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Un vrai recul civilisationnel

Le droit à l’avortement remis en cause

Par Bruno Bourgeon

samedi 9 juillet 2022, par JMT

Le droit à l’avortement remis en cause

25 juin 2022. La Cour Suprême américaine remet en cause l’arrêt Roe vs Wade de 1973 et renvoie aux États le soin de légiférer sur cette question.

Moins de deux heures plus tard, le ministre de la justice du Missouri active l’interdiction de l’avortement dans son État. Treize Etats s’étaient dotés ces dernières années de lois dites « gâchette » rédigées pour entrer en vigueur automatiquement en cas de changement de jurisprudence à la Cour Suprême.

Ces lois interdisent les avortements avec des nuances : l’Idaho prévoit des exceptions en cas de viol ou d’inceste, le Kentucky uniquement en cas de danger pour la vie de la femme enceinte ; la Louisiane prévoit jusqu’à dix ans de prison pour les professionnels de santé, le Missouri jusqu’à quinze ans de prison…

Quatre Etats supplémentaires (Géorgie, Iowa, Ohio et Caroline du Sud) disposent de lois interdisant les avortements dès que les battements de cœur de l’embryon sont perceptibles, soit vers six semaines de grossesse quand la plupart des femmes ignorent encore être enceintes.

Dans certains États, les femmes ayant recours à l’avortement pourront se voir infliger une amende ou une peine de prison. Grâce à l’outil de géolocalisation ou au moteur de recherche, toute personne ayant approché une clinique où se pratique l’avortement, acheté une pilule abortive en ligne ou même cherché à s’informer sur le moyen d’aider des associations pro-choix pourrait se voir « repérée ». Vivent les téléphones portables.

Fondée en 1789, la Cour suprême comporte neuf juges qui veillent au respect des sept articles et des vingt-sept amendements qui constituent l’appareil constitutionnel de la plus ancienne démocratie moderne. Elle est compétente en toute matière et a toujours le dernier mot. Les Américains lui doivent la fin de la ségrégation raciale dans les écoles publiques en 1954, la suspension de la peine de mort en 1972, son rétablissement en 1976, le droit à l’avortement en 1973 ou le mariage homosexuel en 2015.

Comment justifier que ces juges nommés à vie par le président des USA puissent contrecarrer la volonté des représentants élus au suffrage universel ? Ils tranchent les conflits de compétence qui ne manquent pas de surgir entre l’Etat fédéral et les entités fédérées, ils évitent que le « bien commun » puisse varier au gré des circonstances ou des majorités du moment, ils contrebalancent la tyrannie de la majorité (source).

Mais sa toute-puissance n’a cessé d’être questionnée, voire contestée. En 1860, le futur président Abraham Lincoln critique fermement l’arrêt Dred Scott qui refuse la citoyenneté à un esclave.

Soixante-dix ans plus tard, le président Franklin Delano Roosevelt affronte à son tour la Cour suprême. La Cour défend le laisser-faire et Roosevelt un Etat-providence interventionniste (le New Deal).

Au début des années 2000, avec l’arrêt qui désigne le républicain George W. Bush comme le vainqueur de l’élection présidentielle, le basculement de la Cour suprême dans le camp conservateur élargit l’intensité des critiques.

Editorial du MONDE du 25 juin 2022

Les deux arrêts, l’un sur les armes, l’autre sur le droit à l’avortement, rendus le 23 et le 24 juin 2022, accentuent les fractures de la société américaine. Ils sacrifient à deux totems de la droite religieuse. Ils sont en effet revenus à la fois sur une loi restreignant le port d’arme en vigueur dans l’Etat de New York depuis plus d’un siècle, et sur le célèbre arrêt Roe versus Wade, réaffirmé en 1992, qui sanctuarisait le droit à l’avortement depuis 1973.

Un président largement battu dans le vote populaire, Donald Trump, a désigné trois juges ensuite confirmés par un Sénat, reflet déformé du pays. L’un des 9 juges, Clarence Thomas, a encore alimenté l’inquiétude en s’interrogeant sur la protection constitutionnelle dont bénéficient la contraception et les relations sexuelles entre personnes du même sexe.

Le rédacteur de l’arrêt contre l’avortement, Samuel Alito, justifie ce revirement au prétexte que l’avortement n’est pas « profondément enraciné dans l’histoire et les traditions de la nation ». La Cour suprême aurait dû, pour préserver sa légitimité, se tenir à distance de la polarisation mortifère qui divise de plus en plus profondément les Etats-Unis.

En France, après la décision prise le 24 juin par la Cour suprême américaine, les élus français, de gauche comme de droite, se sont émus de ce recul en matière de libertés.

La présidente du groupe LaREM (renommé Renaissance), Aurore Bergé, a déposé une proposition de loi constitutionnelle pour inscrire dans la loi fondamentale, à l’article 66-2, que « nul ne peut être privé du droit à IVG ». Le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti souhaite « Graver dans le marbre de notre Constitution ce droit fondamental plus nécessaire que jamais en ces temps obscurs ». Si Emmanuel Macron ne s’est pas prononcé pour le moment, il semble très clair que sans son concours, rien ne se fera.

