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77 ème chronique de la Macronésie

CM77 - Réchauffement +2°C : dernière chance

par Dr Bruno Bourgeon

vendredi 12 octobre 2018, par JMT

2 °C cela paraît si peu. Sauf que 2°C d’augmentation moyenne de la température terrestre quand celle-ci est de 15°C , ça commence à être moins négligeable.

Et quand on comprend que cette moyenne planétaire recouvre des situations variées allant de la baisse de cette température moyenne à une hausse pouvant atteindre voire dépasser localement 8 à 10°C , notamment dans les zones polaires, ce n’est plus du tout négligeable. Et quand on sait que ces zones polaires comportent des sols gelés contenant des milliards de tonnes de gaz méthane immobilisé par la glace d’eau, gaz 23 fois plus pénalisant que le CO2, cela devient terrifiant.

En 2015 les activités humaines produisaient 50 milliards de tonnes ( Gt d’équivalent gaz carbonique). En 2025 nous devrions en être à 55GT.
Pour rester au dessous de +2°C en 2100, il faudrait régulièrement baisser de 2025 à 2050 la production de 55Gt à 30Gt, soit le retour au début des années 1970.
Pour rester au dessous de +1,5°C en 2100, il faudrait régulièrement baisser de 2025 à 2050 la production de 55Gt à 10 Gt, soit un effort quasiment double !
Ceci tout en oubliant les rêves de croissance rapide à grands coups d’énergies fossiles dont 80% des stocks actuellement connus devraient rester sous terre pour y parvenir.

Et la Macronésie, si bavarde sur ce sujet est beaucoup moins active dans les faits (+3% d’augmentation annuelle des émissions de GES) et a depuis sa prise de pouvoir montré qu’elle n’était pas prête DANS LES FAITS, à s’engager sur la voie verte que chantent ses discours, les inscriptions budgétaires et décisions diverses les contredisant.

Réchauffement +2°C : dernière chance

« Nous nous approchons du bord du gouffre », a alerté le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), António Guterres, il y a quelques semaines.

C’est dans ce contexte d’urgence que s’ouvrira en décembre la COP24, accueillie par la Pologne. Si l’objectif de ce rendez-vous est l’adoption du « manuel » censé définir les règles concrètes des principes de l’accord de Paris, nombreux sont ceux qui espèrent qu’il sera aussi l’occasion de poser les jalons d’un relèvement de l’ambition formulée lors de la COP21.

Nous devons respecter les + 2 °C prévue par l’accord de Paris, au risque de transformer la Terre en étuve. Or, notre marge de manœuvre se réduit puisque, par rapport à l’ère préindustrielle, nous avons déjà atteint 1 degré.

Alors que le Giec vient de publier un rapport sur les conséquences de + 1,5 °C, les volontés des Etats signataires de l’accord de Paris nous conduisent vers + 3,2 °C d’ici la fin du siècle. Pire : après trois ans de stabilité, les émissions de CO2 mondiales sont reparties à la hausse en 2017 (+ 1,4 %), que ce soit en Chine (+ 1,7 %) ou en Europe (+ 1,5 %). La performance française laisse aussi à désirer : ses émissions (0,9 % des émissions mondiales) ont progressé de plus de 3 % en 2017.

Paradoxalement, celles des USA ont diminué de 0,5 %, par un déploiement massif d’énergies renouvelables et la substitution du gaz de schiste au charbon, plus émissif en CO2. En attendant 2020, date à laquelle la sortie des Américains de l’accord de Paris sera effective.

Lors des négociations de Bangkok, début septembre, les USA, le Japon et l’Australie se sont opposés à une flexibilité automatique accordée aux pays émergents sur leurs engagements de réduction des émissions, au lieu de la flexibilité au cas par cas prévue par l’accord de 2015.

Ces tensions s’avèrent de mauvais augure pour la suite des discussions d’ici la COP26 en 2020. Or le temps presse. Au rythme actuel, nous ne disposons plus que de 20 ans d’émission, et devrions tripler nos efforts de réduction d’émission de CO2 pour rester sous les 2 degrés.

Une manière de limiter nos émissions de CO2 serait d’instaurer un marché mondial qui fixe un prix du carbone élevé pour dissuader les émetteurs. « Nous pourrions rester en deçà des 2 degrés si nous maintenons le prix de la tonne de carbone entre 40 et 80 dollars en 2020, puis entre 50 et 100 en 2030 », estime Gaël Giraud, chef économiste de l’AFD, selon un rapport de mai 2017 de la Commission de haut niveau sur les prix du carbone.

