été fermées.

La grande grève des chemins de fer de 1922 a vu les voyous armés de la compagnie ouvrir le feu, tuant des grévistes. Le président de la Pennsylvania Railroad, Samuel Rea, a engagé à lui seul plus de 16 000 hommes armés pour briser la grève de près de 20 000 employés dans les ateliers de la compagnie à Altoona, en Pennsylvanie, la plus importante au monde. Les chemins de fer ont organisé une campagne de presse massive pour diaboliser les grévistes.

Panneau affiché par Associated Supermarkets of Alphabet City sur l’avenue C et à l’angle de la 8e rue à Manhattan.

Ils ont embauché des milliers de briseurs de grève, dont de nombreux Noirs qui avaient été interdit d’adhésion par la direction du syndicat. La Cour suprême a confirmé les contrats "chiens jaunes" qui interdisaient aux travailleurs de se syndiquer.

La presse liée à l’establishment, ainsi que le parti démocrate, ont, comme toujours, été des partenaires à part entière dans la diabolisation et la dévalorisation du travail. La même année, on a assisté à des grèves ferroviaires sans précédent en Allemagne et en Inde .

Afin d’empêcher les grèves des chemins de fer, qui ont perturbé le commerce national en 1877, 1894 et 1922, le gouvernement fédéral a adopté en 1926 la loi sur le travail dans les chemins de fer (Railway Labor Act) – les syndicalistes l’appellent « la loi anti-travail dans les chemins de fer » (Railway Anti-Labor Act) – qui impose de nombreuses exigences, dont la nomination du Conseil présidentiel d’urgence (Presidential Emergency Board) (que Biden vient de mettre en place) avant le déclenchement d’une grève.

Nos oligarques sont aussi malveillants et cupides que ceux du passé. Ils se battront avec tout ce qui est à leur disposition pour écraser les aspirations des travailleurs.

Alexander Herzen (Spartacus Educational)

Alexander Herzen, s’adressant à un groupe d’anarchistes sur la manière de renverser le tsar, a rappelé à ses auditeurs que leur tâche n’était pas de sauver un système moribond mais de le remplacer : « Nous ne sommes pas les médecins. Nous sommes la maladie ».

Toute forme de résistance doit tenir compte du fait que le coup d’état des entreprises est terminé. C’est un gaspillage d’énergie que de tenter de réformer ou de faire appel aux systèmes de pouvoir. Nous devons nous organiser et frapper. Les oligarques n’ont aucune intention de partager volontairement le pouvoir ou la richesse. Ils reviendront aux tactiques impitoyables et meurtrières de leurs ancêtres capitalistes. Nous devons revenir à notre propre forme de militantisme.

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