Comparaison internationale

Alors qu’une grossesse sur quatre se termine au niveau mondial par un avortement, plus de 40% des femmes en âge de concevoir vivent dans des Etats aux lois restrictives. Cependant l’avortement est encore interdit dans près d’une vingtaine de pays, notamment dans de nombreuses nations d’Afrique – parmi lesquelles l’Egypte, le Sénégal, le Gabon, Madagascar ou encore la Mauritanie.

Sur le continent sud-américain, l’accès à l’IVG est particulièrement difficile. L’avortement n’est pas autorisé au Surinam, au Nicaragua ou encore au Salvador. Ce dernier Etat a même adopté en 1998 une législation draconienne qui prévoit des peines pouvant aller jusqu’à huit ans de prison en cas d’IVG.

Au Brésil, l’IVG est seulement autorisée en cas de viol, risque pour la mère ou grave malformation du fœtus. Le Honduras, qui interdisait déjà l’avortement y compris en cas de viol ou d’inceste, de malformation grave du fœtus ou quand la vie ou la santé de la mère étaient menacées, a approuvé en janvier 2021 une réforme constitutionnelle qui durcit encore la législation.

L’IVG est accessible uniquement en cas de danger pour la vie de la femme en Côte d’Ivoire, Libye, Ouganda, au Soudan du Sud, en Irak, au Liban, en Syrie, Afghanistan, au Yémen, Bangladesh, en Birmanie, au Sri Lanka, Guatemala, Paraguay ou encore Venezuela.

En Europe, à Malte, les femmes avortant risquent bien une peine allant de dix-huit mois à trois ans d’emprisonnement. En octobre 2020, le Tribunal constitutionnel de Pologne a ainsi rendu l’IVG quasi illégale en supprimant la possibilité d’y recourir en cas de malformation du fœtus.

A travers le monde, plus de 25 millions d’IVG dangereuses sont encore pratiquées chaque année, troisième cause de mortalité maternelle dans le monde.

Un point de vue écologiste (pas le mien)

Quelle est la position à prendre, selon quels critères ? L’impératif biblique « croissez et multipliez » a donné à l’espèce humaine un droit exorbitant de pouvoir se développer en nombre bien plus que les capacités des écosystèmes ne le permettent.

Au-delà des considérations religieuses, ce qui fait la cohérence des prises de positions anti-avortement est politique. Depuis Jean Bodin (1530-1596), on répète cette maxime, « Il ne faut jamais craindre qu’il y ait trop de sujets, trop de citoyens : vu qu’il n’y a richesse, ni force que d’hommes ».

Pour les économistes, plus il y a de travailleurs, plus la croissance est forte. Pour les marxistes, la masse des prolétaires permettra la révolte et mènera à la prise du pouvoir. Toutes étiquettes politiques confondues, historiquement les gouvernements, ivres de chair à canon ou de main d’œuvre servile, ont mené une lutte anti-malthusienne.

Si des pays interdisent l’avortement, aucun ne s’interdit la guerre. Les associations « pro-life » (pro-vie) qui veulent interdire tout avortement relèvent d’une attitude anti-démocratique. Rappelons qu’une loi libéralisant l’IVG n’oblige pas à avorter.

L’avortement est un acte volontaire et non obligatoire, les réactionnaires veulent interdire ce choix avec des arguments d’autorité et pratiques imposées. La mentalité nataliste ne tient aucun compte de la capacité de charge des territoires alors que tous les indicateurs montrent que la Terre est saturée d’humains. Notre nombre, actuellement 8 milliards d’êtres humains, met en péril le sort des générations futures.

Aujourd’hui la démocratie, face au constat mondial de surpopulation, devrait permettre d’autoriser l’IVG dans tous les pays sans exception. Redisons à nouveau qu’autoriser ne veut pas dire rendre obligatoire. Il nous faut pratiquer une démographie responsable. Sinon guerres, famines et les épidémies vont ponctionner le surplus de vies humaines.

Personnellement, je ne suis pas favorable à ce que l’on associe les deux sujets : Avortement et Démographie.

Cela serait prendre le risque de faire de l’avortement un moyen de réguler la démographie, ce que je ne veux pas et que les pro-IVG ne défendent absolument pas. La baisse de la démographie est une nécessité pour préserver la biosphère.

Le droit à l’avortement est une question liée au droit des femmes et au type de société que l’on souhaite. Que chacun agisse en la matière selon sa morale, mais ne fasse pas de ce second point un outil pour régler le premier.

Pour limiter la croissance démographique il faut favoriser l’éducation et l’accès à la contraception. Certes un peu bisounours, surtout dans certains états théocratiques sans les citer.

Voici ce que j’écrivais le 5/11/2012, il y a 10 ans : https://www.zinfos974.com/Neuf-strategies-pour-decroitre-notre-demographie_a49109.html . Rien n’a fondamentalement changé. Un site à consulter

Bruno Bourgeon http://www.aid97400.re

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