Nous en sommes loin. Les pays et régions ayant mis en place de tels mécanismes ne représentent que 15 % des émissions mondiales. Et même là où un prix du CO2 existe, son niveau reste faible, sauf en Suède, pour jouer un rôle. Il reste donc beaucoup de points à régler avant d’adopter le manuel d’application de l’accord de Paris.

La Chine, en tandem avec les Etats-Unis, jouera le statu quo et, malgré le volontarisme de certains Etats européens, aucune annonce concrète n’a été formulée par l’Europe. Sa position reste fragilisée par l’incertitude sur la stratégie allemande de sortie du charbon ainsi que les voix dissidentes qui s’élèvent à l’Est, notamment chez les Polonais, hôtes de la COP24.

Bruno Bourgeon, D’après Alternatives Economiques du 08/10/2018

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PUBLICATION DANS LES MEDIAS LOCAUX

* Courrier des lecteurs de Zinfos974 du Vendredi 12 Octobre 2018 - 15:29

* Courrier des lecteurs d’ Imaz-Press Réunion publié le

* Courrier des lecteurs dans Le Quotidien de la Réunion du

Climat 2°C : mission dernière chance

Aude Martin, 08/10/2018

« Nous nous approchons du bord du gouffre », a alerté le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), António Guterres, il y a quelques semaines. C’est dans ce contexte d’urgence - illustré par les événements climatiques extrêmes de cet été - que s’ouvrira en décembre la COP24, accueillie par la Pologne. Si l’objectif principal de ce rendez-vous international est l’adoption du « manuel » censé définir les règles d’application concrètes des principes de l’accord de Paris de 2015, nombreux sont ceux qui espèrent qu’il sera aussi l’occasion de poser les premiers jalons d’un relèvement de l’ambition formulée au moment de la COP21.

Les scientifiques ne cessent de le marteler : nous devons impérativement respecter la limite des deux degrés de réchauffement du globe prévue par l’accord de Paris, au risque de transformer la Terre en étuve. Or, notre marge de manoeuvre se réduit dangereusement puisque, par rapport à l’ère préindustrielle qui sert de référence, nous avons déjà atteint un degré. Et alors que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) vient de publier un rapport sur les conséquences désastreuses d’une augmentation de 1,5 °C, les contributions volontaires présentées par les Etats signataires de l’accord de Paris nous conduisent vers une hausse des températures de 3,2 °C d’ici à la fin du siècle. Pire : après trois ans de stabilité, les émissions de CO2 mondiales sont reparties à la hausse en 2017 (+ 1,4 %), que ce soit en Chine (+ 1,7 %) ou en Europe (+ 1,5 %).

La Chine et les États-Unis en tête des émissions
Emissions de CO2 en 2016, en % du total
Source : Agence Internationale de l’Energie, OCDE

Si la France aime à se présenter comme la garante de l’accord de Paris, sa performance laisse aussi à désirer : ses émissions (0,9 % des émissions mondiales) ont progressé de plus de 3 % en 2017.

Les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté en France en 2017 pour la troisième année consécutive, alerte l’Observatoire climat-énergie, mis en place par le Réseau Action Climat et le Cler-Réseau pour la transition énergétique [1]. En 2017, avec 466,1 millions de tonnes équivalent CO2 émises, la France dépasse de 6,7 % son budget carbone tel que défini dans l’actuelle stratégie nationale bas carbone (SNBC). A voir comment le décret révisant la SNBC, attendu pour la fin de l’année, rattrapera ce retard et compensera (ou non) le cumul des émissions en excès par rapport à la trajectoire prévue.

Des négociations sous tension

Paradoxalement, celles des Etats-Unis - qui figurent sur la deuxième marche du podium des pollueurs derrière la Chine - ont diminué de 0,5 % l’an passé, grâce à un déploiement massif d’énergies renouvelables et à la substitution du gaz de schiste au charbon, plus émissif en CO2. En attendant 2020, date à laquelle la sortie des Américains de l’accord de Paris sera effective (ou annulée par son successeur, si Donald Trump n’est pas réélu à la Maison Blanche), ces derniers continuent toutefois de participer aux négociations climatiques avec une stratégie hostile, au grand dam des pays émergents.

Zoom Financement : crise au Fonds vert pour le climat

Le Fonds vert pour le climat, créé à Copenhague en 2009, est la principale source de financement fournie par les pays développés aux Etats plus vulnérables pour les aider à limiter le réchauffement climatique. Doté initialement de 10 milliards de dollars (contre seulement 8 aujourd’hui, après que les Etats-Unis ont fait savoir qu’ils ne rempliraient pas leurs engagements), le Fonds a déjà promis d’en verser 3,8 milliards pour 74 projets à travers le monde, dont 1,4 milliard est en passe d’être décaissé.

