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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2022-120

Les migrants en Italie sont confrontés à une recrudescence d’hostilité avec les élections

Par Angela Giuffrida, traduction par Jocelyne Le Boulicaut

vendredi 7 octobre 2022, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne.

Les migrants en Italie sont confrontés à une recrudescence d’hostilité avec les élections

Publié dans le Guardian le 20 Septembre 2022 par Angela Giuffrida à Vintimille

Delia Bonuomo, devant le Bar Hobbit, qui a fermé en décembre 2022 (Photographie : Delia Bonuomo).

À Vintimille, la vie de ceux qui espèrent passer en France est devenue de plus en plus difficile. Pour la famille kurde épuisée et les jeunes gens originaires d’Érythrée, du Mali et de Côte d’Ivoire qui se trouvent devant la gare de Vintimille, la vie ressemble à un jour sans fin, une routine invariablement composée de tentatives répétées pour passer la frontière française, de batailles pour trouver de la nourriture et un endroit où dormir.

Mais alors que la coalition conservatrice promet de mettre un frein à l’immigration de masse avec sa victoire aux élections générales du 25 septembre, une nouvelle crise humanitaire se joue à Vintimille, une situation exacerbée par une combinaison de politiques irréfléchies de part et d’autre de l’échiquier politique et de mesures européennes dysfonctionnelles.

Ibrahim, originaire du Mali, a déclaré qu’il avait essayé d’entrer en France quatre fois, deux fois en train et deux fois en marchant le long d’une autoroute, pour être ensuite renvoyé par la police française. « Il a essayé 23 fois », a-t-il dit, désignant son ami ivoirien. « Tout ce que nous voulons, c’est pouvoir vivre ». Tous deux ont dormi dans des boîtes en carton devant la gare. D’autres se couchent pour la nuit au milieu des tas d’ordures sous un pont près de la rivière Roya, dans le parc ou sur la plage.

Les migrants qui arrivent à Vintimille - une centaine par jour, selon les travailleurs des associations caritatives - se retrouvent sans abri depuis qu’un conseil composé de la coalition de deux partis d’extrême droite, Frères d’Italie https://www.theguardian.com/world/brothers-of-italy) et la Ligue, et de Forza Italia de Silvio Berlusconi, élu en 2019 et visant le pouvoir national, a tenu sa promesse de fermer le seul refuge de la ville, du nom de Campo Roia.

Ce conseil, cependant, n’était pas fait pour durer, Vintimille n’a plus de gouvernail depuis juin après que le maire, Gaetano Scullino, un indépendant soutenu par les trois partis, a été contraint de démissionner après avoir perdu un vote de confiance. Entre-temps, les dégâts avaient été suffisamment importants, Scullino ayant également fermé une fontaine utilisée par les immigrants et les sans-abri pour se laver.

La seule source d’aide alimentaire et sanitaire provient d’associations caritatives, dont la Caritas gérée par l’Église.« La situation a tellement empiré ici », a déclaré Christian Papini, qui dirige le centre Caritas près de la gare de Vintimille. « Les gens ont été laissés à la rue, il n’existe plus rien ici qu’on puisse appeler hospitalité ». On estime que vingt-sept personnes seraient mortes en tentant d’entrer en France depuis 2017, soit par noyade, soit en étant renversées par une voiture, soit en marchant le long du « passage de la mort », un sentier de montagne emprunté par les Juifs italiens fuyant le régime fasciste de Benito Mussolini pendant la Seconde Guerre mondiale.

Vintimille, ville côtière du nord de l’Italie, populaire auprès des touristes pour son marché du vendredi, est une salle d’attente permanente pour les migrants depuis plus d’une décennie, la plupart d’entre eux ayant fait le périlleux voyage vers l’Europe par bateau, (https://www.theguardian.com/world/2022/sep/20/all-we-want-is-to-be-able-to-live-migrants-left-destitute-in-italian-border-town ) débarquant dans le sud de l’Italie avant de se diriger vers le nord.(Photograph : Tibor Bognar/Alamy)

Depuis que les autorités françaises ont renforcé les contrôles à la frontière en 2015, la police française a été accusée d’utiliser des tactiques agressives pour repousser les personnes qui tentent de traverser la frontière. En juin, un Égyptien est mort après avoir reçu dans la tête une balle tirée par un officier français. Selon le rapport de police, l’homme voyageait dans une camionnette qui aurait traversé à toute allure un poste de contrôle de l’immigration dans une ville frontalière française.

« Il y a aussi des gens qui tabassent les immigrants ou volent leur l’argent, prétendant les emmener en France pour les laisser ensuite en plan à la frontière ou ailleurs », a déclaré Papini. La situation n’était guère meilleure lorsque Vintimille était aux mains du maire de gauche, Enrico Ioculano, qui interdisait aux habitants de fournir de la nourriture aux migrants.

