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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2022-060

La Corée du Nord va-t-elle prochainement tester une arme nucléaire ?

Par Harry Kazianis, traduit par Jocelyne le Boulicaut

vendredi 20 mai 2022, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

La Corée du Nord va-t-elle prochainement tester une arme nucléaire ?

12 avril 2022 Par Harry Kazianis

Kim Yo Jong, la sœur du dirigeant nord-coréen Kim Jong Un, a mis en garde contre une riposte nucléaire si la Corée du Sud continue à parler de ses capacités de frappe préventive (REUTERS/Jorge Silva/Pool/File Photo)

Les dernières provocations de Pyongyang sont largement ignorées et la Maison Blanche semble n’avoir aucune stratégie. C’est de la folie. Un cycle de crises, certes nouveau mais cependant prévisible, est sur le point de commencer entre la Corée du Nord, la Corée du Sud, et les États-Unis et leurs alliés en Asie.

Toutefois, sur un point essentiel cette crise se distinguera de la quasi-totalité des autres crises nucléaires provoquées par la Corée du Nord au cours des années passées — et surtout de celle de 2017 : presque personne ne s’en souciera jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour faire quoi que ce soit.

Si on peut débattre du point de départ, les récentes tensions entre la Corée du Nord et la Corée du Sud permettent de comprendre comment la crise se développe et ce qui la motive. Pyongyang, dont l’économie est en lambeaux et dont le dirigeant, le roi Jong Un, n’a pas grand-chose à montrer comme bilan de ses dix ans de règne, revient à la recette bien rodée des essais de missiles (et bientôt nucléaires), à mon avis pour montrer à son peuple que s’il manque de nourriture et de bien-être, ce n’est pas en vain.

Kim s’inspire également d’une autre page du manuel d’escalade nord-coréen en utilisant n’importe quelle déclaration de la Corée du Sud pour créer une crise à partir de presque rien. Profitant d’une remarque intrépide — mais pas nécessairement exagérée — sur la capacité de la Corée du Sud à frapper les installations d’armes nucléaires du Nord, Kim Yo Jong, la sœur du dictateur, s’est emportée lors de deux déclarations distinctes diffusées par les médias d’État nord-coréens. Ce qui a retenu l’attention de nombreux observateurs coréens, c’est qu’elle semblait menacer d’une guerre nucléaire si de quelque manière que ce soit la Corée du Sud attaquait.

Si ce n’est pas exactement la première fois que la Corée du Nord menace d’exterminer des millions de ses congénères du Sud, ce qui est nouveau, c’est l’absence de réaction du monde à cette remarque. En fait, la réponse qu’une productrice d’une grande chaîne d’information nationale m’a donnée lorsque je lui ai demandé si elle voulait couvrir l’événement (j’étais en studio pour commenter la crise ukrainienne) était éloquente.

Corée du Nord : Kim Jong Un pourrait procéder à un nouveau lancement d’arme nucléaire (Getty)

« La Corée du Nord ? On ne s’en soucie plus beaucoup, sauf s’ils font quelque chose de nouveau. Toutes ces histoires de missiles ? Qui en a quelque chose à faire ? C’est du réchauffé et ce n’est plus sexy. Montrez-moi le côté sexy de la Corée du Nord et je vous donnerai le temps d’antenne. »Cela en dit long.

La Corée du Nord, après des années d’innombrables crises, n’attire clairement plus l’attention qu’elle recevait auparavant alors que les tests de missiles ont commencé à passer au second plan. Selon la même productrice, ces essais de missiles sont désormais « juste de la routine ». Pendant la crise ukrainienne et confrontée à l’inflation, l’administration Biden est aux prises avec une myriade d’autres problèmes, il semble que ce qui permettait à la Corée du Nord de faire la Une des journaux en 2017 ne fonctionne plus. De plus, sans le paramètre Donald Trump, il semble que la Corée du Nord se soit effacée de notre imaginaire collectif.