"L’heure de réabonder le Fonds - prévue après que 60 % de sa dotation aura été engagée - approche donc. Le problème ? Les Etats du Nord et du Sud, représentés à parts égales au conseil d’administration de l’institution, ne sont pas d’accord sur la manière de procéder", explique Audrey Rojkoff, responsable adjointe de la division climat à l’Agence française de développement (AFD). Le dernier conseil du Fonds s’est même soldé par la démission de son directeur exécutif. S’il faut garder en mémoire que le Fonds vert ne représente qu’une portion des 100 milliards de dollars annuels que les pays développés se sont engagés à fournir d’ici à 2020, les discussions qui se tiendront lors de son prochain conseil - à Séoul du 17 au 20 octobre - s’annoncent donc déterminantes.

Lors des négociations de Bangkok, qui se sont tenues début septembre, les Etats-Unis, l’Australie et le Japon se sont fermement opposés à ce qu’une flexibilité automatique soit accordée aux pays émergents sur leurs engagements de réduction des émissions, au lieu de la flexibilité au cas par cas prévue par l’accord de 2015. « De manière générale, le principe de différenciation entre les Etats développés - historiquement responsables du réchauffement - et les nations en développement - en forte croissance et qui disposent de moyens techniques et financiers moindres - est le principal point de blocage des négociations », regrette la directrice du programme climat de l’Iddri, Lola Vallejo. « Une problématique à laquelle vient s’ajouter celle des financements verts, incarnée par la crise récente du Fonds vert pour le climat », ajoute Yamide Dagnet, en charge des négociations climatiques au World Resources Institute (voir encadré).

Ces tensions s’avèrent de mauvais augure pour la suite des discussions qui doivent aboutir, d’ici la COP26 en 2020, au rehaussement des ambitions des Etats, selon le cycle de cinq ans prévu par l’accord de Paris. « Tout le monde savait dès la COP21 que les efforts consentis étaient insuffisants pour atteindre la cible des deux degrés, mais la philosophie de l’accord était de tolérer provisoirement cette déficience pour que tous les Etats acceptent de s’asseoir à la table des négociations, et ensuite de chercher à se rapprocher progressivement de la cible », explique Lola Vallejo. Sauf que le temps presse. Au rythme actuel, nous ne disposons plus que de vingt ans d’émissions avant d’épuiser notre budget carbone1 et devrions tripler nos efforts de réduction d’émission de CO2 pour espérer rester durablement sous la barre des deux degrés.

Le prix de la dissuasion

En application du principe pollueur-payeur, une manière de limiter nos émissions de CO2 serait d’instaurer un marché mondial qui fixe un prix du carbone assez élevé pour dissuader les principaux émetteurs. « Nous pourrions rester en deçà des deux degrés si nous maintenons le prix de la tonne de carbone entre 40 et 80 dollars en 2020, puis entre 50 et 100 en 2030 », estime Gaël Giraud, chef économiste de l’Agence française de développement (AFD), sur la base d’un rapport rendu en mai 2017 par la Commission de haut niveau sur les prix du carbone.

Nous en sommes encore loin puisque de nombreux pays n’envisagent toujours pas de tarification de leurs émissions. Les pays et régions ayant mis en place de tels mécanismes ne représentent que 15 % des émissions mondiales. Et même là où un prix du CO2 existe, son niveau reste trop faible, à de rares exceptions près comme la Suède, pour jouer un rôle décisif. Il reste donc beaucoup de points techniques à régler avant d’espérer voir adopter le manuel d’application de l’accord de Paris. Ce qui laisse peu de place aux discussions sur un potentiel relèvement de l’ambition affichée lors de sa signature à Paris.

Sur ce sujet, « la Chine, qui a agi depuis le début en tandem avec les Etats-Unis, risque de jouer le statu quo et, malgré le volontarisme de certains Etats européens, aucune annonce concrète n’a encore été formulée [par l’Europe] », indique Lola Vallejo. La position de l’Europe reste en effet fragilisée par l’incertitude planant sur la stratégie allemande de sortie du charbon ainsi que les voix dissidentes qui s’élèvent en Europe de l’Est, notamment chez les Polonais, hôtes de la COP24, qui craignent pour l’avenir de leur industrie charbonnière.

1. Le budget carbone est une mesure de la quantité maximum de gaz à effet de serre qui peut être émise dans l’atmosphère si l’on veut éviter que le réchauffement climatique ne franchisse le seuil sécuritaire de deux degrés par rapport à l’ère préindustrielle.