« Il a instauré ce décret de "décorum" allant à l’encontre de ce qui était en vigueur depuis plusieurs années, sous prétexte que certains citoyens auraient pu essayer d’empoisonner la nourriture », a déclaré Delia Bonuomo, qui dirigeait le Bar Hobbit, un bar qui était un centre de solidarité pour les immigrants jusqu’à sa fermeture en décembre de l’année dernière. « La vérité, c’est qu’il ne voulait pas de la question des migrants dans la ville. Certains d’entre nous ont tout de même continué à leur donner de la nourriture, au risque de se voir infliger une amende ».

Bonuomo, surnommée « Mamma Africa », a ouvert son bar aux migrants au plus fort de la crise des réfugiés en Europe en 2015, leur fournissant de la nourriture, des vêtements et un endroit pour se laver. Mais alors qu’un nombre croissant de personnes faisaient la queue à l’extérieur, l’initiative n’a pas plu aux entreprises voisines ni à ses clients italiens, qui ont cessé de fréquenter le bar, ce qui a entraîné sa fermeture. Mme Bonuomo a également essuyé des crachats dans la rue de gens qui la rendaient responsable de la crise.

Le père Rito Alvarez est une autre victime de son sens de l’humanité, en tant que prêtre, il a aidé des centaines de personnes passant par un refuge installé à l’église Saint-Antoine jusqu’à ce que les autorités de Vintimille le ferment en 2017. Alvarez a ensuite été transféré dans une paroisse de montagne, où il n’aura pas l’occasion d’aider les migrants.

« Nous avons aidé beaucoup de personnes vulnérables, mais à cause des politiciens, nous avons été obligés de fermer, a déclaré Rito. Le problème, c’est qu’il n’y avait pas d’alternative, à part le refuge de Campo Roia, mais celui-ci a fermé aussi, laissant les gens livrés à leur sort. » Rito s’est dit inquiet au sujet des élections, rappelant les mesures strictes introduites par Matteo Salvini, le leader de la Ligue, alors qu’il était au poste de ministre de l’Intérieur en 2018-19. Parmi ces mesures on comptait le blocus des navires de sauvetage de migrants, la fermeture des refuges et la suppression des permis de deux ans qui permettaient aux personnes de travailler.

Entre-temps, Giorgia Meloni, leader des Frères d’Italie qui pourrait devenir Première ministre, a demandé à la marine de renvoyer les gens en Afrique. « Tout cela constitue des politiques inquiétantes, mais nous avons toujours dit que la crise de l’immigration n’est pas seulement nationale, elle est bien européenne », a ajouté M. Rito.

Plusieurs manifestations ont eu lieu à Vintimille pour demander à la France d’ouvrir sa frontière, tandis que les associations caritatives réclament depuis longtemps la suppression de l’accord de Dublin, une mesure européenne controversée qui stipule que les personnes demandant l’asile doivent le faire dans leur premier pays d’arrivée.

« La droite dit qu’elle va fermer les ports, alors que c’est la gauche qui a passé un accord inhumain avec la Libye pour y maintenir les migrants, a déclaré Papini. Aucun des deux camps n’a la volonté politique de résoudre la question, donc la seule façon de le faire serait de se débarrasser de l’accord de Dublin et d’obliger la France à ouvrir sa frontière ».

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Depuis l’Italie jusqu’à la Suède, depuis la Hongrie jusqu’à la France, l’extrême droite est à nouveau une force avec laquelle il faut compter. Son hostilité envers les immigrants encourage les xénophobes partout, y compris en France. Son conservatisme social menace les droits LGBTQ durement acquis. Son euroscepticisme a déjà bouleversé la dynamique de l’UE.

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COLLECTE POUR LE HOBBIT BAR DE DELIA BUONOMO A VINTIMILLE
Les migrants qui se retrouvent à Vintimille, tentent de franchir la frontière française, à une dizaine de kilomètres, d’où ils sont durement refoulés et renvoyés en centre-ville de Vintimille où il n’existait plus guère qu’un lieu accueillant, notamment pour les femmes et enfants, le Bar Hobbit. Situé près de la gare ferroviaire par où souvent les migrants arrivent, ce bar était tenu par Delia Buonomo, surnommée par eux "Mama Africa". Boycotté par les clients de Vintimille, le bar ne tournait plus que par les migrants et par les militants associatifs qui y allaient chaque fois qu’ils le pouvaient. Malheureusement cela ne couvrait plus les frais fixes et il fallait donc trouver 2000€ par mois pour garder ce lieu ouvert. Nous avons collecté depuis Aout 2019 en France 1000€ par mois pour les reverser à Delia. L’actuel Bar Hobbit est fermé depuis Décembre 2021 et un local plus petit sera ouvert prochainement par Delia qui a dû prendre un congé de maladie mais qui continue à aider quotidiennement les migrantes et leurs enfants. Donc si vous êtes imposables, et voulez participer, merci de faire un virement sur le compte bancaire de ROYA EN TRANSITION et de signaler votre virement avec vos coordonnées pour le reçu-don à jean-marc.tagliaferri@wanadoo.fr.
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