Mais tout cela pourrait bientôt changer. La Corée du Nord a toujours besoin d’un soutien économique sous la forme d’un allègement des sanctions pour soutenir une économie qui a été frappée par les confinements COVID-19 qui ont peut être été les pires de la planète (il est impossible de le savoir en raison du black-out total de l’information). Kim rêve également de devenir moins dépendant de la Chine pour sa simple survie et de revenir à l’époque des années 1970, lorsque sa famille était capable de monter les grandes puissances les unes contre les autres, obtenant des concessions de plusieurs bienfaiteurs tout en consolidant et en garantissant son pouvoir sur la RPDC.

À quoi cela rime-t-il ? C’est simple : Le manque d’attention ajouté à l’espoir d’obtenir un allègement des sanctions signifient que la Corée du Nord pourrait commencer à tester des armes nucléaires, peut-être dès jeudi soir (15 avril) Heure Normale de l’Est (HNE), alors que Pyongyang célèbre le 110e anniversaire de la naissance de Kim Il Sung.

Rien de plus sexy que l’explosion d’une arme nucléaire pour faire la une des journaux. Non seulement, dès 2021, Kim a laissé entendre qu’il pourrait le faire, mais il semble être en train de reconstruire ses installations d’essais nucléaires. Kim a besoin de savoir si ces dernières pourront capter et mesurer en toute sécurité ce qui serait probablement des essais d’armes nucléaires tactiques ou un nouveau modèle de bombe à hydrogène.

La triste réalité est que tout ceci ne devrait jamais être aussi imminent. Mais si les grandes chaînes de télévision se fichent de la Corée du Nord, Washington en fait tout autant.

L’objectif de Kim Jong-un, leader de la Corée du Nord, serait le développement d’un missile qui pourrait potentiellement frapper le continent américain (REUTERS)

Si l’administration Biden avait montré au moins une sorte d’intérêt pour la question nord-coréenne — au lieu de n’élaborer aucune orientation politique, quelle qu’elle soit, au-delà des points de discussion largement utilisés sur lesquels on a toujours insisté, à savoir qu’elle voulait parler à la Corée du Nord à tout moment et à propos de n’importe quoi — on aurait peut-être pu avoir une chance d’éviter la montée des tensions.

L’équipe Biden espérait clairement que la Corée du Nord resterait tranquille et que le statu quo, à savoir l’absence de tests de missiles à longue portée ou de tests nucléaires, serait maintenu. L’équipe de politique étrangère de Biden considère probablement que la Corée du Nord est un problème qui nécessite plus de temps, d’énergie et de capital politique pour obtenir une quelconque dynamique diplomatique, ce qui semble être une denrée rare ces jours-ci. Et quel est le gain politique ?

Étrangement, Biden n’a jamais fait de discours politique détaillé relatif à la RPDC, n’a jamais vraiment formulé de stratégie concluante concernant la Corée du Nord, et n’a même pas d’envoyé spécial à plein temps.

Cela ressemble beaucoup, et fait penser à la politique de « patience stratégique » de l’administration Obama, mais avec nettement moins de clarté et de pertinence.

Oui, l’administration Biden veut parler à la Corée du Nord, mais uniquement de la dénucléarisation complète, et sans aucune indication des conditions ou des concessions que l’une ou l’autre partie devrait envisager dans une négociation. Pas étonnant que Pyongyang semble se désintéresser de la diplomatie.

Tout cela crée un bouillon de sorcières dans lequel seuls les problèmes peuvent mijoter. En l’absence de tout allègement des sanctions, la Corée du Nord continuera de développer son arsenal d’armes nucléaires et sa technologie des missiles. Si elle ne peut obtenir aucun allègement, elle vendra très probablement toute la technologie militaire dont elle dispose au plus offrant, comme elle l’a clairement fait avec l’Iran.

On dirait que le vieux cycle des provocations de la Corée du Nord, suivi des appels à plus de sanctions de la part de Washington et des appels à des pourparlers sans aucune clarté sur ce que sera notre avenir, recommence. Mais est-ce que quelqu’un y prête vraiment attention, et quand on le fera, sera-t-il trop tard ?

Le leader nord-coréen Kim Jong-un lors d’un tir d’essai d’un nouveau système d’armement (Photo transmise par l’agence de presse officielle KCNA le 17 avril 2022.© Korean Central News Agency (KCNA) via KNS, AFP)

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